Bonjour Hérisson,
Ha ben ça alors, j’ai déjà un -1 au compteur de mon précédent message... Mouais...
alors j’ai bien lu ton texte qui a fait
naître en moi plusieurs réflexions.
Tout d’abord, je ne me
sens pas compris mais il est vrai que mon texte est long et pas
franchement simple. Ensuite, je vois dans ton énervement des
éléments de protection de notre aliénation qui sont ceux-là même
qui sont à la base de la fabrication du consentement.
En premier lieu, sur la question des classes moyennes,
nous ne nous comprenons pas, contrairement à ce que tu penses. Je ne
dis pas que les individus de la classe moyenne sont des fascistes, je
dis que la classe moyenne, en tant que catégorie, s’inscrit dans un
arrangement taxinomique fascisant. Il y a une nuance qui me semble
ici importante car de ton coté, tu persistes, conformément à la
manie d’une certaine extrême-gauche (la plus visible malheureusement) à traiter de fascho les individus
d’un groupe social, si je ne me trompe, alors que du mien, j’essaye
de comprendre comment l’ingénierie sociale dégueulasse qu’autorise
la modernité étatique a agencé les individus en un ensemble
anomique dont a besoin l’oligarchie fasciste actuelle. j’ai besoin de
cet argument pour valider l’hypothèse que nous sommes dans un régime
fasciste.
Il me semble que,
conformément à ton habitus petit-bourgeois, tu t’occupes plus de ma
personne, qui t’énerve, qu’aux arguments du texte. Ainsi, tu écris
que je prétends me « désimprégner » de la culture
bourgeoise. Peux-tu m’indiquer le passage où j’affirme cela ?
Bourdieu indique que le petit-bourgeois est en quête de ce qu’il
appelle la « cohérence intentionnelle ». L’idée est
intéressante en ce qu’elle indique comment la petite-bourgeoisie,
pour compenser son impuissance politique maintient son équilibre
mental par ce moyen : malgré son impuissance (que je décris
dans le texte), le petit-bourgeois peut garder le regard haut car il
est cohérent avec son opinion. Nous naviguons ici en plein dans le
jardin d’entrepreneurs de moral à la Pierre Rabhi. Je sais qu’il est
blessant de se faire traiter de petit-bourgeois, Hérisson, j’en
suis un également si ça peut te rassurer, mais je ne nie pas ce point qui ne fait d’ailleurs que
corroborer mon propos puisque standardisé par l’école, j’ai passé
ma jeunesse à faire peu d’expériences (ce qui est le cas de tous les jeunes occidentaux) et à rester assis dans des
salles de classe moches dans lesquelles on m’a inculqué un savoir
qui n’est pas le mien. Il se trouve que dans ce savoir, il y a des
aires théoriques qui proposent une critique de la société moderne.
Je m’en sers. Et contrairement aux inclinations de mon habitus, je ne suis pas en recherche de cohérence : je fais avec ce que j’ai sous la main.
Tu écris que j’idéalise
la culture sauvage. Ben, je ne crois pas : je me suis renseigné,
je cite mes sources et ne crois pas les faire mentir. Maintenant, si
quelqu’un s’aperçoit, mais de façon sérieuse, que j’en fais trop
dire à un auteur alors je suis prêt à reconnaître mon erreur.
Donc tu écris que j’ai truffé mon texte de références pour lui
donner l’apparence ou la caution d’un texte sérieux. Là encore,
excuse moi mais je vois vraiment une façon de débattre typiquement
petite-bourgeoise en ce que tu analyses mon texte par rapport à mon
intentionnalité, c’est-à-dire ma volonté de briller si j’ai bien
compris, mais sans débattre vraiment du contenu. Tu personnalises le
texte, l’extrayant ainsi du simple débat d’idées pour l’introduire
dans une lutte de classement qui constitue certainement ton univers
mental et social (je te renvoie à la citation de Marx de mon texte
sur cette question).
Ainsi, tu indiques que se
référer à des gréco-romains est très à la mode en ce moment...
C’est quoi cette mode ? Tu connais une époque qui ne s’est pas
référée à eux ? Tu dis que c’est maladroit parce que notre
société est trop différente. Alors ça, quand on les a lu et qu’on
voit le monde aujourd’hui, je crois qu’au contraire on ne peut
qu’être frappé par leur actualité. Tu affirmes qu’Aristote est
antidémocrate. qu’est-ce qui te fait dire ça ? De mon coté,
je le verrai plutôt comme une sorte de social-démocrate de son
époque, si tu me pardonnes cet anachronisme. Je le trouve beaucoup moins virulent que Platon sur la
démocratie. Tu dis qu’il était « antidémocrate, car proche
et partisan d’une élite aristocratique ». Perso, je ne
commente pas sa vie (bien que ce soit intéressant de la connaître) mais son oeuvre (tiens, tu t’occupes encore de la
personne plutôt que de ses idées... C’est décidément fascinant de
voir à quel point ceux qui font la critique de la critique non pour
l’approfondir mais pour conserver leur équilibre mental ne sont que
des confirmations des théories sur les classes sociales). En quoi la
définition aristotélicienne de la démocratie, que je n’utilise d’ailleurs pas dans le texte, est-elle une attaque contre celle-ci ? Pourrais-tu me citer les passages ? Il
préconise plutôt un mélange des constitutions qu’il a observées.
Ainsi, il décrit la démocratie telle qu’il l’a vu à son époque et
la nomme tel quel, point. Donc rien « d’étonnant ».
Sur l’anarchisme, là
encore, tu m’en fais dire plus que je n’en dis. Ai-je traité les
anarchistes d’élitistes ? Non, j’ai juste dit que vu qu’ils
reprennent l’approche politique du monde, donc l’approche dominante,
ils ne sont que partie prenante du phénomène totalitaire, ils n’en
sont pas la solution. Et tu ne me fais pas mentir quand tu parles
d’éducation. Pourquoi éduquer le peuple ? il n’était pas bien
avant, le peuple ? Il fallait le changer ? Qui sont les
éducateurs de peuples ? Quand tu écris : « A
moins que tu n’estimes que le petit de l’homme doit être laissé
livré à lui-même ? », ne montres-tu pas là ta haine du
peuple ? Celle qui caractérise la gauche ? Crois-tu que dans les temps anciens on n’éduquait
pas ? Et les parents alors ? Et la communauté ? ne
confonds-tu pas éducation et instruction ?
Tu écris :
« mais déplorons,
non pas le fait d’utiliser des catégories mentales qui
appartiendrait à la bourgeoisie (car l’idée de démocratie est bien
plus ancienne que celle de bourgeoisie) pour envisager le politique
qui coloniserait notre imaginaire, mais bien plutôt le fait que les
mots utilisés comme démocratie sont compris par la majorité de nos
contemporains avec un sens perverti et donc faux, voire démagogique,
et cela alors que tant d’hommes se sont battus et ont soit péri,
soit connu l’enfermement pour un véritable idéal démocratique
égalitaire (et donc économique et social, pas seulement politique),
de justice et de liberté : Jacques Roux, Baboeuf, etc. »
Je vois ici à quel point
les idées de cet article ne vont pas de soi. Tu n’as pas compris que
le politique est issu d’une posture dans laquelle une élite parvient
à réfléchir le réel parce qu’elle est débarrassée des urgences
de la nécessité par l’accumulation. C’était le cas des aristocrates athéniens qui
ont fondé la démocratie (je pense à Solon, en particulier). La
bourgeoisie n’a fait que reprendre cette posture et ses catégories
parce qu’elles correspondaient à l’expérience du monde qu’elle-même
faisait. Donc tu t’accroches aux catégories qui constituent ton
univers mental (que les dominants ont inscrit en nous par l’institution fasciste qu’est l’école mais aussi par la non moins fasciste industrie culturelle) sans avoir lu suffisamment profondément mon texte,
sans vraiment donner une chance à la critique radicale que tu
évacues en personnalisant les intentions que tu imagines – par
projection – être les miennes dans ce texte (genre briller en
société). Je ne dis pas qu’il faut améliorer la compréhension que
tout un chacun a de ces catégories, je dis qu’elles sont des pièges
en elles-mêmes, je développe des arguments, en particulier sur la
question de la mise à distance du réel qui est la clé du texte, et
je vois que tu n’en fais pas la critique. Dommage parce que c’est
quasi la seule qui importerait sur un tel article.