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Le conseiller, l’anthropologue et le député

Difficile de trouver dans l’actualité des raisons de croire au retour de la raison dans la gestion de cette « ex-future » pandémie de grippe… Que dire de la situation de ces médecins enfin dotés de l’autorisation théorique de vacciner mais dans des conditions logistiques tellement hypothétiques que cette autorisation est vidée de tout sens ?
 

Alors relisons nos archives : « Il faut peut-être que nos gouvernants acceptent de ne pas considérer les médecins comme des soldats qui devraient appliquer « la ligne du parti » sans se poser de questions, parce qu’aujourd’hui ce n’est plus possible. […] L’injonction de faire, l’injonction de dire, au XXIème siècle, cela ne marche plus très bien ». De qui ces paroles de bon sens ? D’un homme de bon sens du nom de Rémi Bataillon, directeur de l’URML (Union régionale de médecins libéraux) de Bretagne. Elles ont été prononcées lors d’une table ronde opportunément consacrée au thème de « Pandémie grippale et gouvernance », tenue dans l’enceinte du dernier Congrès de la SFSP (Société Française de Santé Publique) le 1er octobre dernier à Nantes par celui qui ne savait pas encore qu’il deviendrait (aujourd’hui)… Conseiller de la ministre Roselyne Bachelot.

Mais sans doute pas conseiller… à la communication, auquel cas il aurait dû la dissuader de donner au Quotidien du Médecin une interview sur l’air de « J’ai besoin des médecins », inutilement provocatrice après les avoir tellement pris de haut ! Le reste de l’entretien est à l’avenant, la ministre allant même jusqu’à nier une certaine « tension » avec des syndicats hostiles à sa politique qu’elle venait de réconcilier. A pratiquer de la sorte la politique de l’autruche, Mme Bachelot brûle sans doute ses derniers feux… Qu’allait-elle, l’autre soir sur le plateau de TF1, camper la posture impossible : « Si c’était à refaire, je referai rigoureusement la même chose ! »… Elle fait immanquablement penser à Jean-François Mattéi, considérant depuis sa résidence de vacances que la situation caniculaire de l’été 2003 était « sous contrôle »… Du moins, ce dernier avait-il eu l’humilité de consentir plus tard, après la tempête, « quelques défaillances ».

A se complaire ainsi dans un orgueil assez déplacé, Mme Bachelot risque rien moins que d’entrer dans l’histoire, sous le portrait de Plantu dans une récente édition du Monde, hilare et un peu éméchée au sortir du réveillon, perchée sur un stock de vaccins qu’évacue de son entrepôt un chariot élévateur… que d’autres appellent un « diable »… Tant qu’à être dans la colonne de ce journal, la ministre pourra y lire, à la rubrique « Sociologie » les deux analyses de l’anthropologue, Frédéric Keck qui, parle d’« échec du catastrophisme » - authentique leçon de lucidité ! - et celle du philosophe François Ewald qui revient opportunément sur les nécessaires excès du principe de précaution1.

Mme Bachelot sera donc entendue ce soir à 21 heures2 par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale : l’enjeu sera, pour la ministre, de convaincre ses anciens collègues qu’une Mission d’enquête parlementaire ne servirait à rien, sinon l’humilier… Mais enfin il faudra bien passer, à un moment ou à un autre, en phase d’évaluation. Car il convient toujours de s’interroger sur cette mécanique perverse de l’erreur collective qui n’est évidemment pas sans conséquences pour la prochaine crise.

On peut déjà en repérer de trois types :
Conséquences sanitaires : si l’opération n’avait pour but que de tester la capacité de mobilisation de l’appareil d’État à faire face à une pandémie de grande ampleur, alors il faudra expliquer comment la France, médaille d’or de l’anticipation, a réussi à sortir lanterne rouge à l’indice du taux de vaccination ! Quelques députés ont déjà entamé le travail d’enquête…
Conséquences économiques : le député Bernard Debré soutient ce matin que la gabegie équivaut au déficit cumulé « de l’ensemble des hôpitaux français » ; tandis que d’autres parlementaires ne manquent pas de souligner qu’au final, la facture équivaudra sans doute à… l’investissement de 3 plans cancer quinquennaux (750 millions d’euros).
Conséquences politiques : à en croire le Pr Claude Le Pen interrogé par Fréquence M, les dégâts collatéraux de la gestion de la crise sont encore plus graves avec l’émergence d’un double divorce : des français avec la santé publique et des médecins avec l’État…

Et si le bon sens faisait enfin son entrée au cabinet ? Et si, tout simplement, cette crise nous faisait redécouvrir qu’on ne fera pas de santé, fut-elle publique, sans les médecins, fussent-ils « privés » ?

1 A ce propos, on peut aussi relire le pamphlet prémonitoire de Jean de Kervasdoué sous le titre « Les prêcheurs d’apocalypse »
2 Cette intervention figure à l’agenda de la ministre et, à cette heure encore, au programme de l’Assemblée ; comme ceux de la télé sont en berne, on pourra utilement se brancher sur la retransmission en direct.


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2 réactions à cet article    


  • clostra 13 janvier 2010 13:03

    Observons simplement ce qui va se passer maintenant.
    Toute cette incroyable histoire d’une voiture lancée à vitesse folle qui n’a pu s’arrêter à temps est cependant riche d’enseignement. Celui qui vient - l’intervention des médecins généralistes, pourtant de plus en plus bridés dans leurs prescriptions - risque de nous enseigner quelque chose qu’on n’aurait jamais découvert sans ça :
    - l’influence d’un médecin de ville sur l’esprit critique et les informations communément admises
    - l’effet placebo (y aura-t-il autant d’effets secondaires dans la population des vaccinés de la sorte ?)
    les médecins vont-ils avoir un challenge a effectuer pour prouver qu’ils sont plus efficaces en terme de nombre de vaccinations ?

    Asseyez-vous et regardez car vous allez voir ce que vous allez voir !
    - le masque va-t-il faire son apparition ?
    - le tamiflu versus vaccination, vaccination versus tamiflu ? (car ceci est de l’ordre de l’ordre contradictoire...donc très troublant y compris pour un médecin)


    • zelectron zelectron 13 janvier 2010 16:23

      Vous croyez que Roseline aurait acheté ou qu’on lui aurait refilé au prix fort des monodoses de sérum physio en lieu et place de vaccin pourri, voire avarié ou encore mutant ? non ! c’est pas possible !
      Mais, bof, après tout c’est peut-être moins dangereux que des vaccins fabriqués à la va-vite.

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