Renaud Muselier claque la porte du parti Les Républicains
« À l’intérieur de notre famille politique, il n’y a plus cette ligne rouge. C’est une faute morale. » (Renaud Muselier, le 24 novembre 2021 sur LCI).
C’était inéluctable et on se demandait d’ailleurs pourquoi il ne l’avait pas fait avant : « C’est un moment important. (…) J’ai grandi dans le RPR, sous Jacques Chirac. J’étais membre fondateur de l’UMP, membre fondateur de LR. J’ai fait dix-neuf combats. J’en ai gagné dix-sept. (…) Mais je ne m’y retrouve plus. ». Renaud Muselier a annoncé ce matin du mercredi 24 novembre 2021 sur LCI, dans un entretien avec Élizabeth Martichoux, qu’il quittait son parti Les Républicains, lui qui s’était engagé dès l’âge de 17 ans au RPR et dont le grand-père Émile Muselier fut un grand résistant, vice-amiral des FFI, proche de De Gaulle, tout comme son père, également résistant, Maurice Muselier déporté à Dachau.
Dès le début de sa campagne aux régionales, c’était clair sur le divorce entre LR et Renaud Muselier qui avait réussi, après un psychodrame de LR qui n’a pas valorisé les dirigeants de ce parti, à former une liste soutenue à la fois par LR et par LREM (le Premier Ministre Jean Castex lui avait assuré de son soutien). Mais la décision finale, la goutte qui a fait déborder le vase, l’incident de trop, c’est quand, la veille, Renaud Muselier a apporté son soutien à Xavier Bertrand dans "Le Parisien" et que ce dernier a vigoureusement rejeté ce soutien, sous prétexte qu’il avait critiqué Éric Ciotti, un camarade de parti (tout récent, puisque Xavier Bertrand s’est réinscrit à LR il y a un mois). En guise de rassemblement, Xavier Bertrand semble favoriser les forces centrifuges.
Soyons clair : en quittant Les Républicains, l’ancien dauphin déçu de Jean-Claude Gaudin ne fait que constater les dérives droitières voire extrémistes de tous les candidats LR à l’investiture. Les trois premiers débats l’ont confirmé, c’est une fuite en avant extrémiste à en avoir la nausée, des candidats qui prennent pour boussole Éric Zemmour comme seul guide idéologique, avec des surenchères qui provoquent des propos vraiment stupides.
Avec Hubert Falco, maire de Toulon, Christian Estrosi, qui n’a pas la réputation d’être un homme de gauche ni même du centre, avait déjà lâché il y a quelques mois (le 5 mai 2021) ce parti qui risque de devenir un groupuscule d’extrême droite couplé d’un syndicat (important) d’élus locaux (très honorables). On dit que le Président Emmanuel Macron veut faire du débauchage de la droite, mais la situation est tout autre : les candidats LR pêchant dans les eaux troubles de l’ultradroite, il est normal que les gens de droite et du centre cherchent un autre navire qui les ramènerait dans les voies de la responsabilité et des valeurs républicaines. Au contraire, heureusement qu’Emmanuel Macron était là ! Lorsque Nicolas Sarkozy a tenté de faire son extrémiste, en 2012, il n’y avait aucune échappatoire, si ce n’était François Bayrou mais celui-ci était trop détesté par la droite pour devenir un point de ralliement.
Le départ de Renaud Muselier, somme toute, a les mêmes raisons que le départ de LR de Xavier Bertrand et de Valérie Pécresse au moment où Laurent Wauquiez est devenu président de LR. Ces deux candidats, ainsi que Michel Barnier, sont tombés dans une sorte de marais d’ultradroite qu’ils auront du mal à sortir, ils ont été en quelque sorte zemmourisés sur le champ, polarisés par des sujets qui, s’ils sont importants (personne n’en disconvient), immigration et sécurité, qui sont deux sujets distincts, n’en sont pas les deux seules préoccupations de Français qui ont aussi des soucis autres : pouvoir d’achat, emploi, logement, éducation et formation, sans compter les deux sujets de préoccupation majeurs, un à court et moyen termes et l’autre à moyen et long termes : la pandémie de covid-19 et le bouleversement climatique. Dans l’avenir, on parlera longuement de cet obsessionnel aveuglément des candidats LR ; des politologues, des historiens, des sociologues se pencheront inévitablement sur cette époque folle.
Renaud Muselier (62 ans) a eu une carrière politique traditionnelle : encarté au RPR à sa création en 1976, il est à l’origine médecin du sport, ancien champion ou vice-champion de karaté et de rugby. Conseiller général des Bouches-du-Rhône de 1992 à 1995, député de 1993 à 2012 (sauf quand il était au gouvernement), premier adjoint au maire de Marseille de 1995 à 2008, vice-président puis premier vice-président de la communauté urbaine de Marseille depuis 2001, président d’Euroméditerranée de 1995 à 2008, conseiller régional de PACA de 2004 à 2007, il fut nommé Secrétaire d’État aux Affaires étrangères du 17 juin 2002 au 31 mai 2005 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin.
Puis il a été président du conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée de 2009 à 2013, président de l’Institut du monde arabe (IMA) de 2011 à 2013, président de l’Agence français de développement (AFD) de 2007 à 2013, député européen de 2014 à 2019. En 1999, il s’est porté candidat à la présidence du RPR contre Jean-Paul Delevoye (soutenu par Jacques Chirac), François Fillon et Michèle Alliot-Marie (qui a gagné), mais s’est retiré bien avant le vote.
"L’affaire de sa vie", pour celui qui rêvait de devenir maire de Marseille et qui n’a jamais postulé pour cela, c’est le conseil régional de PACA. Le 18 décembre 2015, Renaud Muselier fut élu président délégué du conseil régional (numéro 2) et depuis le 15 mai 2017, consécration, il est président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur après le retour de Christian Estrosi à la mairie de Nice. Il le fut d’abord par intérim, puis confirmé le 29 mai 2017, enfin réélu pleinement le 2 juillet 2021 après avoir mené lui-même les listes LR-LREM. Il était en outre président des Régions de France (président des présidents de conseils régionaux) du 6 novembre 2019 au 9 juillet 2021.
Beaucoup de "grands élus locaux" sont désorientés par la dérive extrémiste et populiste des candidats LR. Ils ne souhaitent pas forcément s’enrôler dans les troupes d’Emmanuel Macron. Édouard Philippe a donc eu raison d’avoir fondé son parti Horizons qui tente de rassembler ces élus et cet électorat avant qu’ils ne basculent définitivement dans l’indifférence sinon l’abstention.
Il n’y avait encore eu aucune réaction depuis le début de la campagne interne ultradroitière des candidats LR. La démission de Renaud Muselier est la première, et il est possible qu’il soit suivi. L’élection de Laurent Wauquiez (qui n’a pas duré longtemps) et le choix de François-Xavier Bellamy pour mener la liste LR aux élections européennes de mai 2019 ont déjà initié le mouvement. À partir du moment où tous les candidats LR défendent la même idéologie, le candidat le plus crédible, car il a le mérite de la constance, c’est bien sûr Éric Ciotti qui revendique le programme de François Fillon de 2017. Il a d’ailleurs annoncé à Jean-Jacques Bourdin le 24 novembre 2021 sur BFM-TV qu’élu Président de la République, il nommerait Premier Ministre Laurent Wauquiez…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.
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