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Accueil du site > Actualités > Religions > Laïcité et religion : l’exception française

Laïcité et religion : l’exception française

Avec les interventions de personnalités politiques, universitaires et religieuses de tout premier plan : Gérard Larcher (ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes), Monseigneur Stanislas Lalanne (secrétaire général de la Conférence des évêques de France), Recteur Dalil Boubakeur (directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, président du Conseil français du culte musulman), Pasteur Jean-Arnold de Clermont (président du Conseil de la Fédération protestante de France), Rabbin Gilles Bernheim (Rabbin de la Grande Synagogue de la Victoire, directeur du département Thora et Société), Azouz Begag (ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances), André Damien (vice-président de l’Académie des sciences morales et politiques), Jean-Frédéric Poisson (maire de Rambouillet)...

On connaissait Rambouillet pour ses forêts, son château, sa bergerie nationale, ses clubs hippiques, ses scouts ou sa vie associative bon chic-bon genre... La vie culturelle et politique de cette petite ville des Yvelines où il fait bon vivre (seulement 25 000 habitants) est pourtant beaucoup plus intense que l’image qui lui est généralement associée. La rencontre organisée à la salle Patenôtre, le 9 décembre 2005, en est la meilleure illustration.

En ce jour de commémoration du centenaire de la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905(1), parvenir à réunir les représentants des principaux cultes pratiqués en France relève du coup de maître. Et la ville possède un atout de poids : son ancien maire, Gérard Larcher, qui a eu l’idée de cette rencontre "autour de la Laïcité". Sénateur des Yvelines de 1986 à 1995, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes du gouvernement Villepin, personnage charismatique et homme de terrain, M. Larcher est en effet resté profondément attaché à Rambouillet, au point d’occuper le poste de 1er adjoint de Jean-Frédéric Poisson, son successeur à la mairie.

La laïcité, une idée moderne
Cette soirée, remarquablement articulée autour de quatre ateliers thématiques(2), a brillé par la qualité des discours et l’ouverture d’esprit des différents orateurs, lesquels -il faut le souligner- se sont prêtés de bonne grâce au jeu des questions-réponses avec un public trié sur le volet (majoritairement " rambolitain "), et extrêmement attentif.

"La France commémore aujourd’hui le centenaire de la Loi de séparation des Églises et de l’État, une loi qui fut l’objet, il y a un peu plus de cent ans, de débats parlementaires animés, et qui a fait de la France une république laïque : valeur socle sur laquelle notre société a continué à se construire. Il importait d’engager une réflexion collective et locale." déclare Gérard Larcher en guise d’introduction à cette soirée-débat. Il s’est fait fort de rappeler que "la conception du bien commun considère l’Homme en tant qu’Homme, avant de le voir comme catholique, protestant, musulman, juif ou agnostique. L’Homme a des droits qui méritent d’être respectés au-delà même de ses choix religieux. De même, nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour s’affranchir des règles communes." Unanimement approuvé, ce principe aura d’ailleurs servi de fil rouge à l’ensemble des chefs religieux, qui ont mis un point d’honneur à montrer que la pratique d’un culte, quel qu’il soit, s’entend dans le respect des lois de la République française laïque.

Pour le ministre délégué à l’emploi, "la laïcité est une idée moderne. C’est pourquoi elle doit être un des points d’appui que nous devons préserver, construire, par rapport aux nécessaires évolutions de notre société. Évolutions à l’extérieur (construction européenne, mondialisation) en comparant la laïcité à d’autres modèles politiques, et en confrontant nos valeurs à d’autres valeurs, dans le respect de ces valeurs. Évolutions à l’intérieur de nos frontières. Parmi ceux qui partagent quotidiennement notre vie, il y a 5 millions de citoyens musulmans, ce qui fait de l’Islam la 2e religion pratiquée en France.". À ce propos, Jean-Frédéric Poisson constate que "L’État et les religions ont trouvé une forme d’équilibre, mais sur le plan législatif s’entend, les Musulmans sont encore absents."

La laïcité, socle intangible de la société
Alors que bon nombre de citoyens (croyants ou non croyants) s’interrogent légitimement sur la position des divers cultes vis-à-vis de la loi de 1905, les différents chefs religieux(3) se sont clairement exprimés sur les questions les plus fondamentales et, bien entendu, sur le rôle des religions dans la société française du XXIe siècle.
Au cours de cette soirée, chacun aura essayé de donner une définition(4) du mot laïcité, un mot sans équivalent dans le vocabulaire étranger. "Un mot qui ne figure pas une seule fois dans le texte de la loi de 1905, acte fondateur de ce qu’on appellera plus tard la laïcité... Le mot est moderne et son emploi s’est généralisé. Tout le monde l’utilise et chacun y met ce qu’il veut", s’en amuse André Damien, personnage haut en couleurs, vice-président de l’Académie des sciences morales et politiques, qui notera au passage que laïcité apparaît pour la première fois dans l’édition 78 du Littré...

Pour Monseigneur Lalanne, secrétaire général de la Conférence des évêques de France : "La laïcité est d’abord une pratique, une mise en oeuvre, dont un certain nombre de paramètres peuvent changer en fonction de l’évolution d’une société. On peut toujours trouver les bons équilibres et les bonnes solutions. La loi de séparation des Églises et de l’État, ça signifie, bien sûr, autonomie des différentes sphères et différents instituts, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y ait pas, entre eux, de relation, de dialogue."
Le porte-parole des évêques a proposé d’élargir le champ de cette réflexion au mot culte. "Le mot laïcité est difficile à définir, et je crois qu’on aurait intérêt à revisiter le mot culte, perçu de manière réductrice. Il n’est pas seulement la célébration à l’intérieur d’une église ou d’un temple. Il contient aussi une dimension d’enseignement, car en Chrétien, on ne peut pas séparer la relation à Dieu de la relation aux Frères(...) Chaque religion a une dimension sociale et peut apporter sa pierre à l’édification de la société.".

La laïcité, garante de la paix civile et religieuse
"Il ne nous faut jamais perdre de vue que c’est par rapport aux exigences de la liberté religieuse et de l’égalité des cultes, mais aussi par rapport aux exigences de l’ordre démocratique et laïque, que doit être examinée la validité de cette loi ; et non pas par rapport aux revendications spécifiques d’une religion, voire d’une secte." a déclaré Gilles Bernheim, rabbin de la Grande Synagogue de la Victoire, directeur du département Thora et Société. "Cohérente avec l’histoire de la France, avec sa particularité laïque, la loi de 1905 ne nous paraît pas devoir être remise en question. Ainsi, il serait, selon nous, rétrograde de procéder à sa révision dans un climat qui reproduirait celui de sa création, avec le risque de soumettre l’État à la pression de toutes sortes de lobbies religieux [...]. La laïcité en France doit inculquer clairement un respect de la loi et des usages communs de la nation. Il s’agit aujourd’hui d’affirmer ce socle intangible de notre société, faute de quoi cette société ferait courir le risque d’une communautarisation opposant des groupes d’origines diverses. La loi de 1905 nous paraît être -à tous égards- le garant de la paix civile et religieuse."

Une loi de sagesse et de raison et un garde-fou contre l’intégrisme
Une vision partagée par tous. Le Recteur Dalil Boubakeur, directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a, lui aussi, mis les points sur les "i" : "Pour nous, Musulmans, la loi sur la laïcité, c’est une loi de sagesse et de raison. De sagesse, car elle fixe les limites des domaines respectifs de la religion et de l’État, lequel par sa neutralité veille à la liberté et à l’égalité d’expression religieuse, conformément aux exigences de l’ordre public. C’est une loi de raison, parce que son principe marque un progrès décisif dans l’organisation rationnelle des sociétés humaines, modernes et plurielles, telles que la nôtre, faisant de la tolérance la donnée essentielle parmi les valeurs universelles d’un humanisme républicain.".

Pour le représentant des Musulmans de France : "La laïcité reste un garde-fou essentiel contre les risques d’intégrisme et de totalitarisme si contraires à l’esprit d’intégration citoyenne des Musulmans de France, dont le seul accès à la phase de modernité ne peut se faire que dans un esprit de laïcité. Un retour sur la loi laïque qui serait ainsi, paradoxalement pour la France, un retour aux errements et malentendus qu’a définitivement clôturés le pacte laïc républicain, qui instaure une sécularisation apaisée de nos sociétés ainsi que l’aboutissement historique de la réflexion sociologique et philosophique modernes." Enfin, à propos de l’esprit de laïcité, le recteur Boubakeur enfonce le clou : "Nous sommes une société moderne, plurielle, et les nécessités du "vivre ensemble". Vivre ensemble, quelles que soient nos croyances, nos origines, nos classes : voilà ce que fonde la loi de 1905 [...] Il n’y aura jamais d’Islam de France sans un Islam républicain, s’épanouissant à la lumière de la pensée moderne libérale et laïque. Les Musulmans les plus fondamentalistes souhaitent, eux, une évolution de la loi de 1905 en leur propre direction. La prudence s’impose face à cette tentation."

Ne touchons pas aux principes de la Loi
Même écho du côté de Mgr Lalanne, qui saute sur l’occasion de tirer un trait sur le passé : "La question n’est plus celle d’un rapport de force où l’Église serait tantôt opposée, tantôt alliée, tantôt soumise, aux pouvoirs publics. Le référent de l’Église n’est pas tant l’État que la société civile. Dans leur Lettre aux Catholiques de France, les évêques (en 1996) ont pris clairement position en disant qu’après un siècle d’expérience, la séparation des Églises et de l’État apparaissait comme une solution positive qui permet "de rendre à César ce qui est à César..." et offre, aux catholiques de France, la possibilité d’être des acteurs loyaux de la société civile. Cette loi, qui aurait pu devenir une loi de combat, a cédé devant un esprit d’apaisement(...) Ces dialogues, ajustements, négociations, ont permis de calmer les passions, de découvrir et de préserver la paix sociale. On n’a pas toujours compris la demande de ne pas changer cette loi de 1905. Même si des questions nouvelles se posent, ne touchons pas aux principes de la loi. Trouvons des applications ouvertes de cette loi.".

Des applications, qui permettraient peut-être à la Commission de réflexion sur la Loi de 1905 de trouver des solutions au problème important du financement et de la construction de nouveaux lieux de culte. "Les associations cultuelles ne peuvent recevoir aucune subvention, alors que bien d’autres associations en reçoivent. Ce qui oblige bien des Églises -et pas seulement l’Église catholique- à avoir recours aux associations de loi de 1901. Cela pose des questions de financement et de construction de nouveaux lieux de culte. On évoque souvent le manque de mosquées, mais on manque aussi d’églises... On a bien sûr besoin de construire de nouvelles mosquées et d’autres lieux de culte, en particulier dans les villes nouvelles(...) Il suffirait de quelques ajustements pour que l’exercice de cette liberté religieuse soit possible pour tous", plaide encore Mgr Lalanne, qui ne prêche pas que pour sa chapelle...

Pour une égalité de liberté d’exercice
Le recteur Boubakeur continue dans cette voie : "En ce qui concerne le financement par l’État des mosquées et autres lieux de culte, cette demande, qui modifierait radicalement, si on l’acceptait, l’esprit de l’article 2 de la loi du 9/12/1905, serait, à terme, porter également atteinte à l’article 1, en rétablissant l’ingérence de l’État dans la vie financière et dans la vie religieuse des cultes, avec son corollaire : l’irruption du religieux dans les affaires civiles, voire politiques, de notre pays. Ceci est évidemment l’objectif des islamistes radicaux. La loi de 1905 a déjà subi une dizaine de modifications dans son application centenaire, on peut sans doute faire une place légitime aux institutions et aux personnels religieux du culte musulman qui ne figurent aucunement dans les dispositions de la loi.".
Quant au Grand Rabbin Gille Bernheim, il affiche clairement la position de la communauté juive qu’il représente : "La loi de 1905 n’est pas censée assurer aux cultes une égalité de moyens. La loi est censée assurer aux cultes une égalité de liberté d’exercice".

Quelle Laïcité pour demain ?
Le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, président du Conseil de la Fédération protestante de France, s’indigne : "2005, et après ?" Selon lui : "Si nous vérifions dans la pratique -il suffit de penser à l’Islam en France et aux Évangéliques en France- il n’y a pas d’égalité de tous devant la loi. Nous devons trouver les moyens pour qu’il y ait une réelle égalité(...) Après un siècle de pratique, certaines clarifications sont nécessaires, notamment sur la question du financement des lieux de culte. Depuis de nombreuses années, ces financements ont été rendus possible, mais ils n’ont pas été rendus possible pour tous."

Pour le pasteur de Clermont, le défi du XXIe siècle est celui de la préservation de la paix : "Au début de ce XXIe siècle et, en faisant mémoire de ce qu’a été cette loi de 1905 ; de ce qu’a été cette année 1905 et de ce qui l’a rendue possible, je crois qu’il faut que nous sachions que nous avons devant nous un défi considérable, qui est de définir ou de conforter des valeurs dont nous avons besoin pour faire du XXIe siècle autre chose que ce qu’en ont fait les héritiers des Lumières et les héritiers de la tradition chrétienne(...) Car nous avons échoué. Totalement. Au cours d’un XXe siècle, qui a été le plus sanguinaire des siècles que notre pays et notre Continent aient jamais connus, le plus épouvantable dans ce qu’il a produit, je pense à la Shoah.

[...] Ce défi, nous avons à le relever aujourd’hui en nous tournant résolument vers l’avenir, encore une fois en confortant les principes fondateurs de la loi de 1905. Il n’y aura pas trop... L’État d’un côté, les religions de l’autre ; des croyants d’un côté ; des agnostiques de l’autre. Il n’y aura pas trop pour affronter les défis de la modernité du XXIe siècle, de la réconciliation et de la paix, qui restent des valeurs essentielles pour aujourd’hui comme pour demain."
"Quelle laïcité va-t-on construire demain ?", reprend en écho Mgr Lalanne, qui rêve d’une laïcité "qui permette en même temps l’affirmation de l’identité des uns et de celle des autres, sans communautarisme. Il n’y a pas de dialogue possible sans affirmation de son identité, sans être à l’aise avec sa propre histoire, ses propres convictions, tout en respectant en même temps les convictions de l’autre. C’est pourquoi une vraie laïcité doit prendre en compte la dimension religieuse ou autre."

Liberté, Égalité, Fraternité
L’honneur de clore la soirée est revenu à Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. M. Begag a réuni "Les Français d’ici et les Français d’ailleurs" dans une métaphore aussi symbolique que filée... " Finalement, entre les Français "de souche" et les Français "des branches" que nous sommes, il existe un tronc commun. La sève qui coule dans cet arbre est la sève de la Liberté, la sève de l’Égalité, mais aussi -et c’est cela qui sent très bon ce soir à Rambouillet- c’est la sève de la Fraternité."
Pari réussi, donc, pour Monsieur le ministre, Monsieur le maire et son équipe, qui auront su rythmer plus de trois heures de discussions avec un enthousiasme sans faille et une grande finesse. Comme l’a fait remarquer un Mgr Lalanne particulièrement en verve ce soir : "Il y a quelques années, on n’aurait jamais pu organiser une soirée comme celle-ci, ni avoir un carrefour aussi riche de débats et d’expériences(...) Quelles que soient les différences de sensibilités des orateurs, il y a un fonds commun très important et un regard positif de tous sur la laïcité.".

"Ce n’est pas la tolérance que je demande, c’est la liberté !"
D’aucuns pourront toujours regretter qu’un tel événement serve l’image politique du conseil municipal de Rambouillet et du ministre Larcher, qui citera, en guise de conclusion, cette phrase sublime prononcée par Rabaut-Saint-Etienne(5) le 23 août 1789 : "Ce n’est pas la tolérance que je demande, c’est la liberté !".

Il a semblé, ce soir, que cette démarche s’inscrivait au-delà des références politiques droite-gauche, et que la volonté des organisateurs visait bien à commémorer l’attachement de tous à une loi que nul ne conteste plus, et sur laquelle reposent les fondations de notre modèle républicain.


(1) Il est possible de consulter l’intégralité de la Loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État sur le site de l’Assemblée nationale.
(2) Ces rencontres "Autour de la Laïcité" étaient organisées autour de 4 ateliers : "Religions et Laïcité" ;"Laïcité, service public et insertion" ; "Les sources de la Laïcité" ; "Laïcité, démocratie et mondialisation".
Ne sont pas cités dans cet article, mais ont également participé à cette manifestation : Jean-Yves Goéau-Brissonnière (avocat, Grand Maître honoris causa de la Grande Loge de France, membre de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme), Yves Bruley (chargé de mission pour le centenaire de la loi de 1905 auprès de l’Académie des sciences morales et politiques), Claude Chauvin (maire-adjoint, délégué à la Culture), Marie-Antoinette Gagneur (Conseillère municipale), Martin Hirsch (président d’Emmaüs France), Ould Kherroubi (président de l’Association des Musulmans de Versailles), Jean-Louis Mandinaud (membre du Conseil économique et social), Michel Sollogoub (secrétaire de l’archevêché des Eglises orthodoxes russes en Europe occidentale) et Valentine Zuber (maître de conférences en Histoire et sociologie de la Laïcité à l’Ecole pratique des hautes études).
(3) Le hasard du calendrier ayant fait coïncider la soirée du vendredi 9 décembre 2005 avec le shabbat, le Rabbin Gilles Berhneim a délivré le message de la communauté juive sous la forme d’un enregistrement vidéo.
(4) Définition de la Laïcité par Wikipédia : " désigne le principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse, ainsi que le caractère des institutions qui respectent ce principe. Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l’intimité de l’individu. ".
(5) Jean-Paul Rabaut, dit Rabaut Saint-Étienne (1743-1793) défenseur de la liberté religieuse. Saint-Etienne se bat pour la disparition du régime d’exception qui exclut les Protestants de la société française depuis la révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Il sera guillotiné à Paris le 5 décembre 1793.

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8 réactions à cet article    


  • Sylvain Reboul (---.---.123.53) 15 décembre 2005 12:17

    La question de la laïcité est trop souvent réduite à l’opposition simpliste entre le sphère publique où le religion ne devrait pas avoir de place et la sphère privée dans laquelle elle devrait être reléguée.

    Or cette opposition est tout à la fois contraire à l’esprit de la religion quelle qu’elle soit, en tant qu’expression ouverte d’une croyance ritualisée nécessairement collective , et à l’autonomie républicaine de la politique, en tant que celle-ci doit réguler la sphère publique et non pas se soumettre passivement aux rapports de forces qu’elle génère.

    Il convient, à mon sens, donc de distinguer la sphère publique (ou civile) et la sphère proprement politique où se décide les lois et les régulations nécessaire au bien vivre ensemble par delà la pluralité des références idéologiques, relieuses et philosophiques. Sur la base de cette distinction la laïcité n’interdit pas, voire autorise et rend possible l’expression libre des croyances religieuses sans en privilégier aucune dans la sphère publique autant que celles-ci ne mettent pas en cause les lois valant pour tous et ne prétendent pas imposer à la politique, donc aux autres, des interdits ou des obligations qui ne valent que pour leur croyance particulière (ex : la contraception, l’avortement, l’homoparentalité, le clonage thérapeutique etc..). Si ces croyances prétendent avoir valeur universelle et donc être partie prenante du débat proprement politique elles se doivent, en démocratie , pluraliste et laïque, ceux qui veulent en faire des positions politiques se doivent de s’efforcer à en convaincre les autres avec des arguments rationnels et rien d’autre. Sur le plan des convictions religieuses ou philosophique la loi de la majorité sur un plan politique ne vaut pas et ne devrait pas valoir, car alors la religion majoritaire deviendrait religion d’état et s’imposeraient aux autres et nous ne serions plus en démocratie pluraliste et tolérante..

    De même il serait politiquement absurde de réprimer l’expression publique de l’athéisme ou l’agnosticisme qui doivent tout autant être autorisés que les convictions religieuses qu’elles contestent, à condition que la critique des convictions qu’elle déploie soit rationnellement argumentées et non pas dévoyée en insulte ou en appel à la violence contre les croyants. La critique, même radicale des idées, est une marque de respect à condition de ne pas la confondre avec le mépris des personnes et autoriser la lutte politique contre quiconque s’autorise d’un pouvoir clérical pour imposer ses convictions aux autres par le biais du pouvoir de l’état (théocratie).

    Donc, en démocratie pluraliste, il convient d’interdire tout autant le refus de l’expression publique et collective des convictions religieuse que le délit de blasphème Le paradoxe de la laïcité


    • Philippe s (---.---.93.175) 16 décembre 2005 10:14

      arguments rationnels ? Pourquoi pas des preuves matérielles et irréfutables ? Les religieux sont formés en théologie et en dialectique, et savent rendre rationnels leurs arguments. De ce fait, elles sont toutes suspectes de charlatanisme. Je dirais donc, qu’elles devraient être contraintes à un code de bonne conduite drastique.


      • caprif (---.---.102.94) 17 décembre 2005 00:50

        Je ne dirais rien de ce séminaire de Rambouillet plus conciliant qu’un concile. Amen

        Et seulement une petite remarque à Sylvain Reboul qui a mis ici de l’eau lustrale, je n’ai pas osé ’bénite’, dans son vin, depuis cette citation où il me recommandait de cacher cette pratique honteuse, l’exercice public de la foi, au fond l’objet (transparent) de cette réunion. in

        « La foi est le meilleur des anxiolytiques . par Sylvain Reboul le 21 octobre 2005 »

        « Excusez moi, mais je ne rejette aucune foi personnelle lorsque celle-ci se limite à la vie intime, mais le fait que les religions soient nécessairement une bonne chose pour... etc... »

        Passons bénignement. Une confusion plus gênante court dans sa réaction, entre républican(isme) et démocratie. Ne voulez-vous pas vous déterminer ? Cela pourtant est essentiel pour une conduite éthique. (Je ne commente pas pour vous, simplement démagogie et opportunisme des pouvoirs se révéleraient.)

        Pour vous agréer, j’apprécie votre référence constante à la raison, la rationalité par ci, la rationalité par là smiley , en en ayant abusé moi-même si longtemps, mais ses limites ont failli me faire désespérer. Si le monde était soumis à la raison, il resterait cette question taraudante, insoluble : Jean 18:38 « Qu’est-ce que la vérité » dit Pilate. question intelligente s’il en est !.

        C’est là que votre suivant, Philippe n’y va pas avec le dos de la cuiller : il sait, il sonde, il juge et désigne, détenant la clé... responsabilité écrasante, du même ordre que celle des dénoncés.


      • Sylvain Reboul (---.---.47.214) 17 décembre 2005 09:46

        Un argument rationnel n’est pas une preuve certaine (il n’y en a même pas en science), mais un raisonnement qui s’appuie sur des données admises et des principes d’interprétation ou de jugement éthique et politiques susceptibles de valoir pour tous sur le base de l’expérience universelle ou un universalisable des hommes ; si les théologiens savent y faire (présenter leurs arguments théologiques sous une forme non théologique) cela veut dire qu’ils abandonnent leurs arguments strictement théologiques (ex : la vie est un don de Dieu, donc elle est sacrée) qui ne s’adressent par définition qu’aux croyants au profit du discours strictement politique et c’est tant mieux pour la qualité du débat démocratique.

        En cela leur discours rationalisé, bien que contestable quant à son contenu comme tout discours rationnel, devient tout autre chose que du charlatanisme : il devient partie prenante de la réflexion critique collective.


      • Sylvain Reboul (---.---.47.214) 17 décembre 2005 09:42

        Il ne faut pas confondre la question du jugement que je peux avoir sur la religion sur le plan philosophique qui est le mien et le fait que je veuille interdire l’expression publique du fait religieux, ce qui serait en effet absurde, car celui-ci est un fait social.

        Ce qui, de plus en plus, me semble devoir être distingué avec précision -et cette précision est à définir cas par cas sur la base du type d’argmentation- c’est la sphère publique qui concerne la société civile (au sens de HEGEL) et la sphère politique qui concerne le débat citoyen à propos de la loi commune (croyants et incroyants) et des ses applications concrètes.

        http://sylvainreboul.free.fr/lai.htm


        • Emile Red (---.---.19.15) 17 décembre 2005 14:42

          Sylvain, loin de critiquer votre démarche, fumer ausi est un fait social, cracher dans la rue ou toutes joyeusetés animales et pourtant l’interdiction est ou sera...


        • Sylvain Reboul (---.---.47.244) 20 décembre 2005 10:15

          Ne confondons pas la liberté d’expression, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte aux droits des autres et celle d’agir aux dépends des autres (fumer, cracher en public etc..).


          • ewropano (---.---.135.230) 19 janvier 2006 00:10

            Je trouve que l’on complique souvent le débat sur la laïcité. Si l’on ouvre le Larousse, on trouve :

            Laïcité : Système qui exclut les Eglises de l’exercice du pouvoir politique ou administratif, et en particulier de l’orgenisation de l’enseignement.

            Cléricalisme : Ensemble d’opinions favorables à l’intervention du clergé dans les affaires publiques et privées.

            « Le cléricalisme, voilà l’ennemi » (Gambetta)

            « Il faut rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar, et à Dieu ce qui appartient à Dieu » (Jesus-Christ).

            Le cléricalisme a jeté le discrédit sur les religions, ce qui est regrettable, car notre époque souffre cruellement d’un déficit de sens. Le succès actuel des religions orientales en est une illustration.

            Qu’un homme politique s’inspire des principes de sa religion, en cherchant, dans son action, à faire le bien, à pratiquer l’amour de son prochain, à respecter la nature qui est l’oeuvre de son Créateur, on ne peut que l’en féliciter. Qu’il exécute les ordres d’autorités religieuses, cela n’est pas acceptable dans un pays laïc.

            D’autant que ce mélange des genres induit le phénomène inverse : l’intervention de la politique dans la religion. Par exemple ce que l’on appelle intégrisme et qui est souvent l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques par des leaders cyniques qui y voient surtout un moyen facile de se procurer des exécutants obéïssants allant dans les cas extrêmes jusqu’au sacrifice de leur vie.

            Les mêmes remarques, mais dans un autre genre, pourraient être faites sur les interférences de la politique avec d’autres domaines comme la technique (technocratie) ou le pouvoir économique (corruption/dirigisme).

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