Carte de France de l’insécurité
Voici un bref bilan de la pétition LHC sur la carte de France de l’insécurité. Le bilan est mitigé, mais le propos reste d’actualité : où sont les zones d’insécurité ? Avec quels critères sont-elles définies ? Comment évolue la situation ?
On ne peut pas vraiment dire qu’elle tombait au mauvais moment : les récentes émeutes à Grenoble montrent (s’il y en avait encore besoin) à quelle point la situation est dégradée dans certaines zones du territoire.
Alors, quoi ? Le sujet intéresse moins que la Halde ? Non. Je crois – n’hésitez-pas à livrer votre analyse en commentaire – que le texte était un peu flou, et laissait penser que les zones d’insécurité ne sont pas connues, et qu’il ne séparait pas suffisamment la demande de transparence concernant la localisation des zones (emplacement, gravité de la situation dans chaque zone) et la demande de transparence concernant l’évolution dans le temps de ces phénomènes.
Comme souvent sur les blogs, les commentateurs et les réponses à la pétition ont permis d’avoir des éléments nouveaux. Je vous les livre ici, et aimerais en discuter avec vous.
Localisation des zones d’insécurité
Pour localiser des zones, il faut d’abord en détailler les caractéristiques. Curmudgeon avait détaillé en commentaires du billet sur la pétition la liste connue des zone à problème. Je le cite (en coupant dans le texte) :
1) Sens large : n = 752
La liste des « quartiers sensibles » est connue, tellement qu’on en dispose d’une liste officielle, celle des 752 Zones urbaines sensibles (ZUS1), disponible sur le site du Système d’Information Géographique du Secrétariat général du CIV.
2) Sens intermédiaire : n = 172
Le Figaro Magazine du 17 juin 2000 avait publié une liste de 172 « cités interdites » recensées par les Renseignements généraux en 1999. Cette page indique l’échelle des six degrés de violence de la classification du commissaire Lucienne Bui-Trong2.
3) Sens restreint : n = 23
En janvier 2004, le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy avait déclaré : « Nous allons répertorier les vingt villes et les vingt quartiers les plus criminogènes, ceux dans lesquels les violences urbaines sont les plus fréquentes et où la gendarmerie et la police ont le plus de mal à pénétrer ».
Une liste des 23 quartiers les plus sensibles a été effectivement établie. On la trouvera sur le site Carrefour Local du Sénat.
Donc, avec des critères précis, on peut commencer à dénombrer et à localiser les zones de non-droit. Le chiffre varie beaucoup, selon les sources. En gros, un millier de quartiers en France sont des zones de fortes insécurités. Il existe des classifications allant de 1 à 6 ou de 1 à 8 permettant de coter l’insécurité et la gravité de la situation. Sincèrement, dès le 1 ou le 2 la situation apparait comme insupportable pour qui est attaché à l’état de droit.
Evolution temporelle
Je n’ai pas fait une étude précise. Je cite les éléments trouvés rapidement pendant que j’écrivais ce billet. Lucienne Bui-Trong affirmait : « De 106 points chauds identifiés en 1991, on est passé à 818 quartiers sensibles en 1999″.
Selon Xavier Raufer :
En 1993, la Direction Centrale des Renseignements Généraux annonçait que 485 quartiers étaient « sérieusement touchés par les violences urbaines ». En 1998, c’était 818 quartiers. Fin 2000 (officieusement) des experts du ministère de l’Intérieur disaient le cap des 1000 franchi. On en était à plus de 1100 en 2001.
Le récent article de X. Raufer sur la liberté de circulation donne les informations suivantes :
Selon les dernières statistiques de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), publiées fin juin 2010, les agressions de voyageurs dans les transports urbains ont augmenté de quasiment 8 % en 2009 (exactement 7,9 %). Précisons que le syndicat professionnel qu’est l’UTP regroupe les 160 entreprises du secteur, hors SNCF et RATP, et a recensé 2,25 illiards de voyages en 2009. Autre forte augmentation en 2009 : celle du vandalisme, sur du matériel roulant ou fixe, +6,2 %, « le plus haut niveau atteint depuis 13 ans ».
Ainsi donc, fréquenter les transports en commun est plus périlleux que naguère.
Et la voie publique ? On sait que la plupart des violences physiques crapuleuses, autrement nommées « vols avec violence » adviennent dans la rue, entre piétons. Or ces vols violents augmentent chaque année, encore + 5,8 en 2009.
En conclusion, je crois qu’il est urgent d’écouter ceux qui sont confrontés au quotidien avec ces violences, comme Xavier Lemoine. Leur constat est accablant pour les pouvoirs publics.
La pétition a peut-être été un relatif échec, mais j’ai appris beaucoup de choses en retour. Et je pense que son message reste valable : les pouvoirs publics doivent être transparents sur 1) la réalité de la situation, et 2) sur son évolution.
- Zone Urbaine Sensible, définition de l’INSEE :
Les zones urbaines sensibles (ZUS) sont des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires.
↩ - Voir à ce propos l’excellente monographie de Tremollet de Villers « Les zones de non-droit » dans la République Française,
mythe ou réalité ? ↩
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