« Royal » ou le retour du refoulé français
Il n’est pas utile d’être un sémiologue distingué pour remarquer la drôle de parenté entre le patronyme de la préférée des sondages à l’élection présidentielle et le rapport historique singulier qu’ont les Français avec la monarchie.
C’est la France qui, avec Clovis et la fameuse ampoule du Saint Chrême, inventa le pouvoir divin du roi. Une colombe serait apparue lors de la consécration de l’ancien païen converti au catholicisme. Ensuite, le roi était supposé être de droit divin, et avait même le pouvoir de guérir les écrouelles au sortir de son sacre, maladie de peau dont on sait à présent qu’elle était psychosomatique. Puis le roi devint absolu, point d’orgue de la monarchie. Comment s’étonner qu’après cette centralisation unique dans l’histoire, dans le pouvoir et dans les âmes, les Français eurent le désir de s’affranchir de ce régime qui supposait l’infaillibilité, dès lors que le roi montrait une faiblesse ? En effet, le pouvoir divin du roi ne se partage pas. Soit il est entier, soit il s’agit d’une supercherie, et on y met fin. La Révolution choisit donc de suppléer au pouvoir divin du roi par celui, collectif, du peuple. Dès lors, quelque jugement que l’on porte sur la personnalité de Louis XVI, le peuple et les députés qui le représentaient n’avaient guère qu’une solution. Mettre le roi à mort, c’est-à-dire éteindre le symbole qu’il représentait.
Mais les violences, individuelles ou collectives, sont souvent à l’origine de traumatismes et des refoulements qu’ils impliquent. C’est ainsi que les vieux démons reviennent par les fenêtres : après le tsar, la Russie s’invente un Staline... Après l’empereur, la Chine se livre à Mao et après Louis XIV, la France crée Napoléon. Notre pays a toujours vécu au rythme de cette monarchie guillotinée et qui resurgit dès que l’histoire lui en donne l’occasion. Le retour du refoulé, dirait un psychanalyste. De Gaulle en fut un magnifique exemple... Notons au passage la connotation d’un tel patronyme, qui associe la noblesse à l’antique France. Depuis, la Ve République a bien des difficultés à se défaire de son comportement de « monarchie républicaine ».
La popularité de Ségolène Royal n’aurait-elle pas quelque résonance avec cette histoire ? Avec Royal, les Français se réinventent le monarque providentiel ! Sans compter que dans sa personnalité même, au-delà de son idéologie supposée socialiste, elle affiche bon nombre des archétypes typiquement français. La suite de l’histoire risque d’être moins glorieuse, car ressusciter ses vieux démons replonge souvent dans l’immaturité et l’enfance. Avec Royal, les Français, du moins ceux qui sont sondés ou qui lui affichent son soutien, voudraient se donner une reine. Mais c’est plutôt une ambition collective et une démocratie digne de ce nom qu’il nous faut.
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