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Accueil du site > Actualités > Société > L’amitié entre hommes, une denrée rare !

L’amitié entre hommes, une denrée rare !

L’amitié, la vraie, non le terme trop souvent galvaudé pour qualifier quelques vagues connaissances et relations de bureau ou de palier est exceptionnelle, elle devrait être préservée. Celui qui se déclare de nombreux amis n’en a souvent en réalité aucun. Les réseaux sociaux sur Internet ne sont que des cache-misères affectifs, masquant en fin de compte un manque de communication réelle entre individus et lorsque les rapports humains sont déconnectés des nouveaux moyens de communication, il ne reste pas grand chose.

 Avec un ami, on se parle, on se voit, on s’engueule quelquefois, on ne lui envoie pas uniquement des mails et des SMS. Celui ou celle qui se targue de 127 amis sur Facebook si ce n’est plusieurs centaines, est souvent dans l’incapacité de trouver quelqu’un chez qui sonner quand cela va vraiment mal ou au contraire pour partager une bourriche d’huîtres à 2 heures du matin avec une bouteille de chablis quand tout va très bien. Parler et voir les autres dérange désormais, on ne vient plus à l’improviste chez les gens, même si on les connaît intimement. On téléphone au préalable ou encore mieux, on envoie un message, une non-réponse signifiant peut-être absence de réseau ou une batterie à plat, mais surtout le désir de ne pas être importuné. Tout est fait pour se protéger de l’intrusion de l’autre et laisser le filtre de la technologie moderne pour éviter le contact physique ou la réponse de vive voix qui pourrait blesser, offenser ou tout simplement déranger. Bientôt dans notre société, le contact vocal sera lui aussi réduit à sa plus simple expression et l’homme communiquera dans les magasins, commerces et administrations par écrans tactiles, scanners et claviers. Cela peut malheureusement avoir aussi un impact négatif sur les relations plus intimes entre individus. Jadis, les enfants et les adolescents collectionnaient les images et les billes, puis les timbres-postes, ils les échangeaient entre eux dans la cour de récréation en discutant ou se chamaillant avec véhémence. Pour les plus jeunes dorénavant, c’est à qui aura le plus d’« amis » possibles et de photos sur la page d’accueil de son site personnel. Peut-on haïr, mépriser ou tomber amoureux d’un avatar ? Il semble hélas que oui pour des individus vivant dans un monde où la limite entre le réel et le virtuel est devenue floue.

 L’amitié est rare, si ce n’est exceptionnelle et le bon sens voudrait que l’on utilise le mot ami avec modération et non à tort et à travers pour qualifier n’importe quel peigne-cul rencontré dans une supérette, à une fête ou au restaurant d’entreprise et encore moins sur le Net. Mais cette amitié ne peut s’exprimer pleinement que dans l’action ; les discussions, la complicité, la réciprocité ne prenant de la valeur que ponctuées « d’actes de bravoures épiques et festifs » qui lui donnent son véritable sens et font les inoubliables souvenirs. Bien qu’ils aient eu souvent épouse, famille et enfants, les Grecs de Sparte, d’Athènes ou de Thèbes donnaient une place primordiale à l’amitié tant dans leur mythologie que dans leurs écrits et leur actes. Et contrairement au monde contemporain, ils pouvaient intégrer dans cette amitié une composante homosexuelle sans que personne n’y trouvât à redire, il n’y a qu’à relire le Banquet de Platon pour s’en convaincre. De nos jours, l’amitié entre hommes a éliminé cette dimension, même si certains calendriers sportifs faisant l’éloge du muscle et de l’effort collectif puissent en faire douter ! L’amitié virile, bien qu’elle ne soit ni ambiguë ni teintée d’attirance physique consciente est fortement imprégnée de complicité, de dépendance, de communication et d’exclusivité que l’on retrouve aussi dans l’homosexualité. Les vrais amis font tout et beaucoup mieux ensemble qu’avec des femmes, sauf coucher et se caresser. Beaucoup d’hommes n’en ont pas véritablement conscience, bien qu’ils passent plus de temps avec leurs amis et copains qu’avec leur épouse ou leurs enfants. Et la seule chose que des amis n’osent pas faire ensemble, c’est de prendre le petit déjeuner dans une chambre à deux lits, histoire de voir s’il ne leur viendrait pas des sentiments plus intenses en se beurrant mutuellement des toasts. Deux hétéros qui partagent une chambre d’hôtel pour des raisons d’économie, descendront en salle à l’heure du petit déjeuner. La plupart des hommes ont du mal à admettre qu’ils éprouvent entre eux des sensations bien plus fortes que lorsqu’ils sont en couple ou en famille. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que dans l’imagerie populaire, celui qui est toujours à la maison, qui rentre chez lui immédiatement après le travail, qui accompagne sa femme pour faire ses courses et s’occupe des gosses, les débarbouille et les torche, est traité de « lavette » ou de « lopette » par ses potes, alors que celui qui passe le plus clair de on temps au bistro, à la chasse ou sur un terrain de sport entre mecs, est considéré comme un homme et non comme une « tapette », même quand il reluque d’un air goguenard les couilles de ses copains sous la douche en sortant des blagues grasses dans les vestiaires.

 L’amitié exemplaire, celle d’Oreste et Pylade, de La Mole et Cocanas, de Montaigne et La Boétie sont édifiantes, à la limite du réalisme, mais elles traduisent une complicité au quotidien qui peut être faite de rire, de connivence, de légèreté et d’actes un peu fous qui donnent du goût à la vie. Hélas, les contraintes, l’argent, les obligations sociales, professionnelles et familiales, ainsi que l’ambition et la course au pouvoir, fût-il minime, menacent cette amitié qui n’est souvent idéale que dans les livres. L’amitié entre hommes mariés s’arrête souvent à l’heure où il faut retourner chez soi pour ne pas se faire engueuler. « Buvons encore une dernière fois, à l’amitié, l’amour la joie, on a fêté nos retrouvailles, ça me fait de la peine mais il faut que je m’en aille », geint bien souvent l’homme marié en quittant prématurément le bistro après avoir regardé fébrilement sa montre avant de rentrer soumis à la niche. La petite chanson du Néo-zélandais Graeme Allwright datant des années 60 est toujours d’actualité ; plus beaucoup de place pour les anciens copains quand on vit en couple avec des enfants, ou gare au divorce ! Alors, faute de mieux, les couples se fréquentent entre eux et organisent des barbecues le dimanche. Ils prennent l’apéritif en discutant d’un ton badin et routinier du boulot, des gamins ou de futilités pendant que la marmaille joue dans le jardin et ce cadre touchant finit le plus souvent par des mesquineries et des médisances, quand il ne dérape pas en adultères croisés et en minables histoires de cul banales entre amis avec toute l’hypocrisie et la dissimulation qui siéent à ce genre d’aventures étriquées. Le barbecue du dimanche est souvent le meilleur moyen de se retrouver cocu et content.


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41 réactions à cet article    


  • franck2012* 22 décembre 2011 18:21

    Oui ben moi j’ai pas d’amis  smiley Tu veux être mon ami ?  smiley


    • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:52

      Dessine moi un mouton, et je serai ton pote !


    • volpa volpa 22 décembre 2011 18:34

      Je ne veux pas beurrer mes tartines avec mon pote.

      Avec la femme de mon pote éventuellement.


      • Le chardon Le chardon 23 décembre 2011 00:23

        Je n’aurais pas dit mieux soi-même. Si l’auteur veut enc... faire des câlins à ses amis hommes, c’est lui que ça regarde.

        Personnellement, je n’ai effectivement pas beaucoup d’amis. J’ai de l’estime pour eux, mais pas de désir sexuel. Et je n’ai pas de culpabilité ou de malaise à ne voir en eux « que » des amis sincères.

        Parce que les relations humaines ne finissent pas toujours par des « histoires de cul banales », ne vous en déplaise.


      • Georges Yang 23 décembre 2011 00:56

        Le chardon, je pense que vous êtes passé à côté du sens de l’article


      • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:58

        Avec la femme de mon pote éventuellement.
        Les femmes des copains sont d’excellentes maîtresses, elles ont de multiples raisons de ne pas faire de vagues.
        A l’ombre des maris


      • Mor Aucon Mor Aucon 22 décembre 2011 19:19

        Pas mal, cet article. L’amitié entre hommes serait-elle en passe de devenir immorale ? C’est possible, il suffirait d’une marche blanche des femmes délaissées au foyer et que quelques associations se fondent par ci et par là. Rien de très difficile dans la société actuelle. Tiens, ça me rappelle Intouchables. Heu, non, je ne vais pas vous la refaire mais ça parle aussi d’amitié seulement qu’entre demi-hommes, si j’ose dire.


        • Georges Yang 22 décembre 2011 20:15

          J’aime bien le concept de demis-hommes , ça ce généralise


        • Mor Aucon Mor Aucon 22 décembre 2011 20:20

          C’était écrit en italiques. Tenez-en compte si vous voulez l’interprétez.


        • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 11:34

          le concept de demis-hommes , ça ce généralise
          Le premier sexe


        • Fergus Fergus 22 décembre 2011 20:04

          Bonjour, Georges.

          L’amitié en général est une chose rare. Bien souvent elle est superficielle, comme chez les jeunes, et soluble dans le mariage des uns et des autres. Quant elle n’est pas illusoire car faite d’habitudes, à l’image de ces rassemblements de personnes âgées réunies ici par les parties de bridge ou là par des parties de pétanque.


          • Georges Yang 22 décembre 2011 20:14

            Vous avez raison Fergus, il y a rarement d’adultères à la pétanque


          • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:33

            et soluble dans le mariage des uns et des autres.
            Bonjour Georges et Fergus,
            Oui, aussi longtemps qu’un pote est célibataire ou assimilé (vit seul) on peut débarquer sans prévenir avec ou sans bonne bouteille.
            Dès qu’il est marié ou en ménage la chose devient complexe.
            Il me semble que la femme tisse autour de son ’ménage’ (sa famille) une espèce de toile de protection contre toute intrusion signifiée comme dangereuse. Cela se fait lentement et insidieusement, les prétextes invoqués (il faut être prévenu pour recevoir dignement...) sont le plus souvent dérisoires.
            Je crois en fait qu’il s’agit de provoquer une rupture définitive avec la vie d’avant et que ceci est largement inconscient.
            En outre l’amitié des individus ’passe’ rarement aux couples parce que s’il n’y a qu’une relation possible entre deux individus (bonne ou mauvaise), il en existe 4 pour les relations de couple à couple (si l’on omet les relations conjugales). La probabilité pour que ces 4 relations soient harmonieuses (si l’on n’est pas échangiste) est faible. Sans compter que les couples qui s’engueulent font rarement de bons amis.
            La remarque de Fergus prend donc tout son sens.


          • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:43

            il y a rarement d’adultères à la pétanque
            Ça fout les boules !


          • Georges Yang 23 décembre 2011 10:46

            Il existe bien sûr des exceptions, mais le plus souvent, la femme dès que l’enfant parait, se comporte comme une tigresse pour protéger son antre et éloigner les intrus
            C’est sa part d’animalité qui la pousse à protèger le « nid »


          • ddacoudre ddacoudre 22 décembre 2011 21:34

            bonjour yang

            un jour j’ai écrit avec les moyens de communication moderne nous ne nous n’avons jamais autant communiquer, mais communiquer n’est pas s’aimer et pour avoir des amsi il faut cela aussi, savoir aimer.
            cordialement.


            • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:37

              un jour j’ai écrit avec les moyens de communication moderne nous ne nous n’avons jamais autant communiquer,
              Jamais nous n’avons eu autant de moyens de communiquer et aussi peu de choses à dire (écoutez les ’conversations’ à haute voix sur les mobiles dans les transports en communs, affligeant !)


            • Irlandia 23 décembre 2011 07:55

              Et l’amitié en femmes ? ou entre homme et femme... Extrèmement rare voire quasi impossible...


              • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 10:47

                Compliqué en effet si l’on interdit l’attirance sexuelle (sorte d’amitié ’intéressée’).
                Un homme est-il condamné à n’avoir pour amie(s) que des remèdes à l’amour (ou alors des ex...).
                La même remarque vaut évidemment pour les femmes.


              • fcpgismo fcpgismo 23 décembre 2011 10:58

                Avec surprise j’ ai vu une très bonne émission sur le service publique concernant l’ apprentissage du bonheur, pour l’ amitié ce doit être la même chose. Mes seuls amis sont mes ex amants et il est inconcevable de coucher avec eux, si je les rencontrait lors d’ une partouze je quitterait le lieu. A 16 ans un directeur d’ école avait posé la question l’ amitié a t’ elle des limites j’ avais répondu NON aujourd’hui je ne sais toujours pas la raison exacte de cette réponse.Je crois que si on veut être honnête il est difficile d’ avoir des amis ies que l’ on trouve désirable physiquement.ou intellectuellement. A une époque ou l’ homosexualité était tabou c’ était probablement plus facile d’ avoir des amis hommes. L’ attirance amoureuse est beaucoup plus forte que l’ amitié , l’ amitié est donc relégué au second plan.Juste une amitié de façade.


                • Georges Yang 23 décembre 2011 11:11

                  Le bonheur est fait pour les tièdes, le plaisir pour ceux qui ont des couilles et de l’imagination


                • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 11:20

                  Le bonheur est fait pour les tièdes, le plaisir pour ceux qui ont des couilles et de l’imagination
                  Waoooh ! Très en forme ce matin Georges.
                  En route pour le Larousse des citations.


                • Georges Yang 23 décembre 2011 11:27

                  Abou Antoun
                  "Le bonheur est une idée neuve en Europe’ Saint Just , le fidèle castré de Robespierre
                  Il n’aurait jamais pu dire que le plaisir est une idée neuve
                  Les gens heureux sont des moutons, les jouisseurs ne s’attirent que des emmerdements


                • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 11:40

                  Les gens heureux sont des moutons, les jouisseurs ne s’attirent que des emmerdements
                  On me reproche souvent mon pessimisme mais j’ai trouvé mon maître.
                  La voie du plaisir est très étroite (au sens figuré, je vous vois déjà démarrer au quart de tour ).


                • Georges Yang 23 décembre 2011 13:15

                  Raison pour laquelle j’ai critiqué Les Intouchables


                • Mor Aucon Mor Aucon 23 décembre 2011 16:35

                  ... et vous vous êtes trompé car les deux sont des jouisseurs. L’un se rend compte alors que l’autre le sait depuis qu’il est né, que la béatitude imbécile et anesthésiante n’apporte rien.


                • bourrak 23 décembre 2011 12:00

                  Avoir de l’or faux est un malheur supportable et facile à découvrir ; mais le faux ami, c’est ce qu’il y a de plus pénible à découvrir.


                  • volpa volpa 23 décembre 2011 12:33

                    Ce matin, j’ai voulu écouter l’auteur.

                    J’ai acheté du beurre et suis allé voir mon meilleur ami.

                    Il était au lit et lui ai donc dit,« ne bouge pas, je vais te beurrer la tartine ».

                    Eh bien, il m’a envoyer paitre , m’a mis son poing sur la gueule et ma dit que je me prenais pour celui qui a tourné le dernier tango à Paris.

                    J’ai perdu, je crois un ami.

                    Merci l’auteur et conclusions.

                    « n’essayez pas de suivre les conseils que l’on donne sur internet ».

                    Huit jours d’incapacité médicale et ne suis pas remboursé.


                    • volpa volpa 23 décembre 2011 12:35

                      envoyé sans r , ma dit , m’a dit.

                      C’est la faute au pain dans la gueule, suis encore tout estourbi.


                      • FIDEL58 23 décembre 2011 13:05

                        1re intervention

                        Je suis atterré par la majorité des propos tenus dans ces commentaires. J’ai l’impression de me retrouver au milieu d’un paquet de BOF homophobes au café du coin.
                        Agorra a t-elle aussi été rachetée par Le Nel Obs ??


                        • Georges Yang 23 décembre 2011 13:17

                          Je n suis pas responsable des commentaires, et je ne pense pas que cet article soit homophobe, au contraire


                        • FIDEL58 23 décembre 2011 13:22

                          Et bien relisez le 4/5 premiers commentaires !!!


                          • Georges Yang 23 décembre 2011 13:30

                            Je ne parle pas des commentaires, certains comprennent mal


                          • Abou Antoun Abou Antoun 23 décembre 2011 15:16

                            Et bien relisez le 4/5 premiers commentaires !!!
                            4/5 désigne une fraction égale au nombre décimal 0.8.
                            Je ne sais donc pas ce que c’est que les 0.8 premiers commentaires.
                            En remplaçant le / par un ’et’ ou bien un ’ou’ logique je n’arrive toujours pas à interpréter le sens de cette intervention.
                            Cela dit, parmi les premiers commentaires je remarque un lecteur qui affirme préférer beurrer les tartines avec la femme de son copain qu’avec ledit copain. C’est donc une question de goût, d’orientation dirons nous. Cela fait-il de cet intervenant un homophobe ?
                            Nous vivons dans un monde où si un homme dit « j’aime les femmes » (la chose est encore permise) une partie de son auditoire en tire la conclusion qu’il est homophobe.
                            On a tort de négliger l’enseignement de la logique.


                          • volpa volpa 23 décembre 2011 16:55

                            Merci Abou


                          • samagace69 23 décembre 2011 17:14

                            J’ai l’impression que l’on a piqué quelqu’un ! un peu d’humour que diable !




                          • Yohan Yohan 23 décembre 2011 16:00

                            Certains commentateurs n"ont pas lu l’article visiblement.
                            Merci pour cet article, auquel je n’ai rien à ajouter


                            • easy easy 23 décembre 2011 16:19

                              Merci Georges pour ce sujet.

                              Fgpgismo a raconté qu « A 16 ans un directeur d’ école avait posé la question l’ amitié a t’ elle des limites »

                              Je suis d’accord pour qu’on commente une histoire ou un comportement passé. Pour qu’on débatte donc des limites ou non-limites qu’il y aurait eu entre deux amis (soi compris, le cas échéant)
                              C’est une première chose de raconter qu’il s’était produit ou qu’il était apparu une limite ou non-limite à une amitié. Cette première démarche qui s’en tient au récit du passé, est peu aliénante.

                              C’est une seconde chose de spéculer sur des limites à constater pour le futur (promesses, engagements..). Cette seconde démarche est déjà plus aliénante.

                              C’est une troisième chose que de théoriser sur des limites ou non-limites normales, sur ce qui fait une amitié exemplaire en Bien et sur ce qui fait une amitié exemplaire en Mal. Cette troisième démarche est très aliénante. Non seulement sur le seul sujet de l’amitié mais sur tous les sujets où il est possible de théoriser une Bonne et une Mauvaise attitude.
                              .
                              Je n’irais pas à incendier la seconde et la troisième chose au motif qu’elles sont aliénantes. Je suis convaincu que sans aucune aliénation, donc sans aucune culture, sans aucun rail, l’individu, qui va errer plus ou moins, qui sera trimbalé, va être très vulnérable aux lynchages et aux angoisses que cela provoque.

                              Je crois donc qu’il y a des vertus aux aliénations. De toutes manières, il faut faire avec tant il y en a.

                              Mais j’estime abusif qu’on pose à une jeune personne la question de la norme ou de la théorie en donnant à entendre qu’il faut une norme ou une théorie.
                              Je crois qu’on peut poser cette question à un vieux singe qui aura tout vu et tout vécu, qui y répondra donc d’expérience mais qu’on devrait s’abstenir de la poser à un jeune qui a à explorer tous les champs du possible et de l’impossible.
                              Je pense qu’il faut le moins de prédictions et le moins de normes possibles à la question des attachements et des affections, donc aux croyances.




                              Parmi les commentaires, il y en a qui vont à dire qu’une fois en couple, les hommes (car le sujet de Yang impose qu’on parle des hommes), se retrouvent avec un champ d’amitiés masculines censuré par leur épouse. Sans dire que c’est faux, je rectifierais en disant que la censure qui agit sur les maris a des mécanismes très complexes où l’épouse n’est pas la seule responsable et où la culture, la mode, donc la masse, a aussi ses responsabilité. Ce qui a été un peu évoqué ici quand certains ont rappelé quelques manières différentes des Anciens.




                              Il n’y a aucun de nos comportements, face à un gâteau, à une fusillade, à une cheville, à un chat, à une rivière, qui ne résulte de l’effet de la culture (donc du vécu de la masse) et du vécu personnel. Et dans ce fait, le réflexe de divination futuriste nous conduit à poser des prédictions donc des normes, c’est-à-dire des grilles de condamnation potentielles, des menaces en somme.
                              Ainsi, l’ambiance qui enveloppe toutes nos relations et curiosités est fondamentalement comminatoire. Parce que l’ambiance est comminatoire, nous nous auto censurons donc nous nous limitons.
                               



                              Il faut avoir vécu différentes situations, très contrastées, pour remarquer, à la seule aune de son expérience personnelle, les différentes facettes de notre autocensure.
                              Et autant dire alors que les amitiés masculines mais aussi féminines qui s’établissent par exemple dans les goupes de résistance entre 1939 et 1945, sont hors norme et, pour le dire vite, ne connaissent souvent comme seule limite que l’offre de sa propre vie, torture incluse. A ce sujet, les Indochinois-Vietnamiens ont vécu pendant un siècle un contexte très porteur d’amitiés absolues centrées sur l’objectif de libération. Et toujours sur ce sujet des contextes de guerre, il y a eu des amitiés aussi absolues entre Blancs et Noirs par exemple en 1939. Des Sénégalais se sont montrés absolument fidèles à leur chef Blanc et réciproquement. Dans ces contextes martiaux, on peut évidemment poser officiellement que le sentiment qui les dominait était strictement militaire ou patriotique mais sous cet emballage tricolore étincelant on peut aussi voir la facette la plus absolue de l’amitié. Or, à l’époque de Troie, c’est cette facette là, celle de l’amitié de personne à personne que l’on mettait en avant. On ne la recouvrait pas d’un drapeau nationaliste (Tout dans l’lliade est structuré non autour de nation, de territoire, de race, de conquête d’or, d’utopie, de concepts, mais autour de sentiments d’amitié de personne à personne. Ces sentiments étant normés, on attend qu’ils se révèlent librement au fil des évènements et on ne se scandalise de rien)





                              Il y a près de Paris, un château dont le proprio, très pauvre de cash, n’a d’autre ambition que de couler sa vie dans ce cadre particulier (Où bien des films ont été tournés). Et comme il y a de la place, il loue des chambres à durée indéterminée à des gens qu’il choisit essentiellement pour leur profil patiné. Du coup, il y vit des célibataires. Seul le propriétaire est là avec femme et enfants, tous les autres y vivent seuls.

                              Dans les moments où il y a autant de locataires hommes que femmes, il se produit des coucheries. 
                              Dans les moments où un genre domine largement, il y a peu de sexages et chacun convient implicitement de déplacer le nerf de l’amitié vers tout ce qui n’est pas sexuel.

                              Je réexplique autrement ce phénomène. Lorsque chacun peut constater qu’il y a autant de femmes que d’hommes, les conversations et les attitudes vont assez souvent en direction de relations sexuelles. On danse, on s’habille d’une manière plus attirante, on soigne les couverts, les chandelles, on fait mille choses dans l’esprit de George Sand.
                              Et dès qu’il y a une majorité d’un genre, le plus souvent masculin, parce qu’il y existe un noyau d’anciens qui y incite fortement, les attitudes vont au non-sexage, au refus du jeu de la séduction. On s’habille plus décontracté, on joue des musiques plus méditatives, on passe au saucisson pinard et les conversations vont nettement à Nietzsche, Freud, La Rochefoucault, Deleuze ou Glenn Gould.

                              Le proportions des genres y varient assez nettement en fonction des saisons. Quand il fait froid, il s’y trouve plus d’hommes et quand il fait plus chaud, les femmes y dominent.

                              Sans que rien n’y soit jamais scellé dans le marbre, il s’inscrit tout de même dans les murs, sur l’impulsion principale du maître des lieux, un code selon lequel il vaut mieux, pour la paix de tous, y faire prévaloir la relation amicale sans sexage. L’ambiance ne passe donc jamais à la partouze. Quand il y a sexages, ils se produisent dans la discrétion et chacun joue plutôt le secret. On n’y fait jamais d’apologie du sexage. On s’entend implicitement pour s’éviter les situations hystérisantes. Seul l’alcool, que certains absorbent parfois trop, en produit. Mais ça ne dure que l’espace de 30 minutes. Après ils s’endorment et le lendemain le club a droit à une page blanche.

                              Contrairement à ce qui se produit dans une famille, nul n’y est comptable du comportement des autres. Les reproches éventuels sont très limités et ne s’articulent qu’autour de la relation entre deux personnes. Il y a très peu d’effets dominos et personne n’y craint donc les collusions contre lui. Il est difficile d’y démarrer une parano et si ça se produit, elle est vite apaisée puisque personne ne peut prétendre être compable d’autrui. (Dans la vie ordinaire, beaucoup de querelles démarrent sur une hypocrisie où le plaignant prétend faire des reproches non en son nom mais au nom de tiers, il fait alors parler des absents et procède de ventriloquie)


                              Parce que la culture de l’endroit se veut relativement isolationniste et parce que le maître des lieux y incite fortement, l’ambiance dominante est à l’amitié sans sexage et chacun y vit alors quelque chose qu’il ne peut pas vivre dans le contexte ordinaire de notre société.

                              Il n’y est jamais question de se tuer pour un ami puisqu’il n’y a pas de guerre. Il n’y est jamais question de donner sa fortune à un ami parce que chacun a ses petites ressources. Il n’y est jamais question de se consacrer à un invalide puisque chacun y est valide. On ne peut donc pas dire qu’il s’y produit des cas limites et tant mieux.

                              Ce contexte d’indépendances mutuelles ou de non responsabilités mutuelles fait que personne ne se sent tenu de jouer quelque comédie d’obligation ou de rigueur morale, politique, économique, religieuse, raciste, mainstream, etc.

                              En cette situation, les personnes qui y vivent, y passent ou y reviennent, vivent toutes des situations très favorables à l’exercice de l’amitié sans qu’on en connaisse par avance les limites.

                              Il arrive, de temps en temps, que l’un d’eux se mette sur la terrasse et, s’adressant aux autres à leur fenêtre, leur dise « En cet instant, je prends acte que je ressens une acmé d’amitié pour vous, pour nous. Je ne garantis pas que demain il en sera de même mais je ne renierai jamais l’acmé de l’instant présent » Et là-dessus, les autres valident et prennent acte pareillement.


                              • easy easy 23 décembre 2011 16:26

                                Je rectifie
                                Dans le chapitre sur Troie

                                 «  »«  » Ces sentiments étant normés, on attend qu’ils se révèlent librement au fil des évènements et on ne se scandalise de rien «  »« 

                                est à corriger en

                                  »«  »«  » Ces sentiments n’étant pas normés, on attend qu’ils se révèlent librement au fil des évènements et on ne se scandalise de rien «  »«  »


                              • samagace69 23 décembre 2011 17:23

                                excellente analyse de nos moeurs ! merci à l’auteur et à easy


                              • Georges Yang 23 décembre 2011 18:22

                                Merci pour votre analyse

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