Ecole publique, se sauve qui peut !
Un véritable phénomène de société : en France et spécialement à Marseille les écoles publiques sont désertées au profit du privé ! Pourtant depuis 2007, le président Sarkozy prend une série de mesures pour réformer l’école à la Jules Ferry et enrayer l’échec scolaire !
Pour Josiane Dragoni secrétaire académique du Snes : « Il y a tromperie sur la marchandise » les politiques étant « très loin des réalités des élèves ! » News Of Marseille s’est plongé dans un dossier central pour 2012 et vous fait part des différentes propositions des partis.
L’école publique à la Jules Ferry n’a visiblement plus la cote chez les parents ! Depuis 2000, 20.000 élèves ont été accueillis par le privé, essentiellement dans des classes de maternelle et primaire. Marseille, n’est pas une exception, bien au contraire : « Dans le bassin centre, la scolarisation dans le privé représente 42 % des élèves contre une moyenne nationale de 20 % », alerte Josiane Dragoni, secrétaire académique du Snes (Syndicat national des enseignants de second degré). Les enseignants de la cité phocéenne craignent de mettre à mal le principe même de l’école : la réduction des inégalités. Sur les élèves qui ont choisi le privé « 52 % sont issus de couches favorisées contre 12 % qui proviennent de couches défavorisées ».
Élèves | Nombre |
Nombre total d’inscrits (école, collège, lycée et filière professionnelle) | 12 537 138 |
Nombre d’élèves des premier et second degrés | 11 978 820 |
Nombre d’élèves des premier et second degrés scolarisés dans le public | 9 952 684 |
Nombre d’élèves scolarisés dans le privé | 2 026 136 |
Personnels de l’Éducation nationale | Nombre |
Nombre total de personnels | 1 066 356 |
Enseignants (y compris privé) | 852 907 |
dont enseignants des établissements publics | 712 453 |
Ce désamour est-il le signe d’un modèle à bout de souffle qui n’inspire plus confiance aux parents ? ou le signe d’un regain religieux ? « Sur nos 95 élèves peut-être 4 sont protestants ! Les parents recherchent surtout l’encadrement et l’ambiance familiale », explique Laurence Soumian, la directrice de l’école protestante d’Endoume à Marseille. « L’école régresse […] le pays de l’éducation nationale laisse s’en aller les élèves », lance François Bayrou, patron du MoDem et ancien ministre de l’Education nationale. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui regroupe les experts de plus d’une trentaine de pays développés, épingle dans un récent rapport la politique de l’Education nationale française menée sur ces quinze dernières années ! Car « depuis 1995 une partie des élèves environ 15 à 20 % n’obtiennent pas un seul diplôme », précise Josiane Dragoni. Et concernant le collège, la proportion des élèves les plus faibles a augmenté et atteint aujourd’hui les 20 %, selon une étude Pisa.
Pourtant, voilà près de 5 ans que le président Nicolas Sarkozy s’évertue à changer profondément le paysage scolaire pour éviter les échecs : assouplissement de la carte scolaire, aide individualisée, réforme des lycées… Ces mesures « produisent l’inverse de l’effet escompté » pour Josiane Dragoni, mais créent « des conditions qui ne permettent pas de suivre convenablement les élèves » !
L’école version Sarkozy
A peine avait-il enfilé son costume présidentiel, que Nicolas Sarkozy faisait parvenir à son premier ministre de l’Education, Xavier Darcos, une lettre de mission sur le sujet. A l’image des autres politiques, les objectifs de la majorité se résument souvent à lutter contre les inégalités et enrayer l’échec scolaire.
Cependant, l’une des premières et grandes mesures qui marqua les esprits fut la suppression des 60 000 postes sur la période de 2008 à 2012. Réduction des déficits oblige, l’éducation, premier budget de l’Etat n’a pas été épargnée ! « Il faut être raisonnable et penser à l’intérêt général […] Je n’ai pas été élu pour que la France soit dans la situation de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal… », a réaffirmé Nicolas Sarkozy en juin dernier. D’ailleurs le gouvernement justifie son choix : « sur les vingt dernières années il y a eu 540 000 élèves en moins et 34 000 enseignants en plus ! ».
Des chiffres réfutés par le Snes qui affirme « qu’il y a une remontée démographique du second degré ». Les enfants du baby-boom de 2000 ? Les enseignants dénoncent des classes surpeuplées et « si dans les années 80’s, enseigner à 40 élèves était globalement possible, aujourd’hui les jeunes ne sont plus comme hier et nous ne pouvons plus les suivre convenablement dans de telles conditions ». L’OCDE pointe d’ailleurs la diminution de la part de l’éducation dans le budget de l’Etat passant « de 11,5 % en 1995 à 10,6 % en 2009 » alors que la moyenne des pays développés tourne autour des 12,9 %.
L’assouplissement de la carte scolaire, qui permet aux parents d’inscrire leurs enfants dans un établissement, quelque soit leur lieu de résidence avait pour but de favoriser la mixité sociale. « Il est prouvé que dans une classe mixte, avec différents niveaux tous les enfants progressent. Par contre dans une classe où les difficultés sont concentrées, l’apprentissage est beaucoup plus difficile », atteste Josiane Dragoni. Problème : « La mesure a eu l’effet inverse. Les parents les plus aisés ont privilégié les établissements qu’ils pensaient être les meilleurs. Cela a notamment eu pour conséquence : la ghettoïsation de certains établissements et concentration des difficultés ».
La réforme du lycée conduite par Luc Chatel, deuxième et actuel ministre de l’Education a pour but de privilégier l’individualisation du parcours et d’éviter les décrochages. Les chiffres ne sont pas bons : entre 1995 et 2009, le taux de scolarisation a reculé en France passant de 89 % à 84 %, alors que dans un même temps il augmentait de 9,3 points en moyenne dans l’OCDE. « En théorie c’est très bien, mais il faut déjà savoir que ces deux heures d’aide individualisée sont les heures qui ont été enlevées aux professeurs », note Josiane Dragoni. De plus, la militante affirme que les élèves sont nombreux dans les classes et qu’il est par conséquent difficile d’avoir « un véritable suivi individualisé ».
Dessine-moi ton école pour 2012 !
S’il est difficile de voir pour l’instant l’ambition scolaire de la majorité, le président devrait éclaircir son projet en 2012, notamment en incorporant au débat présidentiel : l’autonomie des collèges, en expérimentation dans 298 collèges, le recrutement de professeurs par le chef d’établissement, leur statut ou la question des rythmes scolaires. Des sujets explosifs !
De l’extrême droite au Front de gauche, les challengers sont sur les starting-block et y vont déjà de leurs petites propositions pour réformer le système.
A l’extrême droite, Marine Le Pen affirme dans une vidéo sur le site du Front national vouloir ramener « l’autorité » : fouilles des élèves « suspects » par les chefs d’établissements, portiques de détection de métaux, ou suspension des allocations pour les parents d’élèves qui auraient ramené un objet dangereux… « On ne peut rien transmettre lorsque les conditions de sécurité et d’ordre ne sont pas réunies », explique la présidente du FN qui avance aussi l’idée de revaloriser les salaires des enseignants. Les enseignants français figurent parmi les moins bien payés, avec 15 % de moins sur le bulletin que la moyenne des pays développés.
Le MoDem, à l’instar de la gauche, s’est prononcé pour une revalorisation des salaires. Si beaucoup est à « reconstruire », le volet enseignants est central au projet. Le patron du MoDem se penche aussi sur la condition et formation des enseignants. « L’année dernière 16 000 postes ont été créés au lieu des 32.000 et sur ces 16 000, 1000 n’ont pas eu la reconnaissance du concours de recrutement ! »
D’où les multiples propositions du Parti socialiste pour réhabiliter l’année de stage de la formation initiale des professeurs et de redéfinir leurs missions. Primaires obligent, les propositions fusent mais les candidats restent néanmoins prudents, les enseignements étant son principal électorat. Une ligne directrice les guide : arrêter « l’hémorragie » du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
François Hollande est allé plus loin en déclarant récemment vouloir « recréer 60 000 à 70.000 postes » sur la durée du quinquennat. Coup de la mesure : 3 milliards €. Course à la dépense ou véritable projet de campagne ? Martine Aubry tacle le favori des sondages « remettre des postes oui, mais en remettre en priorité là où il y en a besoin ». Par ailleurs, l’ancienne numéro 1 du PS se dit favorable à une semaine de 5 jours.
Du côté du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon critique violemment la politique actuelle : « Leur but c’est qu’à un moment donné, les gens finissent par se dire, l’école publique ne vaut rien, j’aurai donc à faire à l’école privée ! » Le parti propose notamment la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et le rétablissement de la carte scolaire ainsi que la réintégration dans l’enseignement professionnel des matières telles que l’art, le sport, l’éducation citoyenne…
L’éducation, deuxième préoccupation des Français après la question de l’emploi selon un sondage CSA, est un thème central pour 2012. Qu’il s’agisse de la maternelle, du primaire ou du secondaire (collège et lycée), le système éducatif prépare nos jeunes pour qu’ils trouvent leur place dans la société tant d’un point de vue professionnel mais aussi « culturel, moral et civique », rappelle dans L’Express, le sociologue et spécialiste de l’école Francis Dubet qui fustige le culte du résultat entraînant une perte de repères et de valeurs.
Pour voir l'interview de Josiane Dragoni secrétaire académique du Snes .
Coralie Mollaret - News Of Marseille
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