Révolution électorale au Royaume-Uni ?
Pour la première fois depuis 1975, les électeurs britanniques vont êtres appelés aux urnes dans le cadre d'un référendum national. Le scrutin, qui aura lieu le 5 mai prochain, porte sur le mode de scrutin des élections législatives, qui désignent les députés de la Chambre des Communes, organe fort du Parlement britannique bicaméral. Les électeurs britanniques seront amenés à se prononcer sur l'abandon du système "First past the post" actuellement en vigueur, pour le système dit "alternatif".
First past the post ou vote alternatif ? A l'instar du système français, les députés britanniques représentent les circonscriptions dont ils sont issus. Aujourd'hui, le candidat ayant obtenu le plus de voix au premier tour est élu, peu importe qu'il obtienne 25, 40 ou 18% (voir schéma). C'est le système basique, le scrutin uninominal majoritaire à un tour, dit "first past the post".
Le système alternatif est quant à lui diablement complexe. Chaque électeur classe les différents candidats par ordre de préférence. On regarde en premier lieu les premiers choix. Si un candidat A obtient plus de 50% des premiers choix, il est élu. Sinon, le candidat ayant obtenu le moins de premier choix est éliminé. On examine alors les deuxièmes choix des électeurs ayant voté en premier choix pour le candidat éliminé. Si le candidat A est en tête, les suffrages exprimés du candidat éliminé se reportent sur le candidat A. L'opération est répétée jusqu'à ce qu'un candidat obtienne plus de 50% des voix. Si ces explications vous paraissent obscures, ce schéma devrait vous ouvrir les yeux.
Un dilemne délicat La remise en question du système First past the post est à l'origine de la tenue du référendum. En effet, le mode de scrutin est remis en cause car il a pour conséquence de favoriser le bipartisme et d'empêcher une représentation équitable de toutes les tendances politiques au Parlement. En effet, à l'image du Front National en France, un parti réunissant 12-15% des suffrages à l'échelle nationale peut se retrouver sans représentant au Parlement si il ne parvient jamais à se hisser en tête dans une circonscription.
A l'inverse, le vote alternatif induit une meilleure représentation des partis minoritaires au Parlement. Il permet de mieux transcrire les voeux des électeurs dans la composition du corps parlementaire et d'induire indirectement une dose de proportionelle dans le scrutin législatif.
Mais le vote alternatif est une véritable usine à gaz dont la complexité pourrait entamer la confiance des citoyens dans leur système politique. A l'inverse, le "First past the post" possède l'avantage d'être extrêmement simple et ne laisse guère la part aux calculs politiques, qui deviendraient monnaie courante avec l'adoption du vote alternatif.
En outre, les Britanniques restent profondément attachés au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Pour preuve, le mois dernier, un collectif de 25 historiens emmenés par Niall Ferguson et Andrew Roberts a signé dans le Times une tribune virulente contre le vote alternatif, exprimant son attachement au First past the post.
Clegg à l'origine du scrutin Les conservateurs du premier ministre David Cameron soutiennent le "non" au projet. Ils ont malgré tout accepté la tenue du réferundum, condition sinéquanone à la participation des LibDems de Nick Clegg à la coalition gouvernementale (voir mon article : Cameron, un eurosceptique à Downing Street). Le vice-premier ministre britannique est un effet le principal partisan du oui, et il est à l'origine de la tenue du scrutin. Même si il reproche au projet de ne pas aller assez loin, Clegg mène la campagne avec aprêté. A ceux qui pointent la complexité du système, Clegg rétorque que c'est aussi simple que 1, 2 et 3. Tout ce que vous avez à faire est d'inscrire le numéro 1 devant le candidat que vous voulez voir gagner, le 2 sur votre deuxième favori, le 3 sur le troisième, etc.
Il faut en revanche préciser que la positon de Clegg n'est pas sans arrière pensée. Aux législatives de 2010, si le système avait été mis en place, les LibDems auraient obtenu 22 sièges supplémentaires. Cela aurait permis à Clegg de faire pression à la fois sur Cameron et sur Brown puisque les LibDems auraient été en capacité d'offrir aux conservateurs comme aux travaillistes la majorité absolue.
Si le oui venait à l'emporter, les LibDems viendraient affirmer leur place sur l'échiquier politique britannique et pourraient se poser en troisième voie durable d'un système politique jusqu'ici régi par un bipartisme hégémonique. De plus, Norman Smith, correspondant politique à la BBC souligne que le référendum donne à Nick Clegg l'occasion de faire campagne contre les conservateurs et ainsi de souligner l'indépendance de son parti et de montrer aux partisans inquiets qu'il n'est pas devenu une annexe du Parti conservateur.
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