Héros à titre posthume ?
Erostate, illustre inconnu ? Alors qu’il ne devrait pas l’être. Il a tout fait pour ne pas l’être pourtant. Alors, y en a-t-il de très modernes comme le disait un edito ?
Un article du Soir essayait d’expliquer l’inexplicable drame qui s’est déroulé récemment près de Stuttgart. Un autre drame, plus proche de nous, s’était produit, très récemment, et j’avais essayé de trouver les origines.
De peur qu’il ne disparaisse, je reprends l’edito du Soir de Marc Metdepenningen :
"Le drame de Stuttgart nous rappelle que dans l’Antiquité grecque, Erostrate se permit, le 21 juillet 356 avant notre ère, d’incendier le temple d’Artémis d’Ephèse, l’une des sept Merveilles du monde. Il avoua avoir commis son geste fou par le seul souci de « réussir quelque chose dans sa vie ». Son nom fut banni des conversations, sous peine de mort. La société d’alors voulait éviter que pareille infamie se reproduise. Dix-huit siècles plus tard, d’autres Erostrate se manifestent. Une trentaine en 20 ans. Tous jeunes. Tous voués à leur propre mort décidée, par désir suicidaire ou de se livrer aux balles de la police. Tous affublés des oripeaux de leurs fantasmes : des déguisements, des messages et des vidéos diffusés sur l’internet, ce merveilleux et redoutable outil de communication dont ne disposait évidemment pas Erostrate. Tous rongés par un désir de vengeance à l’encontre d’une société qui, croit-on, à les lire à défaut de pouvoir les interroger, les a bridés, humiliés, réduits à l’état de misérables pions. Lorsque ces « tueries de masse » surviennent aux États-Unis (ce qui fut encore le cas ce mercredi en Alabama), il est commode d’incriminer la libre et constitutionnelle disposition des armes pour tracer un début d’explication immédiate. Comme si seul le moyen emprunté pour s’adonner au pire procurait une clé de compréhension définitive et satisfaisante à l’acte commis. Les armes en vente libre aux États-Unis ont bon dos pour esquiver toute tentative plus profonde d’expliquer les tueries de Colombine ou d’ailleurs. Affaires classées : les armes utilisées sont les seules responsables ! Comme du temps d’Erostrate, les couvercles se déposent sur les marmites actuelles des révoltes les plus spectaculaires. La contagion à l’Europe (Stuttgart mais avant la Finlande et bien sûr Termonde chez nous) enseigne que les armes ne sont pas les seules explications à retenir. Car, plus que l’arme, c’est la motivation meurtrière de ces jeunes qui stupéfie : la déliquescence des liens sociaux, le « no future » imposé par une économie folle et cruelle, l’impossibilité de donner un sens à une vie de plus en plus régentée. Le désespoir d’autres Erostrate est à craindre…"
Tim Kretschmer aurait pu être un enfant de 14 ans comme les autres. Peut-être, refoulé ou non reconnu, il s’est embarqué dans une histoire dans laquelle il se condamnait d’avance. Comparer l’exemple avec un condisciple d’un autre milieu comme un rédacteur l’avait fait, n’explique rien et compliquait même le débat. Les armes à disposition feront toujours les outils de ce qu’on nommera toujours un drame de l’incompréhensible. Le cerveau reste encore une boîte très noire. Trop noire. L’étudier pour prévenir l’insoutenable pour les autres sera le projet de ce 21ème siècle.
Le drame de Stuttgart est affreux. Les dernières phrases de cet edito poussaient à aller plus loin, à peut-être l’extrapoler, à l’approcher par un autre bout. A notre époque, dans un monde d’indifférence dans lequel nous vivons, à force de souffrir d’un manque de reconnaissance dans le monde du travail, aussi, certains seraient poussés à des extrémités déviantes pour sortir de l’anonymat. Se retrouver dans les fais divers, dans les mémoires de ses contemporains par le drame et l’horreur est une autre forme de se faire connaître et reconnaître. Se retrouver dans le dictionnaire, avec les honneurs, est bien sûr la "pièce de luxe", même plus "efficace" que de propager son "ego" au travers de sa succession. Mais, le processus est variable et prend des techniques totalement différentes. Faire quelque chose d’utile, qui fasse avancer le schmilblick, n’est pas nécessairement le meilleur filon. Le showbiz est la phase la plus distractive. L’exhibitionnisme en est une dérive. La politique, celle de reconnaissance vis-à-vis des foules avec bénéfices postposés qui devra se revoir dans les élections suivantes. La postérité n’en demandait pas tant. L’image de surface fait la loi et se fait épauler par la malice. Les travailleurs de l’ombre, ce sera par petites touches, par récompenses, très vite oubliées. Monter dans la hiérarchie, faire partie d’un groupe d’élus, d’une association peut même, quitte à perdre son autonomie, propulser l’un de ses membres. Groupes de solidarité ? Ce n’est pas sûr. Je constatais que l’on recherche même des points de repères chez ses idoles. Tout pour se rapprocher d’une élite ou de sortir de l’indifférence.
Exister par tous les moyens légitimes ou illégitimes. Dilemme de faire partie des processus des hommes à part entière ou d’en forçer le destin pour en sortir. Pour cela, il y a les Mangas, au Japon, les poupées Barbie pour les dames, les bagnoles pour le hommes.
Être ou paraître, schizophrénie de la personnalité. Question d’image de marque ? Les prophètes devaient probablement participer à cette envie d’être gravé dans la pierre ou dans les manuscrits. Les kamikazes, les suicidés n’ont-ils pas, aussi, ce genre de pensée pour rester dans les mémoires de la postérité comme des héros à titre posthume ?
On arrive tout doucement au narcissisme ou plus grave, le narcissisme pervers. Tout pour sortir de l’anonymat et faire ressortir les vices les plus cachés. Quels sont les ressorts intérieurs de Fritzl ?
Les exemples sont plus repérables dans les extrêmes, moins dans les intermédiaires. Ils prennnent tellement de formes et de noms qu’on s’y perdrait en chemin. La psychologie parle de pseudo-narcissisme pervers, d’anti-narcissisme psychotique et schizophrénique, de narcissisme malin, de narcissisme embryonnaire et fragmentaire des États-limites, de narcissisme primaire, de narcissisme secondaire de l’évolution, de narcissisme tertiaire de la créativité, de narcissisme génital de la santé, etc.
Réflexions du Miroir ? Est-ce qu’écrire ne constitue pas une forme de son propre "narcissisme", une occasion de plus de sortir de l’ombre ? Celui qui s’adonne à cet exercice de sortir de soi se doit de se poser cette question, un jour. Analysons.
Écrire son journal comme l’a fait Anne Franck, comme d’autres, moins célèbres, était une manière de procéder dans un autre temps troublé, sans Internet et sans les blogs. Tous témoins de son temps sans confrontation avec les autres. Elle s’est parlée à elle-même et n’espérait peut-être pas faire parler d’elle. Titre posthume, à l’insu de son plein gré, elle a transmis son expérience et ses impressions, sa vie qui ne se présentait pas normalement à celle d’une petite fille.
Autre époque, autre mœurs et usages. Internet a changé la donne. Le mal être existe toujours. En temps de crise ou de de fausse sécurité. Le livre papier était et est encore plus le moyen de faire passer un message. L’ère de l’interactivité, des blogs et des sites citoyens ont pris le pas et changé la donne.
Être lu, ai-je dit dans "Mal au blog", ce n’est pas mal. Se voir commenter, le nec plus ultra. Cela permet de se positionner dans une échelle des avis qui n’a pas nécessairement une idée sismique, du moins au départ.
Pas question d’être un héros. Le titre de posthume semblerait encore plus ridicule, encore plus difficile à supporter et tellement plus difficile à cacher.
Il y a peut-être des pièces intégrées au processus du "narcissisme" mais celles-ci peuvent en cacher bien d’autres. Les buts nécessiteraient un article à eux seuls.
"Facebook réveille votre degré de narcissisme", lisais-je. J’y suis. Mdr, donc, je serais narcissique.... !!! Pas vraiment. De ce côté, pas d’exposition personnelle, seulement une volonté d’analyser le processus interne de ce Facebook de la modernité. Le sésame est l’inscription et puis, comme disent ses fans, on y réveille parfois le passé.
Le dictionnaire est à consulter pour bien d’autres choses que d’y retrouver des noms propres, surtout quand ils le sont moins. Philosophie simpliste, en soliste ? Écrire avec sa nature comme guide, cadre, sans la claque, parfois, avec quelques paires de claques dans le parcours. "Connais toi, toi-même" et puis jette ta bouteille à la mer et tu t’endormiras un peu plus riche si jamais, elle revient. C’est ma manière de faire partie du "jeu".
Narcisse ? Non, inconnu. Les narcisses, ce sont plutôt de belles fleurs à mes yeux et celles-là sont bien dans les jardins et pas dans la tête. Erostrate, lui non plus, n’a pas le succès espéré, par ici. Par contre, pour suivre le dernier sketch d’Anne Roumanoff, se poser la question du pourquoi quand on écrit et ce qu’on en ressent, est ce de l’envie ou du besoin ? La réponse est, très probablement, qu’on en a envie et aussi, quelque part, qu’on en a un grand besoin.
L’enfoiré,
Citations :
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"Aimer quelqu’un qui vous aime aussi, c’est du narcissisme. Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas, ça, c’est de l’amour.", Frederic Begbeider
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"Il y a une certaine dangerosité du narcissisme dans l’obsession de la séduction", Guy Bedos
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"La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.", Victor Hugo
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"Mourir pour des idées d’accord, mais de mort lente", Brassens.
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