Et si, malgré l’horreur innommable des attentats de vendredi, ou peut-être à cause, notre pays accouchait d’une société meilleure ? Car si l’on oublie de vrais excès, la réaction de notre beau pays me semble à la hauteur du drame, comme si l’horreur révélait et renforçait la grandeur de la France.
Ce qui me frappe dans les évènements des derniers jours, ce sont tous les gestes de solidarité : voisins abritant des passants, piétons donnant leurs vêtements pour faire des bandages, habitants du quartier hébergeant les malheureux qui n’ont pas pu rentrer chez eux,
les milliers de personnes qui ont fait la queue pour donner leur sang, puis des milliers de Français, de toutes les confessions - ou sans - qui se sont déplacés au Bataclan ou ailleurs pour témoigner leur émotion et leur attachement à tout ce qui fait notre beau pays, se rassemblant en chantant la Marseillaise ou en revendiquant fièrement les couleurs de la République, ce bleu-blanc-rouge que tant de pays ont affiché sur leurs monuments dans un bel hommage à ce qui fait la France et un témoignage de solidarité face aux attentats.
Ce dernier point est particulièrement émouvant et fort, pour qui se souvient du climat politique d’il y a quelques décennies, quand l’hymne national et la Marseillaise avaient été petit à petit presque abandonnés à l’extrême-droite, au point que ces symboles majeurs du pays avaient été, de manière effarante, quelque peu vampirisé par la machine politique familiale des Le Pen.
Après Charlie et
le 13 novembre, et si nous nous étions fortement réappropriés notre hymne national et notre drapeau, qui flotte sur les réseaux sociaux ? Comme si, face à l’horreur des terroristes, nous prenions tous davantage conscience de ce magnifique ciment national qui nous unit, nous constitue et nous protège. Et si les attentats agissaient comme un révélateur du beau projet qu’est notre magnifique pays. C’est un peu le sens de
la belle tribune du chanteur de Zebda, qui « est devenu solennellement Français ».
Et même si on peut regretter que ces mesures n’aient pas été prises en janvier et si certaines d’entre elles sont plus que contestables, la réaction du président est plutôt à la hauteur de la situation. Un discours juste, ému et ferme vendredi soir, n’hésitant pas à déclarer l’état d’urgence et à, enfin, remettre le contrôle des frontières. Face à une telle horreur, il devait être présent, agir, tout en réaffirmant les valeurs de notre pays. C’est ce qu’il a fait,
en répondant aux horreurs de Daech par un raid massif dès dimanche soir, histoire de passer le message aux terroristes que la France ne pliera pas face à l’horreur. Le chef de l’Etat a aussi eu la hauteur d’associer l’ensemble des partis, ayant l’élégance républicaine d’accorder une place particulière à son prédécesseur, et pourtant rival pour 2017, et ne manquant pas d’associer le FN, montrant comment une démocratie doit réagir dans de telles circonstances. Au Congrès il a annoncé de nombreuses mesures et la priorité donnée à notre sécurité sur le pacte de stabilité budgétaire européen.
Mieux encore pour la santé de notre pays, le débat continue, un signe de la santé de notre démocratie, que l’horreur n’a pas endormie.
Dominique de Villepin conteste l’utilisation du mot « guerre », refusant un unanimisme parfois stérile. Bien sûr, certains font des propositions assez ubuesques,
entre détention dans des camps des dix mille personnes fichées S (bafouant l’Etat de droit) ou déclenchement d’opérations militaires terrestres (Daech étant sans doute en bonne partie l’enfant de celle en Irak en 2003). Mais il est rassurant pour notre démocratie de pouvoir débattre, quitte à le faire sur la base de telles propositions. Et la remise en cause de l’ouverture anarchique des frontières promue par nos dirigeants et l’UE, est un signe de progrès incontestable. En cela, même si je ne suis pas du tout d’accord avec sa thèse, le livre d’Emmanuel Todd est aussi la preuve de la vitalité de notre débat démocratique : j’y reviendrai.
Bien sûr, il ne faut pas tomber dans un optimisme béat. Même si certains tabous tombent, sommes-nous prêts à affronter de tels dangers ? Et certaines annonces rappellent tristement l’après 11 septembre outre-Atlantique. Nous devrons aussi étudier sans fard toutes les raisons qui ont contribué à ce que des fils de France commettent une telle horreur,
y compris quand cela est la conséquence des choix des dirigeants qui se sont succédées depuis des décennies. Et bien sûr, même si le président est plutôt à la hauteur, cela ne fait pas oublier son bilan désastreux dans tant de domaines…
Demain, je reviendrai sur les zones d’ombre