De Valladolid à la banlieue, des humains découvrent d’autres humains...
En 1550 l’Espagne étonnée découvre, grâce à Bartolomeo de Las Casas, lors de la controverse de Valladolid, que les Indiens d’Amérique sont aussi des êtres humains. En 2005, la France, grâce aux travaux du 8ème Congrès de Sciences politiques, découvre que les habitants des « banlieues » sont aussi des êtres humains, et notamment que ’l’électeur de « banlieue » vote comme les autres’, ainsi que le proclame le titre d’un article du Monde du 17 septembre 2005 !
Il a donc fallu que l’on se penche en ethnographe sur les banlieues et en particulier les cités, dans ce qui est qualifié de ZUS, pour « Zones Urbaines Sensibles », pour arriver au bout d’une dizaine d’années de travail à la conclusion que « dans leurs rapports à la politique ou dans leur vote, les Français des quartiers dits « difficiles » ne sont pas aussi stéréotypés, et finalement pas si différents des autres ». Et de devoir laisser l’idée préconçue d’une banlieue qui porterait comme une tare congénitale « une prédisposition au vote d’extrême-droite », alors qu’en 2002 elle n’a pas dépassé de plus de 2 points le score national de Le Pen, mais avait accordé au premier tour 5 points de plus à Jospin, le plaçant le plus fréquemment en tête dans les quartiers étudiés.
Un autre chercheur a même noté une « surpolitisation » des jeunes, dans le cadre de son étude, par rapport à la moyenne nationale. Mais plutôt que de jouer un territoire contre l’autre, je préfère insister sur la grande découverte de ce congrès consacré aux comportements électoraux dans les banlieues françaises : il n’y a pas de stéréotypes ; on note de « grandes variations d’une élection à l’autre », et surtout d’un quartier à l’autre.
Ce qui me choque le plus dans cette démarche, c’est le regard, entre entomologiste et ethnographe, jeté par une partie de la population française sur une autre, dont « on imaginait alors des comportements électoraux très différents du reste du territoire », dit Henri Rey, chercheur au Cevipof. Après « classes laborieuses, classes dangereuses » on pourrait peut-être essayer d’éviter, « banlieues électrices, banlieues dangereuses ». Car enfin, à quel titre une partie de la France peut-elle en définir une autre comme différente, en particulier sur des critères tels que l’opposition supposée ville et banlieue dont la pertinence dans les métropoles polycentriques d’aujourd’hui devient toute relative ? Comment peut-elle la définir avec de tels a priori impliquant un jugement et un sentiment de supériorité : opinion de centre ville, siège du pouvoir contre opinion de banlieue, sous-société à étudier. La leçon est intéressante, et maintenant que l’on a découvert qu’il n’y pas de vote de banlieue type, on pourrait peut-être se demander pourquoi.
Je caricature ? Peut-être, mais si peu. Et il est sans doute temps de réaliser que le problème des banlieues, comme on aime à l’appeler, réside peut-être aussi dans l’attitude de rejet et de non-acceptation d’une nouvelle réalité urbaine de la France ;-)
1 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON