Pénalité transformée contre la droite
Il fallait bien avant-hier soir une sacrée dose de mauvaise foi pour ne pas reconnaître le net succès de la gauche aux élections municipales et cantonales. En service commandé sur les plateaux TV, Valérie Pécresse se sera pourtant bornée à pointer “le silence des urnes” en référence au taux record de l’abstention. Tout aussi mauvais perdant, Xavier Bertrand, tel un assureur qui cherche à minimiser un sinistre qu’il sera amené à dédommager, a déplacé le problème préférant parler d’un PS “qui a un nouveau candidat par jour, plutôt qu’une idée par jour”. A l’inverse, Laurent Fabius a estimé en relevant “que de bons maires n’ont pas été réélus” qu’il s’agit d’une sévère sanction contre la droite.
Pas besoin de s’attarder sur le constat. Les leaders de droite ont beau parler, dans un bel exercice de méthode Coué, de simple rééquilibrage, tout un chacun, localement, peut constater la victoire de la gauche. Seul Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée, a officiellement reconnu les choses : “Oui, ce soir, c’est un soir de défaite”, “C’est la conjugaison des impatients et des mécontents.” Dans le même sens, et c’est plus surprenant, Le Figaro, sous la plume d’Etienne Mougeotte qui revendique son positionnement à droite admet les faits : “Le second tour a donc confirmé le premier. Qu’on tourne ou qu’on retourne les résultats de ces élections municipales : le Parti socialiste et l’opposition ont gagné le premier scrutin intermédiaire depuis l’élection de Nicolas Sarkozy”.
Comme le titre Le Monde, le PS est désormais le premier pouvoir local. Un sérieux contre-pouvoir en fait au Sarkozysme. En moins d’un an, le vent a changé de sens. Nicolas Sarkozy semble avoir perdu son assise populaire même si la plus mauvaise nouvelle est celle du triomphe de l’abstention. “Il faudra du temps, de la dextérité et surtout des résultats, plus que des effets d’image, pour recouvrer la confiance gâchée en dix mois”, relève Michel Urvoy dans Ouest-France. Le désenchantement est réel. Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement qui devrait être récompensé par un maroquin pour avoir repris la ville du Puy-en-Velay, estime pour sa part que la clé de lecture du scrutin n’est pas un remaniement, mais la difficulté à obtenir des résultats tangibles dans la vie des Français. La droite paye ce que certains éditorialistes ont baptisé, “la facture du rêve”, celle d’un miracle rapide.
Selon les camps, la solution varie. A droite, tel Etienne Mougeotte, on en appelle à accélérer la machine à réformes, à tenir le cap : “il faut incontestablement accélérer le rythme du changement. On ne contestera pas la méthode choisie, car la concertation avec les partenaires sociaux est jusqu’ici réussie (...) Il faut donc bien, ici et maintenant, aller plus vite et plus fort dans la voie du changement”. A l’opposé, Pierre Laurent dans L’Humanité appelle à l’impossible : un changement de cap. Plus objectivement, Erik Izraelewicz de La Tribune voit une demande de lisibilité. (...) “ce vote est aussi un appel à clarification, en matière de politique économique et sociale notamment (...) Entre l’offre ou la demande, l’investissement ou la consommation, un certain libéralisme ou un volontarisme traditionnel, bref, entre la stratégie dessinée par Jacques Attali ou celle préconisée par Henri Guaino, Nicolas Sarkozy va devoir clarifier ses choix”.
Un sentiment partagé par Gérard Noël de La Liberté de l’Est qui perçoit François Bayrou comme le grand perdant du scrutin “Battu à Pau, sa stratégie illisible dans l’Hexagone en fait l’autre victime du jour. Plus que jamais, il est devenu un homme seul.” Le PS n’est pas mieux logé. “Pour le Parti socialiste, la difficulté reste entière de transformer un jour en succès national la répétition de ses bonnes fortunes régionale, départementale et municipale ”, écrit Marc Chevanche dans Nice-Matin. Un peu court, Laurent Joffrin de Libération estime (qu’) “Il ne manque, au fond, qu’une seule chose à cette gauche devenue pour l’essentiel réformiste : des projets de réforme.” C’est omettre le problème essentiel du leadership.
De façon décalée, Martine Aubry, emportée par sa victoire à Lille a déclaré “il est urgent de dire nous”. Certes, mais après avoir désigné un chef susceptible de rallier à son panache blanc toutes les sensibilités et de diriger l’élaboration d’un programme. Le PS, comme le faisait remarquer Arnaud Montebourg est un champion récurrent de Ligue 2, mais ne parvient pas à accéder en Ligue 1. Xavier Panon de La Montagne relève que “paradoxalement, la victoire du PS ne lui rend pas la tâche plus facile. Certes, pour donner une perspective à son omnipotence territoriale, il s’est érigé en protecteur des Français et il promet de transformer le vote sanction en vote d’avenir. Ce défi s’annonce plutôt délicat (...)” Une victoire qui constitue également une charge selon Jacques Guyon de La Charente libre “Quant au PS, il se retrouve avec des responsabilités accrues face à des électeurs dont ils auraient grand tort de croire qu’ils lui ont donné un blanc-seing. Il va devoir, comme l’a dit Elizabeth Guigou, ’construire une alternative’.”
Une analyse que rejoint Jules Clauwaert de Nord-Eclair “Si les leaders socialistes, de leur côté, n’ont pas manqué dès hier soir d’exploiter la situation, et de souligner qu’il serait dangereux pour tout gouvernement de ne pas tenir compte de ce coup de semonce, ils ont actuellement intérêt à ne pas chercher à pousser trop loin leur avantage. Ils n’ont plus de preuves à faire sur leur capacité de gérer des communes, des départements, des régions. Mais, s’agissant de prendre éventuellement la charge des affaires de la France, dans une conjoncture internationale à maints égards inquiétante, ils ne semblent toujours pas pressés de s’accorder sur un programme commun ni de se présenter en équipe cohérente.”
Le nez dans le guidon des élections, la classe politique française devrait relever la tête et observer avec plus d’attention la conjoncture financière internationale dont nous sommes si dépendants. Or, de ce côté, les nuages s’amoncellent et ont viré du gris au noir. Un mauvais présage de sueur et de larmes qui ne sera toléré par les Français que si Nicolas Sarkozy rajoute un ingrédient qui a grandement fait défaut : l’équité dans les efforts demandés. L’abstention et les bons scores réalisés par l’extrême gauche témoignent d’une forte demande en ce sens.
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