Le premier « Village Alzheimer » français ouvrira en mars à Dax
Dans un article de février 2015 intitulé Un premier « village Alzheimer » en France, je faisais état du projet de construction, dans le département des Landes, d’un établissement dédié aux personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives de type Alzheimer. Inspiré d’un concept existant dans d’autres pays, notamment aux Pays-Bas, ce « village » accueillera ses premiers résidents en mars 2020…
C’est en périphérie de Dax, à deux kilomètres du centre-ville, que les collectivités locales ont, en relation avec les autorités de Santé, choisi d’implanter ce premier « village Alzheimer » français. Un projet mis en œuvre depuis décembre 2016, sous l’impulsion d’Henri Emmanueli, par un Groupement d’Intérêt Public (constitué notamment par le Conseil départemental des Landes, la Communauté d’agglomération du Grand Dax et France Alzheimer), et piloté par un Comité animé conjointement par le Conseil départemental des Landes et l’Agence régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine. Baptisé « Village landais », cet EHPAD spécialisé, et de fait expérimental dans le paysage de santé français, sera opérationnel à la fin du mois de mars.
Comme dans le village Alzheimer pionnier Hogeweyk ouvert en décembre 2009 dans la ville de Weesp aux Pays-Bas, l’objectif des concepteurs et des réalisateurs du projet landais est de prendre en charge des personnes atteintes de maladies neurodégénératives de type Alzheimer et apparentées dans une structure originale. Objectif : maintenir les malades, au sein d’un cadre sécurisé, dans un mode de vie aussi proche que possible de leur existence antérieure. Contrairement à ce qui se passe trop souvent dans les EHPAD traditionnels, c’est une prise en charge non médicamenteuse qui sera ici privilégiée pour les résidents, lesquels auront accès sur place à des lieux de service comparables à ceux qu’ils fréquentaient hors de ce village dédié. Et aucun membre du personnel ne portera de blouse blanche.
Au plan architectural, le Village landais a été pensé comme une structure « familière et bienveillante », nous dit le site qui lui est consacré. Les résidents y trouveront une « bastide* » regroupant – outre les espaces réservés à l’administration et aux animateurs du site – les services qui seront mis à leur disposition, notamment une supérette, un restaurant, un salon de coiffure et d’esthétique, une salle de consultation médicale, une infirmerie, une pharmacie, une médiathèque (adhérente du réseau départemental), un auditorium et des locaux dédiés à la kiné et à la mise en forme. Quant aux hébergements, ils seront répartis dans 4 « quartiers** » comptant au total 16 « maisonnées » de 300 m², inspirées de l’architecture landaise traditionnelle, chacune pouvant accueillir 7 à 8 résidents.
L’ensemble sera inscrit dans un parc paysager de 5 hectares comportant des allées de promenade dans des espaces verts et arborés agrémentés de petits plans d’eau. Les résidents trouveront également sur place un potager partagé et une mini-ferme. Un environnement d’autant plus propice à la quiétude que les maisonnées des quartiers, loin de la froideur impersonnelle de trop nombreux EHPAD dans notre pays, contribueront par leur simplicité au caractère apaisant du lieu. Un « plus » évident pour l’équilibre des malades. Charlotte Meynard, psychologue de l’antenne landaise de l’association France Alzheimer, ne dit pas autre chose : « Quelqu’un de détendu se laisse moins dépérir […] Dans un tel Village, on peut imaginer que le taux de dépression va diminuer. »
Tel est effectivement l’ambition des promoteurs du Village landais : placer les résidents dans un lieu de vie bienveillant par son cadre et l’implication de l’encadrement ; un lieu de vie également stimulant par un accès aisé à des activités intellectuelles – essentielles pour ralentir le processus de dégénérescence – mais également activités physiques pour répondre aux besoins compulsifs souvent présents chez les malades d’Alzheimer et, elles aussi, de nature à ralentir l’érosion des processus cognitifs.
D’autres projets en France et en Europe
Il est prévu d’accueillir au Village landais 120 résidents, tous atteints d’une forme « légère à modérée » de maladie neurodégénérative de type Alzheimer dont plusieurs cas de démence précoce (personnes de moins de 60 ans). À cet égard, une question se pose immanquablement : Quid des résidents dont l’état se dégradera inéluctablement au fil du temps pour atteindre les stades 6 et 7 de la maladie ? Pas de problème : « Le Village accueille[ra] ses résidents jusqu’en fin de vie sauf si, pour des raisons médicales autres [que la démence], la famille préfère une prise en charge hospitalière », assure la chargée de Communication du Conseil départemental.
Tout cela nécessite bien évidemment un effectif d’encadrement de qualité et en nombre suffisant. La prise en charge des résidents du Village landais sera confiée à un effectif de 120 professionnels (mesuré en ETP : Équivalents Temps Plein), répartis entre le médico-social, l’animation, l’intendance et l’entretien. Une partie de ces personnes assurera, par roulement, une présence 24 h / 24 sur le site dacquois. Les professionnels seront épaulés par des bénévoles dont plusieurs dizaines sont déjà formés ou en cours de formation. À terme, 120 femmes et hommes devraient mettre au service des résidents du temps, des compétences et du dynamisme dans des différents domaines : activités ludiques et sportives, ateliers de cuisine, chant choral, sorties en ville pour assister à des spectacles ou des manifestations sportives.
France Alzheimer nous indique sur son site que l’on dénombre en France 1,2 million de personnes atteintes de cette maladie ou d’une forme apparentée de dégénérescence neurologique. 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, et l’association prévoit qu’avec le vieillissement de la population le nombre des malades atteindra 1,8 million en 2050 pour notre seul pays. Des chiffres effrayants qui montrent l’ampleur du problème posé à la société. Car si la majorité des malades est prise en charge – souvent au prix de grandes difficultés psychiques et organisationnelles – par les « aidants » familiaux dont plus de 5000 sont formés chaque année, environ 40 % d’entre eux sont placés dans des institutions publiques ou privées.
Le Village landais bénéficiera à cet égard d’un avantage significatif relativement aux autres établissements de type EHPAD. Dans les structures traditionnelles, le ratio personnel ETP / résidents est de 60 %. Or, ce ratio atteindra 100 % à Dax sans pour autant que le prix journalier soit plus élevé pour les résidents***. Rien là de surprenant, eu égard au caractère expérimental de cette nouvelle structure. L’objectif poursuivi au plan médico-social est, en rupture avec les pratiques courantes en EHPAD, de privilégier l’approche non médicamenteuse en faisant appel à différentes disciplines visant, d’une part, à stimuler les capacités cérébrales des résidents, d’autre part, à améliorer le cadre et la qualité de vie des patients. Au terme des 5 premières années, une évaluation sera effectuée sous la responsabilité du Pr François Dartigues, neurologue au CHU de Bordeaux, afin de mesurer l’impact de ce type de structure sur l’évolution de la maladie d’Alzheimer et savoir si « ce cadre mérite d’être étendu ailleurs », précise le praticien. Sans attendre cette échéance, l’expérience conduite au Village landais sera étudiée en continu par des chercheurs appartenant notamment à l’INSERM ; ces chercheurs disposeront sur place d’un Centre de ressources.
À ce jour, il n’existe qu’un seul autre projet de « village Alzheimer » en France. Plus précisément dans la ville de Châlons-en-Champagne. Inspiré du concept néerlandais Hogeweyk, et plus encore du Village landais, ce projet a d’ores et déjà reçu le soutien du Conseil département de la Marne, de l’Agence régionale de Santé, de plusieurs associations et du maire de la ville, Benoist Apparu, qui a décidé de mettre sur pied un Comité de pilotage. Comme à Dax, le Village champenois a pour ambition, si le projet se concrétise, d’accueillir 120 résidents, encadrés par 120 professionnels et autant de bénévoles sur un site qui pourrait – à l’horizon 2024 – occuper une partie des anciens quartiers militaires Chanzy-Forgeot réhabilitée dans cette optique.
Inspirés par l’expérience néerlandaise, d’autres « dementia villages » ont ouvert ailleurs en Europe, ou le seront dans un proche avenir. C’est le cas notamment en Allemagne (à Hameln, Hergensweiler, Hilden, Krampnitz, Mansbach, Mausbach) ; au Danemark (à Svendborg) ; en Italie (à Monza et Rome) ; en Suisse (à Wiedlisbach). Autant d’expériences qui, ajoutées à celles d’HogeWeyk et de Dax, permettront à la communauté scientifique et aux pouvoirs publics d’évaluer s’il convient de poursuivre dans cette voie. Comme c’est trop souvent le cas, c’est probablement un arbitrage entre le bien-être des malades et les contraintes économiques pour les états et les collectivités locales qui décidera de la pérennité et du possible développement de telles structures. Puisse la voix de la compassion pour les anciens en souffrance l’emporter !
* Omniprésentes en Aquitaine, les bastides font partie intégrante de de l’imagerie architecturale du Sud-Ouest. Elles se caractérisent par l’existence d’une place centrale – souvent encadrée d’arcades – où se concentrent les commerces.
** Ces quartiers seront nommés Bas-Armagnac, Côte Atlantique, Chalosse et Haute Lande. Des dénominations qui ont pour objet de « parler » à la mémoire des résidents.
*** Le prix journalier sera, nous indique le Conseil départemental, conforme aux tarifs pratiqués ailleurs en EHPAD, soit un montant (éligible aux aides) de 58 euros par jour pour l’hébergement auquel s’ajoute une somme de 7,42 euros pour la dépendance, la partie soins étant prise en charge par l’Agence régionale de Santé.
Pour en savoir plus : site du Village Landais (dont cette vidéo)
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