Pornographie politique contre débats d’idées
Seul l’avenir nous dira si 2012 sera l’année du retour de la gauche au pouvoir, mais il y a une chose dont nous pouvons déjà être certains, cette année aura marqué l’arrivée de la politique sur les réseaux sociaux.
Hélas, sur le Net, il en est de la politique comme de la sexualité et de la liberté d’expression, l’outil y est souvent dévoyé et toute approche en subtilité est noyée sous la masse de données grossières et racoleuses.
Parce qu’il faut bien reconnaître une chose : si certains sites sont utiles pour faire circuler des informations, leur conception même empêche tout ce qui fait l’intérêt d’une discussion politique, à savoir, le débat contradictoire. Alors que les Tweets sont limités à cent quarante signes et que Facebook ne permet pas les retours à la ligne dans les commentaires, il faut bien nous rendre à l’évidence. Afficher ses choix politiques sur son mur ou dans ses Tweets revient à déclarer : « Je suis de droite (ou je suis de gauche) et je vous emmerde. » On est quand même loin de la discussion passionnée entre potes qui refont le monde.
C’est d’autant plus étrange qu’en France, la politique est rarement un sujet abordé entre amis. On sait à quel point parler des élections peut gâcher un repas de famille ou même plomber l’ambiance entre copains, alors, pourquoi le fait-on sur les réseaux sociaux ? Parce que c’est à la mode et parce que derrière notre écran, nous ne voyons pas à quel point nos commentaires peuvent blesser ceux qui ne sont pas du même bord que nous. Bref, sur internet, on crie « Vive Sarkozy » ou « Hollande Président » comme on mate un porno, seul et bien à l’abri dans le monde virtuel.
À partir de là, tous les coups sont permis, toutes les perversités sont tolérées. Des informations exactes, mais sorties de leur contexte, aux mensonges les plus infamants, il n’y a pas de limites à ce qui peut-être publié sur la toile. On ne s’adresse plus à l’intelligence de nos amis, ni même à leurs émotions, on brandit un slogan pour montrer qu’on appartient à un groupe ; un peu comme on entrerait « triolisme » ou « sex toys » sur un site de vidéos pornographiques. On se reconnaît entre nous et on se rassure à l’idée que nous ne sommes pas seuls, alors qu’à cet instant précis justement, nous le sommes.
Mais si après tout, Internet a permis à certaines personnes de s’épanouir sexuellement, pourquoi n’en serait-il pas de même sur le plan politique ? À cause du format tout simplement. Si les sites érotiques ont pu profiter d’une bande passante toujours plus rapide et d’un espace de stockage toujours plus conséquent, les réseaux sociaux limitent volontairement la quantité de données facilement transmissibles. Autrement dit : on n’apprendra pas à mieux utiliser Facebook ou Twitter pour mieux débattre, parce que ces sites ne sont pas faits pour ça.
Personnellement, j’adore parler de politique, y compris avec des amis de droite (si, si, j’en ai…) et c’est pourquoi je n’ai pas publié d’appel à voter pour Mélenchon sur mon mur Facebookien ou sur Twitter ; j’ai trop peur de réaliser un jour que les seuls amis qui restent dans mon réseau sont ceux qui pensent comme moi. Ce jour-là, les politiciens n’auront même plus besoin de chercher à nous convaincre, nos amis s’en chargeront pour eux ; et si nous n’y prenons pas garde, ce jour-là, ça pourrait bien être en 2012.
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