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Accueil du site > Actualités > Politique > Sénatoriales 2017 (1) : état des lieux

Sénatoriales 2017 (1) : état des lieux

170 sièges de sénateurs sur les 348 sièges au total sont renouvelable ce 24 septembre 2017.

Dans quelques jours, ce dimanche 24 septembre 2017, il y aura deux élections cruciales pour l’Europe. La première, très médiatisée, ce sont les élections législatives en Allemagne, et les derniers sondages donnent une forte avance à la Chancelière sortante Angela Merkel (de la CDU) face à son (unique) concurrent (du SPD) Martin Schulz, ancien Président du Parlement Européen, malgré un démarrage en fanfare de la campagne de ce dernier. En cas de nouvelle victoire, Angela Merkel entamerait son quatrième mandat et entrerait dans les livres d’histoire à l’égale de Konrad Adenauer et Helmul Kohl, récemment disparu. Il reste encore à définir les contours de la coalition gouvernementale qu’elle mènerait, serait-ce encore la grande coalition (CDU-SPD) ou une coalition moins large comme CDU-FDP-Verts (le FDP, libéraux, ce sont les centristes qui avaient disparu du Bundestag aux dernières élections de 2013).

Mais il y a des autres élections beaucoup moins médiatisées, des élections nationales en France : le 24 septembre 2017, le Sénat est renouvelé de moitié aux cours des élections sénatoriales. Élu tous les six ans, les sénateurs ont un rôle essentiel dans la fabrication des lois et dans le contrôle du gouvernement. Parce qu’ils sont moins tributaires des modes, des sondages, et qu’ils ont plus de temps, ils peuvent approfondir certains sujets et apporter une valeur ajoutée de la raison face à une Assemblée Nationale plus tributaire du court terme et des passions populaires ou partisanes. Par exemple, ce sont les sénateurs qui avaient refusé il y a une dizaine d’années l’identification par ADN des personnes immigrées en attente de régularisation.


1. Pouvoir réviser ou pas la Constitution

L’enjeu est crucial dans ces élections sénatoriales. En effet, la question est de savoir si le Président Emmanuel Macron pourra disposer ou pas de la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en congrès, auquel cas, il pourra réviser "à sa guise" la Constitution.

Reprenons un peu d’arithmétique parlementaire. L’Assemblée Nationale, élue les 11 et 18 juin 2017, compte 577 députés. Le Sénat compte 348 sénateurs. En tout, il y a donc 925 parlementaires. Les trois cinquièmes (60%) correspondent à 555 parlementaires.

À l’Assemblée Nationale, si l’on ne tient pas compte de la démission d’un député boxeur (mis en examen pour coups et blessures le 30 août 2017 sur une personne placée en soins intensifs), le groupe LREM (La République En Marche) compte 313 députés.

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Au Sénat, avant le renouvellement et par l’action de l’ancien Président socialiste du conseil régional de Bourgogne François Patriat, un groupe LREM a été formé le 27 juin 2017 comprenant 29 sénateurs et présidé par François Patriat, pour la plupart, des sénateurs PS (comme Jean-Pierre Masseret, Alain Richard, Michel Berson, Jean-Claude Boulard, Bernard Cazeau, Bariza Khiari etc.). Jean-Baptiste Lemoyne (LR) en était également membre mais sans y siéger car nommé le 21 juin 2017 dans le second gouvernement d’Édouard Philippe. Enfin, l’ancienne ministre socialiste Nicole Bricq en était également membre jusqu'à son décès brutal au cours de l’été.

Au total, LREM n’a actuellement que 342 parlementaires totalement inféodés. Certes, Emmanuel Macron pourrait aussi compter sur des parlementaires du MoDem et certains centristes voire LR ou PS, mais certainement pas de manière inconditionnelle. En d’autres termes, pour atteindre 555 parlementaires LREM, ce parti devrait gagner 213 sièges… sur les 170 sièges renouvelables au Sénat ! C’est donc mission impossible. Par ailleurs, LREM ne s’attend pas à beaucoup de gains à ces élections et a minimisé leur médiatisation pour cette raison.


2. Qui sera le prochain Président du Sénat ?

Un autre enjeu, c’est le Plateau, autre nom pour la Présidence du Sénat. Le Président du Sénat est le deuxième personnage de l’État (devant le Premier Ministre) et en cas de vacance présidentielle, c’est lui qui assure l’intérim à l’Élysée (ce fut le cas pour Alain Poher). Il nomme aussi certains postes clefs (notamment au Conseil Constitutionnel et au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel).

Ah, justement, prenons le Conseil Constitutionnel. Comme l’une de ses membres, Nicole Belloubet, nommée le 14 mars 2013 par Jean-Pierre Bel, a été nommée Ministre de la Justice le 21 juin 2017, en remplacement de François Bayrou, il a fallu pour l’actuel Président du Sénat Gérard Larcher lui trouver un successeur.

Très habile manœuvrier, le gaulliste Gérard Larcher, qui fait évidemment campagne pour sa réélection à la tête du Sénat, avait choisi le 25 juillet 2017 l’ancien Ministre de la Justice Michel Mercier, grand élu du MoDem (ancien président du groupe Union centriste et ancien président du conseil général du Rhône pendant plus de vingt ans) pour l’installer au Conseil Constitutionnel.

La nomination de Michel Mercier était doublement habile. Ce centriste en effet avait fait la campagne présidentielle en faveur d’Emmanuel Macron. En le désignant, Gérard Larcher continuait de se montrer macron-compatible. L’autre objectif, c’était aussi d’empêcher Michel Mercier de se présenter contre lui à la Présidence du Sénat : il aurait pu en effet former une majorité, en rassemblant centristes, LREM, et une partie des LR, étant donné qu’il a été le dernier Garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy (du 14 novembre 2010 au 10 mai 2012).

L’habileté a toujours des limites : malgré la validation de sa nomination le 2 août 2017 et sa nomination officielle le 3 août 2017, Michel Mercier fut contraint dès le 8 août 2017 à renoncer au Conseil Constitutionnel en raison de l’ouverture simultanée d’une information judiciaire le concernant (pour "détournement de fonds publics", en fait, encore une histoire de collaborateur parlementaire).

Pour Gérard Larcher, qui semble ne pas vouloir procéder à une nouvelle nomination avant le renouvellement du Sénat, la neutralisation d’une possible candidature de Michel Mercier est restée cependant acquise, l’information judiciaire étant un empêchement politique de première importance.

Après la démission du Sénat de son seul véritable rival, Jean-Pierre Raffarin, qu’il avait déjà battu en 2008 et en 2014, Gérard Larcher peut en effet rester confiant sur les chances de se maintenir à la tête du Sénat, car les équilibres politiques ne devraient pas être bouleversés, au contraire de l’Assemblée Nationale.


3. Le mode de désignation des sénateurs

Le scrutin proportionnel pour le grand nombre donne une connotation très politique à ce qui est en général considéré comme l’élection des représentants des territoires. Or, la très grande majorité des grands électeurs émane des conseils municipaux. Les dernières élections municipales de mars 2014 avaient été une grande victoire pour LR (Les Républicains), ce qui laisse peu de place à une percée significative de LREM.

Au contraire du mois de juin 2017, le climat politique de septembre 2017 (comme prévu) est nettement moins favorable à Emmanuel Macron. De plus, sa volonté de supprimer 80% de la taxe d’habitation a été très mal comprise par la plupart des maires ; en effet, la taxe d’habitation est l’une des recettes communales dont les conseils municipaux sont maîtres. En supprimant cette taxe au profit de nouvelles dotations provenant de l’État (nationalisation de la fiscalité des communes), non seulement les recettes restent incertaines (l’État ne cessant au fil des années de réduire les dotations) mais réduisent la liberté de manœuvre des communes sur le plan fiscal. On doute donc que les représentants de communes élisent un raz-de-marée de sénateurs estampillés LREM.

En raison de son renouvellement par moitié, les mouvements de balancier pour le Sénat sont donc beaucoup plus atténués que pour l’Assemblée Nationale, d’autant plus que les extrêmes ont peu misé sur ses élections (FI et FN notamment) en raison de leur faible représentativité dans les conseils municipaux. Cela n’empêche pas quelques surprises où des grands électeurs "apolitiques" se portent sur certains candidats, comme ce fut le cas dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var en faisant élire deux sénateurs FN en septembre 2014 (un maire de secteur à Marseille et le maire de Fréjus), ce qui fut "historique". Ce mode de désignation n’a cependant pas empêché une alternance puisqu’en septembre 2011, la gauche fut majoritaire et a élu le socialiste Jean-Pierre Bel à la Présidence du Sénat (pour seulement trois ans sans laisser un grand souvenir).


4. Points communs avec les législatives de juin 2017

Le principal point commun, c’est l’application de la loi contre le cumul des mandats portant autant sur les sénateurs que sur les députés. Beaucoup de sénateurs sortants ont donc soit renoncé à se représenter (c’est le cas de François Baroin pour rester maire de Troyes et président de l’Association des maires de France), soit démissionné de leur mandat d’exécutif local (c’est le cas de Bruno Retailleau, très proche de François Fillon, qui a quitté la présidence du conseil régional des Pays de la Loire).

Par cet effet mécanique, il y aura donc nécessairement un plus grand renouvellement que dans les précédentes élections sénatoriales, ce qui est une toujours bonne chose.

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Il est probable aussi que la future Haute Assemblée serait plus féminisée. Certes, dans les départements où la proportionnelle est la règle, les listes sont déjà paritaires, mais beaucoup de candidats aux sénatoriales avaient contourné la règle de parité : dans un même parti, il pouvait ainsi y avoir deux listes menés par des hommes, ne recueillant qu’un seul siège, au lieu d’une seule liste qui aurait recueilli deux sièges (un homme et une femme donc). L’expérience sur le terrain a montré que cette tactique assez misérable avait fait perdre des sièges à ses protagonistes locaux, car la division réduit toujours le nombre de suffrages et une seule liste pouvait au contraire recueillir trois sièges au lieu de deux. Après le désastre législatif des deux principaux partis gouvernementaux traditionnels (LR et PS), leurs listes dans les départements sont raisonnablement plus unies que dans le passé, et donc leurs élus seront "plus paritaires".


Le Sénat, chambre essentielle dans les institutions de la République

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer et contrairement aux campagnes de désinformation contre le Sénat en général (amorcées par le Général De Gaulle en 1969, même si son fils est devenu par la suite un sénateur distingué), le Sénat s’est considérablement modernisé depuis une vingtaine d’années (en particulier grâce à l’action de deux Présidents de "bon sens", René Monory et Christian Poncelet). Il est en particulier très en phase avec la société, bien plus que l’Assemblée Nationale, en se préoccupant de la science, de l’éducation, de l’innovation, des créations d’entreprises, en scellant des collaborations avec des grandes écoles, des laboratoires de recherche, et avec d’autres forces vives du pays (apprentissage, etc.).

Au-delà de cette préoccupation de proximité, les sénateurs, parce qu’ils ne sont pas sous la pression électorale, ont acquis une grande indépendance (aucun Président de la République, même s’il est de la même tendance politique, ne peut vraiment imposer des décisions aux sénateurs, au contraire des députés élus dans la foulée de l’élection présidentielle), et une grande capacité à anticiper les lois par la production de nombreuses études et rapports qui font référence pendant plusieurs décennies (l’exemple le plus flagrant est la préparation des lois sur la bioéthique au début des années 1990). C’est pour toutes ces raisons que les résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017 seront un élément majeur dans la suite du quinquennat assez novateur d’Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Emmanuel Macron.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Bel.
Christian Poncelet.
René Monory.
Alain Poher.

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1 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 20 septembre 2017 08:02

    Mettez les tous au SMIC et il y aura 348 sièges vacants car ils iront piller ailleurs ....

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