« Il y a deux voies pour le prophète : ou annoncer un avenir
conforme au passé, ou se tromper. »
Remy de Gourmont - Promenades
philosophiques
Le quinquennat est terminé. Certes, il va encore courir sur son erre, trébucher sur les élections sénatoriales, entrer en crise avec la survenance en interne d’un véritable « Procès de Riom » destiné à purger la majorité présidentielle (ou ce qu’il en reste) de ses éléments désormais faillis qui auront politiquement succombé à l’issue du second tour de ces Elections régionales des 14 et 21 mars 2010 à l’occasion desquelles Les Français auront désigné leurs conseillers régionaux pour quatre ans, dernier grand rendez-vous électoral avant la présidentielle de 2012.
Nul doute en effet que certains collaborateurs seront jetés dans le bassin aux murènes.Mais il n’est pas non plus impossible que, soucieux de protéger leurs arrières comme leurs bases électorales, certains compagnons de route décident de pousser plus avant leur souhait de « chiraquiser » à leur tour un chef désormais diminué et auquel la consultation électorale qui s’achève vient tout simplement de retirer toute légitimité politique.
Les résultats des Régionales, outre qu’ils signent de manière anticipée la fin du quinquennat en imprimant à mi-mandat une marque de consultation électorale de dimension nationale au paysage politique français, viennent tout simplement de mettre en place - compliquant ainsi la donne peut-être jusqu’à 2012 -, une véritable cohabitation entre deux partis de gouvernement : le premier, l’UMP, en perte de vitesse avant son décrochage probable, le second, le PS, avec des aspirations à un retour aux affaires que la réalité politique, économique et sociale pourrait bien rendre problématique malgré les apparences. En effet rien n’est encore joué dans la mesure où le PS et l’UMP vont désormais devoir prendre en compte l’existence de leurs nouveaux acolytes apparus dans l’équation politique avec le rassemblement d’Europe Ecologie d’un côté et du Front national de l’autre.
Mais le véritable enseignement de ce résultat est ailleurs, dans la survenance d’une géométrie qui pourrait bien transcender les cris de victoire et les projets de tous ces coelacanthes politiques aux logiques partidaires déracinées qui ont perdu tout contact avec le monde actuel et qui ont vocation à rejoindre inéluctablement au Muséum national d’Histoire naturelle les espèces naturalisées et disparues de la Grande Galerie de l’Evolution.
Cette nouvelle géométrie, qui manifeste l’aspiration à une nouvelle dynamique de renouvellement politique, économique et social, désireuse de couper avec « le monde d’hier », dispose en effet de troupes fraîches, réfléchies, intelligentes, parfaitement conscientes de ce dont elles ne veulent plus, qui n’ont pas encore donné et qui pourraient bien bouleverser les calculs et espérances des fossiles politiques qui encombrent encore le paysage politique d’ici la présidentielle de 2012.
Un nouveau parti politique vient en effet de naître, identifié, certes, mais aux contours et à la composition jusqu’alors incertains.
Ce parti, dont la spécificité tient au fait qu’il n’a pas encore de chef mais qui compte 21 148 548 membres face à 22 206 420 votants qui auront exprimé 21 192 866 suffrages sur 43 354 968 électeurs inscrits, c’est celui de « l’émeute silencieuse », comme l’écrit Pierre Bourdieu, repris en cela par Henry Lauret dans le numéro de l’hebdomadaire le nouvel Economiste, daté du jeudi 18 mars 2010.
Ce parti, c’est celui des 21 148 548 abstentionnistes (48,78% des électeurs inscrits) qui ramènent à sa véritable dimension le résultat du scrutin du 21 mars 2010.
Ce parti est un parti politique bien réel, conscient de son existence, qui aura signifié son congé à une droite désormais délégitimée tout en rappelant discrètement à la gauche aujourd’hui victorieuse qu’elle ne saurait pour autant disposer d’un chèque en blanc pour l’avenir.
Ce parti, c’est celui qui vient brusquement de dégager l’horizon politique.
C’est qu’en effet l’abstentionnisme qui aura marqué ces élections ouvre aujourd’hui un immense boulevard politique à celui qui saura inviter à le rejoindre tous ceux qui - au nombre de 21 148 548 électeurs - sans oublier les 1 013 554 bulletins blancs ou nuls - ne se reconnaissent plus dans cette dichotomie politique désormais obsolète et qui aimeraient bien pouvoir choisir autre chose à boire que les deux marques de sodas tièdes, trop sucrés et éventés qu’on leur propose depuis trop d’années.
Ce parti - capable de transcender les aspirations de chacun dans une forme politique nouvelle, décloisonnée, inédite, en prise sur le XXI è siècle, véritable biodiversité sociale, culturelle, économique, politique, en phase avec les aspirations d’un « travailler mieux pour vivre mieux » plutôt que celles d’un autre slogan irrémédiablement failli,- ce parti, dont la vocation est de transcender les vieilles cultures politiques disqualifiées par la stérilité des jeux de pouvoirs , c’est celui de la Grande alliance.
Résultats des élections Régionales 2010
FRANCE ENTIERE
Nombre de siège(s) à pourvoir : 1880
RESULTATS 2nd TOUR
Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 43 354 968
Abstentions 21 148 548 48,78
Votants 22 206 420 51,22
Blancs ou nuls 1 013 554 2,34 4,56
Exprimés 21 192 866 48,88 95,44
Source :
http://elections.interieur.gouv.fr/FE.html
Bonnes feuilles :
Revue Esprit Mars/avril 2010
L’État de Nicolas Sarkozy
Comment le président transforme la Ve République
La faiblesse de l’opposition et le trouble du clivage gauche-droite
L’antisarkozysme qui n’ose pas se dire
Un retour de l’Etat en trompe l’oeil
Sécurité, sûreté : mutation du droit, oubli des libertés
Police, justice, insertion : un nouveau paysage institutionnel
Les chantiers territoriaux et le rôle du pouvoir local
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