Ce Jésus du ciel a parlé au peuple juif 116 fois dans ce qu’on a appelé l’évangile de Thomas. Le titre originel est le suivant :
« Voici les paroles secrètes que Jésus le Vivant a dites et qu’a écrites Didyme Jude Thomas. » 116 ème logia, je cite :
« Quand vous verrez celui qui n’a pas été enfanté de la femme, prosternez-vous et adorez-le, car celui-là est votre Père ». Ce que Thomas espérait, inspiré par un Jésus du ciel, n’était pas qu’un Christ vienne sur terre, mais le Père lui-même qui est aux cieux. Le problème est que le peuple juif voulait d’abord un messie/sauveur, et tout de suite. Les prophètes l’avaient annoncé et certains, venus récemment de Gaule, jugeaient sa venue imminente.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-druides-attendaient-ils-un-58775.
A Jérusalem, le peuple juif est entré en transes, comme la pythie de Delphes lorsqu’elle recevait l’esprit. Il se livre autour du temple à des transports mystiques, et sous l’inspiration divine, débite un flot de paroles prophétiques...
La multitude des Juifs enfermés dans la Ville était agitée en sens divers. Les plus faibles, agglomérés autour du Temple, se livraient à des transports mystiques et débitaient force discours prophétiques selon les circonstances (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, Livre I, Chap. XVIII, 347).
Les foules suivaient dans le désert les “inspirés de Dieu” et scrutaient le ciel dans l’espoir d’y découvrir le signe annonciateur de la venue imminente du Messie libérateur qui allait changer la face du monde... Des individus vagabonds et fourbes, qui ne cherchaient que changements et révolutions sous le masque de l’inspiration divine, poussaient la multitude à un délire furieux et l’entraînaient au désert, où Dieu, disaient-ils, devait leur montrer les signes de la liberté prochaine (Livre II, XIII, 259). Enivrés par la Parole, 30 000 illuminés se dressèrent soudain sur la montagne des Oliviers et s’apprêtèrent à donner l’assaut contre Jérusalem, la ville infidèle. Les Romains les décimèrent (Livre II, XIII, 261).
II. Le Jésus de Jean-Baptiste.
C’est dans ce contexte bien particulier qu’est née une idée étonnante dans le prolongement logique de la pensée essénienne. Cette idée (ma thèse) est celle que Jean, surnommé le Baptiste, a exposée à Hérode Antipas, vers l’an 28... car Hérode craignait Jean, le sachant un homme juste et saint, et il le protégeait. Et après l’avoir entendu, il ne savait vraiment que penser, et cependant, il l’écoutait avec plaisir (Evangile de Marc 6, 20, traduction Bible d’Osty).
Mais quelle était donc cette idée ?
C’est d’abord un acte de foi dans le Père (cf. mon article rappelé ci-dessus), un Père qui ne se désintéresse pas de son peuple (juif) ... un Père qui inspire le conseil qui guide le peuple... à condition que les membres de ce conseil soient particulièrement saints... jusqu’au jour où l’esprit du Père se révèlera d’une façon parfaite dans le membre le plus saint de ce conseil.
En toute logique, c’est dans le conseil de Dieu des Esséniens que Jean dit le Baptiste aurait dû faire descendre le logos. Pourquoi l’a-t-il fait descendre, certes dans le monde, mais plus précisément à Nazareth (non pas celle qu’on montre aux touristes, mais l’antique Sephoris, à moins que cela soit Gamala, voyez mes ouvrages) ? Parce que Jean incarne un courant essénien divergent qui s’inscrit dans un mouvement de restauration nationale et religieuse, et que ce mouvement de restauration nationale est parti de Sephoris, ancienne capitale de la Galilée, et de Gamala. Relisez ce qu’a écrit Flavius Josèphe sur les révoltes de Judas de Galilée, alias Judas de Gamala et aussi de Sephoris. Quelle absurdité de la part de nos historiens que de prétendre que cet auteur ne dit rien sur l’affaire alors qu’il ne cesse de mettre en exergue l’effervescence qui régnait alors en Galilée !
Je suis étonné que les exégètes n’ait pas fait le rapprochement entre le fils de Dieu des évangiles et le conseil de Dieu des Esséniens qui se conduisait comme un Fils de Dieu, et même comme un Fils unique. Je suis étonné qu’on ne fasse pas le lien avec la parole d’Isaïe "Toi, Yahvé, tu es notre père" (Is 63,15-16a). Père de qui ? Père d’Israël, bien sûr ! Mais d’un Israël que Jean veut faire naitre ou renaitre. Si l’on prend la parole d’Isaïe à la lettre, ce Fils à venir serait donc un nouvel Israël. Ce Fils à venir serait-il aussi un Jésus, Christ, homme ? Les deux à la fois ?
Préambule.
Le lendemain, Jean "voit" Jésus qui vient vers lui et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui va racheter le péché du monde. » (Jean I,29).
Pourquoi Jean fait-il descendre Jésus jusqu’à lui, du nord dans le sud de la Palestine, du lac de Tibériade à la mer Morte ? La réponse coule de source : parce qu’en même temps qu’il lui donne l’onction théologique du baptême, Jean légitime son mouvement essénien divergent et réformateur.
Grosso modo, la situation était la suivante : au nord, les Esséniens, politiquement prudents, de Bethsaïde et de Gamala (le rocher)... Képhas/Pierre.
Au sud, les Esséniens réformateurs de Qumrân et d’autour de la mer Morte... Jean.
Pierre et Jean sont les noms des deux maîtres, à la fois frères en religion et rivaux (ma thèse). Mais ce sont aussi les noms des deux courants qui divisaient alors la grande communauté des Esséniens.
La grande idée de Jean-Baptiste.
L’évangile de Jean est l’évangile de Jean-Baptiste (ma thèse). C’est un chemin d’histoire écrit avec leur sang par les membres de la communauté essénienne des Jean, un chemin sur lequel Dieu était invité à y faire venir son fils. Dans son sens caché, ce serait le récit de l’histoire vécue de cette communauté jusqu’à un martyre qui aurait racheté le péché d’Israël. Dans son sens littéral, ce serait une prophétie qu’on proposait à Dieu d’accomplir en y envoyant son fils, en même temps. Dans cette hypothèse, Jésus serait un individu, membre non encore révélé de cette communauté, le plus saint parmi les plus saints, lequel ne se révèlera au monde que sur la croix lorsque Dieu le ressuscitera (le mieux étant qu’il ressuscite en gloire).
Cette idée de Jean dit le Baptiste telle que je l’explique et telle qu’il l’a mise en oeuvre dans son évangile - ou essayé - était-elle en rupture avec son héritage littéraire ? Absolument pas ! Cette idée s’inscrit dans le prolongement le plus authentique de la littérature juive revenue de l’exil de Babylone (
http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=49157).
Prenons l’exemple du Livre de Daniel (Daniel est évidemment un pseudonyme évoquant un espoir juif de libération née au temps de l’exil à Babylone, dans un milieu juif qui se considérait en situation d’esclavage, ce qui est, historiquement, très exagéré). Daniel y annonce "prophétiquement" la chute prochaine de Balthazar (Nabuchodonosor ?) alors qu’en réalité, le processus était déjà bien enclenché ; la prophétie était facile à faire et avait probablement pour but d’activer le souffle révolutionnaire des Juifs en exil. Que ces textes primitifs, devenus sacrés, soient restés dans la mémoire de leurs descendants réinstallés en Palestine, rien de plus normal. Qu’ils aient été enjolivés par d’autres récits plus ou moins imaginaires, rien d’étonnant. Qu’on y ait "inséré", 400 ans plus tard, au temps de la guerre des Maccabées, une prophétie annonçant la chute du roi séleucide honni, Antiochus Epiphane, c’est indéniablement un faux, mais un "faux patriotique" qui avait pour but d’activer le souffle révolutionnaire des Juifs contre l’occupant grec. Prophétie d’autant plus crédible - apparemment - qu’elle commence par y relater le début de la guerre des Maccabée comme si cela avait été annoncé par Daniel. Le problème pour les auteurs du temps d’Antiochos est qu’ils se sont risqués à prophétiser un évènement qu’ils souhaitaient voir se réaliser, à savoir la grande guerre ultime (cf. les textes esséniens). Cette guerre ultime qui aurait dû "prophétiquement" se terminer vers l’an -130 par la grande victoire du Dieu d’Israël sur l’ensemble des armées païennes gréco-romaines (cf. mes ouvrages) n’a évidemment pas eu lieu. Il y eut certes deux petites victoires remportées par Judas Maccabée vers l’an -165, mais c’est tout. Il faudra attendre l’an 70 pour que survienne le grand affrontement mais ce fut une grande défaite juive. La prophétie mise dans la bouche de Daniel s’est donc révélée fausse.
N’en aurait-il pas été de même pour Jean ? Si la première partie de son évangile relate bien des paroles et des actions que sa communauté ou lui-même ont effectivement prononcées ou faites (
http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=38064) - sous l’inspiration du Jésus qui était en eux - la résurrection ne pouvait
évidemment pas se réaliser comme Jean l’avait prévue dans la lecture littérale de son texte...
grosse déception qui expliquera dans l’évangile qui suivra le "Mon Dieu, pourquoi, m’as-tu abandonné ?". Sachant que les Romains crucifiaient, il n’était pas bien difficile à Jean de prophétiser dans son évangile le processus habituel de la crucifixion. Le procurateur romain aurait-il deviné le piège, le mauvais rôle qu’on voulait lui faire jouer ? Le fait est que Jean Baptiste n’a pas été crucifié mais décapité, et avec lui, sa communauté de Qumrân et autres lieux, décimée très probablement par le glaive (nous sommes déjà dans une situation de guerre psychologique). Et ceci coupait court à l’espérance d’un homme/Jésus crucifié et ressuscitant tel que Jean l’avait prophétisé dans le sens littéral de son texte. Il restait néanmoins le sens caché communautaire,
sous le voile. Constatons toutefois la relative prudence de Jean qui ne s’est pas risqué à faire ressusciter son Christ en gloire, c’est à dire en pleine explosion du ciel et entouré de son cortège d’anges/constellations comme certains l’attendaient.
III. Si l’Evangile est encore voilé, c’est pour ceux qui se perdent, pour ces incrédules dont le dieu de ce monde a aveuglé l’intelligence afin qu’ils ne voient pas resplendir la lumière de l’évangile...(épître de Paul, 2 CO, 4,3).
Ces incrédules, n’ayons pas peur de le dire, nous en faisons partie, nous qui nous sommes enfoncés dans le dogmatisme religieux ou dans la critique bête et méchante. Cette petite lumière cachée des évangiles qui a éclairé l’évolution de notre humanité - critiquable certes sur certains de ses aspects - et qui ne reviendra plus, nous ne l’avons pas vraiment vue ni comprise. Probablement à cause de notre intelligence limitée.
Citation : XXII. - Mais Hérode, irrité de ce qu’il avait été trompé par les mages, envoya des homicides tuer tous les enfants qui étaient dans Bethléem depuis deux ans et au-dessous ; et Marie, apprenant que l’on tuait les enfants, frappée de crainte, prit l’enfant, et l’ayant enveloppé de langes, elle le coucha dans la crèche des boeufs, parce qu’il n’y avait point de place pour lui dans l’hôtellerie. Or, Élisabeth apprenant que son fils Jean était recherché, elle monta sur les montagnes, et regardait de tous côtés où elle le cacherait, et il n’y avait pas de lieu secret ; et Élisabeth, gémissant, dit d’une voix haute : O montagne de Dieu, recevez la mère avec le fils ; car Élisabeth ne pouvait pas monter, et tout d’un coup la montagne se divisa et la reçut. Une lumière les éclaira, car l’ange du Seigneur était avec eux qui les gardait (Protévangile de Jacques, traduction de M. de Voltaire).
Pour faire simple, essayons de comprendre qu’Elisabeth désigne la population juive de Judée "restée judaïquement pure" et que Jean sont les "séminaristes" qu’elle a enfantés. Dans la perspective d’un rétablissement du pouvoir théocratique, c’est donc Jean qui est appelé à régner à la place d’Hérode. Fuyant la répression hérodienne, cette population s’enfuit dans les montagnes de Judée avec ses "séminaristes" qui sont accueillis dans des centres esséniens de Qumrân et autres lieux (l’ange du Seigneur).
De même, Marie est la population juive "restée pure" que la Galilée héberge et protège, laquelle a enfanté le nouvel Israël, roi d’Israël, dans la lignée de David... Jésus.
Jean-Baptiste est un Jean qui dirige le mouvement et la communauté des Jean.
IV. Question de bon sens. Voici une proclamation criante de vérité si on la met dans la bouche des Saints de Dieu - au pluriel si on suit mon interprétation - mais irréaliste, voire surréaliste, dans son sens singulier de Jésus. A vous de juger !
« Qui croit en nous, ce n’est pas en nous qu’il croit,
mais en Celui qui nous a envoyés
(au lieu de qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit)
Lumière nous sommes, venus dans le monde
(au lieu de lumière je suis, venu dans le monde)
pour que quiconque croit en nous ne reste pas dans les ténèbres.
L’homme qui entend notre Parole et qui ne la garde pas,
ce n’est pas nous qui le jugeons ;
car nous ne sommes pas venus pour juger le monde,
mais pour le sauver.
Qui nous rejette et ne prend pas notre Parole a déjà son juge ;
au dernier jour, la Parole que nous avons enseignée,
c’est elle qui le jugera.
Car nous, nous ne parlons pas de nous-mêmes,
mais c’est Celui qui nous a envoyés,
le Père, qui nous a transmis ce que nous avions à dire.
Nous savons que dans son commandement est la vie éternelle.
Aussi, ce qu’il nous a dit de dire,
nous le disons. (Jean 12,44-50).
V. Qui était Jean le Baptiste pour Flavius Josèphe (texte intégral) ?
Or, il y avait des Juifs pour penser que, si l’armée d’Hérode avait péri, c’était. par la volonté divine et en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste. En effet, Hérode l’avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu’il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour recevoir le baptême ; car c’est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s’il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu’on eût préalablement purifié l’âme par la justice. Des gens s’étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l’entendant parler. Hérode craignait qu’une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s’emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet que d’avoir à se repentir plus tard si un mouvement avait lieu, de s’être exposé à des périls. A cause de ces soupçons d’Hérode, Jean fut envoyé à Machaero (Macheronte), la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. Les Juifs crurent que c’était pour le venger qu’une catastrophe s’était abattue sur l’armée, Dieu voulant ainsi punir Hérode. (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, V, 116-119, traduction René Harmand).
VI. Le triomphe "post mortem" de Jean Baptiste.
Hommes à la mémoire courte, vous qui cherchez en vain et qui prenez les fausses vérités pour bonnes, méfiez-vous des tyrans et des faux prophètes qui s’approchent de vous sous la peau de la brebis. Aveugles que vous êtes, ne voyez-vous pas leur regard de loups rapaces (Mathieu, 7, 15) ! C’est à ses fruits que vous devez juger l’arbre. Si l’arbre est bon, il porte de beaux fruits. Mais si la véritable sève de la liberté, de la vérité et de l’amour ne circule pas dans l’arbre, où sont les fruits de la liberté, où sont les fruits de la vérité, où sont les fruits de l’amour ? (d’après Mathieu, 7, 16-20).
Vous cherchez Elie ? Mais moi je vous dis qu’Elie est déjà revenu. Le voilà, Jean-Baptiste, le héraut de Dieu. Il marche en avant, déployant l’oriflamme du royaume et précédant l’armée des croyants. Depuis les jours de Jean-Baptiste, le royaume des cieux est entré en tumulte. Les violents et les mauvais s’inquiètent et les impurs sont effrayés. Les prophètes et la Loi ont parlé jusqu’à Jean. Et Jean est venu et il a dit au monde : « Il vient ». Que celui qui a des oreilles entende ! Je vous le dis, en vérité : parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste (d’après Mathieu, 11, 7-15).
Extraits de mes ouvrages publiés dans les années 90.
Note . Je ne me fais aucune illusion sur l’accueil qu’on réservera à ce présent article. Mes contemporains n’ont plus l’agilité d’esprit des anciens juifs ; il leur faut des vérités simples voire simplistes. Je me trouve donc devant un dilemme pour développer mon argumentation. D’un côté, je suis bien conscient que ce n’est pas par des articles vite lus, vite oubliés, que j’emporterai leur adhésion. D’un autre côté, je me rends bien compte que la lecture des sept livres que j’ai écrits pour avancer dans cette recherche - soigneusement argumentés et référencés - demande une attention suivie dont l’homme moderne a perdu l’habitude.