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Accueil du site > Actualités > Société > La mobilité comme injonction totalitaire du néolibéralisme

La mobilité comme injonction totalitaire du néolibéralisme

C’est une charactéristique marquante de notre époque : en cas de crise, les chômeurs sont sommés de déménager pour trouver un emploi, y compris hors de leur pays, l’apprentissage des langues étrangères devenant alors indispensable. Cette injonction à la mobilité est révélatrice.

La course à la mobilité
 
Bien sûr, comme le montrent Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, la France est aussi le produit de la mobilité sur notre territoire, qui apporte un brassage qui fait que notre pays est ce qu’il est aujourd’hui. Cependant, les choses ont bien changé, ne serait-ce que depuis vingt ans. Dans les années 1990, on faisait encore souvent toute sa carrière dans la même entreprise. L’apprentissage des langues étrangères, même si on peut encore le regretter, restait quelque peu accessoire. Chaque entreprise gérait en général l’intégralité de ses affaires dans chaque pays où elle opérait. De manière plus anecdotique, on pouvait être diplômé d’une école de commerce en passant seulement trois mois à l’étranger.
 
En seulement vingt ans, nos sociétés ont profondément évolué. La mobilité professionnelle devient désirée, les entreprises souhaitant « aérer » leurs équipes par des personnes ayant travaillé ailleurs, et à l’étranger. On reste moins longtemps à son poste. Les bureaux clôts laissent de plus en plus leur place à des espaces ouverts où les salariés n’ont même plus forcément une place assignée. On apprend les langues étrangères de plus en plus tôt, comme le fait la majorité actuelle. Les services généraux et clients des entreprises sont de plus en plus délocalisés vers des pays à bas coûts. De manière plus anecdotique, il faut passer près d’un an à l’étranger pour obtenir son diplôme d’école de commerce.
 
Le sens de cette course
 
L’auteur Marc Rameaux a bien saisi et décrit le sens de cette évolution dans son livre « Portrait de l’homme moderne  ». L’évolution de notre société présente un point commun : celui de déraciner les hommes de ce qui nous relit à nos racines, nos habitudes, nos proches, pour nous placer en permanence en situation d’insécurité, où il faut s’adapter à un nouveau contexte, une nouvelle façon de faire, tout en perdant tout repère à notre passé, et avec une possibilité toujours réduite de s’établir. Les néolibéraux extrêmes diront sans doute que le propre de l’humanité est de s’adapter et que c’est la voie pour s’améliorer, progresser, la voie que l’humanité aurait suivie depuis toujours, pour notre bien.
 
Mais nous sommes aussi des êtres sédentaires, et non des nomades. Mieux, même les nomades semblent vivre en communauté, créant ainsi un cadre fixe, à défaut que la géographie le soit. Notre époque pousse de plus en plus à la suppression de tout cadre, comme si nous étions en permanence des pages blanches qui pouvaient partir de zéro. Ceci est présenté par certain comme le moyen d’exprimer sa personnalité, étouffée par les cadres anciens. Mais ce faisant, comme l’analyse remarquablement Jacques Généreux, à force de vouloir être soi, on oublie que nous sommes aussi des êtres sociaux, désirant être avec, et surtout être avec nos proches, notre famille, nos proches ou nos concitoyens.
 

Mais ne nous trompons pas, quand la réaction à cette évolution monstrueuse se fait trop radicale et extrême, cette inhumanité déguisée en modernité risque d’être préférée à une réaction qui ignore les lumières. Ce faisant, certains deviennent les idiots utiles des idées qu’ils dénoncent.


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13 réactions à cet article    


  • Spartacus Lequidam Spartacus 28 mars 2015 10:47

    C’est tout un changement sociétal a faire. Sortir de 70 années d’un conditionnement de socialisation des esprits. D’un enseignement de la peur de changer. De l’immobilité comme idéal. D’un enseignement de la résistance aux changements.


    Enseigner le libre arbitre plutôt que la soumission. Enseigner a ne pas avoir peur de la vie et du changement. 
    Enseigner la liberté de choix.

    Enseigner qu’avoir plusieurs vies choisies dans une vie est une richesse, là ou les générations passées voyaient une carrière sédentaire comme une réussite. 

    La vie serait donc l’emploi salarié ou l’emploi à vie sédentaire ? Ne pas communiquer en Anglais un « avantage » ?
    La dépendance permanente à un employeur ? 
    Une vie à la chaîne ou dans les structures d’état ou dans des multinationales qui « décident pour vous ». 

    ********
    Certaine sociétés ont décrétées des emplois au travail quand on veut. Vous devez faire votre quota d’heures quand vous voulez dans le mois. Si vous voulez aller au tennis en plein après midi un jeudi. C’est possible. 
    Tellement conditionnés par la culture de soumission, il faut lorsque que ce système est mis en place, il faut utiliser des psychologues pour apprendre aux gens a faire des choix par eux même. Ils culpabilisent de ne pas travailler en même temps que les autres. Dé-conditionner d’une culture socialisante vers une culture du libre arbitre.

    • Spartacus Lequidam Spartacus 28 mars 2015 13:25

      @jarnicoton
      Encore faut il savoir ce qu’est le libéralisme.......C’est justement décider pour soi.


      Un petit film pour comprendre :  https://www.youtube.com/watch?v=Kn23kokvLRo

    • Ben Schott 28 mars 2015 13:58

      @Spartacus

      « Si vous voulez aller au tennis en plein après midi un jeudi. C’est possible. »

      Perso, je préfère le golf le mercredi.


    • lsga lsga 28 mars 2015 14:26

      donc rappelons que l’unification monétaire, douanière et linguistique des provinces françaises a été effectuée par Louis XIV, louis XV puis Napoléon : des vrais étatistes, tout sauf des libéraux.

       
      C’est une simple nécessité dans le Capitalisme, qu’il soit capitalisme de libre échange ou capitalisme d’État ne change rien (à ceci prêt, par exemple, qu’un Capitalisme d’État Européen aurait tôt fait d’interdire le parisien comme langue officielle, et forcerait l’administration française à utiliser l’anglais : ce serait tellement mieux que le libéralisme hein ? smiley ). 

    • Jason Jason 28 mars 2015 13:27


      @Spartacus,

      Pascal disait que l’homme est un roseau pensant. Spartacus, vous me faites tout l’effet d’être un robot pensant. La voix de son maître, en somme.

      La mobilité, concept creux, qui ne pose pas la question du changement, de l’adaptation, des mécanisme anthropologiques, bref de ce qui fait une société d’hommes vivant ensemble. Oui, il est vrai que l’homo oeconomicus doit impérativement se plier aux caprices des entrepreneurs, ben voyons. C’est la loi du marché, ultime alibi des imbéciles.

      Alors oui, si aujourd’hui il faut être mobile parce que ça en arrange quelques-uns, alors il faut prêcher la mobilité. Si demain on prêchait le sédentarisme, alors il faudra être sédentaire.

      Les girouettes tournent toujours dans le sens du vent. Et c’est le vent de l’exploitation et du pillage qui souffle.


      • lsga lsga 28 mars 2015 13:56

        allez en parler aux Bretons ou Occitans qui venaient travailler sur Paris. 

         
        Rien de nouveau, ce n’est pas le produit d’un complot, le simple résultat de la société Capitaliste.
         
        cela a une conséquence : cela unit le prolétariat à des échelles géographiques toujours plus vastes, permettant des révolutions toujours plus larges.
         
        Il n’y a absolument rien à faire contre cela. Toute résistance est inutile. 

        • Ben Schott 28 mars 2015 14:00

          @lsga

          " cela a une conséquence : cela unit le prolétariat à des échelles géographiques toujours plus vastes, permettant des révolutions toujours plus larges. "

          Vous êtes de plus en plus lucide, vous.


        • lsga lsga 28 mars 2015 14:19

          et oui...

           
          Par exemple, en France, avant Louis XIV, les révoltes avaient lieu à une toute petite échelle : celles des provinces.
           
          Chaque province avait sa propre langue (certainement pas le parisien), ses propres traditions, mais aussi sa propre monnaie, ses propres douanes.


          Puis Louis XIV a unifier le territoire, fait tomber les douanes, créer une monnaie unique pour l’ensemble du territoire, politique qui sera continuée et renforcée par Louis XV. Tout cela amena à la grande Révolution Française : où des millions ne personne parlant difficilement la même langue (Napoléon parlait très mal le parisien) vont s’unir à l’échelle du marché d’alors : La France.
           
          Ce processus d’agrandissement et d’union des marchés est une conséquence nécessaire, naturelle, prévisible du Capitalisme. Cela n’a rien à voir avec le Libéralisme, Louis XIV était tout sauf un libéral, et l’Union Européenne elle-même est un surplus de bureaucratie, d’impôts et de régulation. 

        • Jason Jason 28 mars 2015 14:56

          @Isga

          « Toute résistance est inutile ».

          C’est la bonne conscience de notre bourgeois de Voltaire : « Cela est bien dit, mais cultivons notre jardin ».


        • lsga lsga 28 mars 2015 15:00

          comme Rosa Luxemburg, j’oppose les concepts de résistance et de révolution.
          La résistance est inutile, la Révolution est nécessaire. 


        • Jason Jason 28 mars 2015 15:14

          @lsga

          Je comprends. La résistance dit :« pas cela ». La révolution dit : « autre chose ».


        • lsga lsga 28 mars 2015 20:08

          @Jason
          oui, et d’une manière plus concrète encore, la Résistance se met en face du train en espérant l’arrêter (par exemple, en croyant pouvoir retourner à un Capitalisme National), alors que la Révolution utilise la force de son adversaire pour le renverser (création du marché français ==> révolution française ; création de l’UE ==> révolution européenne ; mondialisation ==> révolution mondiale)

           
          Voir : Astérix & Obélix  ; ou Marx.

        • gogoRat gogoRat 28 mars 2015 21:01

           Incohérence dans les faits :
           les salariés sont poussés (voire contraints ) à une mobilité géographique de plus en plus subie et difficile à anticiper ... 
           et les mêmes, en tant que citoyens, sont sommés par les politicards d’aller « voter » pour des maires ou des députés de lieux, dans lesquels ils ne font que transiter ...
           
          ___ 
           Bonne remarque : 

          • ’ [...] déraciner les hommes de ce qui nous relie à nos racines, nos habitudes, nos proches, pour nous placer en permanence en situation d’insécurité, où il faut s’adapter à un nouveau contexte, une nouvelle façon de faire, tout en perdant tout repère à notre passé, et avec une possibilité toujours réduite de s’établir.

           ... sauf à s’interroger sur ce que devrait dire « s’adapter » :
           - adaptation à une course de survie à court terme ? ( dans une idéologie utilitariste ou seuls importent la recherche de plaisirs ou de gains immédiats - attitude inconséquente et irresponsable qu’il ne faudrait pas confondre avec de l’optimisme )
           
           - ou adaptation de l’espèce humaine, sur le long terme , qui ne ne peut être évaluée par des historiens qu’après plusieurs dizaines d’années, voire siècles !
           alors que des prétentieux se disent ’en avance’ dès qu’ils ont réussi à se défausser du poids de leurs vieux ...

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