Soyons tous des voyous
Profitons de ce court moment où les questions sont encore ouvertes pour en poser quelques-unes. Dans cette période post-électorale, il y a ce que je ne comprends pas et ce que je crains de comprendre.
Arrêtons-nous encore un instant sur cette période qui a vu un candidat élu et pas encore président se faire passer pour un sans domicile fixe, heureusement accueilli dans un hôtel restaurant de luxe, puis sur un jet privé puis sur un yacht. Je ne citerai pas les noms de ces différentes marques déposées. Il est ensuite venu se plaindre et a été approuvé par la population. Il continue d’errer, semble-t-il. La question n’est pas pour moi d’ajouter un énième commentaire à cet épisode mais de profiter des quelques derniers instants où les questions sont encore un peu ouvertes. Les machines électorales vont bientôt se remettre en route.
Il y a trop de choses que je ne comprends pas : par exemple, comment on peut dire dans un même souffle que ce fut « une belle campagne » bien que le sens en ait été absent et qu’il y ait manqué en outre l’Europe, l’International et la mondialisation, excusez du peu. J’essaye de comprendre, depuis que je l’ai entendu chez Dominique Taddeï, les méandres de la pensée complexe, forcément complexe, d’Edgar Morin expliquant dans un même souffle que les Français se sont réconciliés avec la politique mais que la politique, c’était le néant. Voilà les Français réconciliés avec le néant. Et on voudrait que je comprenne.
Je n’arrive pas à comprendre non plus comment on peut à droite comme à gauche se féliciter que le candidat de droite ait fait reculer l’extrême droite sans contester la manière dont il l’a fait. Et sans se demander pourquoi la gauche n’y est pas parvenue. J’essaye de comprendre pourquoi on nous bassine avec la réinvention d’une social-démocratie, « à la française » (Georges Marchais aurait dit « aux couleurs de
Il y a ce que je ne comprends pas et ce que j’ai peur de comprendre.
Je crains de comprendre que Ségolène Royal aspire à la même discipline pour la gauche que celle qui existerait à droite et qu’entre « juste l’ordre » et « l’ordre juste », l’accent mis avant tout sur l’ordre laisse peu d’espace à la différenciation.
J’essaye surtout d’éclaircir la portée d’une intuition, celle que plus on diabolisait le candidat de la droite plus les Français avaient envie de voter pour lui. J’essaye de ne pas évacuer trop vite cette idée comme il serait tentant de le faire parce qu’elle a quelque chose d’effrayant et témoigne d’une grave maladie de notre démocratie.
Stefano Benni souligne l’analogie de la méthode de notre candidat avec la technique de Berlusconi : « Insulter ses adversaires puis pleurer parce que le méchant ennemi vous attaque ». Il ne se contente pas de cela ni même de ses adversaires, il nous provoque tous comme le ferait un voyou. Il nous fait des pieds de nez. Il fait son sale gosse avant de revenir en victime arrogante. Dans cet ordre d’idée, la croisière - dont il faut noter qu’elle n’est pas condamnée par nos concitoyens - relève du même processus de provocation que l’anti-Mai 68, la génétique, Claude Allègre etc. Au supermarché de la marque du candidat on en trouvait pour tous les goûts, tous les âges, toutes les catégories sociales, tous les communautarismes. Pas n’importe quelle idée mais des idées testées quant à leur impact marketing par des sociétés spécialisées.
Ne faudrait-il pas admettre que, dans le fond, l’image de marque qui l’a emporté est celle du voyou. Jacques Derrida rappelait à propos des voyous que « l’abus de pouvoir est constitutif de la souveraineté même » et que la seule façon pour qu’il n’y ait plus de voyou, c’est que nous le devenions tous. Voyous, c’est à dire souverains.
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