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Quels enjeux sanitaires concernant la laine de roche ?

La laine de roche est de plus en plus plébiscitée par les professionnels et le grand public dans les travaux d’isolation. Toutefois, les enjeux sanitaires sont méconnus des consommateurs… et sous omerta dans le monde professionnel.

Produit naturel, sain et écologique pour les uns, la laine de roche est, pour les autres, le nouvel amiante, dont on découvrira les effroyables effets dans les années à venir. Toutefois, le flou ne concerne pas tant les risques sanitaires, minimes comparativement à ceux engendrés par l’amiante, que la minimisation du principe de précaution dans la stratégie de communication des fabricants.

Les caractéristiques des fibres

Même s’il existe certaines vertus comparables en termes d’isolation ou encore concernant l’origine minérale des deux produits, l’amiante et la laine de roche sont en réalité très différents et le caractère cancérogène de la laine de roche est loin d’être avéré.

Déjà, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) rappelle que la laine de roche est une fibre artificielle minérale et non pas un « matériau naturel » comme certains fabricants le revendiquent. A l’inverse, l’amiante est bien une fibre naturelle minérale (mais dangereuse).

En effet, la morphologie des fibres de la laine de roche et de l’amiante est très différente. Celles de l’amiante sont courbes, se cassant dans le sens de la longueur. Ainsi, les fibres d’amiante peuvent se briser en morceaux d’un diamètre microscopique (inférieur à 1 micromètre) qui peuvent pénétrer très profondément dans les poumons et deviennent très difficiles à éliminer pour l’organisme. A l’inverse, les procédés de fabrication rendent les fibres de laine de roche droites et ne se brisent que sur la largeur, sans que leur diamètre ne soit altéré. Elles pénètrent donc plus difficilement dans l’organisme, même si leur diamètre reste fin (en moyenne entre 2 et 3,5 micromètres).

Un problème de biopersistance réglé par la recherche scientifique

Inhalées, certaines fibres – comme l’amiante – sont difficilement éliminées par l’organisme. Quid de la laine de roche ? En 1988, le Centre International de Recherche sur le Cancer avait d’abord classé la laine de roche comme « agent cancérogène possible pour l’homme ». En 1998, en France, soit un an après l’interdiction de l’amiante, Henri Pézerat, chercheur en toxicologie et leader emblématique du mouvement anti-amiante s’interroge publiquement sur la laine de roche. Il estime notamment que « la laine de roche est très probablement un agent fibrosant et un cancérogène du poumon ». Pour minimiser les risques, il propose d’agir sur le diamètre des fibres, leur longueur et la composition chimique. Préconisations reprises par les fabricants de laine de roche.

En effet, une équipe de chercheurs (dont deux anciens membres du Comité Permanent Amiante, Jean Bignon et Patrick Brochard) modifie la morphologie des fibres pour qu’elles soient plus courtes et conservent un diamètre plus élevé, contrairement aux fibres d’amiante. Dans un deuxième temps, elle change la composition chimique de la laine de roche afin d’en réduire drastiquement la biopersistance. Pour finir, les fabricants enveloppent généralement leurs produits d’un voile pour limiter la volatilité des fibres.

De fait, en 2001, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, dépendant de l’Organisation mondiale de la Santé) déclare que la laine de roche « ne peut être classée quant à sa cancérogénicité pour l’homme ». Quant à la Commission européenne, elle considère que la laine de roche ne peut être classée comme « irritant pour la peau » car l’irritation est mécanique (et non chimique), superficielle, réversible et ne provoque ni réactions inflammatoires ni allergiques. Toutefois, le doute persiste, car différents organismes de santé et de prévention ont identifié certains risques liés à l’utilisation de la laine de roche. En outre, même si la laine de roche fabriquée dorénavant est saine, rien n’est dit concernant celle produite et posée avant les années 2000.

Dangerosité zéro ?

Ce qu’un organisme sanitaire et de prévention dit, un autre le contredit ! Ainsi, « la substitution des fibres d’amiante, dont le caractère cancérogène est avéré, par des fibres minérales artificielles n’est pas synonyme d’absence de risque ».

En effet, l’Office Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics rappelle que les fibres de laine de roche dont la teneur en oxydes alcalins est inférieure à 18 % sont considérées comme toxiques car elles sont alors difficilement solubles. A l’inverse, les fibres contenant plus de 18 % d’oxydes alcalins sont seulement étiquetées « nocif » ou « irritant ».

De même, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) avance divers risques :

  • Cancers et fibrose pulmonaire : une fibre pénètre les alvéoles pulmonaires quand elle mesure moins de 3 micromètres de diamètre. Alors que les fibres d’amiante peuvent mesurer moins de 1 micromètre de diamètre, les fibres de laine de roche mesurent en moyenne entre 2 et 3,5 micromètres de diamètre.
  • Irritations de la peau, des yeux et des voies respiratoires supérieures : observables quand le diamètre des fibres est supérieur à 4 micromètres. Elles proviennent en début d’exposition et s’incrustent dans l’épiderme. Selon l’INRS, « au moins 50 % des opérateurs présentent des manifestations dermatologiques en début d’utilisation de laines minérales ».
  • D’autres manifestations sont plutôt imputables aux additifs présents dans les fibres, comme le formaldéhyde (présent à hauteur de 1 à 10 % dans la laine de roche). Ingrédient fondamental qui permet de lier les fibres entre elles et d’en faire un ensemble solidaire, sa dangerosité est avérée et reconnue par la Commission européenne en 2014 et par le CIRC en 2004 ?! Or, cela est généralement occulté par les fabricants. En outre, selon l’OPPBTP et l’INRS, le formaldéhyde peut être à l’origine de manifestations allergiques (asthme ou rhinites), de crises d’urticaires ou d’eczémas.

Devant ces risques, plus ou moins graves selon la fréquence et la durée des expositions, pouvant toucher aussi bien les professionnels du bâtiment que le particulier vivant dans un environnement mal protégé, l’OPPBTP définit un ensemble de bonnes pratiques à respecter. Mais l’aération des pièces est-elle bien efficace ? Le débat fait rage sur les forums santé... Pis, existe-t-il des campagnes d’information auprès du grand public sur les risques concernant la laine de roche ? Rien de tout ça. Pour quelles raisons ?

Or, cela n’est pas sans rappeler le flou et les accointances entre syndicat professionnel (EURIMA : EURopean Insulation Manufacturers Association) et organisme de régulation (EUCEB : EUropean CERtification Board for Mineral Wool Products) au niveau européen, comme l’a déjà démontré un article sur leurs dérives en termes de lobbying. Transparence et intégrité ne semblent pas faire partie de leur dictionnaire. La santé du grand public non plus.


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5 réactions à cet article    


  • cilce92 5 décembre 2014 17:09

    Entièrement d’accord avec vous ! Merci pour votre article, très clair !

    Cécile


    • Rincevent Rincevent 5 décembre 2014 18:25

      Les isolants il y en a plein d’autres : http://fr.wikipedia.org/wiki/Isolant_thermique

      Si la laine de roche est si utilisée c’est parce qu’elle est moins chère que les solutions alternatives, pas parce qu’elle est la meilleure. Ceci dit les risques concernent essentiellement les poseurs qui, en bon professionnels, doivent prendre les mesures pour se protéger. Pour un bricoleur, votre lien sur l’OPPBTP dit bien les précautions qu’il faut prendre.


      • sls0 sls0 5 décembre 2014 19:15

        J’ai travaillé avec l’amiante et la laine de verre ou de roche. La moins désagréable c’est l’amiante.
        Comme il y a une personne sur 7 parmi mes collègues retraités qui sont mouché, on avait souvent le nez dedans.
        Pour info, en 1976 j’ai vu les premiers contrôles de présence d’amiante, donc le danger devait être connu pour certains, mais en face il y avait un sacré lobbying.

        C’est les caractéristiques physiques et dimensionnelles de la fibre qui font son danger.

        Avec tout ce qui sort et qui va sortir, on va bien nous sortir le produit miracle dont les effets se feront sentir 10-20 ans plus tard. 10-20 ans pour des actionnaires c’est rentable.

        C’est un marché et quand je vois le prix de certains produits avec l’étiquette ’’écolo’’ c’est que le fric qui compte.


        • ETTORE ETTORE 6 décembre 2014 13:47

          Je repense à ces années d’armée à manipuler l’amiante sous toutes ses formes

           (en fil, bobines, bandes, plaques) Le nez dedans, sans protection
          avec les paillettes qu’on voyait si bien virevolter au soleil
          et les pauvres sapeurs, jeunes appelés, à bander, à main nue les échappements des bateaux, le nez dessus dans des locaux exigus !
          Imaginer ce que sera la laine de roche, oui, mais j’en suis encore à imaginer que sera ma vie avec l’ami......ante.


          • Hector Hector 8 décembre 2014 11:06

            Comme beaucoup, j’ai utilisé la laine de roche pour isoler mes combles.
            Point n’est besoin de faire de grandes analyses pour s’apercevoir de la forte irritation persistante ressentie sur les mains et les bras à la manipulation de celle-ci et je recommande vivement le port de gants pour éviter le contact avec la peau.
            On peut légitimement penser ou du moins se poser la question de savoir quel est son effet à long terme sur les voies respiratoires.
            Le chanvre industriel est une mine d’utilisation dans des domaines aussi divers que les cosmétiques, les combustibles, l’alimentation humaine et bien sur les isolants.
            Alors pourquoi ne pas préconiser et favoriser sa culture et son utilisation ?
            Pour la réponse voir « lobbying US et canishment UE ».

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Auteur de l'article

NicoLescours


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