Un plan de relance inspiré par les lobbies patronaux ?
100 Milliards, ça claque ! Pensez donc, il n’y a pas si longtemps, on justifiait les « réformes par des déficits qu’il fallait impérativement combler au prix de sacrifices sur les retraites, sur les APL, sur les indemnités de chômage et là, hop, tour de magie, on a réussi à trouver 100 milliards pour la relance !
100 Milliards, ou presque…
Presque, car il y a déjà 20 milliards de garanties ou de participations dans les entreprises par conséquent des sommes qui ne nécessitent pas de décaissements ou bien qui sont investies dans les entreprises.
Presque, car par ailleurs, comme tout gouvernement qui se respecte, celui-ci a tendance à mélanger les carottes et les choux et à intégrer des mesures déjà votées dans le budget 2020 comme les 5 milliards de soutien aux collectivités locales, les 6.5 Milliards du plan « un jeune, une solution », annoncé fin juillet.
Ajoutons à ce tour de passe-passe les 533 millions de la majoration de rentrée scolaire versée en Août et on aura une idée du montant réel des dépenses réelles nouvelles du plan, soit une fois enlevées les sommes ci-dessus, un montant de 67 milliards d’euros…
Le tout sans impôt supplémentaire !
De vrais artistes, nos gouvernants, qui ont trouvé de l’argent magique, notamment les 40 Milliards en provenance de l’Europe, qu’il a fallu, après avoir convaincu Mme Merkel, négocier âprement avec les pays « radins », notamment les Pays Bas, qui au passage est un paradis fiscal dans lequel sont domiciliées des sociétés françaises. Tout cela est très moral, bien sûr !
Pour revenir aux 40 Milliards européens, on ne peut pas croire un seul instant que cela soit un cadeau. On notera qu’il n’y a aucun consensus pour la création d’un impôt européen destiné à financer cette dépense. Par conséquent, il faudra bien cracher au bassinet à un moment ou à un autre et les pays « vertueux » nous rappellerons fermement la nécessité de « faire des réformes » pour faire partie pleinement du club. Il n’est pas exclu que Macron dans ses éléments de langage futurs reprenne l’argument de « l’Europe nous aide mais nous avons une ardente obligation à réformer » afin de faire oublier ses propres échecs.
Le plan de relance européen est uniquement là pour enfoncer le clou de la doxa financière néolibérale et affaiblir un peu plus les Etats qui devront « s’intégrer ».
Hormis ces 40 Milliards, il faudra bien financer le reste du plan et là, notons avec attention et retenons la phrase de Bruno Le Maire « Le rétablissement des comptes publics passe après la relance économique » : On verra combien de temps cette nouvelle doctrine tiendra.
A part ça, quoi de neuf dans ce plan de relance ?
On a l’impression que le Gouvernement ne s’est pas aperçu des changements en cours, accélérés par la crise, sur les modes de vie, d’épargne, de consommation et de déplacements, et que la crise n’avait pas touché tout le monde. Aucune évaluation des échecs passés des politiques publiques n’a été faite. On nous propose un arrosage massif en plein soleil inefficace vu la déperdition due à l’évaporation ou la confiscation de la ressource, comme pour le maïs, gros consommateur de liquide.
La « relance » consiste donc à injecter massivement de l’argent sans se soucier de l’efficacité de ces perfusions ou des difficultés de mise en œuvre et, par ailleurs, sans remettre en cause les modèles existants, parfois obsolètes, et sans évaluer précisément les besoins de chaque secteur économique.
On s’apercevra très vite que les mesures en matière d’économies d’énergies vont se heurter à des problèmes administratifs, des normes et des délais qui vont plomber l’efficacité des mesures ou encore une dénaturation des choses par la présence « d’entreprises » qui vont essayer de se faire un maximum de blé, comme on l’a vu avec les crédits d’impôts ou l’isolation à 1 euro.
Pour l’agriculture, le commerce ou la relocalisation d’industrie, il y a fort à parier que les changements seront invisibles à l’œil nu, que les agriculteurs cornaqués par la FNSEA ne sortiront pas du système qui les tue, que les commerçants prisonniers des chaînes qui les alimentent en textile made in Bangladesh, n’auront pas les moyens de s’en sortir autrement qu’en continuant leur marche vers le dépôt de bilan, et que les relocalisations en France en matière d’industrie seront largement amoindries par la « bienveillance » gouvernementale vis-à-vis des industriels…
Ah si, tout de même, il y a une mesure dont l’efficacité totale est acquise, c’est celle de la diminution des impôts à la production. Nous sommes là dans le droit fil des exonérations et autres crédits d’impôts accordés par les gouvernements précédents comme le fameux CICE de Hollande dont les effets en matière d’emplois se font toujours attendre… On pourrait même dire, à la manière des exorcistes, en regardant Macron : « Hollande, sort de ce corps » !
Enfin, on suivra avec intérêt la consommation des 6.6 Milliards consacrés à la formation des jeunes, à l’embauche des moins de 26 ans et des personnes handicapées ainsi qu’à l’emploi des apprentis avec les inévitables effets d’aubaine que cela va provoquer, ce qui peut d’ores et déjà expliquer la faiblesse des 160 000 emplois nouveaux, induits par le plan, annoncés par le gouvernement.
En économie, il y a des mots magiques : prospective, évaluation,…
Ce plan n’est pas là pour répondre à une quelconque réflexion prospective de la part du gouvernement (plus tard, peut-être avec le nouveau haut-commissaire…). La réflexion prospective a donc été faite par les entreprises en fonction de leurs besoins et revendications propres comme la profitabilité pour les actionnaires et les cadres dirigeants, notamment (cf diminution des impôts à la productivité, par exemple) et mise en musique par le Gouvernement.
L’évaluation se fera par la Cour des Comptes (après les présidentielles…) dans un gros rapport qui servira, comme d’habitude, à caler une armoire, et qui n’empêchera pas les gouvernements futurs de reproduire les mêmes erreurs.
En France, donner de l’argent aux entreprises est noble. En vérifier la bonne utilisation n’est pas dans les gènes des Ministres et des patrons des administrations de l’Etat (pareil pour les collectivités territoriales) et le contrôle de gestion vise surtout les bénéficiaires des régimes sociaux ou les moyens consacrés à la santé. C’est ce qui s’est passé récemment avec le rapport de la Cour des Comptes qui met l’accent sur le nombre de cartes vitales en circulation supérieur à la totalité de la population française.
On aimerait que la Cour évalue aussi l’efficacité des aides aux entreprises (baisses de cotisations sociales, CICE, Crédit Impôt recherche, baisse des impôts à la production,…) sur l’économie et l’emploi dans notre pays en n’oubliant pas de parler de l’évolution des dividendes et de la rémunération des dirigeants… On peut rêver !
Ce serait bien aussi que la Cour étudie la fraude fiscale et sociale (notamment celle au chômage partiel) ainsi que l’évasion fiscale. On nous parle fréquemment d’une perte de 60 à 80 Milliards, une broutille,… simplement un plan de relance qu’on aurait pu financer sans se mettre sous la coupe de l’Union Européenne qui ne manquera pas de nous demander bientôt des comptes.
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