Le 8 Mars est discriminatoire et ridicule
Et voilà de nouveau le 8 Mars et son cortège de manifestations, de bons sentiments, d'annonces, de beaux discours et de belles paroles.Comme si nous avions besoin d'une journée particulière pour nous rappeler toutes les discriminations et toutes les violences dont sont victimes les femmes, sous des formes multiples, dans toutes les sociétés du monde, qu'elles soient occidentales, africaines, arabes, asiatiques, américaines, etc...
Le 8 Mars, par ce raccourci dans le temps, relève plus du joujou politique, de la bonne conscience érigée en politique de développement. Par le simple fait que l'on condense les femmes en un jour de "fête" signifierait il que les autres jours tout va bien pour nous ? Ne doit il y avoir qu'un jour de prise de conscience et 364 jours de cécité ?
Doit on attendre le 8 Mars pour se rendre compte des inégalités entre femmes et hommes ?
Cette journée est ridicule car elle renvoie dans l'ombre les combats que les femmes mènent tous les jours sur le terrain, loin des médias et de l'attention des citoyens. Elle minimise les actions, les luttes, les revendications. Elle rabaisse le féminisne dans un ridicule qui frise le machisme.
Tous les poncifs sur les femmes sont de sortie en ce beau jour du 8 Mars : la femme faible, la femme enfant, la femme mère, la femme amante, la femme douceur... obligatoirement à protéger, comme une espèce exotique et fragile.Tous ces présupposés féminins qui renvoient à des prisons mentales dans lesquelles on nous enferme.
Dans nos sociétés traditionnelles et musulmanes plus qu'ailleurs.
Comme si une femme ne pouvait se construire en dehors de la maternité, du mariage...d'un homme. Comme si une femme était un enfant, infantile jusque dans ses combats.
Faut il un 8 Mars pour dire que, chez nous, être femme est difficile. Et que, pour certaines femmes, c'est encore plus difficile ! SI difficile dans nos sociétés de traditions, de codes de bonne conduite, d'honneur familial et tribal à respecter....
Même les défenseurs des femmes, à force de se complaire dans les stéréotypes, en viennent à stéréotyper ces combats quotidiens pour la dignité et l'égalité des droits !
A force de larmes de crocodiles moralisatrices et réductrices, on fait du 8 Mars une parodie de combat et on nie les souffrances.
Ces stéréotypes insultent celles et ceux qui se battent dans l'anonymat tous les jours. Insultent les victimes de violences conjugales, de viols, d'excision, de mariages forcés. Insultent les ONG qui sont sur le terrain et qui n'attendent pas le 8 Mars pour se battre et lutter dans une société patriarcale, machiste, traditionnelle, religieuse.
Il serait grand temps que l'on arrête de bafouer les droits des femmes en ce 8 mars pour, enfin, se battre de façon pragmatique et loin des clichés sur les femmes !
Il est grand temps que nos autorités fassent preuve de vrai courage ! Il est grand temps que les victimes de viol ne soient pas les accusées par exemple ! Il est grand temps que la justice fasse son travail. Que les législateurs ne se contentent pas de pondre des lois que l'on n'applique pas ! Que l'école fasse son travail ! Que nos religieux fassent leur ! ...Maispour cela il nous faut une vraie lutte et de vrais combats, ancrés dans les réalités sociales. Et non pas ce pitoyable petit 8 Mars qui détruit toutes les actions par ses clichés qui ne sont là que pour se donner bonne conscience. Un féminisme moderne, à l'image de nos sociétés et non pas copié sur l'Occident. Un féminisme du réel.
Et non pas du fantasme...
Mariem mint DERWICH,
journaliste au Calame et à Kassataya (Mauritanie)
(paru dans le média mauritanien indépendant Kassataya le 08/03/2012)
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