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Accueil du site > Actualités > Politique > Un « idéologue » d’extrême droite : Vladimir Volkoff

Un « idéologue » d’extrême droite : Vladimir Volkoff

Je publie telle quelle la première partie d'un travail universitaire sur Vladimir Volkoff datant de 2009, mais qui retrouve aujourd'hui toute son actualité, les thématiques développées par V.V. ayant incontestablement le vent en poupe (discours sécuritaire et identitaire, dénonciation d'une islamisation & ghettoïsation de la France, défense de mesures d'exception contre la délinquance et la terreur, etc.). Ma recherche s'intéressait surtout à la série des Langelot, ouvrages pour la jeunesse, incontestablement le chef-d'oeuvre de V.V. et à mon sens ses seuls écrits dignes d'un grand intérêt, cette étude constituant la deuxième partie de ce mémoire, la plus conséquente, non publiée ici. Mais les événements récents peuvent rendre intéressante la publication de ce travail, qui développait longuement les « idées » auxquelles Vladimir Volkoff adhérait ainsi que leurs tenants et aboutissants pour en montrer le caractère fallacieux et les récuser.

Voir mon article précédent : Etat d'urgence : les fossoyeurs de la République

Salah Lamrani

 

I. L’homme

 

Tous les éléments biographiques rapportés ici sont issus d’écrits et d’interviews de Vladimir Volkoff[1]. Nous lui laissons le soin de rapporter lui-même sa vie, sans préjuger d’éventuels – et même certains – oublis et/ou « embellissements », conformément au propos de Jean-Jacques Rousseau selon lequel « Je suis persuadé qu'on est toujours très bien peint lorsqu'on s'est peint soi-même, quand même le portrait ne ressemblerait point[2]. »

 

Exils

« [Un] vieil écrivain français d’origine russe, ramant toujours à contre-courant, semi-raté, mais avec des entrées et des contacts de ci de là, des lecteurs un peu partout, une autorité limitée qui lui était venue tardivement mais venue tout de même, parce qu’il ne s’était jamais vendu à personne…[3] »

Vladimir Volkoff est né le 7 Septembre 1932 à Paris. Fils d’émigrés russes « blancs » orthodoxes exilés suite à la Révolution de 1917 (son grand-père, général dans l’armée tsariste, « a disparu dans la tourmente révolutionnaire, probablement fusillé par les bolcheviks[4] »), il mène une enfance difficile, mais heureuse à l’en croire : 

Dans notre cas, la pauvreté n’était pas triste. Nous étions très pauvres ; j’ai eu, littéralement, faim quand j’étais petit, pendant la guerre. Mon père, né pour être officier du tsar, a passé sa vie à laver des voitures dans un petit garage du XVIe arrondissement, sauf lorsqu’il était caporal [dans la] Légion étrangère, puisque dès que la guerre a éclaté, il s’est engagé dans la Légion pour défendre la France qui l’avait accueilli. (…) Après tout, nous aurions pu essayer de nous adapter, nous aurions pu essayer de renoncer à nos souvenirs, nous aurions pu essayer de devenir des petits bourgeois français comme pas mal de Russes l’ont fait [mais] dans ma famille, c’était l’obsession (…) de la fidélité.[5]

Son expérience d’officier, ses convictions royalistes et anti-communistes, ainsi que son intransigeante « fidélité » (fidélité envers la France et la Russie, envers l’Eglise orthodoxe, envers l’aristocratie dont il est issu, etc.) seraient donc profondément enracinées dans son histoire familiale, dont il aurait ardemment désiré honorer la mémoire.

Le Français, qui n’est que sa seconde langue, ne lui en est pas moins inculqué dès sa plus tendre enfance par le biais de la littérature (Comtesse de Ségur, etc.), conformément à la tradition tsariste russe, pour qui c’était la langue noble par excellence. Il baigne très tôt dans la littérature, et, selon son aveu, a commencé à écrire dès 7 ans[6], pour ne jamais cesser. Vladimir Volkoff grandit dans le culte de la Russie éternelle, et cultive orgueilleusement sa distinction :

J’étais fier (…), j’étais amoureux de mes différences, et je me rappelle en particulier que je me donnais beaucoup de mal pour rrouler les r en Frrançais. (…) Gratitude éternelle à M. Labernède, Professeur de Français, qui comprit tout. ‘Que veux-tu prouver, demanda-t-il ? Que tu es Russe ? Soit. Et quand tu apprends l’anglais, est-ce que tu n’essaies pas de le prononcer comme un Anglais ? (…) Tâche donc de prononcer le français comme un Français.’ Le tour était joué (…) Je me mis à grasseyer comme tout le monde.[7]

Volkoff ne s’en distingua pas moins durant l’ensemble de sa scolarité, et « collectionn[a] bonnes notes et prix d’excellence.[8] » Il obtint son baccalauréat littéraire au Lycée Claude Bernard et sa Licence de Lettres Classiques à La Sorbonne en 1954. Précisons qu’en 1974, il obtint un doctorat en Philosophie, mais sans avoir vraiment étudié cette discipline, puisque sa thèse portait sur la métrique comparée[9].

Son statut d’apatride (bien qu’il soit né en France, il a été déclaré « réfugié politique »), malgré tous ses inconvénients – il n’a pu ni obtenir de bourse d’études, ni être admis à Saint-Cyr, ni passer l’agrégation – lui restera cher : 

A vingt et un ans, j’ai eu le droit d’opter pour la nationalité française ; j’ai décidé de rester apatride. Il a fallu que je paye pour cela. Ce devait être une somme dérisoire mais elle ne l’était pas pour moi et j’ai dû la gratter sou après sou. Sur quoi, quelques mois ont passé, et j’ai reçu une belle lettre du ministre m’expliquant que, puisque j’étais né en France, que je n’avais pas quitté la France, j’étais Français d’office. J’avais vingt et un ans et j’ai pleuré. On m’arrachait une fidélité que je voulais garder intacte. J’ai pleuré sur la France aussi car, entre-temps, j’avais appris à l’aimer et il me semblait ignoble que la nationalité française soit imposée à quelqu’un par la force.[10]

Cette France qu’il a appris à aimer est la France monarchique, découverte dans Les Manants du roi de La Varende, recueil de nouvelles, dont la première, relatant la mort de Louis XVI, fut pour lui une révélation :

J’ai eu à cet instant la révélation qu’il existait une autre France que celle des petits paysans qui m’accueillaient à coups de pierre ou des petits bourgeois qui essayaient de copier sur moi les compositions, une autre France que la France immédiate et grise, une France en couleurs, une France des traditions. C’était idiot de ma part de ne pas m’en être aperçu plus tôt, mais voilà comment à seize ans, à cause d’un morceau de robe, d’un très beau porte-livre et d’un texte qui racontait la mort du roi, j’ai brusquement compris qu’il existait en France quelque chose qui ne m’était pas étranger.[11] 

Dès lors, Vladimir Volkoff fréquentera assidument les cercles monarchistes, et publiera des articles dans Amitiés françaises universitaires, le journal des étudiants royalistes.

L’armée

En 1957, son sursis d’incorporation expire, et il est appelé à faire son service militaire. Il se porte volontaire pour servir en Algérie – en pleine guerre d’indépendance –, conformément à la tradition familiale selon laquelle un noble se doit d’être en première ligne, dans le feu de l’action[12]. Il y passera un peu moins de cinq ans (il a « rempilé »), obtiendra la Croix de la Valeur Militaire (1961) et terminera officier – lieutenant, d’où le pseudonyme sous lequel il publiera les Langelot, Lieutenant X. Il sera notamment affecté au CCI (Centre de Coordination Interarmées), chargé du contre-espionnage – voire du contre-terrorisme –, puis aux SAS (Sections Administratives Spécialisées), dont le rôle principal était la « pacification » et la « guerre psychologique », ou promotion des bienfaits de la colonisation aux indigènes, et évidemment le renseignement.

Après la fin de la guerre d’Algérie, il démissionne de l’armée, selon lui à la fois pour protester contre l’abandon des harkis qu’il considère comme une infamie[13], et surtout car le combat est terminé, et qu’il n’a pas la moindre envie de « faire briller les boutons de guêtre[14] ». Cette expérience le marque profondément, et expliquerait la prégnance qu’auront sur lui les idéologies impérialiste et colonialiste. Après une brève expérience au Secrétariat Général de la Défense Nationale, Vladimir Volkoff, qui entretemps s’est marié et a eu une fille, voyage en Espagne, au Portugal et au Canada, avant de s’installer aux Etats-Unis.

L’Amérique

Vladimir Volkoff avait eu une expérience de l’enseignement dans un collège jésuite d’Amiens, en tant que Professeur d’anglais : il apprit cette langue très jeune, dans Shakespeare et Graham Greene – qui, avec Dostoïevski et Lawrence Durrell, comptent parmi ses principales références littéraires. Il y animait le Club de recherches théâtrales, et s’adonna passionnément, en tant que metteur en scène et comédien, à l’art dramatique. Installé dans l’Old South, à Atlanta (Géorgie), et enchanté du puritanisme traditionnel sudiste, il reprendra ces activités afin de subvenir à ses besoins, enseignant le français et la littérature française et russe à l’Agnes Scott College. Il publie, sous le pseudonyme de Victor Duloup, un manuel intitulé La Civilisation française. Il dirige une troupe de théâtre amateur et s’adonne à la chasse, qui devient également une passion. Et, bien entendu, il ne cesse d’écrire – souvent sous pseudonyme – et d’envoyer ses manuscrits en France.

Consécration et chute

Grâce au succès de son roman Le Retournement (vendu à plus de 100 000 exemplaires), publié en 1979, Vladimir Volkoff accède enfin à la notoriété littéraire tant convoitée ; et à propos de son œuvre majeure, la tétralogie Les Humeurs de la mer, Le Monde titrait, pour l’année 1982, « L’année Volkoff »[15]. Cet engouement sera cependant de courte durée, car les médias se déchaîneront contre lui après la publication du roman Le Montage, « commandé » par Alexandre de Marenches, le directeur de la S.D.E.C.E. (service de renseignements français, ancêtre de la DGSE), afin de dévoiler les méthodes de propagande et de désinformation communistes[16], et leurs relais intellectuels et médiatiques. Dès cet instant, malgré le fait que ce roman ait reçu le Grand Prix de l’Académie Française, la « claque intellocrate » et journalistique se déchaîne contre lui, proférant à son égard les propos traditionnellement employés pour ternir les personnalités controversées qui osent remettre en cause les idées préconçues : « antisémite », « raciste », « stalinien de droite », et autre joyeusetés – nous verrons plus loin dans quelle mesure ces accusations étaient fondées[17]. Même s’il gagna tous ses procès[18], son nom reste terni, de tels affronts discréditant durablement leur homme. Il présente deux fois sa candidature à l’Académie Française, en vain.

Après la chute de l’Union Soviétique, Vladimir Volkoff réalise le rêve que lui avaient légué ses parents, et « retourne » en Russie, cette Russie qu’il chérissait sans y avoir jamais mis les pieds. En 1993, il rentre définitivement en France, et réside dans une maison du Périgord (Bourdeilles, Dordogne) que son succès lui a permis d’acquérir. Il y meurt le 14 novembre 2005.

 

II. L’œuvre et les convictions

L’œuvre de Vladimir Volkoff est si lourdement lestée d’idéologie qu’il est impossible de la distinguer de ses convictions : le credo du Parnasse (« l’art pour l’art ») est très loin d’être le sien. Le premier constat qui s’impose est celui de la très grande densité de son œuvre : romans (policiers, d’espionnage, historiques, etc.), nouvelles, essais, biographies, théâtre, science-fiction, entretiens, bandes dessinées et ouvrages pour la jeunesse.

Comme son modèle Graham Greene (à qui il dédie son premier roman à succès, Le Retournement), Vladimir Volkoff est profondément marqué par les idées chrétiennes, notamment les questions du mal et de la Rédemption. Avec Durrell, il partage le rejet de la déconstruction de la narration propre au Nouveau Roman, et une conception relativiste du roman, qui, par la multiplication des points de vue, permet « une continuité organisée du narré résolument différente de la continuité organique du vécu. » C’est là, selon lui, « le classicisme de l’an 2000[19] ».

Nous ne nous étendons pas plus sur l’aspect littéraire de ses écrits, pour les raisons explicitées en Introduction [nous ne considérons pas V.V. comme un grand écrivain], mais nous allons essayer de montrer, à travers une analyse minutieuse de ses œuvres – jusqu’aux œuvres romanesques –, la teneur des convictions du sieur Volkoff. Elles s’expriment à travers des schèmes et motifs récurrents que nous nous sommes efforcés de relever et d’élucider.

 

A. Combats

Vladimir Volkoff est, cela ne fait aucun doute, un écrivain engagé, mais dans l’acception la moins noble du terme : tous ses ouvrages distillent insidieusement son idéologie douteuse, qu’il ne laisse cependant pas d’expliciter, avec plus ou moins de sincérité, dans ses ouvrages théoriques non fictionnels.

 

1. Aristocratie

 

Fidélité

Particulièrement marqué par sa situation sociale, son milieu, et son expérience algérienne (et, en ce sens, illustrant magistralement un concept marxiste majeur[20]), il défend fièrement ses principes fortement ancrés à droite, ou, pour lui faire justice, parfaitement « blancs ».

Vladimir Volkoff revendique hautement son héritage orthodoxe et ses convictions aristocratiques. La fidélité envers l’héritage familial serait pour lui le plus sacré des devoirs :

les possibilités de fidélité sont présentes pour ceux qui voudraient s’y exercer : l’Eglise est encore là, pour ceux qui croient que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ; la terre qui nous entoure renferme toujours les corps des ancêtres à qui nous devons notre vie, notre foi, notre culture ; notre langue n’est pas encore complètement abîmée et nous pouvons nous employer à la sauvegarder ; nous ne ressemblons ni aux Fils de personne de Montherlant ni aux Voyageurs sans bagages d’Anouilh ; nous avons un héritage à transmettre. A quoi être fidèles ? Il me semble que nous devons être fidèles à l’avenir de notre passé.[21]

A travers cette formule sibylline, Vladimir Volkoff exprime le caractère inconditionnel de son allégeance au principe monarchique, dont la légitimité théorique reste inaltérable malgré l’injure du temps et le démenti de l’Histoire. Cette permanence, pour être quelque peu obtuse, est pour lui préférable à la versatilité démocratique, notamment pourfendue dans Pourquoi je suis moyennement démocrate et Pourquoi je serais plutôt aristocrate : au noble art de gouverner, la démocratie substitue « celui de se faire élire[22] », ce qui entraîne évidemment opportunisme et démagogie. Alors que la monarchie repose sur des principes intangibles, et garantit la cohésion de l’Etat en concentrant le pouvoir entre des mains rares et expertes, la démocratie est régie par la volonté des foules, incompétentes et indécises :

J’ai entendu, à quelques semaines de distance, les foules acclamer Pétain et ensuite, et je pense que c’étaient les mêmes foules, crier : Pétain au poteau ! Alors, la volonté des foules, vous savez…[23]

On comprend aisément que Vladimir Volkoff s’enorgueillisse de ne point appartenir à la foule, de ne point obtenir ses suffrages : la démocratie se fonde sur « la quantité des suffrages (fruits d’une opinion ou d’une propagande) », alors que l’aristocratie se fonde sur « la qualité des personnes (réelle ou supposée)[24] ». A la tyrannie du nombre, où règne l’arbitraire, Vladimir Volkoff préfère l’individualité du monarque, qui est sinon éclairé, du moins garant de la cohérence et de l’unité politiques.

 Dans Pourquoi je serais plutôt aristocrate, Vladimir Volkoff fonde le credo aristocratique sur l’inégalité foncière des individus, inégalité de droit et de devoirs selon lui :

Quand on a appris à trois ans – ce fut mon cas – qu’on est de ceux qui sortiront les premiers de la tranchée pour monter à l’assaut, on est, par le fait même, persuadé de l’inégalité – foncière sinon confortable – entre les hommes, et on s’ouvre à ce que les structures aristocratiques de la société ont d’inéluctable.[25] 

Mais ces belles phrases sont prestement étouffées par d’extravagantes – et révélatrices ! – remarques, qui montrent que le tempérament aristocratique de Vladimir Volkoff se limite à un profonds mépris du peuple (« Le métro n’a plus qu’une seconde classe. Heureux les trains ‘grandes lignes’ qui en conservent deux.[26] »), doublée d’une érudition pédantesque, l’auteur multipliant les références savantes et décousues. Cet ouvrage n’est qu’un travail de broderie, où l’indécent le dispute au trivial : ainsi, pour montrer que le langage même est aristocratique, Vladimir Volkoff nous précise que 

‘Mes hommages, Madame’ ne rend pas le même son que ‘Salut, la grosse’, encore qu’ils puissent s’appliquer à la même personne.[27]

Ainsi est-il aisé de mettre Vladimir Volkoff face à ses propres contradictions : comment peut-t-il d’une part s’indigner, assez légitimement, de ces « écrivains qui réclament hautement le droit de parler pour ne rien dire (le cadavre exquis ! et puis quoi encore ?)[28] », et d’autre part publier un ouvrage si inconsistant, si facile ? Dans Pourquoi je suis moyennement démocrate et Pourquoi je serais plutôt aristocrate, la densité philosophique de la plume de V.V. est inversement proportionnelle à sa prolixité, dirions-nous pour contrefaire son jargon érudisant[29].

 Comme le souligne Vladimir Volkoff, il est gratifiant pour l’orgueil de se démarquer du plus grand nombre, et c’est là pour lui une fin en soi : cette position ne confère de fait que des droits, et pas de devoirs – sinon le devoir envers les ancêtres, envers l’héritage spirituel :

Je me suis longtemps rebellé contre l’exil avant de comprendre qu’il était mon destin et ma patrie. Depuis je le cultive car enfin, je me suis toujours senti guelfe parmi les gibelins et gibelin parmi les guelfes. Mais l’esprit de provocation rejoint l’esprit de justice : quand tout pèse d’un côté, si on a le cœur généreux on veut spontanément peser de l’autre. C’est un choix qui vous exile, mais qui voudrait faire partie de la multitude ? Pas moi. J’ai toujours été conscient que j’appartenais à une minorité et j’en étais plutôt content. Condamné ou promu, j’étais Russe parmi des Français, Français au milieu des Américains, croyant parmi les non-croyants, orthodoxe en face de catholiques ou de protestants et je n’ai jamais eu la moindre envie ni de hurler avec les loups ni de bêler avec les moutons. Peut-être parce que j’ai toujours vécu dans des minorités, quitte à constituer une minorité à moi tout seul.[30] 

Ne devons-nous voir là qu’un signe de résignation orgueilleuse, l’acceptation d’un état de fait qui serait devenue une revendication ? Certes, l’idée d’être seul contre tous n’est pas dénuée d’un certain esprit chevaleresque, donquichottesque, pourrions-nous dire. Mais à travers les principes qu’il défend, Vladimir Volkoff ne cultive en fait que sa distinction, sa différence d’avec la majorité, qui, en fait comme en droit, est dans l’erreur. 

 

2. Colonialisme

 

De la guerre

Pour Vladimir Volkoff, l’aristocratie est guerrière par essence : « Une aristocratie qui n’est pas guerrière, c’est un non-sens.[31] » Le principe monarchique, contre toute logique, est validé de par ses réalisations mêmes, et la guerre de par ses implications : 

C’est aux mêmes époques qu’on fait de la bonne peinture et de la bonne guerre. Tout est une question d’énergie. Quand on a l’énergie de mener les croisades, si barbares soient-elles, on a l’énergie de bâtir des cathédrales.[32] 

Ce sont ces pillards de croisés qui ont élevé les cathédrales.[33] 

Il y a un élément civilisateur dans la guerre, ses côtés négatifs sont tellement évidents que je préfère parler des autres. Si Jules César n’avait pas fait la guerre aux Gaulois, la France n’aurait pas bénéficié de la culture romaine.[34]

A travers ces principes saugrenus voire infâmes, Vladimir Volkoff explique qu’il est revenu de son admiration pour Vercingétorix[35], étant donné l’aspect civilisateur de la conquête romaine. Est-ce là un véritable credo, ou n’est-ce qu’un moyen détourné pour justifier sa participation active à la guerre d’Algérie ? En apparence du moins, Vladimir Volkoff, sur la question de la guerre, se présente comme un véritable nietzschéen : 

je crois, comme nos ancêtres, qui n’étaient pas plus bêtes que nous, l’ont cru pendant des siècles, qu’il est bon pour la jeunesse de faire un peu de guerre.

Oh ! pas Verdun ! et certainement pas Dresde ! Mais prendre la mesure de son courage physique dans des situations qui ne soient pas gratuites (comme dans le saut à l’élastique), découvrir ce que peuvent signifier la camaraderie et l’esprit de sacrifice dans des situations dangereuses, surmonter les paresses et les délicatesses excessives de la vie civile, s’endurcir de diverses manières, risquer sa vie pour autrui et même oser transgresser à bon escient le sixième commandement, bref, se pénétrer de ce que Hemingway appelle magnifiquement grace under stress, tout cela me paraît faire partie de l’éducation complète d’un homme. Je souscris à l’idée que développe Dominique Venner dans Cœur rebelle : les Français qui avaient vingt ans entre 1954 et 1962 ont eu de la chance.[36]

Bien entendu, de tels propos sont insoutenables : ce n’est pas la camaraderie de caserne que défend V.V., celle qu’on peut retrouver durant le service militaire, mais la véritable fraternité d’armes, celle du champ de bataille (étranger de préférence, il ne faudrait pas verser trop de sang national), et ce indépendamment de la justesse de la cause, des souffrances infligées aux populations, etc. C’est là une violation flagrante de l’impératif pratique kantien[37] : pour Vladimir Volkoff, il ne s’agit pas tant de se mettre au service d’une cause noble que de mettre une cause à son propre service. Si, à défaut d’être conséquent avec la morale, il semble être conséquent avec lui-même, soutenant à la fois la conquête de la Gaule par Rome et celle de l’Algérie par la France, ce n’est là qu’une apparence, du fait de la grande distance temporelle qui sépare ces deux événements. Au reste, il est aisé de montrer les contradictions de Vladimir Volkoff.

De manière assez explicite, V.V. soutient que le fait fonde le droit (« Il me semble que la conquête, multipliée par le temps, fonde le droit.[38] »), mais il ne laisse pas de dénoncer, par exemple, la révolution française, non pas d’après son principe ou ses réalisations, mais du fait de sa genèse même :

En vérité, qu’y avait-il à fêter le quatorze juillet ? La révolte d’une poignée de racaille contre un roi trop faible pour protéger ses serviteurs ou châtier leurs assassins ? La libération de sept aigrefins d’une prison somme toute confortable ? La victoire sanglante d’une certaine France sur une autre France, en qui toute l’Europe avait vu la « mère des arts, des armes et des lois » ? Le quatorze juillet, la mère de Ladislas faisait une grande lessive et son grand-père français se purgeait religieusement.[39] 

Certes, la grandeur de la prise de la Bastille est avant tout symbolique, mais Vladimir Volkoff l’agonit avec aussi peu de retenue qu’il glorifie la monarchie ; du reste, le 14 juillet, c’est à la fois la prise de la Bastille et la Fête de la Fédération – c'est-à-dire la prétendue « réconciliation nationale » – qui sont célébrées. Toutes ces contradictions et inconséquences démontrent le caractère irréfléchi des sentiments aristocratiques de Vladimir Volkoff, plus viscéraux que rationnels. 

La Question

 Vladimir Volkoff, « vétéran » de la guerre d’Algérie, n’a jamais remis en cause son engagement au service de la France coloniale. Il considère que le seul crime de la France a été d’abandonner les harkis, ces collaborateurs algériens qui ont combattu leur propre peuple dans les rangs de l’armée française. Dans l’ensemble de son œuvre, Vladimir Volkoff érige insidieusement le mythe d’une population algérienne acquise à la cause française ; selon lui, et c’est là un poncif, si l’opération « Paix des braves » a été très mal accueillie par les musulmans, c’est avant tout du fait de son excessive indulgence envers les indépendantistes : 

L’opération ‘Paix des Braves’ – naïve ou faussement naïve ? – fut très mal prise par les Musulmans qui ont le sens de la justice : quoi, parce qu’on se ralliait à la France, on était pardonné d’avoir tué, pillé, violé ?[40]

La « paix des braves », ça veut dire : « Tu as tué, tu as volé, tu as violé, maintenant tu te rallies à la France, tu rends ton fusil, et tu n’as plus tué, tu n’as plus volé, tu n’as plus violé. Dibarrassi ! (…) Et le nez que tu as coupé, il va repousser peut-être, parce que tu es rallié ? Et l’enfant que tu as mis dans la femme qui n’était pas à toi, il va mourir peut-être, parce que tu es rallié ?[41]

Tu violes, tu égorges, et puis tu cries vive la France et tu es pardonné ? C’est juste, ça ?[42]

Ainsi, selon Vladimir Volkoff, ce ne sont ni les exactions françaises – celles de l’armée ou de l’OAS –, ni le désir d’indépendance des Algériens qui expliquent l’échec de la « Paix des braves », mais un désir de justice dirigé contre les éléments extrémistes du FLN ! La démarche de Vladimir Volkoff est transparente : ne pouvant assumer de tels propos, par trop scandaleux, il les présente comme l’opinion des populations autochtones, inattaquable :

Je n’ai jamais eu ni haine ni mépris pour ces hommes que j’ai combattus et dont certains étaient de beaux guerriers. Mais je pense qu’ils constituaient une très faible minorité de la population. Les Musulmans qui prirent les armes en faveur de la présence française furent quatre fois plus nombreux que ceux qui luttèrent pour s’en débarrasser.[43]

Ainsi ses romans sont-ils jonchés d’indigènes qui glorifient la colonisation française, depuis un concierge de métropole choqué par le vandalisme de certains jeunes

(« Le vieil Ahmed les regardait, consterné. C’étaient là des enfants de roumis, de ces roumis qui, dans le temps, avaient conquis sa patrie à lui, Chibani, et avaient régné sur elle, pas toujours aussi mal qu’on le disait ![44] »)

jusqu’à cet algérien torturé par les Français au point de perdre la vue qui, par un élan d’abnégation sublime, pardonne à son tortionnaire

(« Je suis vieux, je n’ai plus tellement besoin d’y voir clair, et lui, je ne lui en veux pas, c’est un boujadi (un jeune, un bleu)…[45] ») 

Vladimir Volkoff s’est toujours prétendu irréductiblement hostile à la pratique de la torture : « En Algérie, j’étais contre la torture, j’ai toujours refusé.[46] » Mais en étudiant sa position de plus près, nous sommes amenés à affirmer qu’il s’agit là d’un pieux mensonge. Dans sa Postface à Opération Barbarie, Vladimir Volkoff s’élève contre la campagne du PCF qui affirmait que « L’armée a torturé en Algérie », et réfute cette accusation en cinq points :

1. Lénine recourait à la torture, donc le PCF n’a pas d’autorité morale en la matière.

2. Le FLN aussi torturait.

3. La torture n’est pas la même chose que la question, il ne s’agit pas tant de châtier un coupable que de protéger des innocents.

4. Il n’y a pas que l’armée qui torturait, les différentes polices françaises le faisaient aussi.

5. La torture a existé en d’autres endroits, il ne faut pas l’amalgamer à l’Algérie.

Ainsi, loin de réfuter les accusations du PCF, Vladimir Volkoff les confirme, et, ce qui est bien plus grave, il légitime la pratique de la torture, à la fois par sa banalité, et par la noblesse supposée de ses objectifs – sauver des vies innocentes. Toute moralité est absente de son propos, grotesque et incohérent : il n’agit que par idéologie, esprit de corps et « solidarité » envers ses frères d’armes et. Notons cependant que Vladimir Volkoff souligne que la situation est souvent équivoque, et repose sur des suppositions : le suspect est rarement le chef du réseau terroriste, et il n’est jamais avéré qu’un attentat est en préparation[47]. Tout est donc laissé à la discrétion de l’officier en charge. Mais dans Le Tortionnaire, Vladimir Volkoff nous présente un officier intègre, Lavilhaud, qui se refuse à malmener un suspect, malgré les injonctions de ses camarades ; il s’avère que le suspect était le chef d’un réseau terroriste, et à cause des scrupules de Lavilhaud, un atroce attentat est commis (femmes enceintes éventrées, infirmières violées, etc.). Ainsi les visées propagandistes de Vladimir Volkoff l’amènent-elles à se contredire lui-même.

 

B. Hantises

 

Si, dans son autobiographie publiée de manière posthume, il affirme n’avoir « détesté viscéralement » que trois choses, « la démocratie, la pédérastie, la muflerie[48] », Vladimir Volkoff semble avoir été profondément hostile à l’Islam et au communisme, une hostilité que nous caractériserions plutôt de « professionnelle » que de « viscérale »[49] : ce détail, comme nous allons le voir, a son importance, en ce qu’il nous invite à la circonspection quant à la sincérité des assertions de Vladimir Volkoff. Prises à la lettre, elles paraissent insensées, mais si on les considère dans le cadre d’une « guerre psychologique », elles apparaissent plutôt comme le fait d’un habile propagandiste que d’un illuminé.

Propagandiste et habile, Vladimir Volkoff l’est sans le moindre doute : chrétien, nationaliste et aristocrate convaincu, il pourfend à loisir ses bêtes noires, l’Islam et le communisme – et accessoirement la démocratie. Il les dénonce d’autant plus qu’il déplore que la France, dont il admire la tradition monarchiste, a d’après lui manqué succomber à l’un, et s’apprête aujourd’hui à succomber à l’autre :

les Français sont des cavaleurs, ils ont surtout cavalé en 1940, beaucoup de leurs intellectuels ont léché pendant quarante ans les bottes des communistes et les plus masos continuent avec l’Islam.[50]

La violence de cette phrase transcrit assez l’indignation – affectée ? – de Vladimir Volkoff, passéiste convaincu de la supériorité des valeurs européennes ancestrales que sont le Christianisme et la monarchie.

 

1. L’Islam

 

Désinformation 

Vladimir Volkoff réussit un tour de force incroyable, celui d’écrire un ouvrage sur la désinformation qui est lui-même un monument de désinformation. Désinformation, flagrant délit[51], composé à l’occasion de l’attaque de l’OTAN contre la Serbie en 1999 – que l’on ne peut certes que condamner –, est une dénonciation vigoureuse de cette intervention à laquelle a participé la France, et qui est, selon lui, une humiliation comparable à l’abandon des harkis après la guerre d’Algérie. Nous souscrivons des deux mains à toute critique sensée de l’impérialisme et de l’interventionnisme américains au nom de valeurs comme les droits de l’homme, le droit à l’auto-détermination, etc. Noam Chomsky avait d’ailleurs publié un article en ce sens[52], que nous avons relu avant de lire l’ouvrage de Vladimir Volkoff. Mais ce dernier, contrairement à Chomsky, est loin d’être motivé par de si nobles idéaux.

Ecrivant depuis Belgrade où il s’est rendu pour témoigner des conséquences de ces bombardements, Vladimir Volkoff commence par dénoncer, de manière acerbe et polémique, la propagande qui a précédé cette invasion :

Cette bombe, voyez-vous, n’a pas été lancée par esprit de conquête ou même de défense, ce n’était pas une bombe raciste ou impérialiste ; à tout prendre, ce n’était pas une méchante bombe du tout : c’était, tranchons le mot, une bombe humanitaire. (…) Oui, des Serbes meurent sous nos bombes, mais ces morts ne comptent pas vraiment puisqu’elles n’étaient pas voulues. En revanche, nos bombardements comptent, bien sûr, mais leurs intentions sont platoniques. Alors on ne va pas nous chercher querelle pour quelques centaines ou quelques milliers de morts accidentelles…[53]

Il est vrai que le prétexte à cette invasion était le nettoyage ethnique auquel étaient soumis les musulmans Albanais et Kosovars, victimes de la terreur serbe, bien réelle : mais il était évident que d’une part, ce n’était là qu’un prétexte et non la véritable raison de ces bombardements[54], et que d’autre part, la conséquence directe de ces bombardements serait d’aggraver considérablement les atrocités commises par les Serbes et d’éloigner pour des décennies la perspective d’un règlement interne et démocratique du contentieux. Toute solution diplomatique fut écartée par l’administration américaine, soucieuse de défendre sa « crédibilité », sa deterrence capacity – capacité à prévenir toute attitude indépendante des vassaux par une démonstration massive et indiscriminée de sa force de frappe.

Vladimir Volkoff n’est nullement ému par la tragédie des Kosovars et des Bosniaques, qu’il minimise constamment, alors qu’il donne maints exemples d’atrocités commises contre les Serbes, avec force détails, et ce sans la moindre rigueur scientifique, car il ne cite pour ainsi dire aucune source, et sans la moindre équité : il dénonce un parti pris pro-musulman, et prend, sans vergogne, le parti pro-serbe[55]. Ou plutôt, pour être tout à fait exact – car nous ne pensons point que le sort de Serbes le souciât véritablement –, prend-il son parti à lui, le parti nationaliste, et, il faut bien le dire, anti-islamique[56] : il ne se prétend ulcéré que par la servilité française (« la France a choisi de servir de valet d’armes à Globocop et de tendre à ses amis de plus d’un siècle le traquenard honteux de Rambouillet.[57] »), mais est surtout révolté par le fait que l’Occident se fasse l’allié de l’Islam contre des Chrétiens :

En outre, le même facteur que dans l’affaire bosniaque a encore joué : les sentiments de culpabilité de l’Occident colonisateur envers l’Islam jadis partiellement colonisé ont été de nouveau exploités, puisque, par chance, la plupart des Albanais, comme les Bosniaques, sont musulmans. L’opération Kosovo aurait-elle connu une réussite pareille si, par exemple, les Albanais avaient été orthodoxes, lefévriens ou mormons ? On se le demande. Le fait que les musulmans ont, à d’autres époques, colonisé la Grèce, la Bulgarie, l’Espagne et la Serbie elle-même, sans compter l’Arabie, le Proche-Orient, l’Egypte, la Libye, le Soudan et le Maghreb, était adroitement escamoté. 

Bien sûr, comme il ne faut tout de même pas trop faire peur au public, on a répandu le bruit que les Albanais, comme les Bosniaques, sont des musulmans peu pratiquants et qu’ils boivent du vin. (Ils en boivent, ils en boivent… je ne sais pas trop s’ils en boivent : quand je voyageais au Kosovo, il est arrivé qu’on me refusât de la bière, soit dit en passant.)[58] 

Cet extrait, analysé de près, révèle parfaitement l’ineptie de Vladimir Volkoff, et son absence totale de probité intellectuelle : plutôt que de nier les atrocités commises par les Serbes (il les reconnaît implicitement, mais affirme qu’il s’agit de « problèmes intérieurs[59] », qui récusent donc à quiconque tout droit d’ingérence), il préfère les écarter en rappelant, tout à fait hors de propos, les invasions musulmanes qui ont eu lieu des siècles auparavant. Pour se rendre compte du caractère scandaleux d’un tel argument, qu’on s’imagine, toutes proportions gardées, l’indignation légitime que susciterait un individu qui, pour minimiser le génocide nazi commis contre les Juifs, affirmerait que les génocides décrits et encouragés dans l’Ancien Testament ont été « adroitement escamotés » par la propagande philosémite. Cet argumentaire, aussi grotesque qu’abject, sombre plus bas encore lorsque, en termes à peine voilés, Vladimir Volkoff exprime son mépris envers l’interdiction islamique de la consommation d’alcool : reprenant à son compte l’argument qu’il semblait dénigrer (le fait que la consommation d’alcool soit un gage de modération), il lui récuse toute réalité en affirmant qu’on lui a refusé de la bière. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce un crime que de ne pas boire d’alcool ? Et comment les musulmans pourraient-ils à la fois ne pas consommer d’alcool, et en refuser (car pour refuser quelque chose, il faut l’avoir) ? On nage ici dans l’absurdité. Mais nous n’avons pas encore touché le fond.

Petit à petit, Vladimir Volkoff délaisse la rhétorique hargneuse et partisane pour nous révéler le fond de ses convictions. Qu’en est-il vraiment de la brutalité serbe ?

malgré l’agitation créée autour des atrocités serbes au Kosovo, aucun renseignement si peu que ce soit sérieux ne nous indique que les forces de l’ordre serbes aient dépassé le niveau de brutalité indispensable pour faire refluer un mouvement terroriste ; que, par exemple, elles se soient montrées plus expéditives que l’armée française à Madagascar, à Sétif ou pendant la guerre d’Algérie.[60] 

L’idéologie colonialiste de Vladimir Volkoff s’affirme pleinement dans ces lignes : puisque les exactions serbes ne se distinguent guère des massacres commis par la France dans ses colonies (rappelons que la répression de Madagascar et de Sétif a causé plusieurs dizaines de milliers de morts civiles), elles sont parfaitement légitimes et modérées. Qu’il nous soit permis de citer un paragraphe représentatif des tréfonds goebbelsiens de la propagande de V.V. :

Si l’OTAN s’est bien comportée comme le loup de la fable, cela ne signifie pas que tous les Serbes soient des agneaux. Nous ne nions pas la violence de la répression et nous n’en faisons pas l’éloge. Mais voilà, la répression d’une guérilla ne se fait pas par la gentillesse. Quand les troupes du maintien de l’ordre approchent d’un village et qu’on leur tire dessus, le village risque de brûler. Quand elles capturent des hommes connus pour avoir commis des exactions, elles procèdent quelquefois à des exécutions sommaires. Les prisonniers pris les armes à la main ne sont pas toujours interrogés avec urbanité, et les femmes qui dissimulent des grenades dans leur vagin sont passibles de représailles.[61] 

C’est un apologiste du terrorisme qui s’exprime ici, ou, plutôt, pour reprendre sa distinction artificielle[62], un apologiste de la terreur. Le fait que les punitions collectives, les exécutions extrajudiciaires et la torture soient interdites par les Conventions de Genève qui régissent le droit humanitaire (même en temps de guerre) ne semble pas mériter la moindre mention. Mais il est vrai que Vladimir Volkoff, qui se prétend pétri de sentiments aristocratiques[63], n’a que faire du droit des peuples. Les massacres ne le dérangent que quand ils touchent des « innocents » de son bord. Il l’affirme d’ailleurs en toutes lettres lorsqu’il nous brosse un aperçu de la politique étrangère américaine :

Si j’étais américain, je ne me souhaiterais pas d’autre politique étrangère que les Etats-Unis : il est naturel que le plus puissant vise à l’hégémonie. Mais voilà, je ne suis pas américain, je suis Français et j’aimerais… j’allais dire que la France eût une politique étrangère qui ressemblât à celle des Etats-Unis : il suffira de dire que j’aimerais que la France eût une politique étrangère tout court. (…) Je trouve (…) que les Etats-Unis ont eu de tout temps une politique avisée, lucide, prévoyante et régulièrement marquée au coin du cynisme le plus efficace.

Qu’on ne voie aucun reproche dans cette remarque.

Je ne suis pas de ceux qui souhaiteraient voir les règles de la morale individuelle appliquées à ce qu’il est convenu d’appeler la « géopolitique ». Il est vrai que le prêchi-prêcha humanitaire, puritain et droitsdelhommiste par lequel l’Amérique prétend justifier les plus subtiles et quelquefois les plus brutales de ses entreprises a quelque chose d’écœurant. Lord Owen n’a pas tout à fait tort de faire remarquer que M. Clinton s’est offert le luxe ‘de pratiquer la Realpolitik tout en prêchant la moralité’, et l’on préfèrerait peut-être plus d’impudence et moins de tartuferie, mais dès qu’on a compris que cet humanitarisme, ce puritanisme, ce droitsdelhommisme ne sont que des ruses de guerre, on les supporte beaucoup mieux. (…)

« [Les Etats-Unis] sont intervenus militairement au Guatemala, à Saint-Domingue, à Grenade, au Cambodge, à Panama, en Corée, en Afghanistan, au Soudan, en Irak, en Bosnie, sans compter les chantages ou les actions clandestines exercés au Nicaragua, en Colombie, au Chili, à Haïti, en Iran, au Brésil. Grâce à cette constante absence de scrupules, ils ont endigué le communisme et grâces leur en soient rendues.[64]

Vladimir Volkoff, en pseudo-nietzschéen d’extrême droite, n’a guère de considération pour la souffrance humaine[65], la justice ou le droit à l’auto-détermination des peuples ; il ne respecte que la force brute, et glorifie impudemment les actions les plus barbares des gouvernements des Etats-Unis, avec leur cortège de mort et de destruction. Nous ne nous donnerons pas la peine d’égrener l’interminable litanie des atrocités commises par le gouvernement américain de par le monde[66]. Il nous suffira d’affirmer, comme le faisait Noam Chomsky à propos de Bush fils[67], que Vladimir Volkoff, dénonçant les victimes innocentes des uns, mais justifiant celles des autres, répond exemplairement à la définition de l’hypocrite donnée par les Evangiles (desquelles ils osent tous deux se réclamer) : il impose à d’autres des règles qu’il ne s’astreint pas lui-même à respecter. L’usage qu’il fait des citations placées en exergue de Désinformation, flagrant délit (« La raison du plus fort est toujours la meilleure » de La Fontaine et « Quiconque ne gueule pas la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires. » de Péguy) est purement opportuniste : il s’en sert pour dénoncer l’intervention de l’OTAN contre la Serbie, mais ne laisse pas de glorifier d’autres interventions tout aussi iniques, et bien plus atroces et coûteuses en vies innocentes. Qu’il nous soit permis de reprendre contre lui une autre citation qu’il fait de Péguy : « L’hypocrisie est la forme la plus abjecte de la violence[68] ».

 Grande fut notre surprise lorsque nous découvrîmes, dans l’argumentaire brumeux, presque scabreux de Vladimir Volkoff, une rapide référence à Noam Chomsky[69], à ce même article que nous avions consulté avant de lire l’ouvrage partisan de M. Volkoff. Bien évidemment, Vladimir Volkoff ne cite qu’un court extrait, à valeur rhétorique, dénonçant la violence de l’offensive de l’OTAN, sans faire la moindre référence au corps de l’analyse chomskyenne, qui n’est nullement tendre envers les Serbes : ce faisant, Vladimir Volkoff désire seulement, de manière éhontée, invoquer une autorité internationale en défense de ses thèses ignobles. Ce procédé est absolument indigne, tant en temps de paix qu’en temps de guerre, mais il faut se rappeler que Vladimir Volkoff est un « professionnel » qui mène une croisade idéologique contre l’Islam, recourant sans modération aux artifices de la « guerre psychologique » et de « l’intoxication » – pour reprendre le jargon de ses romans d’espionnage. Car il est pour nous évident que c’est le seul rejet de l’Islam qui motive ici Vladimir Volkoff : cette conclusion s’impose, selon nous, après la lecture de son œuvre.

Malgré le caractère insondable de l’abîme éthique dans lequel il a sombré à ce stade de l’ouvrage Désinformation, flagrant délit, le pire reste à venir. En effet, la conclusion de cet ouvrage est que l’Islam est « l’allié naturel de l’Amérique[70] » : avec sa rigueur coutumière, Vladimir Volkoff, pour soutenir cette théorie, nous renvoie sans plus de précisions à des ouvrages de Pierre-Marie Gallois et d’Alexandre del Valle[71], non sans nous citer un autre argument implacable : le fait qu’un islamiste tunisien (anonyme bien entendu) aurait déclaré : « Il n’y a pas de passé colonial entre les pays musulmans et l’Amérique, pas de croisades, pas de guerres, pas d’histoire.[72] » Ce fait est, en effet, de notoriété publique, et n’a guère besoin d’être soutenu par des raisonnements plus solides que ces pseudo-arguments d’autorité : il est bien connu que dans le monde arabo-musulman, la politique étrangère des Etats-Unis a, de tous temps, eu un grand prestige – peut-être aussi grand que la politique d’Israël, également portée au pinacle par les masses musulmanes. Pour abonder dans son sens, nous pourrions rappeler que dans ces pays, de nombreuses manifestations populaires brandissent les drapeaux américain et israélien – sans préciser que ces mêmes drapeaux y sont enflammés.

 Il est pour nous évident que Vladimir Volkoff ne croit pas un mot des fadaises indigestes dont il veut sustenter son lecteur : en bon propagandiste, il n’a que le souci de causer du tort à l’ennemi que représente pour lui l’Islam. Son argumentaire, qui nous paraît grotesque – et qui l’est effectivement –, ne l’est pas plus que tous les mensonges dont les populations sont quotidiennement abreuvées. Plus un mensonge est martelé, plus il joue sur les ressorts de la pitié et de la crainte, et plus il a de chances d’être « gobé »[73]. Aucun artifice ne peut être négligé pour ces « idéologues » peu scrupuleux, la seule exigence étant celle de l’efficacité. Ainsi, se voulant visionnaire, Vladimir Volkoff nous présente un avenir sanglant où la France sera soumise au sort de la Serbie :

Mais comment réagira-t-elle, cette France, quand des populations d’extraction non française, devenues majoritaires dans certaines de ses provinces, en réclameront l’indépendance ? (…) Nous essayons de ne pas voir à quel point certaines de nos banlieues sont déjà devenues des enclaves islamiques, mais il n’est pas exclu du tout qu’un « front de libération », récupérant les énergies qui y sont éparses et dont nous ne faisons rien, ne commence à y commettre des actions terroristes.[74] 

Dans cette vision d’Apocalypse, prédit Vladimir Volkoff, la France, contrainte de recourir à des actions aussi violentes que celles qui sont reprochées aux Serbes, pourrait faire face à une attaque similaire des Etats-Unis, toujours prompts selon lui à défendre les musulmans. Ainsi, au slogan originel « NATO-COLA[75] », censé résumer – et de manière assez pertinente – la politique extérieure des Etats-Unis, Vladimir Volkoff substitue-t-il l’invraisemblable slogan « NATO-MECCA-COLA[76] ». Toutes ces balivernes, délibérées, répondent de manière exemplaire à la définition de la désinformation de V.V.[77].

 Au reste, il est aisé de se rendre compte du fait que Vladimir Volkoff ne se prend guère au sérieux – mais il se prend au jeu : dans son exposé, il s’amuse à varier les tons, et exprime sa vision de la situation à travers des maximes douteuses, en référence explicite à la fameuse « tirade du nez » de Cyrano dans la pièce éponyme de Rostand. Pour le ton « Prophétique », on peut ainsi lire : « La France, ayant renoncé à sa propre souveraineté, peut difficilement défendre celle de la Yougoslavie.[78] » Le désuet cède rapidement le pas au grotesque, Vladimir Volkoff nous exposant ensuite ses théories fumeuses en des alexandrins aussi harmonieux qu’un beuglement :

Le communisme est mort : c’est pourquoi, croyez-m’en,

Il ne faut plus songer qu’à des désarmements…[79]

Cet ouvrage n’est que le libre déploiement de la vanité sans bornes de Vladimir Volkoff, et de son mépris souverain pour la souffrance humaine, qui n’est pour lui qu’un prétexte, qu’une occasion de faire de l’esprit – tout en faisant œuvre de propagande.

L’adage populaire affirme que l’on peut juger des individus d’après leurs amis, leurs fréquentations ; sans y souscrire complètement, qu’il nous soit permis d’évoquer, à ce propos, l’amitié de Vladimir Volkoff avec une personnalité particulièrement controversée, l’africaniste Bernard Lugan, maître de conférence à l’Université de Lyon III (« Histoire et géostratégie de la francophonie »), critiqué pour son idéologie colonialiste et sa proximité avec l’extrême droite. Dans l’émission qu’il animait sur Radio Courtoisie, Libre Journal, voilà ce qu’il affirmait au lendemain de la mort de son ami Vladimir Volkoff :

Le niveau de la classe intellectuelle française est bien à la hauteur du silence qui a accompagné son départ. Imaginons la mort de je ne sais quel histrion de sixième catégorie : des pages entières dans les journaux lui auraient été consacrées, des montagnes de gerbes auraient été déposées devant son cercueil. Il y aurait eu des émissions spéciales dans les chaînes dites de grande diffusion, dans les grands journaux. Silence. Silence radio. Ceci est bien à l’image de ce qu’est devenue l’intelligence de ce pays. (…) C’était au tout début desaffaires sur la Yougoslavie, et je pense avoir été l’un des premiers (…) à avoir vu qu’il fallait soutenir la Serbie, même si nous aimions les Croates (…), car les Serbes menaient LE bon combat, le bon combat contre l’Islam, et certains de nos amis étaient aveuglés par d’autres souvenirs. A l’époque, j’étais, je crois, tout seul à parler de ce nécessaire soutien à la Serbie. Jean Auguy[80] m’avait invité aux Journées Chouannes (…) et je devais parler de l’Afrique. Ce jour-là, j’avais devant moi un public de catholiques de tradition, de Chouans, qui par définition étaient plutôt pro-Croates que pro-Serbes, ne connaissant pas le problème. Volkoff était (…) au premier rang, assis, et il devait intervenir après moi. J’ai dit à l’assemblée : « Ecoutez, je ne vais pas vous parler de l’Afrique parce qu’il se passe des choses très graves dans l’ex-Yougoslavie, et je pense que nous nous trompons d’adversaire. Les nôtres sont les Serbes, nos amis sont les Serbes, il faut défendre les Serbes. » Et j’ai expliqué pourquoi il fallait défendre les Serbes, et Vladimir Volkoff s’est levé, il m’a embrassé, et a dit « Je ne pensais pas qu’on pouvait entendre cela dans une réunion comme [celle-là]. » Et c’est à partir de ce moment-là que nous étions vraiment rentrés en amitié avec Vladimir Volkoff.[81]

Nous n’avons aucun mal à croire à la solidité de cette amitié, fondée sur des ferments aussi productifs que le rejet de l’Islam – et, par ailleurs, une certaine idée de la France, et une conception toute particulière – roturière, dirions-nous – de la noblesse et de l’honneur[82]. Pour Vladimir Volkoff, bien plus que les amis, ce sont les ennemis communs qui fondent les alliances ; et, après la fin du communisme, l’Islam est l’ennemi par excellence.

Rigueur

 Vladimir Volkoff clame pour ses œuvres un véritable professionnalisme, un rigoureux souci du détail, tout en exprimant son mépris pour les dilettantes littéraires qui n’ont aucune connaissance des milieux qu’ils décrivent :

Il n’est pas à la portée de tout le monde de créer des mythes. N’empêche : le bon accueil des orfèvres est toujours plaisant, parce qu’ils ont au départ, et à juste raison, un parti pris de réticence. Les chasubles bleues, les marquis d’Empire, les officiers de Légion en képi blanc, les mandats de perquisition en France et les crans de sûreté sur les revolvers créent chez l’initié une juste irritation qu’un bon artisan cherche à éviter. J’ai reçu quelques récompenses littéraires ; peu m’ont fait autant de plaisir que le témoignage du colonel commandant le premier REC [Régiment Etranger de Cavalerie] :

- Dans vos romans militaires, il ne manque pas un bouton.

C’est comme cela que j’aime témoigner mon respect à mon lecteur.[83]

Cela ne fait aucun doute, Vladimir Volkoff maîtrise passablement les réalités du monde militaire et de celui du renseignement ; mais quelle est sa maîtrise de l’Islam ? Il ne cesse de faire référence à son expérience algérienne, et aux nombreux amis « musulmans » qu’il aurait eu l’occasion d’y rencontrer. Mais il nous semble que ce n’est là qu’un pieux mensonge, et que M. Volkoff n’a guère qu’effleuré la réalité arabo-musulmane, à propos de laquelle sa crasse ignorance est flagrante. Dans La paix des braves, un des épisodes du Berkeley à cinq heures, il nous présente en effet le périple d’un officier français et d’un maquisard berbère en pleine guerre d’Algérie, où l’officier, soucieux de respecter la religion du combattant, ne lui présente « rien d’interdit par l’Islam, ni jambon, ni dindon, ni fruits de mer (…) : foie gras, rôti froid, canard en gelée, salade, fromage. (…) Je lui proposai du whisky. (…) il préféra passer à l’anisette. (…) Nous partageâmes une bouteille de vin.[84] » Seul un Béotien peut proférer de telles extravagances : l’Islam interdit formellement la consommation du porc, et de toute viande non sacrifiée selon les rites islamiques, sans la moindre prévention contre le dindon ; la consommation des fruits de mer est tout à fait licite pour les musulmans sunnites : ce sont les israélites (et les chiites) qui la bannissent. Quant à la consommation d’alcool, qu’il s’agisse de vin ou d’anisette, elle est formellement interdite. Signalons encore, entre autres légèretés, que dans Le Tortionnaire, qui se déroule justement en Algérie, Vladimir Volkoff retranscrit un dialogue en Arabe, où, à un « Labès » (qui peut se traduire par « Ça va ? »), répond un « Abdullah, labès[85] », mis pour « Al hamdoullah, labès », qui signifie « Grâces en soient rendues à Dieu, ça va bien » (« Abdullah », qui est également un prénom, signifie « serviteur de Dieu », « adorateur de Dieu »).

 Un des romans les plus fameux de Vladimir Volkoff, loué par ceux qui voient en lui un précurseur et un fin connaisseur des réalités arabo-musulmanes, est L’Enlèvement, qui, derrière la trame principale[86], nous présente le monde des cellules terroristes islamistes, une année seulement avant les crimes du 11 septembre 2001. Mais seuls des ignares peuvent considérer que le monde qu’il décrit est réaliste. Dans ce roman, un responsable terroriste, face à une nouvelle recrue, commande du whisky, invoquant, entre autres arguments spécieux, une « ruse de guerre », et même le Coran, en citant une traduction du verset 43 de la sourate 4 : « Ne vous approchez pas de la prière quand vous êtes saouls au point de ne pas savoir ce que vous dites.[87] » : ce recruteur fait preuve à la fois d’une grande imprudence (il prend le risque d’ébranler la foi toute fraîche de sa nouvelle recrue en bravant ostensiblement un des interdits fondamentaux de l’Islam), et d’une crasse ignorance du Coran, l’interdiction de l’alcool ayant été établie progressivement, et ce verset ayant été abrogé par d’autres qui interdisaient l’alcool en toutes circonstances. Autre absurdité, Si Youssef, un autre agent recruteur terroriste, met sur le même plan l’autorité du Coran, de Bukhari et d’Al-Muttaki, quand le premier est (pour les musulmans) la parole de Dieu, le second le principal rapporteur de traditions prophétiques (Hadiths) dans l’Islam sunnite, et le troisième un Calife Abbasside du Xe siècle[88]. De même, Si Youssef considère Jésus comme « un prophète, mais tellement moins grand que son successeur[89] », quand l’Islam professe l’égalité de considération due à tous les Messagers divins[90].

Il ne s’agit pas ici de prétendre absurdement que des terroristes islamistes ne peuvent qu’être particulièrement versés dans leur religion, ou respectueux à son égard : en bravant l’interdit fondamental qui considère le meurtre d’un innocent comme un crime inexpiable, comparable au massacre de l’humanité entière[91], les terroristes sortent bien évidemment du cadre de l’Islam, mais il est concevable qu’un agent recruteur essaie d’escamoter cette réalité aux yeux de ses terroristes – et y parvienne. Ce que nous désirons montrer, c’est que l’ignorance abyssale des dogmes islamiques de la part de Vladimir Volkoff d’une part, et ses visées propagandistes d’autre part, l’amènent à faire proférer des absurdités à ses personnages, voire des insanités, car il privilégie au réalisme son désir de dénigrer l’Islam lui-même. Ainsi en vient-il à faire affirmer à ses recruteurs que « Mohamed ne mentionne même pas la circoncision dans le Coran.[92] », alors qu’aucune secte musulmane, si extrémiste et fanatique soit-elle, n’a jamais prétendu que le Coran avait été rédigé par Mohamed : pour tout musulman, c’est la parole de Dieu, révélée au Prophète par l’Ange Gabriel. Seuls ceux qui professent l’imposture de Mohamed et de la religion musulmane ont pu prétendre que c’était Mohamed qui l’avait composé.

 Cette visée purement blasphématoire est encore plus flagrante lorsque le terroriste Lakhdar, capturé, affirme gratuitement[93] à Zulfikar, un comparse à la foi chancelante : « D’ici quelques minutes, tu auras soixante-dix jeunes filles à ta disposition, dont, chaque fois, la virginité se renouvellera. Si tu préfères les garçons, cela peut s’arranger aussi : c’est dans le Livre.[94] » Lorsqu’on connaît les sentiments de Vladimir Volkoff à l’égard de la pédérastie, on comprend l’intérêt que peut avoir pour lui un tel propos, dont l’indécence est flagrante. L’Islam, comme toutes les religions monothéistes, condamne l’homosexualité sans appel, et la considère comme une perversion injustifiable, un crime contre la Création elle-même. Quiconque se réclame de l’Islam, même hypocritement, n’a aucun intérêt à en violer si manifestement, si gratuitement les préceptes. Bien entendu, il est tout à fait certain que nombre de « recruteurs » terroristes soient en réalité des pécheurs patentés, mais ils ne peuvent tromper leurs volontaires au sacrifice qu’en se présentant comme les plus pieux des croyants[95]. Ainsi les impératifs du romancier, chez Vladimir Volkoff, cèdent-ils ici le pas à ceux du « Croisé ».

 Dans un autre de ses romans, Vladimir Volkoff va même jusqu’à rabaisser l’Islam au rang d’une superstition animiste[96] : il nous présente en effet le communiqué d’un combattant tchétchène responsable de l’assassinat d’un officier russe qui, en Afghanistan, « faisait arroser les corps des moudjahidin tombés au combat d’un produit chimique qui les transformait en bouillie et, les rendant impurs, leur interdisait l’entrée du paradis d’Allah…[97] » Certes, tous les musulmans sont loin d’être imperméables à l’obscurantisme, mais de telles insanités – qui, de fait, donnent les clés du paradis à quiconque serait « versé » dans ces pseudo-croyances – ne peuvent émaner que d’un profond ignorant des réalités de l’Islam, doublé d’un diffamateur insidieux désirant le présenter comme une religion intrinsèquement rétrograde. Le folklore arabo-musulman qui parsème les œuvres de Vladimir Volkoff, malgré ses années passées en Algérie, n’est qu’un halo superficiel de préjugés et d’incompréhension, voire d’aberrations grossières, qui ne peut tromper que les néophytes. Puisque, à raison, M. Volkoff s’offusque de l’impéritie de ces romanciers qui présentent à leurs lecteurs des « chasubles bleues » et des « officiers de Légion en képi blanc », il comprendra aisément notre « parti pris de réticence » et notre « juste irritation » face à ses propres manquements, très peu respectueux de ses lecteurs.

Un visionnaire ?  

 Vladimir Volkoff, malgré ses prétentions, n’est ni un précurseur, ni un visionnaire. La thèse du choc des civilisations n’est pas la sienne, mais celle de Samuel Huntington (thèse propagandiste si jamais il en fut), de même que la notion de désinformation, qu’il affirme avoir introduite en France, nous vient également d’Outre-Atlantique, Noam Chomsky développant ces thèses depuis les années soixante. Nous sommes cependant contraints de reconnaître à Vladimir Volkoff un certain talent, qui n’est cependant pas celui qu’il s’arroge, mais celui de « pompier pyromane[98] » à succès : il suscite des craintes infondées dans l’espoir de les voir se réaliser, ou a su lire assez tôt la tendance qui s’impose de plus en plus clairement en ce début de XXIe siècle[99]. La dénonciation de l’Islam, qui n’avait pas pignon sur rue en France à l’époque où il composait ces livres, est de nos jours monnaie courante.

Ce caractère « performatif » de la pensée volkovienne est évident si l’on considère un roman comme Le Bouclage : dans un quartier populaire où la criminalité règne en maîtresse incontestée, une véritable « zone de non-droit » emmurée dans la loi du silence, quelques hommes déterminés, conscients que la loi, trop laxiste et indulgente envers les délinquants, ne peut aucunement mettre fin à l’insécurité, négligent la légalité au profit de l’efficacité[100] afin de purifier le quartier de ses éléments les plus néfastes. Le quartier est hermétiquement bouclé, tous les habitants en sont arrêtés, parqués dans un stade et fichés, et les domiciles fouillés. Il est évident que Vladimir Volkoff n’entreprend pas ce roman dans la perspective d’Aldous Huxley qui, dans Le Meilleur des Mondes, décrivait un avenir infâme qu’il redoutait et dénonçait de manière anticipée ; V.V. est un ardent partisan des méthodes expéditives qu’il décrit – qu’il prône, pourrions-nous dire. Les éléments les plus dangereux seront neutralisés puis éliminés en même temps qu’un groupe terroriste – car le Corazón a également ses terroristes, comme toute banlieue qui se respecte… – dont l’annihilation servit rétroactivement de prétexte à l’opération.

Malgré une prétention ostensible à la vraisemblance[101], Vladimir Volkoff privilégie le registre du pathos[102], en nous présentant une multitude de délinquants sanguinaires, voire sataniques, concentrés dans une proportion invraisemblable qui évoque plutôt les tréfonds de l’Enfer qu’une banlieue difficile : citons, par exemple, le violeur d’une fillette qui lui découpe ensuite les deux bras à la tronçonneuse, un agresseur qui, pour s’emparer d’une bague sertie d’un diamant, découpe le doigt de sa victime à l’aide d’un sécateur (c’est bien connu, les délinquants de nos banlieues ne se déplacent jamais sans leur sécateur portatif…), un étouffeur qui s’attaque de manière indiscriminée à des enfants et des vieillards, etc., jusqu’au stylo – lancé par des élèves turbulents – qui, dans une salle de classe, vient se ficher dans l’œil de la maîtresse, et autres immondes joyeusetés. Ces « images de choc » sont évidemment destinées à forcer l’adhésion du public, et à justifier la brutalité des procédés mis en œuvre pour « purger » ce quartier[103]. Procédés du reste efficaces, car tout finit bien, comme dans un conte de fées : malgré l’illégalité flagrante de l’opération, digne des régimes les plus rétrogrades, les délinquants sont arrêtés et inculpés, la loi du silence brisée, et les médias s’enthousiasment de ce procédé et rendent hommage à la fermeté de la force publique.

Nous reconnaissons donc, à notre corps défendant, le succès des méthodes prônées ici par Vladimir Volkoff, non pas du point de vue éthique, mais factuel : Paula Abad, victime d’un viol, et qui participait à la mise en place de l’opération, faisait remarquer à Julian Dandolo, l’Administrateur de l’Agglomération, qui a conçu le bouclage :

Un jour un homme d’Etat finira bien par comprendre qu’on ne peut décemment pas avoir de politique étrangère, ni de politique sociale, ni de politique économique, ni de politique tout court tant soit peu valable, ni peut-être même de pays dans le plein sens de ce terme, tant que la violence règne dans le métro. Le premier qui aura saisi cela aura les honnêtes gens avec lui. (…) [C]e pays aime qu’on lui fasse une politique de droite avec une étiquette de gauche.[104] 

Il est difficile de ne pas penser au grand succès que connaît de nos jours le discours sécuritaire, stigmatisant les banlieues, et s’attaquant aux conséquences de la pauvreté plutôt qu’à ses causes[105] : nous pourrions presque voir, dans la personnalité de Nicolo Grosso, qui occupe la fonction de Ministre de l’Intérieur dans le roman, un autre Nicolas, qui se proposait de « nettoyer au Karcher » la « racaille » qui, selon lui, infesterait nos banlieues[106].

 

2. Le communisme

 La haine du communisme de Vladimir Volkoff se traduit dans son œuvre par les mêmes excès. Nous évoquerons ici principalement les monuments de malveillance et de malhonnêteté intellectuelle que constituent La Trinité du mal ou réquisitoire pour servir au procès posthume de Lénine, Trotsky, Staline, et La Bête et le venin ou la fin du communisme, ouvrages aux titres programmatiques. Faisant explicitement référence au tribunal de Nuremberg[107], qui a condamné les criminels nazis, il s’étonne de la survivance du communisme en tant qu’idéologie, et s’attache à en montrer la foncière barbarie. En habile propagandiste, V.V. commence par faire acte de sa bonne foi :

 Nous étions convaincus qu’ils représentaient [Lénine, Trotsky et Staline], dans leur totalité, l’incarnation du Mal intégral.

 Il serait puéril de s’imaginer que nous leur reprochions de nous avoir pris nos privilèges ou notre aisance : nous avions eu fort peu d’aisance et moins de privilèges. Nous leur reprochions d’avoir précipité dans la terreur et l’oppression le peuple dont nous étions issus et auquel nous tenions par toutes nos radicelles.[108] 

Nous reconnaissons ici aisément le ressentiment du fils de russe « blanc » dont les parents furent exilés à la suite de la Révolution d’Octobre, qui, versant hypocritement des larmes de crocodile sur la tragédie du peuple russe, ne déplore en réalité que la fin du tsarisme[109]. Avec la rigueur scientifique qui le caractérise, il attribue au communisme « deux cent millions de morts sous toutes les latitudes », dont « les Nicaraguayens[110] ». Vladimir Volkoff, dont l’impudence est sans bornes, ne recule devant aucune falsification pour réaliser ses sombres desseins : il attribue au communisme, et non pas à l’impérialisme, les atrocités perpétrées contre le Nicaragua sandiniste par les Contras, les troupes paramilitaires entraînées et armées par la CIA, qui ont causé des dizaines de milliers de morts civiles durant la « sale guerre » menée pour renverser le gouvernement socialiste démocratiquement élu de Daniel Ortega[111].

 Non content de proférer des contre-vérités patentes, Vladimir Volkoff devient franchement risible lorsqu’il réalise une étude physiognomonique des portraits des trois « démons » bolchéviques[112], digne des plus délirantes divagations des Lombroso et autres Lavater. Qu’il nous suffise, pour montrer le profond ridicule de cette entreprise, de citer ce témoignage à charge prononcé contre Lénine : « Des témoins ont souvent vu ses yeux fulgurer de haine.[113] » Est-ce là un travail scientifique et historique, ou n’est-ce au contraire qu’un misérable pamphlet de propagande, qui, s’acharnant sur la dépouille d’un ennemi vaincu[114], en fait l’incarnation du mal absolu et le responsable de tous les maux de la Terre[115] ? Il y a de ça, et également une sorte de divertissement, un exercice de style qui ne fait nullement honneur à Vladimir Volkoff. Nous ne pourrions mieux le caractériser qu’en citant ce propos, qu’il utilise pour décrire Lénine : « Sa pensée n’était jamais une recherche de la vérité ; toute en action, elle supposait la vérité déjà connue et ne visait qu’à sa propagande.[116] » Car, de même qu’il méconnaît gravement l’Islam, Volkoff est un ignare en matière de communisme : ses citations attribuées à Lénine, Trotsky et Staline sont presque toutes de seconde main[117].

 Cet ouvrage ridicule et insane, dont la rigueur scientifique est inexistante, est le fait d’un histrion et d’un paltoquet (nous traitons ici M. Volkoff avec toute la considération qui lui est due) : en le publiant, Vladimir Volkoff démontre sa qualité de littérateur sinon vénal, du moins fat, qui, à la précision factuelle qu’exigerait un tel ouvrage, substitue des formules clinquantes (« Lénine, criminel contre l’humanité dont la charogne est toujours exposée en vitrine[118] ») qui sont plus révélatrices de sa haine foncière que des méfaits du communisme.

 Dans La Bête et le venin ou la fin du communisme, Vladimir Volkoff réitère les mêmes analyses tendancieuses : le communisme est la cause de « quelque deux cent millions de morts[119] », et d’une stagnation incommensurablement tragique de l’humanité :

Il est vrai aussi que l’extermination des uns, le dépérissement des autres ont épuisé, dans les pays les plus touchés, la banque des gènes disponibles, et que l’humanité ne sera jamais ce qu’elle aurait été sans cette hémorragie et cette gangrène : combien de Mozart assassinés ou atrophiés ? Nous ne le saurons qu’au jour du jugement dernier.[120]

L’effronterie, l’indécence mélodramatique avec laquelle Vladimir Volkoff glose, stylise de manière si malséante sur la souffrance humaine démontre l’indifférence qu’elle lui inspire : pour lui, il ne s’agit que de pourfendre une idéologie, qui le répugne non pas par son histoire violente (car il exalte ouvertement les crimes de l’impérialisme américain), mais par son caractère foncièrement populaire, humaniste et égalitaire. Ces exercices de style – car il ne s’agit pas d’autre chose – n’expriment guère plus que sa vanité sans bornes[121], cette morgue patricienne qui l’amène à ne voir dans la souffrance de la plèbe qu’un prétexte pour faire de l’esprit. A la noble conception hugolienne de la littérature – la plume au service de l’humanité –, Vladimir Volkoff substitue, à la faveur d’un renversement axiologique, sa propre conception « aristocratique » de l’écrit, qui l’amène à se jouer des plus grandes tragédies : comment un cœur véritablement sensible à la souffrance humaine pourrait-il badiner en déclarant que « le communisme a vampirisé la Russie, lui suçant le sang et la forçant à sucer celui des autres[122] » ? Nous ne pouvons le caractériser mieux qu’en reprenant ce mot de Hugo à propos de Chateaubriand – dont l’aristocratie était tout de même plus conséquente que celle de Vladimir Volkoff :

Certains grands hommes, Chateaubriand, par exemple, s’imaginent qu’il y a de la majesté à être comme des somnambules, à affecter l’ignorance des détails, à ne pas apercevoir les choses, à ne pas regarder la vie, à dédaigner l’humanité ambiante. C’est de la manière. Ce qui est grand, à mon avis, c’est de vivre simplement comme les autres hommes, sans effacement et sans orgueil, en voyant ce qu’ils voient, en touchant ce qu’ils touchent, et en pensant un peu plus qu’eux.[123] 

 De même que nous ne pouvons prendre au sérieux les attaques de Vladimir Volkoff contre l’Islam, nous considérons ses opuscules sur le communisme comme l’œuvre d’un folliculaire qui lui-même ne se prend guère au sérieux, et qui n’est motivé que par des considérations assez basses, qu’elles soient idéologiques ou de l’ordre de la vanité personnelle. Sans éthique ni rigueur scientifique, ces écrits, truffés de raccourcis tout justes dignes d’un travail universitaire peu scrupuleux, mériteraient amplement le prix Lyssenko attribué annuellement par ses compères du Club de l’Horloge[124], que nous lui attribuons symboliquement, et à titre posthume.

Salah Lamrani

 


[1] Autobiographie posthume de V.V., publiée par Lydwine Helly, Vladimir Volkoff, Les Dossiers H, L’Age d’Homme, Paris, 2006, pp. 20-32, et deux interventions radiodiffusées : l’une sur Radio Courtoisie (1er décembre 2003, à l’occasion de la réception du prix Daudet, récompense décernée annuellement par les auditeurs de Radio Courtoisie à la personnalité française ou francophone ayant le mieux servi la langue française), l’autre sur France Culture (For Intérieur, 7 septembre 1999).

[2] Correspondance complete de Jean-Jacques Rousseau, Genève, Institut Voltaire, 1965, 9:120, cité par Jean Starobinski, La transparence et l’obstacle, Gallimard, Paris, 1957, p. 237.

[3] Vladimir Volkoff au sujet de Divo, c’est-à-dire de lui-même, Le Complot, Editions du Rocher, Paris, 2003, p. 16.

[4] Lydwine Helly, op. cit., p. 20.

[5] For Intérieur.

[6] « J’ai commencé à écrire à sept ans, à envoyer des manuscrits aux éditeurs à dix-huit, mon premier roman a été publié quand j’en avais trente, et il m’a fallu attendre quarante-sept ans pour connaître quelque succès. » Lydwine Helly, op. cit., pp. 21-22.

[7] Radio Courtoisie.

[8] Lydwine Helly, op. cit., p. 21.

[9] Thèse d’esthétique soutenue à l’Université de Liège. Vers une métrique française, French Literature Publication Company, Columbia (South Carolina), 1978.

[10] L’exil est ma patrie, op. cit., pp. 44-45.

[11] Ibid., p. 48. La pièce de tissu en question est le morceau d’une robe qui aurait appartenu à Marie-Antoinette, et que conservait précieusement un ami de V.V., celui-là même qui lui prêta l’ouvrage de La Varende. La famille Volkoff, pour sa part, chérissait « une chute de brocart qui avait servi à faire la robe de l’impératrice douairière. » Ibid., p. 47. L’ouvrage de La Varende était « couvert d’un très joli porte-livre de maroquin rouge », qui impressionna l’indigent V.V. Ibid., p. 48.

[12] « J’étais enfant quand on m’a expliqué que l’officier russe montait à l’assaut le premier, entraînant ses hommes (l’officier allemand, paraît-il, passait le dernier, pour surveiller) et j’ai grandi avec l’idée royale que mon destin était de mourir le premier, que j’étais né pour ça : cette vie m’était seulement prêtée. C’est l’un des grands thèmes de l’humanité, il est très profondément ancré en moi. » Ibid., pp. 21-22.

[13] « Nous fûmes trahis et cent mille Musulmans qui avaient cru en notre parole sont morts égorgés, certains écorchés, certains salés vifs. » Lydwine Helly, op. cit., p. 27.

[14] For Intérieur.

[15]Autobiographie, in Lydwine Helly, op. cit., p. 29. Cependant, selon les Repères biographiques, c’est au roman Le Montage qu’est dû cet hommage. Ibid., p. 45.

[16] « Alexandre de Marenches, découvreur de Sun Tzu, était persuadé, entre autres, de deux choses fort simples : premièrement que l’ennemi (c’est-à-dire, à l’époque, l’URSS) nous faisait une guerre psychologique et deuxièmement qu’un des bons moyens pour s’en défendre serait d’en révéler l’existence au grand public. Il me proposa donc d’écrire un roman sur la désinformation, à charge pour lui de me fournir les renseignements nécessaires. En un sens, je devenais son agent d’influence, mais c’était pour la bonne cause, puisqu’il ne me serait rien demandé que de dénoncer le mensonge et de dire la vérité. » Petite histoire de la désinformation, op. cit., p. 14.

[17] Ces procédés sont courants de nos jours, et les accusations d’antisémitisme n’épargnent pas même des Juifs comme Noam Chomsky ou Norman Finkelstein (dont toute la famille, à l’exception de ses parents rescapés d’Auschwitz, a été exterminée par les nazis), à la faveur du concept grotesque de « haine de soi ». Citons, pour l’anecdote, le genre de preuves sur lesquelles Angelo Rinaldi (critique littéraire à L’Express, 5-12 Septembre 1980), un des ténors de la cabale anti-volkovienne, appuyait ses accusations d’antisémitisme : dans Les Humeurs de la mer, la mère de Beaujeux, le héros, est juive ; dans Intersection, le troisième volume de la tétralogie, un procureur soviétique torture un juif, etc. De ces arguments spécieux, il concluait que V.V. était « un antisémite pervers, car paradoxal »… Volkoff et les médias, in Lydwine Helly, op. cit., p. 180.

[18] « Je gagnai les procès où, accusé d’être antimusulman et antijuif, je décidai de partager mes dommages et intérêts entre trois œuvres : une juive, une musulmane, une chrétienne. J’avais l’air de triompher. » Autobiographie, Ibid., p. 30.

[19] Ces analyses et citations sont extraites de l’étude de John M. Dunaway, The Double Vocation : Christian Presence in Twentieth-Century French Fiction, V, Vladimir Volkoff : The Fecundity of Evil, pp. 124-126.

[20] « Est-il besoin d'une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience change avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales, leur existence sociale ? Que démontre l'histoire des idées, si ce n'est que la production intellectuelle se transforme avec la production matérielle ? Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante. » Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, Union générale d’éditions, Paris, 1962, p. 44.

[21] Lydwine Helly, op. cit., p. 272.

[22] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 115.

[23] Ibid., p. 129.

[24] Pourquoi je serais plutôt aristocrate, Editions du Rocher, Paris, 2004, p. 14.

[25] Ibid., pp. 44-45.

[26] Ibid., p. 137. Citons encore « Montherlant se plaignait déjà de la disparition des cireurs de chaussure au-dessus d’un certain parallèle. » Ibid., p. 141.

[27] Ibid., p. 93. Par justice envers V.V., précisons que dans d’autres œuvres, son caractère foncièrement passéiste s’exprime également à travers de plus nobles regrets : « O époque bénie, où l’on disait ‘Mademoiselle, vous’, où la toile de Nîmes était encore l’apanage des Barbares d’outre-Atlantique, où les femmes ne portaient le falzar que par grand froid, où le langage n’était grossier qu’occasionnellement, où la promiscuité scolaire et vacancière n’avait pas défloré l’ignorance mutuelle des sexes, si favorable aux grandes passions comme aux flirts ! O chères sphinges peuplant les sombres galeries lambrissées qui taraudent la Sorbonne-fourmilière, ô visiteuses perchées en jupes-corolles sur les bancs printaniers du Luxembourg qu’épiaient de farouches gardiens interdisant le plus impalpable des baisers, ô belles impossibles, ne vous rendra-t-on jamais à l’innocence troublée de notre contemplation ? » Il y a longtemps mon amour, op. cit., p. 29.

[28] Ibid., p. 136.

[29] V.V. ne recule pas même devant les barbarismes, naviguant, tel le char de Joseph Prudhomme, sur un volcan en parlant d’optimocrate, de qualitisme ou d’excellentisme (Ibid., p. 40). Il est difficile de considérer sérieusement un homme aussi étranger à la rigueur que V.V.

[30] L’exil est ma patrie, op. cit., pp. 50-51.

[31] La leçon d’anatomie, op. cit., p. 274.

[32] Olduvaï, p. 362. 

[33] Les Maîtres du temps, p. 70.

[34] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 105.

[35] « qui était le bon, qui était le mauvais, Vercingétorix ou Jules César, compte tenu de ce que la France était appelée à porter la civilisation au monde ? » Ibid., p. 127-128.

[36] Postface à Opération Barbarie, Edition des Syrtes, Paris, 2001, p. 195. Voilà ce que Nietzsche dit de la guerre : « nous ne connaissons pas d’autre moyen qui puisse rendre aux peuples fatigués cette rude énergie du champ de bataille, cette profonde haine impersonnelle, ce sang froid dans le meurtre uni à une bonne conscience, cette ardeur commune organisatrice dans l’anéantissement de l’ennemi, cette fière indifférence aux grandes pertes, à sa propre vie et à celle des gens qu’on aime, cet ébranlement sourd des âmes comparable au tremblement de terre, avec autant de force et de sûreté que ne fait n’importe quelle grande guerre… » Humain, trop humain, VIII, § 144, trad. A-M Desrousseau.

[37] « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » Fondements de la métaphysique des mœurs.

[38] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 128.

[39] Il y a longtemps mon amour, p. 42. Cf. « ‘Le 14 juillet 1789, le grand peuple français a conquis la Bastille pour en libérer sept pouilleux : quel héroïsme !’ 

Diables de Serbes ! Ils connaissent l’histoire de France mieux que nous. » Désinformation : flagrant délit, op. cit., p. 17.

[40] Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 199.

[41] Le Tortionnaire, p. 87.

[42] Le Berkeley à Cinq heures, ‘La paix des braves’, op. cit., p. 97.

[43] Ibid., p. 201.

[44] Le Bouclage, op. cit., p. 174.

[45] Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 219. Il va sans dire que toutes les références qui sont présentées comme authentiques restent anonymes, à l’image de cet écrivain algérien : « Un écrivain algérien me disait récemment : ‘Il n’y a qu’une seule chose que nous ne puissions pas vous pardonner, c’est de nous avoir abandonnés à la merci d’une armée vaincue.’ » Ibid., p. 201.

[46] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 13.

[47] Il conclut en ces termes : « il est fort rare que les choses se présentent de la sorte ». Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 220.

[48] Autobiographie, in Lydwine Helly, Vladimir Volkoff, op. cit., p. 32.

[49] Dans Le Berkeley à cinq heures, V.V. se décrit comme « taxé d’anticommuniste ‘viscéral’ par les journalistes indulgents et ‘professionnel’ par les hostiles ». Vladimir Volkoff, Le Berkeley à cinq heures, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Paris, 1993, p. 187. Nous prenons, par respect envers l’intelligence de V.V., le parti des « hostiles » : les insanités qu’il profère sont dues, selon nous, à ses visées de propagande, non à de la bêtise.

[50] Le Berkeley à cinq heures, op. cit., p. 73.

[51] Désinformation, flagrant délit, Editions du Rocher, Paris, 1999. Il préfère cependant, au terme désinformation, celui de psychocratie ou « empaumement des âmes ».

[52]Crisis in the Balkans, in Rogue States, The Rule of Force in World Affairs, South and Press, Cambridge, 2000, pp. 34-50.

[53] Désinformation, flagrant délit, op. cit., pp. 10-11.

[54] La politique étrangère américaine, qui ne s’est jamais encombrée de notions aussi contraignantes que les droits de l’homme, était directement responsable de cette situation : en 1995, les accords de Dayton, supervisés par les Etats-Unis, avaient partitionné la Bosnie-Herzégovine au détriment des Kosovars, amenant ceux-ci à préférer à la non-violence une stratégie offensive qui amena des représailles massives de la part des Serbes. Noam Chomsky, op. cit., p. 36.

[55] Qu’est-ce que l’objectivité ? Est-ce, comme l’enseignent les écoles de journalisme, un fait arithmétique, qui consiste à donner toujours les deux versions des faits, à toujours rappeler qu’il y a des extrémistes des deux côtés, comme si, durant un conflit aussi peu controversé que la seconde guerre mondiale, il n’y avait pas également eu des « extrémistes » des deux côtés : Dresde, Hiroshima et Nagasaki sont-ils autre chose que d’odieux crimes de guerre ? Cela ne change rien au fait que fondamentalement, la justice était dans le camp antinazi. Prenons un cas concret : l’armée israélienne, durant l’attaque menée contre Gaza fin 2008, a-t-elle commis des crimes de guerre ? Les journalistes et hommes politiques occidentaux se contentent de relayer d’une part les accusations portées par le Hamas et les organisations internationales telles Amnesty International et Human Rights Watch, et d’autre part le démenti de Tsahal, et considèrent agir ainsi en respectant l’équité. Car selon l’éthique en vigueur, ce serait assurément un manque de déontologie que de mettre en relation, sous forme de syllogisme, des faits indéniables en eux-mêmes et d’en tirer les conclusions qui s’imposent : Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées du globe, et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I, Article 51, ‘Protection de la population civile’) du 8 juin 1977 considère le bombardement de zones peuplées de civils comme un crime de guerre ; Israël a massivement bombardé Gaza ; Israël est coupable de crimes de guerre. Robert Fisk, correspondant du journal The Independent basé au Moyen-Orient, s’indigne de l’hypocrisie et de la lâcheté des médias occidentaux, et donne une définition de ce que devrait être l’éthique journalistique : toujours mettre à l’épreuve les versions officielles, et garder une neutralité qui soit en faveur de ceux qui souffrent. « Si vous vous retrouviez au XVIIIe siècle pour faire un reportage sur le trafic d’esclaves, donneriez-vous le même temps de parole aux esclaves qu’au capitaines de négriers ? Non, vous parleriez surtout aux esclaves. Si vous aviez été présent à la libération d’un camp d’extermination nazi, donneriez-vous le même temps de parole au porte-parole des SS qu’aux victimes ? Non, vous ne le feriez pas ; vous ne parleriez qu’aux survivants. » Ask All You Like About 9/11, But Just Don’t Ask Why, MIT, 5 Février 2003. La traduction est de nous.

[56] L’accusation d’islamophobie a souvent été portée à l’encontre de V.V. (notamment par Pierre Joffroy – dont le véritable nom est Maurice Weil – sur le plateau d’Apostrophes, le 24 Septembre 1982 ; V.V. porta plainte en diffamation et gagna son procès), mais elle est, selon nous, fondée, bien que son hostilité à l’Islam, comme au communisme, soit plus « professionnelle » que « viscérale ».

[57] Désinformation, flagrant délit, op. cit., p. 12.

[58] Ibid., p. 46.

[59] Comparant cette intervention américaine avec l’invasion de l’Irak, il note que « l’Irak avait bel et bien envahi le Koweït, tandis que la Yougoslavie réglait des problèmes intérieurs. » Ibid., p. 54.

[60] Ibid., p. 56.

[61] Ibid., p. 53.

[62] V.V. décrit ainsi les deux ethnies qui s’opposent : « l’une réduite à la guérilla, l’autre à la contre-guérilla, c'est-à-dire, pour simplifier, au terrorisme d’un côté et à la terreur de l’autre. » Ibid., p. 56.

[63] Les nécessités de sa « Croisade », ou plutôt de sa « guerre psychologique » contre l’Islam ne l’empêchant pas d’habiller son propos de sentiments « chevaleresques », il remarque, à propos de la disproportion des forces : « Traiter cette agression de guerre reviendrait à dire que six policiers passant à tabac un voyou auquel ils ont mis les menottes lui livrent un combat singulier conforme aux usages de la chevalerie. » Ibid., p. 71. A propos du supposé enthousiasme des Français quant à cette guerre, il ironise : « Le surprenant, c’est que l’argument de la ‘moralité’ ait joué sur les citoyens, je veux dire les Français, qui laissent facilement attaquer, violer, dépouiller, défigurer des femmes dans le métro en continuant à lire L’Equipe ou Libération, parce que, dans le métro, il pourrait être périlleux d’intervenir. Peut-être est-ce pour se racheter d’une pusillanimité quotidienne que, pour cette fois, ils sont montés (sans le moindre danger) sur leurs grands chevaux et se sont soudains découverts d’une ‘moralité’ irréprochable. Ah ! qu’il est doux de jouer les justiciers en charentaises ! » Ibid., pp. 66-67.

[64] Ibid., pp. 101-103. Précisons encore que V.V. revendique hautement sa fidélité envers la France. Ayant vécu une trentaine d’années aux Etats-Unis, il aurait cependant renoncé à en prendre la nationalité : « Pour devenir Américain il y a encore plus de questions et à la dernière page, il faut dire qu’on refuse toute autre allégeance que l’américaine. Je n’ai pas pu. Je ne peux pas refuser l’allégeance russe, française, familiale. Je ne peux pas. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 50.

[65] Vladimir Volkoff a également des idées « philosophiques » sur la pauvreté et les moyens d’y mettre fin :

« Le manque de personnel des grands hôtels m’attriste, surtout lorsque je pense à tous les chômeurs, vagabonds, dépenaillés divers, qui seraient si bien là, au chaud, à me cirer mes chaussures et à me porter mes valises dans le dos de la Sécu, plutôt qu’à me mendigoter deux francs à l’entrée du métro sans ôter le mégot de leur bouche. 

Pardon pour cette parenthèse socio-philosophique. » Le Berkeley à Cinq heures, op. cit., p. 195.

[66] Pour un aperçu significatif de la politique étrangère des Etats-Unis depuis 1945, voir, entre autres, ces œuvres de Noam Chomsky : The Washington Connection and Third World Fascism ; After the Cataclysm  : Postwar Indochina & the Reconstruction of Imperial Ideology ; What Uncle Sam Really Wants ; Rogue States : the Rule of Force in World Affairs ; Hegemony or Survival : America’s Quest for Global Dominance ; What We Say Goes  : Conversations on U.S Power in a Changing World  ; Failed States  : The Abuse of Power and the Assault on Democracy. Etc., etc.

[67] Dans sa conférence intitulée Distorted Morality : A War on Terrorism  ?, 6 Février 2002.

[68] Désinformation, flagrant délit, op. cit., p. 16.

[69] Ibid., pp. 65-66. Dans son ouvrage retraçant l’historique de la désinformation (Petite histoire de la désinformation), V.V. ne fait pas la moindre référence à Chomsky, qu’il ne peut prétendre méconnaître, ayant vécu trente ans aux Etats-Unis. Cela lui permet, sans doute, de laisser entendre qu’il est le premier à s’être intéressé sérieusement à ces questions.

[70] Ibid., p. 109.

[71] P-M Gallois : Le Sang du pétrole, Le Soleil d’Allah aveugle l’Occident ; Alexandre del Valle : Islamisme et Etats-Unis : Une alliance contre l’Europe.

[72] Ibid., p. 111.

[73] Considérons par exemple la fable des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein, qui a amené les Etats-Unis à envahir l’Irak en 2003 : si le souvenir des mensonges éhontés qui ont amené le monde à cautionner la première guerre du Golfe a pu contribuer à créer l’extraordinaire mouvement populaire international de dénonciation de l’illégalité et de l’illégitimité de cette seconde invasion, les médias et les opinions ne laissent pas de succomber à nouveau aux inepties américano-israéliennes à propos du dossier nucléaire iranien, ignorant complètement le fait que d’une part, l’Iran ne désire que l’usage pacifique de l’énergie nucléaire, et que d’autre part, quand bien même il désirerait des armements nucléaires offensifs, les puissances qui prétendent lui dénier ce droit sont à la fois les plus nucléarisées et les plus belliqueuses, représentent un obstacle constant à la paix dans cette région, et n’ont aucune légitimité à empêcher d’autres puissances d’acquérir ces armements dissuasifs : il est de la responsabilité des Etats de protéger leur population, et la possession de l’arme nucléaire peut sembler une solide garantie. Voir Manufacturing Consent de Noam Chomsky.

[74] Désinformation, flagrant délit, op. cit., pp. 26 et 148. Cette thèse réapparaît constamment dans l’œuvre de V.V. : dans Le Berkeley à cinq heures, il y affirmait que la France s’intéressait aux méthodes de tortures par privation sensorielle « pour le cas où, par exemple, le lumpenprolétariat immigré deviendrait un bouillon de culture terroriste. » Le Berkeley à cinq heures, op. cit., p. 58. Dans une conférence donnée à des futurs officiers en avril 2005, et intitulée « Guerre révolutionnaire en Algérie », il affirme que les méthodes contre-révolutionnaires mises en place en Algérie le seront bientôt en France même : « Le droit du sol étant ce qu’il est, les visées expansionnistes de l’islam étant ce qu’elles sont, et le pourcentage d’immigrés ayant dépassé, dans plusieurs pays d’Europe, la cote de sécurité, il n’est pas inimaginable du tout que certaines portions de territoire européen veuillent se déclarer indépendantes, avec le soutien des grandes puissances islamiques. Lorsque les forces de police qui déjà, à l’heure où je vous parle, ne pénètrent pas dans certains quartiers, se seront révélées insuffisantes pour maintenir l’intégrité du territoire national, il faudra bien, à moins d’une capitulation pure et simple, que vous interveniez, vous. » Vladimir Volkoff, op. cit., p. 335. 

[75] V.V. affirme avoir vu ce slogan en Serbie. « NATO » est le sigle anglais pour « OTAN »

[76] Evidemment, contrairement à « NATO-COLA », ce slogan ne se trouve pas sous la plume de Vladimir Volkoff. Mais il résume assez bien ce que voudrait nous faire croire V.V. (Mecca-Cola se veut l’un des équivalents arabes de Coca-Cola).

[77] Il la définit comme la « manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. » Ibid., p. 31.

[78] Ibid.

[79] Ibid., p. 105.

[80] Editeur et militant nationaliste.

[81] Bernard Lugan, Libre Journal, Radio Courtoisie, 22 Septembre 2005.

[82] Bernard Lugan et Vladimir Volkoff seraient prêts à risquer leur sang – à défaut de leur vie – pour défendre leur conception de l’honneur. C’est ce qu’affirme Bernard Lugan, en rapportant cette anecdote révélatrice : « Cette amitié [avec Vladimir Volkoff], je l’ai éprouvée au moins à une reprise : un duel, que je devais mener avec quelqu’un qui méritait quelques centimètres d’acier dans les parties molles du corps, et j’ai demandé à Vladimir d’être mon témoin, et Vladimir Volkoff a immédiatement accepté. A une condition : c’est que l’on se batte en duel à la russe, et que les témoins se battent également. Je dis ‘Bien volontiers, Vladimir, plus il y aura de sabres, et plus on rira.’ Il est évident qu’en face, ils se sont sauvés, on n’a vu personne, et on attend toujours… » Ibid. V.V., lui aussi, sait reconnaître le courage, même chez ses ennemis : ainsi déclare-t-il au sujet des guérilleros communistes latino-américains : « Saluons-les au passage : du moins ils se seront battus et sacrifiés. » La Bête et le venin, op. cit., p. 17. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, qu’il condamne bien évidemment, il osera faire les remarques de bon sens que personne – ou presque, Noam Chomsky et Robert Fisk l’ayant également souligné – n’a osé faire, à savoir que c’est la politique américaine qui est à l’origine de ces atrocités : « Il y a, disons, deux attitudes, l’attitude de Bush qui dit ‘C’est la lutte du bien contre le mal’, ce qui est tout de même un peu grotesque (…), tandis qu’il y a beaucoup d’Américains qui ont compris qu’on ne bouscule pas le monde entier impunément, qu’il finit tout de même par vous arriver quelquefois des bricoles si vous allez trop loin. (…) C’est David contre Goliath, et le petit David est bien obligé quelquefois de recourir à des procédés qui choquent, qui sont spectaculaires, mais qui en réalité ne sont pas plus atroces que les procédés de Goliath. » Fidèle à lui-même, V.V. souligne également : « Nos médias, qui ont tellement de sympathie pour les tueurs du FLN qui jetaient des bombes et des grenades dans des cafés et ensuite s’enfuyaient à toutes jambes, pourquoi n’éprouveraient-ils pas tout de même un peu de respect pour des gens qui vont vraiment jusqu’au bout de leurs idées, qui meurent, qui savent qu’ils vont mourir ? Je les trouve beaucoup plus respectables... » Radio Courtoisie, Libre Journal, 13/09/2001.

[83] Le Berkeley à cinq heures, p. 185.

[84] Ibid., p. 123.

[85] Vladimir Volkoff, Le Tortionnaire, p. 148. Cette erreur se retrouve dans L’Enlèvement, p. 269.

[86] Vladimir Volkoff, L’Enlèvement, Editions du Rocher, Paris, 2000. Le Président américain (directement inspiré de Bill Clinton, qui a mis en place l’intervention de l’OTAN en Serbie) y décide de faire enlever Knezevitch (directement inspiré de Milosevic, mais présenté sous les auspices les plus favorables : humaniste, croyant, adulé par son peuple, d’un caractère noble, etc.), le dirigeant du Monterosso, au prétexte de ces actions défensives contre des populations musulmanes séditieuses, mais en réalité pour s’attirer les faveurs du monde musulman. Ce roman est le pendant romanesque de la propagande abjecte contenue dans les ouvrages sur la désinformation que nous avons analysés.

[87] Ibid., pp. 273-274.

[88] « Le Coran dit : ‘Le combat vous est prescrit.’ Et Al Bokari : ‘Le paradis est à l’ombre des sabres.’ Et Al Muttaki : ‘Un jour et une nuit de combat valent mieux qu’un mois de jeûne et de prière.’ » Ibid., p. 265. Précisons que Bukhari, que V.V. fait parler de son propre chef, n’a fait que collecter et rapporter des propos attribués au Prophète ou à ses Compagnons, et que la figure d’Abu Ishaq Al-Muttaki n’a d’autorité pour aucune faction musulmane. Si ces références peuvent passer pour de l’érudition aux yeux d’ignorants, elles sont grotesques aux yeux de quiconque connaît un peu l’Islam. Pour se justifier de sa réticence à parler des Juifs, V.V. affirmait : « je déteste parler de tout ce en quoi je ne suis pas compétent. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 131. Pourquoi n’a-t-il pas ce même scrupule au sujet de l’Islam ? V.V., en la matière, est un profane qui n’écrit que pour des profanes, et son ignorance est aussi transparente que son mépris.

[89] Ibid, p. 311.

[90] « Dites : ‘Nous croyons en Dieu et en ce qui est descendu sur nous, en ce qui est descendu sur Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, les Tribus, et en ce qui fut donné à Moïse, à Jésus, fut donné aux Prophètes de la part de leur Seigneur. Nous ne faisons de différence entre aucun d’eux, et à Lui nous sommes soumis.’ » Coran, II, 136.

[91] « C’est pourquoi nous édictâmes, à l’intention des Fils d’Israël, que tuer une âme non coupable du meurtre d’une autre âme ou de dégât sur la terre, c’est comme d’avoir tué l’humanité entière ; et que faire vivre une âme c’est comme de faire vivre l’humanité entière. Oui, Nos Prophètes leur vinrent avec des preuves. Pourtant, malgré cela, beaucoup d’entre eux commettent l’abus. » Coran, V, 32.

[92] Ibid., p. 305.

[93] Ces terroristes, ayant attenté à la vie du Président Knezevitch, sont sur le point d’être exécutés sans interrogatoire : Lakhdar n’a donc aucun intérêt à s’attirer la bienveillance de Zulfikar, qu’il méprise ; du reste, il s’exprime en Français, langue que Zulfikar ne comprend pas, et ne désire donc qu’impressionner 2K, un officier français présent, « en assumant [s]a foi jusque dans ses bizarreries et ses ridicules apparents » (Ibid.). Ce n’est là qu’une manière, particulièrement méprisable, de suggérer que les croyances musulmanes sont insensées, car selon ce propos, les derniers des individus y pourraient accéder au Paradis.

[94] Ibid., p. 375.

[95] Voir, par exemple, le portrait d’Oussama Ben Laden brossé par Robert Fisk (qui l’a rencontré plusieurs fois) au premier chapitre de The Great War for Civilisation : The Conquest of the Middle East, ‘One of Our Brothers Had a Dream…’, Vintage Books, New York, 2005, pp. 3-34.

[96] Dans The Searchers, western de John Ford, John Wayne mutile le cadavre d’un Cheyenne en lui crevant les yeux, affirmant que selon leur croyance, cela les empêchera de trouver le repos éternel.

[97] Vladimir Volkoff, Le Complot, Editions du Rocher, Paris, 2003, p. 37.

[98] Malgré son inélégance manifeste, cette formule éloquente exprime l’idée induite par la notion de self-fulfilling prophecies, ou « prophéties auto-réalisatrices ».

[99] A son échelle, Vladimir Volkoff entreprend, par exemple, la même chose que les Etats-Unis désiraient en Irak après leur enlisement consécutif à l’invasion de 2003, lorsqu’ils commencèrent à évoquer le spectre de la guerre civile. L’éminent spécialiste du Moyen-Orient, Robert Fisk (auteur de Pity the Nation : Lebanon at War et The Great War for Civilization : The Conquest of the Middle East), résumait ce propos ainsi, dans une conférence donnée avec Noam Chomsky (Conflict in the Middle East) : en parlant de guerre civile à propos de la société irakienne, alors que celle-ci n’a jamais été une société sectaire, ils espéraient amener les sunnites et les chi’ites à s’affronter afin de prévenir tout redressement de l’Irak. Et de fait, nous avons une situation de guerre civile aujourd’hui.

[100] « Et si on s’en moquait, du tollé, comme les Israéliens en Palestine, Thatcher aux Malouines et Reagan à Grenade ? » Le Bouclage, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Lausanne, 1990, p. 117. « [L]e véritable ennemi du policier n’est plus le voyou ni l’avocat du voyou mais le juge d’instruction ». Ibid., pp. 197-199.

[101] En note de bas de page, à propos d’une statistique inquiétante selon laquelle « les agressions de femmes seules sur la voie publique ont augmenté de 607 % en un an », l’auteur précise : « Pour demeurer dans une stricte vraisemblance, la plupart des statistiques attribuées à l’Agglomération ont été empruntées à la région parisienne. V.V. » C’est notamment pour des nécessités romanesques que V.V. situe assez explicitement cette intrigue en Espagne, où le spectre du pouvoir absolu de Franco ajoute un ressort supplémentaire à l’intrigue lorsque certaines évoquent, au sujet du bouclage, des craintes de coup d’Etat fasciste. Le critère idéologique joue également, car cette manière détournée d’évoquer la situation de la France peut être une stratégie argumentative.

[102] Il le fait en flattant les pulsions les plus basses que sont le voyeurisme et le sensationnalisme, qui font de nos jours le succès d’émissions et de revues sordides : comme nous l’avons vu, les conceptions aristocratiques de V.V. s’effacent prestement devant ses combats idéologiques, qu’il mène sans la moindre décence. Nous ne nions pas qu’il existe, dans nos sociétés, de véritables barbares ; mais au-delà du fait que V.V. réunit dans un périmètre réduit une variété invraisemblable de criminels, nous dénonçons l’emploi d’un ressort si peu noble dans un ouvrage qui se veut littéraire (mutilations infâmes, mœurs sexuelles sataniques, etc.). Ces thématiques, qui du reste peuvent être évoquées avec talent par de véritables écrivains (Cf. Les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, ou la prose célinienne), constituent hélas, à notre époque, un procédé grossier et vulgaire destiné à attirer un public manufacturé à l’avenant, en arborant de manière éhontée les bannières de l’art. Du reste, Chateaubriand, aristocrate plus respectable, déclarait dans la Préface d’Atala : « Peignons la nature, mais la belle nature : l'art ne doit pas s'occuper de l'imitation des monstres. » Chateaubriand, Atala - René, Pocket, 1999, Préface de la première édition, p. 143.

[103] L’opération est, rétroactivement, baptisée P.U.R.G.E.

[104] p. 584.

[105] V.V., par l’intermédiaire de Paula Abad, nous exprimait ses idées à ce sujet. Il considère les habitants des banlieues en situation difficile comme des « victimes d’eux-mêmes, en fin de compte, car d’autres, ayant traversé les mêmes épreuves, en étaient ressortis sans léser autrui » (p. 439.) : évidemment, un homme aussi distant des problèmes du peuple que l’est V.V. ne peut qu’exprimer ces sophismes pseudo-aristocratiques, étendant à autrui les exigences qu’un aristocrate authentique ne s’imposerait qu’à lui-même, et concluant que si des individus, par une chance ou des talents supérieurs, ont pu s’en sortir, on est en mesure d’exiger de tous le même succès. Triste conception minimaliste, qui se satisfait non pas de la probabilité du succès pour les populations défavorisées, mais de sa simple possibilité, et ce aux antipodes de la notion d’ « égalité des chances » – alors même que l’une des citations liminaires de Pourquoi je serais plutôt aristocrate, de John Ford, était : « La démocratie dont je suis partisan, c’est celle qui donne à tous les mêmes chances de réussite, selon la capacité de chacun. Celle que je repousse, c’est celle qui prétend remettre au nombre l’autorité qui appartient au mérite. » Ibid., p. 7. Nous précisons que nous nous gardons bien d’attribuer à V.V. toute idée exprimée par un de ses personnages : mais nous estimons avoir une connaissance suffisante de l’individu et de ses principes pour pouvoir lui en attribuer certaines sans le moindre doute.

[106] La comparaison a ses limites, car Nicolo Grosso citait Démosthène, Euripide et les Gracques, alors que notre barbare inculte, incapable de s’exprimer en bon français (même lorsqu’il lit ses discours, qui, nous le présumons, sont composés par des gens plus lettrés), ne peut se réclamer que des Bigard et des Doc Gynéco. Quant à la nature des opérations répressives mises en place, elles se valent : que dire en effet de descentes de police musclées réalisées à six heures du matin, sous l’œil des caméras, pour arrêter des suspects dont la plupart seront ensuite relâchés fautes de motifs d’inculpation ? De telles opérations sont menées contre des sans-papiers présumés, mais le furent également à l’occasion des émeutes de Villiers-le-Bel de 2007 (où les forces de l’ordre ont fait l’objet de tirs de grenaille), consécutives à la mort de deux adolescents, tués par une voiture de police dont les occupants prirent la fuite avant même l’arrivée des secours, se rendant coupables de non-assistance à personnes en danger : une descente de police fut ensuite réalisée contre plusieurs résidents, dont le foyer d’un des deux jeunes tués. Rappelons que Churchill disait que dans une démocratie, seul un livreur de lait peut frapper à notre porte à l’aurore...

[107] Tribunal à l’équité hautement douteuse, comme l’évoque allusivement V.V. dans La Trinité du Mal (ce qui ne l’empêche pas de louer son « injustice cautérisante » Ibid., p. 94.), et comme l’a démontré Noam Chomsky : en effet, n’y étaient considérés comme « crimes de guerre » que les crimes commis par les seuls nazis. Les bombardements massifs de populations civiles, notamment à Dresde, Hiroshima et Nagasaki, crimes de guerre si jamais il en fut, ne furent aucunement dénoncés. Dans La Bête et le venin, V.V. rectifiait le tir : « les procès de Nuremberg, faits par des vainqueurs à des vaincus, au mépris des conventions internationales et au nom d’une législation inventée a posteriori constituent un déni de justice. ». La Bête et le venin, op. cit., p. 155.

[108] La Trinité du mal, ou réquisitoire pour servir au procès posthume de Lénine, Trotsky, Staline, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Lausanne, 1998, p. 7.

[109] A la faveur d’un aperçu historique éminemment partial, V.V. nous démontre, dirions-nous de manière à peine abusive, que sous le règne de Nicolas, la Russie était la plus heureuse des nations, que les libertés et la justice, régnaient, etc.

[110]Ibid., p. 12.

[111] Cf. Noam Chomsky, What Uncle Sam Really Wants, ‘Teaching Nicaragua a Lesson’, Odonian Press, Berkeley, 1995, pp. 40-46. V.V. attribue également au communisme les victimes de la guerre d’indépendance angolaise (contre le Portugal puis contre l’Afrique du Sud et les forces qui la soutenaient), alors même que les socialistes menés par Agostinho Neto luttaient (avec l’aide internationaliste de Cuba) pour leur indépendance, et que les Etats-Unis et le régime raciste d’Afrique du Sud voulaient les soumettre. De même, dans La Bête et le venin, V.V. attribue au communisme les morts causées par le régime Khmer au Cambodge (soutenu par la politique américaine génocidaire, qui désirait miner le recouvrement du Vietnam), sans considérer que c’est bien la République socialiste du Vietnam qui, en 1979, y a mis fin, ce même Vietnam contre lequel étaient ignoblement intervenus les Etats-Unis, avec les encouragements enthousiastes de Volkoff. Sur ce sujet, voir Noam Chomsky, ‘Inoculating Southeast Asia’, Ibid., pp. 58-60.

[112] « J’ai posé leurs trois portraits devant moi ; je veux me pénétrer du maléfice de leurs visages. » La Trinité du mal, op. cit., p. 14.

[113] Ibid., p. 52.

[114] Précisons tout de même qu’il le combattait déjà avant la disparition de l’URSS, notamment avec la publication du roman Le Montage, qui lui a valu maintes attaques. Il ne s’agit pas tant d’un sursaut de la « treizième heure », à l’image des « poules » qui, à la Libération, furent les plus prompts dans leurs condamnations des collaborateurs et les plus impitoyables dans leur châtiment, mais d’une marque de vanité, d’un désir de s’approprier une victoire qu’il estime comme la sienne. Cette hypothèse est manifeste lorsque, dans La Bête et le Venin ou la fin du communisme, V.V. rappelle subtilement sa préséance : « M. Landsbergis, Président de la République de Lithuanie, a réclamé « un procès de Nuremberg du communisme ». Ne lui disputons pas la paternité de cette idée… » (La Bête et le Venin, op. cit., p. 154). V.V. n’a pas l’ « âme généreuse » de Langelot, pour qui « la victoire a toujours un goût amer ». (Après le combat épique contre M. Huc : « L’excitation du combat était retombée et, pour les âmes généreuses, la victoire a toujours un goût légèrement amer. » Langelot et le satellite, p. 203).

[115] Jusqu’aux perversions proprement impérialistes, comme la torture couramment employée par les services spéciaux, notamment en Algérie : « car c’est contre une conspiration communiste que, à tort ou pas tout à fait, l’armée croyait s’y battre » La Bête et le venin, op. cit., p. 21. Ainsi les victimes elles-mêmes deviennent-elles coupables, au mieux complices : qu’on s’imagine l’indignation que susciterait un individu qui exempterait les nazis de leurs crimes au prétexte qu’ils pensaient lutter contre une conspiration sémite… Ce rapprochement n’est pas arbitraire, V.V. s’échinant, à travers ses ouvrages, à présenter le communisme comme une idéologie d’extrême droite : « Les Protocoles des sages de Sion, Mein Kampf et Votre bel aujourd’hui ? Pardon, j’ai tort de mettre Maurras dans cette équipe : un vrai monarchiste ne peut pas être un fasciste. Tiens, je vais t’apprendre quelque chose : c’est mon Directorat qui a eu l’idée géniale d’assimiler le fascisme à une tendance de droite, alors qu’en réalité il est plutôt plus à gauche que nous. » Aleksandre Psar, dans Le Montage, op. cit., p. 153.

[116] Ibid., p. 55.

[117] Ses principales sources sont Wolfe, Fischer et Valentinov. Elles sont tellement hétéroclites, qu’il orthographie, dans ses références directes, tantôt « Lénine », tantôt « Lenin ». N’ayant, apparemment, jamais lu aucun ouvrage de Lénine ou de Trotsky, ni même de Marx, il ne laisse pas d’affirmer : « je ne pense pas que Lénine ait réellement été marxiste. » Ibid., p. 56.

[118] Ibid., p. 95.

[119] La Bête et le venin, op. cit., p. 9. V.V. ne laisse pas de préciser, avec la pompe qui le caractérise : « cela fait aussi le nombre correspondant d’orphelins, d’enfants posthumes, de mères accablées, d’amours brisées, et de vies marquées au poinçon du désespoir, les survivants étant plus à plaindre que les morts. » V.V. est complètement hermétique et étranger à la notion d’objectivité.

[120] Ibid., p. 10.

[121] V.V. ne la nie nullement, nous l’avons vu. Cf. « nous n’étions pas très forts en humilité, mais je crois que nous étions assez forts sur le sacrifice. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 105. Nous ne reviendrons pas sur la conception qu’a V.V. de l’aristocratie, conception qui l’amène à avoir autant de mépris à l’égard de la vie d’autrui qu’à l’égard de la sienne propre – en théorie, car en pratique, il aime sa vie et méprise celle des autres.

[122] La Bête et le venin, op. cit., p. 10. Peut-être pourrions-nous voir, dans ces propos pour le moins incongrus à la fin du XXe siècle, un autre stigmate de cette désuétude volkovienne que nous avons évoquée, cet atavisme suranné qui l’amène à considérer qu’on peut encore, de nos jours, composer un poème après une tragédie, comme Voltaire et son Poème sur le désastre de Lisbonne ; mais ce n’est pas là un argument déterminant, d’autant plus que V.V. n’est qu’un thuriféraire de McCarthy & Reagan, et considère que Franco a mené une « guerre héroïque » (Autobiographie, in Lydwine Helly, op. cit., p. 27.) contre les communistes...

[123] Cité par Arnaud Laster, Pleins feux sur Victor Hugo, Comédie-Française, Paris, 1981, p. 93.

[124] Cette association d’extrême droite, nationaliste et colonialiste, décerne chaque année ce prix à « une personnalité qui a, par ses écrits ou par ses actes, apporté une contribution exemplaire à la désinformation en matière scientifique ou historique, avec des méthodes et arguments idéologiques. » Parmi les lauréats, citons Olivier Le Cour Grandmaison pour son œuvre Coloniser, exterminer : Sur la guerre et l’État colonial (2005), et Pierre Bourdieu pour l’ensemble de son œuvre (1998).

 


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3 réactions à cet article    


  • Samson Samson 9 janvier 2016 15:29

    Hi, hi ! Souvenirs de la bibliothèque verte, c’est lui qui a écrit Langelot ! J’ai trouvé mieux depuis avec John Le Carré ou Robert Littell , mais il fut un temps - lointain - où je m’en régalais !
    Sinon, « Métro pour l’Enfer » et « L’interrogatoire », sans être de grands romans, m’avaient plutôt plu !


    • non667 9 janvier 2016 17:17

      après l’état des lieux on ne peut dire que : lepen vite,vite ,vite !


      • J.MAY MAIBORODA 9 janvier 2016 21:47

        Étude exhaustive de l’œuvre de Volkoff, remarquablement menée, encore qu’elle soit partisane et « engagée ».

        Il se trouve que je partage à moitié la critique de l’auteur. J’apprécie Volkoff en sa qualité de Russe.

        Je l’apprécie moins pour « sa » guerre d’Algérie.

        cf. d’une part  http://www.kalinka-machja.com/

        ÉCRIVAINS FRANÇAIS D’ORIGINE RUSSE

        Le plus connu : Henri TROYAT -

        Le plus insolite : Andreï MAKINE - 

        Le plus controversé : Vladimir VOLKOFF -

        Le plus engagé : Maurice DRUON - 

        Le plus sulfureux : Gabriel MATZNEFF.

        Le plus motivé : Alexandre Jevakhoff.

        Cf. d’autre part  « u zinu »  http://www.wmaker.net/u-zinu/

        « SEQUENCES ALGERIENNES »

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