Un autre Nouvel An existe
Souvenez-vous, c'était il y a deux mois environs :
Samain, à l'automne,
nouvel an celte aux racines
de la fête des morts et de Halloween
Dans la tradition celte était célébré autour de notre 1er novembre [calendrier romain grégorien civil], la fête de Samain, nouvel an celte aux racines de la fête des morts et de Halloween. [Pour être précis, les Celtes employant un calendrier luni-solaire, cette fête devait avoir lieu le onzième jour après la Nouvelle Lune entamant Samonios, littéralement mois « de la fin de l'été », parfois dès fin septembre. Ainsi, Samain peut généralement avoir lieu de la mi-octobre à début novembre.]
Cette fête était la première des quatre grandes fêtes de l’année celtique [avec Imbolc devenu notre Chandeleur, Beltaine devenu notre Pâques, et Lugnasad devenu notre Sainte Marie]. Celle de Samain marquait le début de l’hiver et représentait ainsi la grande transition cyclique annuelle, le nouvel an. […] À cette date devait être rentré le bétail de ses pâturages d’été. C’est le moment où les Celtes abattaient les animaux nécessaires pour les réserves alimentaires de l’hiver. La vie des six prochains mois allait se dérouler principalement à l’intérieur des foyers où les anciens raconteront autour du feu durant les longues nuits hivernales les anciennes légendes transmises de père en fils. [C'était la période du Suounos, du « sommeil ». C’est à cette époque que Lug se retire avec les autres Dieux en un lieu isolé, Gronna Drucon, « le Marais Pernicieux », en vu de préparer la grande bataille contre les Fomoires, les anti-dieux, leur laissant ainsi la terre et en particulier Balor. Avec la lune descendante de Samonios et plus particulièrement les 2, 3 et 4ème jours après la Pleine Lune, nous arrivons à une époque très solennelle qui se trouve dédiée par les celtisants à la mémoire de leurs morts. Quel que soit le jour, la quinzaine, la lune où de proches parents ont pu disparaître, leur trépas est commémoré durant les Trinoxtion samoni, « les trois nuits de retrouvaille [avec les pères] ». Elles débutent le 2ème jour du dernier quartier de lune, quand le soleil est dans le signe du Crucos, « Scorpion », signe de Dis Pater celte, dont les Celtes se disaient issus. Ouvrant la saison hivernale, la couleur symbolique de Samonios est le blanc. Le blanc du Nord, de la mort, qui absorbe l’être et l’introduit au monde lunaire et froid. C’est la couleur du deuil, du linceul, de tous les spectres et de toutes les apparitions. C’est la couleur des revenants, donc le l’Autre Monde.]
Ceci avait pour conséquence que la période était comme suspendue dans le temps, elle n’appartenait ni à une saison ni à l’autre. Cette période était hors du temps, c’était la période pendant laquelle passé, présent, et futur étaient réunis dans un même espace temporel. Une nuit obscure pleine de mystères et de terreurs commençait alors de manière implacable. On interrogeait les signes divins afin de connaître les révélations du futur. De grands banquets et des jeux avaient lieu pendant lesquels l’alcool coulait à flots. Mais malgré les joies des festivités, l’atmosphère était lourde car cette ère de Samain ne réservait pas que des rires, loin de là même… Pendant ces banquets il était de coutume de manger entre autres des pommes, des noix et des noisettes. Les pommes sont liées au symbolisme de l’immortalité, il est donc compréhensible qu’elles soient le fruit de prédilection pour cette nuit de transition vers la saison morte de l’année. On espérait ainsi pousser les puissances magiques de cette nuit de Samain vers un renouvellement vital des forces cycliques.
Cette période n’était pas uniquement un effondrement temporel, c’était aussi le moment pendant lequel s’écroulaient les barrières qui séparaient les différents mondes. Les portes entre les mondes s’ouvraient laissant le passage libre aux petits peuples surnaturels, mais aussi et surtout aux anti-dieux, les Fomoires, contre lesquels les Dieux, les Tuatha De Danann dans le Lebor Gabala Erenn [« livre des conquêtes d'Irlande », et c'est-à-dire « ceux des clans de Dana ou Ana », soit « de la Destinée »] durent livrer bataille lors de la conquête du continent. La fête de Samain était très enracinée chez les Celtes, à tel point que de nombreux aspects païens purent survivre à la christianisation tardive de l’Irlande [qui n'a jamais été romanisée, au reste].
Ces aspects perdurèrent de nombreux siècles, et lorsque les Irlandais émigrèrent vers le nouveau monde, l’Amérique, ils emmenèrent avec eux la tradition de Samain. La très forte présence d’immigrants Irlandais aux USA fit que cette fête allait prendre rapidement un caractère national. Depuis, dans tout le pays se célèbre la fête nommée Halloween. Les Américains, toujours prompts à convertir en valeur marchande tout et n’importe quoi, firent tôt de récupérer cette fête traditionnelle en lui donnant un aspect commercial à outrance. C’est ce Halloween américanisé qui est venu conquérir l’Europe à la fin du XXème siècle. Il est donc assez surprenant de voir les « migrations » de Samain, qui part d’Europe vers l’Amérique, pour revenir ensuite en Europe sous un aspect quelque peu différent.
Mais revenons à la fête originelle de Samain, celle de nos ancêtres celtes. Cette période sacrée pendant laquelle les Fomoires et les morts venaient hanter et parfois terrifier les vivants, était celle où tous les confrontations étaient possibles. Dieux, hommes, et eFomoires pouvaient s’affronter de manière terrible. Les Fomoires étaient représentés dans l’imagerie mythologique avec des aspects monstrueux. On allumait alors de grands feux pour se protéger de ces forces chaotiques. Même durant le banquet, le roi de tribu devait être protégé tout spécialement par quatre princes qui prenaient place autour de lui. Ils se plaçaient de telle manière, qu’ils formaient une roue solaire selon le principe des deux axes, un prince de chaque côté, un derrière et un autre devant le roi. Cet ordre symbolique visait à invoquer les forces solaires, celles des Tuatha De Danann afin de protéger le roi contre toute attaque des forces du chaos. La vie de toute la tribu en dépendait. On réservait pendant ces banquets une place pour les morts afin qu’ils viennent se joindre pacifiquement aux festivités. Toute cette célébration n'est pas sans rappeler celle de la fête romaine de Mundus Patet [dont on parle plus bas] dont le fond est très similaire à celui de Samain.
Durant la nuit de Samain, la rencontre surnaturelle pouvait être parfois bénéfique et d’une grande aide, mais en général elle était crainte et on faisait tout pour l’éviter. Pendant ce temps, les jeunes, qui prenaient les choses quelques fois plus à la légère, se couvraient le visage avec des masques monstrueux, et déambulaient ainsi dans le village. Ceci augmentait sans aucun doute une ambiance déjà très tendue. Les foyers, eux, ont été au préalable nettoyés de fond en comble, car c’est une des nombreuses manières d’honorer les défunts lorsqu’ils reviennent au foyer afin de se joindre aux vivants. Les morts qui prennent place au banquet sont le souvenir de l’ancien sacrifice qui devait se célébrer en l’honneur des ancêtres et des Fomoires.
[…] Les chrétiens tentèrent dans un premier temps de diaboliser la Samain, mais lorsqu’ils finirent par constater qu’ils n’y arriveraient pas, fidèles à leur habitude, ils christianisèrent Samain en faisant d’elle la fête des morts et celle de tous les saints (la Toussaint).
D'après Hathuwolf Harson avec son accord, revu et corrigé.
Sources :
« Lexikon der keltischen Mythologie », Sylvia und Paul F. Botherhoyd
« Les symboles des Celtes », Sabine Heinz
Mundus Patet, le 8 novembre romain
Ouverture des portes de l'infra-monde
Dans la Rome païenne le 08 novembre était marqué par le Mundus Patet, la troisième célébration de ce genre au cours de l'année. Ce mot latin veut dire « le monde est ouvert ». Il ne s'agit pas de n'importe quel monde, car il est question ici de l'infra-monde, celui où résident les morts, le royaume du Dieu Pluton. C'est aussi le Mundus Cereris, le monde sous-terrain lié aux forces fécondantes de la Déesse Ceres, Déesse dont la fête était célébrée la veille.
Les Romains de tradition polythéiste se rendaient alors auprès de différents Mundi, mot qui désignait en général des trous dans la terre aménagés en sanctuaires. Certains fruits de la récolte passée étaient offerts en sacrifice aux Manes et aux morts en général. Ces Mundi étaient des entrées vers l'infra-monde, le monde des morts et celui des Dieux souterrains. Parmi ces Dieux se comptent les Manes qui représentent les esprits des morts. Le Mundus était fermé par un Lapis Manalis, une grande pierre dédiée au culte des Manes. Trois fois par an, la pierre était repoussée laissant ainsi ouverte l'entrée vers le monde obscur des défunts. Ces trois dates étaient le 24 août, le 5 octobre, et le 8 novembre. Ces dates tournent autour de la période équinoxiale d'automne, période pendant laquelle le monde des morts et celui des vivants sont connectés. On retrouve le sens de cette célébration romaine dans le Samain des Celtes ou bien dans la Chasse Sauvage des Germains.
Pendant le Mundus Patet, on ne festoyait pas, on ne préparait aucune bataille, et on ne guerroyait pas. C’était un jour plutôt sombre et angoissant. Aller au combat pendant Mundus Patet était de mauvaise augure, car on pensait qu'il était plus facile de mourir et d'être défait pendant que les entrées vers le royaume de Pluton étaient grandes ouvertes. En cette date, on ne craignait pas tellement que les défunts sortent par ces passages, par contre on redoutait que les vivants y soient attirés et rejoignent ainsi les Manes dans l'infra-monde. Une sortie massive des morts a lieu tous les ans en fvrier, à la fin de l'hiver, mais ceci est une autre histoire…
D'après Hathuwolf Harson avec son accord.
Sources :
« La religion romaine archaïque », Georges Dumézil
http://en.wikipedia.org/wiki/Lapis_manalis
A lire : la Religion celte : digressions mythographiques et historiologiques
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