Le changement culturel de Sanofi s’offre un doux parfum de Big Mac
Après l'alliance avec Coca-Cola, Sanofi n'en finit plus de "s'américaniser". Chris Viehbacher, le directeur général de Sanofi nous avait promis un changement culturel. Il ne nous a pas déçu !
Reuters titre non sans un clin d'oeil caustique "La culture Sanofi génétiquement modifiée par Genzyme". L'arrivée du "germano-canadien" Chris Viebacher à la tête de Sanofi a effectivement radicalement changé l'esprit de l'entreprise française.
Et pour cause ! Sanofi nomme à compter du 3 décembre 2012, le Dr Gary J. Nabel, ancien patron de la division "vaccins" du NIH aux Etats-Unis au poste de Senior Vice-Président, Chief Scientific Officer et Adjoint au Président Monde de la R&D. Le Dr Nabel sera rattaché au Dr Elias Zerhouni, ex-directeur du NIH américain et nommé fin 2010 "Président Monde de la R&D", et intégrera la Global Leadership Team du Groupe. Il sera basé aux Etats-Unis, à Cambridge, dans le Massachusetts.
Le Dr Gary J. Nabel, virologue, succède à Paul Chew - encore un américain - qui lui-même prit la place le 1° octobre 2012 du français Jean-Pierre Lehner comme "Chief Medical Officer", du fait de son départ à la retraite. Le Dr Nabel a notamment travaillé aux Etats-Unis sur les stratégies vaccinales contre le VIH et d'autres maladies infectieuses.
En clair, un français de plus à quitter la Direction Générale de Sanofi qui se voit remplacé par un américain. Sans douter des qualités du Dr Nabel, il est légitime de s'interroger s'il n'existait pas d'autres experts français pour prendre cette partie de la Direction de la R&D de ce groupe français ? Ne peut-on pas voir dans cette nouvelle nomination une avancée de plus vers la délocalisation du siège de Sanofi vers les Etats-Unis ?
La France est LE pays du vaccin et Sanofi est le leader mondial des vaccins avec sa filiale Sanofi Pasteur MSD co-détenue avec le laboratoire Merck & Co.
Avec l'institut Pasteur, la France a toujours eu un rôle clé dans l'histoire des vaccins. Au fil des années, il a été à l'origine de découvertes révolutionnaires qui ont permis à la médecine de contrôler des maladies virulentes, telles que la diphtérie, le tétanos, la tuberculose, la poliomyélite, la grippe, la fièvre jaune, la peste épidémique, et le SIDA. Depuis 1908, huit scientifiques de l’Institut ont été récompensés par un prix Nobel de médecine ou de physiologie. Or, la production et la vente de tests de diagnostic développés dans les laboratoires de l’Institut sont sous la responsabilité de Sanofi Diagnostics Pasteur.
L'institut Pasteur a vu "naître" les plus grands experts mondiaux dans ses domaines de prédilection : Alphonse Laveran qui a reçu le prix Nobel pour ses recherches sur la malaria, Ilya Ilitch Metchnikov puis plus tard Jules Bordet qui ont reçu le prix Nobel, pour leurs contributions à la compréhension du fonctionnement du système immunitaire, Charles Nicolle qui a reçu le prix Nobel pour avoir résolu le mystère de la transmission du typhus, Pierre Lépine qui a développé un des premiers vaccins antipoliomyélitiques, Daniel Bovet qui a reçu le prix Nobel pour ses découvertes sur les antihistaminiques et les curarisants de synthèse, André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod qui ont reçu le prix Nobel pour leurs découvertes sur la régulation génétique de la synthèse des enzymes et des virus, jusqu'à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi qui ont reçu en 2008 le prix Nobel de médecine pour avoir découvert le virus du sida.
Que penser lorsque d'un côté Chris Viehbacher assure que le groupe veut "renforcer sa position à Lyon" et déclare : "nous allons (y) construire un nouveau bâtiment pour les sièges" de Sanofi Pasteur (vaccins) et Merial (médecine vétérinaire) ainsi qu'un "centre mondial d'excellence sur les maladies infectieuses" tout en délocalisant toute la tête de sa R&D aux Etats-Unis et en "réorganisant dans la recherche et la production de vaccins en France" ?
Le patron de Sanofi avance progressivement ses pions pour américaniser les instance de direction d'un groupe pharmaceutique qui n'a plus de français que ses statuts juridiques et ses chercheurs en colère. Avec les 900 suppressions de postes annoncées en France en R&D, et le sort incertain des centres de Toulouse et Montpellier, Sanofi quitte de plus en plus le pays de Pasteur pour celui de Ronald McDonald sous l'oeil passif et complaisant du ministre du redressement productif Arnaud Montebourg.
Rappelons les prises de position risquées du gouvernement français en 2004 au moment même où Novartis lorgnait sur Aventis. Libération écrivait le 17 mars 2004 :
Quatre jours après que le groupe de Bâle, Novartis, a officialisé son intérêt pour se porter au secours du franco-allemand Aventis sur lequel Sanofi-Synthélabo a lancé une OPA, Jean-Pierre Raffarin a clairement indiqué son opposition à l'intervention de ce « chevalier blanc ». Hier, à l'issue d'une réunion à Paris, il a affirmé que le gouvernement « sera particulièrement vigilant pour que ces mouvements ne portent pas atteinte à l'intérêt national » et rappelé que la « construction d'un grand groupe pharmaceutique européen (...) marqué par les relations franco-allemandes est stratégique pour la France ».(...)
« Les vaccins (...) peuvent être très importants dans notre lutte contre le terrorisme en général et notre lutte contre le bioterrorisme en particulier », a-t-il déclaré, manifestant son hostilité au passage des vaccins d'Aventis sous pavillon suisse.
Il n'aura pas fallu une OPA hostile d'un concurrent pour que la France perde son pôle vaccins mais simplement une réorganisation opérée par un directeur général étranger peu soucieux des intérêts de la France.
Au fait ! Il est passé où Montebourg ?
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