Médicaments : rassurons les patients (et les actionnaires !)
Pendant que Servier s'empêtre dans les milliers de procès du Mediator en France, pendant que Takeda se prépare à la même avalanche aux Etats-Unis avec son antidiabétique Actos, certaines firmes parviennent à traverser le déluge médiatique sans que la moindre goutte d'eau ne vienne tacher leur costume de luxe.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la firme GSK a par exemple échappé aux foudres de Xavier Bertrand, étouffant ainsi en toute discrétion les décès liés à son ex-antidiabétique vedette Avandia.
Encore plus incroyable, personne en France ne s'est intéressé à Sanofi qui tente depuis plusieurs années tant bien que mal d'étouffer dans l'oeuf des cas de cancers induits par son antidiabétique phare, le Lantus. Avec presque 5 milliards de dollars de chiffre d'affaire annuel pour ce seul médicament, on comprendra aisément que Sanofi mette le paquet.
Les résultats sont accablants. Les patients qui prennent du Lantus ont 2,9 fois plus de risque de développer un cancer !
Etonnament, ce n'est pas la presse médicale qui a rapporté ces faits mais une source d'information ... financière : Bloomberg !
Des doutes avaient déjà été émis en 2009, suite à la publication d'une étude allemande. Mais le foyer de l'incendie a été aussitôt éteint par la publication simultanée d'études concluant qu'il n'y avait pas de problème.
Cette nouvelle étude suédoise vient rallumer le feu.
Le vice-président des affaires médicales de Sanofi s'est étonné dans une interview donnée à Bloomberg que l'on s'attarde encore sur les résultats d'une toute petite étude de rien du tout alors que de grandes études (financées par la firme) ont montré que ce produit était sans danger.
Il serait intéressant de connaître l'avis du Dr Irène Frachon sur ce type de déclaration méprisante d'industriels de la pharmacie.
Sanofi devrait présenter dans les jours qui viennent enfin de nouvelles données pour rassurer les patients (et les actionnaires). Pourquoi "enfin" ?
Tout simplement parce que de telles études avaient été demandées suite à l'étude allemande de 2009.
Lucien Abenhaïm conduit l'étude ISICA, l'une des études qui devrait montrer l'inocuité du Lantus. Lucien Abenhaïm qui était autrefois le Directeur Général de la Santé s'est "recasé" dans le privé en montant la société de pharmacoépidémiologie LA-SER (=Lucien Abenhaïm SERvices), celle-là même qui conduit l'étude pour Sanofi. L'étude a été confiée à LA-SER pour garantir son indépendance. Un article du Lancet nous donne d'ailleurs davantage d'informations sur les financements de cette étude indépendante.
LGB's institution (LA-SER) was paid by Sanofi-Aventis to independently conduct the study. MM has received consultancy fees from Sanofi-Aventis (...) and reimbursement of travel or accommodation expenses from Sanofi-Aventis. MP has received consultancy fees or honoraria for work on ISICA from La-Ser and Sanofi-Aventis, and consultancy fees, grants, and travel expenses for other work from (...) Sanofi-Aventis(...). DC received consulting fees and travel expenses during the design stage of ISICA from Sanofi-Aventis. MRi has received honoraria for consulting and for chairing a consulting group regarding insulin glargine, as well as research grants, speakers' fees, and travel grants from Sanofi-Aventis. (...) BC has received received fees for consultancy, advisory boards, speaking, travel, or accommodation from (...) Sanofi-Aventis (...). AHB has received honoraria for advisory work and lectures unrelated to this work from Sanofi-Aventis (...) PB's institution has received a grant for a study on glargine and cancer, and PB has received honoraria for advisory board meetings from Sanofi- Aventis. JFB has been a scientific advisory board member for Sanofi-Aventis and received reimbursement for travel to board meetings. ME has received grants and consultancy fees from (...) Sanofi-Aventis. MRo has received honoraria for advisory work and lectures unrelated to this work from Sanofi- Aventis (...).
Heureusement, LA-SER est une société indépendante qui n'a pas d'intérêts commerciaux dans aucun des produits qu'elle étudie. "LA-SER has no commercial interests in any of the products studied."
La petite étude suédoise pourra donc vraisemblablement se rhabiller face à la grande étude indépendante conduite par l'ancien patron influent de la DGS.
En France, les retombées presse sont minimales. Seule la presse financière s'en est faite écho. Challenges a également publié un article sur cette affaire dans la rubrique ... Bourse.
Etonnant que seule la presse financière tenue de relayer toute information touchant une entreprise côtée se soit intéressée à cette affaire.
Pourquoi la presse généraliste et la classe politique ont-elles gardé le silence ? Pourrait-on y voir l'influence d'Euro RSCG, l'agence de communication de Sanofi, qui a embauché en 2010 l'ancien directeur de cabinet de Xavier Bertrand, Michel Bettan ?
Références
Risk of malignancies in patients with diabetes treated with human insulin or insulin analogues : a cohort study.
L. G. Hemkens & U. Grouven & R. Bender & C. Günster & S. Gutschmidt & G. W. Selke & P. T. Sawicki
Diabetologia (2009) 52:1732–1744. DOI 10.1007/s00125-009-1418-4
Sanofi critique une étude sur un risque de cancer avec Lantus
Expérience de l’industrie sur la place des études pharmaco-épidémiologiques pour la gestion des risques, TOPRA, 19/09/2011
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