Bénévolement pardi !

infirmiere.jpgIl fallait oser et une de mes consœurs (à prononcer avé l’accent marseillais) a osé ... Du coup, comme la journaliste s’est juste contentée de reproduire la réponse sans rajouter aucun commentaire ni aucune explication, ... (d’ailleurs pourquoi expliquer ?), une petite séance d’analyse de ce petit bout d’article qui ne paye pas de mine s’impose. Il met en lumière la manière dont une presse écrite complaisante emboîte le pas à une presse audiovisuelle déjà pas mal compromise.

Regarde-la donc avec ces gros sabots !

"Après les dysfonctionnements dans les hôpitaux ayant entraîné plusieurs décès, peut-on encore avoir confiance en notre système de soins ?"

Pas mal la question !
Mais celle qui viendrait spontanément à l’esprit d’un citoyen normalement constitué serait de savoir comment ces décès sont survenus et dans quelles circonstances ils ont eu lieu, avant de s’interroger sur la manière de les éviter.

Ce serait sans doute la meilleure façon de circonscrire le problème, d’entamer le débat et pourquoi pas envisager des pistes de réflexion. Mais non, la journaliste a délibérément mis l’hôpital en équation avec d’un côté « dysfonctionnements et décès » et de l’autre « confiance et système de soins » … c’est une mécanique super-bien-huilée dont il n’est même plus nécessaire d’en démontrer les ressorts, ni les multiples effets collatéraux.

D’ailleurs est-il vraiment indispensable de visionner cette vidéo de l’UMP pour comparer les questions et les réponses des uns et des autres ? Et surtout celle du fameux ou plutôt du fumeux Pr Juvin qui refait surface sans complexe malgré la polémique.

L’anesthésiste-réanimatrice de Hôpital Henri Mondor, le Dr Catherine Bertrand, aurait pu s’en tenir à un discours tenant compte de la réalité du terrain. Non, elle a préféré rejoindre celui de la majorité actuelle qui n’est en aucun cas celui de la majorité des professionnels de santé.

Ce discours est en tout cas, (du moins à ma connaissance), diamétralement opposé à celui de l’Intersyndicat National des Praticiens Hospitaliers (INPH), dont elle est la vice présidente, sinon cela vaudrait-il encore le coup pour ELLE, d’étaler cette crème qui passe de manière quasi-subliminale entre un soin antirides et un amincissant ?

En effet, Rachel Bocher, la présidente de l’INPH tient régulièrement un discours très "différent" sur « le manque de moyens » à l’hôpital. Mais ce point de vue est également opposé à celui de la majorité des urgentistes ou des anesthésistes réanimateurs que le syndicat national des praticiens hospitaliers SNPHAR (donc de sa propre spécialité) résume très bien en appelant ostensiblement tous les praticiens hospitalier à faire une grève illimitée des gardes pour justement un manque de moyens !

Comme le ridicule ne tue pas elle en profitera pour rajouter 2 ou 3 vraies fausses bonnes idées (totalement décomplexées bien sûr) dont l’évocation permet d’en mesurer l’énormité

Ce n’est pas un problème de nombre de lits, dit-elle. Effectivement dans un cas et uniquement dans ce cas, il y a eu à déplorer un problème de coordination entre le Samu et les réanimateurs de garde. Encore que ce n’est pas formellement établi, (doit-on s’en tenir aux seules versions des télés qui reprennent celles du pouvoir ?) et quand bien même cela ne doit pas occulter le manque chronique et flagrant de lits en région parisienne.

Le Dr Catherine Bertrand qui a pourtant co-écrit un livre avec une de ses consœurs du CHU d’Amiens, dont je rapporte régulièrement ici les annonces sur le manque de lits, oublie de dire que ce manque de lits dans les unités de soins intensifs fait faire aux équipes soignantes des choix cornéliens que les pouvoirs publics ne veulent ni a assumer ni justifier ouvertement ou publiquement.

Nos savons tous qu’un responsable de réanimation préférera un vendredi ou un samedi soir, garder le seul lit dont il dispose pour "un jeune" sachant qu’en moyenne, 2 à 3 d’entre eux se cracheront "bourrés" en sortie de boite et nécessiteront forcément des soins intensifs, plutôt qu’une mamie qui vient de faire son 3è AVC ou un papy qui a inauguré depuis un moment une série d’infarctus.

Scandale ? NON, les réanimateurs font régulièrement ce "triage" forcé et l’assument car s’ils ne le faisaient pas nous serions continuellement en mauvaise posture les week-end. Il arrive même qu’un médecin de garde en réanimation "fasse de la place" en début de garde. "Faire de la place", en jargon médical, est une expression pudique pour dire qu’une personne nécessitant des soins intensifs est mise dans une unité de médecine ou de chirurgie normale où elle bénéficiera forcément d’une prise en charge beaucoup moins "soutenue" qu’en réanimation. Vu le manque d’infirmières et l’absence d’un médecin réanimateur ou au moins d’un médecin sur place dans le service, ce transfert souvent nocturne est une sorte de roulette russe assumée. Terrible, mais vrai donc terriblement vrai !

Et c’est dans ce contexte que le Dr Catherine Bertrand se demande pourquoi ne pas utiliser davantage des bénévoles et par la même, pourquoi pas des infirmières à la retraite tant qu’on y est ...

Voilà donc un tabou qui tombe. Il fallait y penser : faire travailler des retraités à la retraite comme des salariés ... mais sans salaire. Donc bénévolement !

Ce serait encore mieux que de délocaliser les malades en Chine. En quelque sorte, le saint Graal dont tous les capitalistes rêvent, c’est un médecin qui en a parlé et comme cela sort de la bouche même d’un professionnel de la santé, ça ne peut être que pertinent. Mieux que si c’était un député controversé qui le disait ou si c’était imposé par le ministère. Du coup, il ne reste plus qu’à le faire. Mais ça c’est une autre affaire !

Vu le manque chronique en infirmières et surtout la minable retraite dont elles disposent, il eut été bien plus judicieux de leur proposer (du moins à celles qui le souhaitent bien sûr) de gagner plus en cumulant pension de retraite et activité salariée complémentaire (une sorte de "travailler plus pour gagner plus"). On ferait d’une pierre 2 ou même 3 coups.

Mais soyons réaliste, il ne s’agit pas là de faire venir des infirmières retraitées pour accomplir des taches administratives comme le dit le Dr Bertrand mais pour des tâches de soins, là où leur expérience pourrait judicieusement pallier les manques de certaines jeunes recrues. Car elles auraient le plus grand mal à répondre à ses taches administratives de plus en plus informatisées dans lesquelles services de soins ont été souvent plongés à leur insu. Tâches pour lesquelles elles n’ont été ni formées pas plus qu’elles ne sont au point.

Cependant, le fait même de souhaiter voir des infirmières retraitées venir renforcer les effectifs de l’hôpital et surtout aider leurs collègues débordées, n’est ce pas déjà là une façon implicite de reconnaitre le manque en personnel à l’hôpital ?

Dommage, la journaliste ne posera aucune question dans ce sens. Et puis si on le fait pour l’éducation nationale ...