Vivre moins pour dépenser moins
Le financement des services de soins de suite et de réadaptation (SSR) va progressivement se baser sur leur activité (T2A) dès 2008. C’est une manœuvre douteuse qui va une fois de plus stigmatiser le grand âge comme coupable principal de la faillite du système de soin français.
Début 2008, le financement des services hospitaliers de
soins de suite et réadaptation (SSR) va progressivement cesser d’être
forfaitaire et global pour s’appuyer sur l’activité de soin effectué. Cette
logique de passage à
A priori, cette démarche peut paraître louable et indispensable pour, entre autres, sortir des imbroglios qu’entraîne l’opaque répartition des rôles entre les secteurs médicaux publics et privés.
Néanmoins la réalité de la prise en charge des patients dans les services de SSR semble bien difficile à faire passer par la "moulinette" de cette réforme de gestionnaire.
En effet les prestations de soins dispensés dans ces unités et le type de « clientèle » accueillie ne sont absolument pas homogènes. Il n’y a pas grand-chose à voir entre la technicité d’un centre de rééducation de pointe et la polyvalence d’un service de convalescence à orientation gérontologique d’un petit centre hospitalier en zone rurale.
Nul doute que ce second type d’accueil est majoritaire
actuellement en France, mais la réforme de
En effet, dans un SSR à orientation gérontologique, on pratique la médecine et donc un certain nombre de soins, mais le véritable enjeu sur lequel repose la prise en charge est souvent aussi social, familial, voire économique.
A côté des soins indispensables, la prise en charge des
personnes très âgées, fragiles, en situation de crise, nécessite une implication
plus grande des professionnels ; c’est la philosophie du « Caring »,
développée outre-Atlantique et mal traduite en français par
« prendre soin », définie par Joan Watson comme l’activité d’aider
une autre personne à croître et à s’actualiser, comme un processus, comme une
manière d’entrer en relation avec l’autre qui favorise son développement.
Par exemple,
lorsqu’une personne âgée qui vivait seule à domicile est hospitalisée à la
suite d’une chute sans gravité, mais qui l’a clouée au sol pendant une quinzaine
d’heure (jusqu’à ce que les voisins s’inquiètent et préviennent les pompiers),
ce n’est pas de soins médicaux dont elle a besoin en priorité. La patiente,
souvent choquée, présente fréquemment une angoisse majeure lors dans toutes les
mobilisations associée avec une perte de confiance en elle. Asséner des
anxiolytiques avec des séances de kinésithérapie ne sera jamais suffisant. Il
sera indispensable de prendre aussi le temps de remettre la personne en
confiance, d’être suffisamment disponible et à l’écoute pour lui permettre de
surmonter sa peur, de faire elle-même, en fonction de sa personnalité, le choix
de retourner à domicile ou de se résoudre à accepter de séjourner en
institution.
Les soignants
devront, avec tolérance et respect, fonctionner mieux que comme des prestataires
de service, mais comme de véritables êtres humains en présence de semblables éprouvant désirs, hésitations, égarements, certitudes...
Il n’est
probablement pas possible de quantifier cette philosophie de « prendre
soin », qui réinventée chaque jour au sein du « colloque
singulier » du client et de son soignant, se situe à l’opposé de la
démarche de multiplication protocolaire et de rationalisation des pratiques qui
sous-tend la mise en place de
Ce que l’on appelle
maintenant « le soin » désigne des pratiques rationnelles codifiées
qui ont la prétention d’être incontournables (on parle d’ailleurs des « bonnes
pratiques »). Mais, dans la réalité (en particulier lorsque l’on s’adresse
à des personnes âgées fragiles, qui par définition se définissent en référence
à leur passé et à leur toujours hétéroclite culture), le soin doit prendre en
compte l’humaine et fondamentale irrationalité de chacun des protagoniste,
qu’il porte une blouse ou un pyjama !
Bien entendu, le
soin protocolisé répond en priorité à des problèmes de santé simples parce
qu’isolés et survenant chez des personnes pour le restant bien portante.
Le prendre soin,
lui, se justifie d’autant plus que la maladie s’inscrit dans la complexité et
la fragilité... ce qui est, presque toujours, le cas en gériatrie !
Concernant la prise
en charge des vieillards, on peut craindre que faire reposer uniquement la
tarification sur le soin, sans se préoccuper du contexte ni des particularités
individuelle, corresponde en réalité à une énième façon de disqualifier nos
aînés.
Il ne serait pas
étonnant qu’à l’issue des premiers mois de fonctionnement de
La belle
évidence !
On ne manquera
alors pas de pointer le peu d’efficacité objective des soignants auprès de ces
populations et on leur intimera rapidement l’ordre d’être plus productifs, ce
qui va fatalement vider la prise en charge gérontologique de toute
signification.
Il n’est pas
indispensable de mettre en place des procédures comptables si hypocrites pour
rendre encore une fois les vieux-vieux honteux d’être encore en vie, il serait
moins coûteux et aussi efficace en terme de communication de trouver un slogan
efficace du type « travailler plus pour gagner plus ».
Pourquoi pas
« Vivre moins pour dépenser moins » ?
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