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Parti Socialiste : Nécessité de moderniser la « Vieille Maison »

Les échecs – électoral de 1919 (chambre « bleu horizon ») et syndical des grandes grèves de 1920 – furent en grande partie à l’origine du congrès de Tours de 1920. Les bolcheviks, sentant venue l’éventualité d’une révolution mondiale, étaient favorables à la constitution d’une avant-garde révolutionnaire dans chaque pays. Étaient donc réunies les conditions d’une scission. De plus, le congrès constata l’opposition entre une réaffirmation de la tradition socialiste française, comme l’avait établie Jean Jaurès, et une volonté révolutionnaire. Les trois-quarts des congressistes acceptèrent les 21 conditions. Ils quittèrent de facto la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) pour créer le Parti Communiste Français (SFIO-PCF)1.

Cette fracture entre communistes et socialistes eut des répercussions sur le plan syndical. En effet, l’échec de l’OPA entraîna la cassure entre la CGT et la CGT-U. La tâche était difficile pour les camarades qui avaient préféré garder la « Vieille Maison » : 20 000 adhérents seulement étaient restés. Sous la houlette de Léon Blum et de Paul Faure, la SFIO deviendrait en quelques années la force de la gauche. Son alliance avec les radicaux permit l’élection d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Cela poussa la SFIO à pratiquer, pour la première fois, le « soutien sans participation ». Jusqu’au Front populaire, la SFIO était un parti ni purement réformiste ni réellement révolutionnaire2.

 

Le Parti d’Épinay

 

« Le socialisme se fixe comme objectif le bien commun et non le profit privé. La socialisation progressive des moyens d’investissement, de production et d’échange en constitue la base. La démocratie est en effet le caractère distinctif du socialisme [...] » Telle fut la déclaration de principe adoptée, vingt ans plus tard, après la constitution du nouveau parti socialiste à Épinay en 1971.

Pour Guy Mollet, on est socialise parce qu’on naît socialiste en quelque sorte, par fidélité à sa naissance à son milieu, à un certain genre de vie, à certains souvenirs de jeunesse. Au contraire, pour la plupart des réformistes, en particulier pour Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand, si l’on est socialiste, c’est parce que l’on a choisi d’être socialiste, quelle que soit sa naissance ; c’est en vertu d’un choix délibéré, réfléchi, d’un choix du cœur et de la raison, et non d’une sorte de fatalité sociologique.

Mais il y a plus. Il existe un militantisme caractéristique tout à fait traditionnel chez les guesdistes de toujours. Guy Mollet exerçait une emprise importante sur la SFIO car il était l’incarnation du parfait militant socialiste, du vrai militant actif et dévoué. De plus, le Parti Socialiste reste pour les guesdistes un parti de militants et non un parti d’adhérents socialistes, simplement électeurs. L’anticommunisme primaire et viscéral, qui caractérisait la pensée de Guy Mollet, imprégnait toute la politique de la SFIO de l’époque. On y retrouvait tout le sectarisme doctrinal et l’opportunisme guesdiste. Cependant, Guy Mollet, qui avait pourtant fait voter communiste aux élections de 1962 puis siégé aux côtés de Waldeck Rochet, a pu incarner, avec François Mitterrand, l’ouverture à gauche. Si l’explication reste essentiellement électorale, l’opportunisme guesdiste, quelles que soient les métho­des, attache une importance prioritaire à la réussite électorale. Cette justification électorale valable pour 1962 caractérise le fait que Mollet voyait très mal le réformiste Mitterrand se présenter à l’élections présidentielle de 1965 au point de souhaiter la candidature d’Antoine Pinay, champion de la droite conservatrice et traditionnelle, aux élections, car il aurait été « un meilleur candidat de l’opposition » au gaullisme en lieu et place de François Mitterrand. Encore des manœuvres opportunistes ayant préféré l’homme de droite à celui de gauche réformiste.

Guy Mollet incarna donc, après Jules Guesde et Paul Lafargue, le guesdisme ayant régné en permanence à la SFIO de 1905 à 1971.

En 1971, le Parti Socialiste repartit sur des bases réformistes, par l’alliance de François Mitterrand avec les grandes fédérations du Nord et des Bouches du Rhône, ainsi qu’avec le socialisme révolutionnaire blanquiste de Jean-Pierre Chevènement. Il semble qu’en 1971 le guesdisme ait perdu son influence au profit du réformisme mais, en 1988, il réapparut à nouveau. Ne déclarait-on pas, après l’élection présidentielle de 1988, « Mitterrand, c’est fini » ? Puis l’opposition au courant réformiste se manifesterait à nouveau dans tout son éclat au congrès de Rennes en 1990. L’action du guesdisme au sein du Parti Socialiste est donc loin d’être terminée.

 

La maladie infantile du socialisme

 

Après la défaite cuisante de mars 1993, l’alliance objective des guesdistes et du courant proudhonien prit l’initiative et la garda, en ralliant temporairement certains réformistes mis en minorité. Cela permit, au congrès du Bourget en octobre 1993, l’élection de Michel Rocard au poste de Premier secrétaire. Il succéda ainsi à Laurent Fabius. Mais le mitterrandistes prendraient leur revanche en novembre 1994. Effectivement, au congrès de Liévin, ils permettraient l’élection d’Henri Emmanuelli au poste de Premier secrétaire. Mais ils ne purent garder le contrôle du parti. Les vieilles batailles de tendances issues du XIXe siècle n’ont pas disparu et le courant guesdiste reste toujours actif, même si les circonstances diffèrent et que des nuances importantes entre les individus successifs qui l’incarnent en modulent les effets. La leçon des oppositions entre socialistes sera-t-elle un jour tirée ? Souhaitons-le.

En tout cas, dans le rapport de force au sein du Parti Socialiste, rien ne permet de penser que les réformistes pourront garder longtemps l’initiative. Essayer de comprendre le guesdisme, c’est évidemment connaître le comportement des guesdistes, cette attitude toujours facilement identifiable aujourd’hui. Cette tendance doctrinaire risque de continuer à rester préjudiciable à l’avenir, voire au devenir, du Parti Socialiste. De plus, tout le monde doit reconnaître que, en renonçant à la révolution, on s’engage à devenir définitivement réformiste. Le retour aux affaires du Parti Socialiste en 2012 avec François Hollande, après le gouvernement de Lionel Jospin de 2002 à 2007, l’a démontré. L’attitude des frondeurs, à l’origine de l’élimination du Parti Socialiste dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, montre qu’il faille extirper le guesdisme du Parti Socialiste et l’empêcher absolument de refaire surface.

 

Pour un socialisme du XXIe siècle3

 

On peut espérer que, dans tous les pays d’Europe, les socialistes réformistes et les sociaux-démocrates sauront enfin tirer les leçons de l’Histoire et ne sombreront pas dans les mêmes erreurs face à un capitalisme sournois et capable d’adaptation sous la forme du libéralisme moderne et de la mondialisation tout en restant cependant victime d’une maladie chronique : la crise. Cette droite capitaliste n’est pas du tout affaiblie, surtout après s’être offert la majorité sur le plan régional, puisque le Parti Socialiste n’a pas du tout su faire confiance à ses alliés de gauche – les Verts et les communistes – déjà fragilisés au profit de l’extrême gauche. Or, l’extrême gauche ne vote généralement socialiste que par un « ralliement de mauvaise humeur ». Que peut maintenant faire le Parti Socialiste qui ne dispose plus, on l’a vu lors des dernières élections, de réserve de voix suffisantes auprès de ses partenaires de gauche ?

Si l’on se penche sur les dernières défaites électorales du Parti Socialiste, on constatera néanmoins que, en dépit de toutes ces lacunes, la gauche s’est globalement bien défendue. Le ralliement de Jean-Luc Mélenchon à Benoît Hamon, ou vice-versa, aurait permis à la gauche de franchir au moins le cap du premier tour de l’élection présidentielle de 2017. La gauche aurait seulement dû souder ses rangs, éviter l’éparpillement de voix en se rassemblant davantage. Cela laisse supposer que les dernières défaites sont surtout le fruit amer de l’inconscience et du manque de solidarité, voire de pragmatisme, dans les batailles.

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

 

1 Le 25 décembre 1920, les socialistes français se réunirent à Tours pour leur dix-huitième Congrès. Celui-ci s’acheva, cinq jours plus tard, sur la division du mouvement. Tandis qu’une minorité de congressistes reste fidèle à la SFIO, issue de la IIe Internationale, la majorité fonda un nouveau mouvement, la section française de l’Internationale Communiste (SFIC), ancêtre du Parti communiste français.

2 Cf. l’analyse de Léon Blum sur la distinction entre « conquête du pouvoir » et « exercice du pouvoir » temporaire.

3Lire Socialisme : un combat permanent. Vol. 1 – Naissance et réalités du socialisme.


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4 réactions à cet article    


  • rogal 10 mai 2017 20:00

    Pourquoi le PS, parti des sociaux-traîtres, devrait-il être réanimé, alors qu’une métempsychose est en cours avec FI ?


    • epicure 11 mai 2017 00:56

      C’est hollande qui a provoqué la débâcle des présidentielles, avec sa politique du renoncement, de la trahison.
      Les frondeurs ont défendu l’orientation socialiste du parti socialiste. Et cela a été le choix de la primaire , en gros.
      Le problème c’est que hamon a été prit en sandwich entre mélenchon et macron, tiraillant les deux tendances de l’électorat socialiste. D’un côté les progressistes ont sanctionné les errements libéraux/droitiers de hollande/valls/macron et du PS qui a suivit , de l’autre les centristes, les libéraux ont préféré voter pour un programme libéral,/centriste avec macron au vu du résultat des primaires.

      Au vu des positions guedistes, anti-réformistes et antibourgeoises , j’ai du mal à voir l’influence du guesdisme au sein du PS après 1983.


      • Charlotte Mondo 11 mai 2017 07:21

        @epicure

        La marque du guesdisme, plus un comportement qu’une idéologie, subsiste encore au sein du PS. Frondeurs avons-nous dit ? Minoritaires, certes, mais les guesdistes ne cessent d’appliquer à la politique la lutte de classe la plus absolue, en divisant la société française en deux grandes classes ennemies : la bourgeoisie et le prolétariat. Une vision tout à fait manichéenne, voire vieillotte. Le sectarisme pousse donc les guesdistes à rester méfiants à l’égard de divers mouvements et partis de gauche qu’ils considèrent comme bourgeois, même s’ils peuvent occasionnellement être alliés du PS. Sectarisme dû au soi-disant pureté doctrinale.

        En tout cas, ce n’est pas l’attentisme stérile qui les caractérise qui ressuscitera les batailles révolutionnaires. Le « grand soir » ne restera qu’un mythe, et il est difficile de courir après un « mythe errant »...

        D’ailleurs, si Benoît Hamon a été désigné candidat du PS, c’est parce que la primaire était ouverte. Les guesdistes seront difficilement majoritaires au sein du PS, mais ils retarderont sans cesse la modernisation de la « Vieille Maison ».


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