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Le doctorant, futur découvreur ou OS de la recherche scientifique ?

Chercheur

Où bientôt, lorsque les arbitrages budgétaires seront disputés, la question de la recherche et des moyens sera mise sur la place publique. Mais au fait, existe-t-il une proportionnalité entre les moyens et les résultats ? Les récentes prestations du PSG et de l’OM, clubs bien dotés, laissent penser que les moyens ne font pas tout. Et c’est aussi le cas dans toute activité ; y compris la recherche scientifique dont je vais proposer un regard décalé.

Evoquez la figure du chercheur auprès du grand public. On vous livrera l’image d’Epinal du type passant des heures sans compter, jours, nuits, dimanches, au milieu des éprouvettes et autres tubes à essai. Certains ajouteront un tableau gris avec des bâtons de craie et quelques dessins moléculaires, comme au bon vieux temps. Maintenant, c’est panneau en plastique blanc et feutres effaçables. Le chercheur ne connaît pas les 35 heures. Il est passionné par son métier, emprunt de dévotion toute docte et laïque, et il donne tout son temps à la grande cause de la recherche scientifique pour que les gens vivent mieux grâce aux applications pratiques, et que les citoyens deviennent plus savants grâce aux connaissances extraites de toutes ces années de labeur dans le laboratoire. Longtemps, cette image s’est propagée, y compris dans les facs de science, quand le métier de chercheur était considéré comme passionnant et profondément éthique. Ce temps semble révolu. Sans vouloir être désobligeant vis-à-vis des jeunes chercheurs, il faut reconnaître que s’ils ont choisi ce métier, c’est plus par commodité que par vocation. D’autant plus que la situation de l’emploi étant ce qu’elle est, on ne refuse pas de signer pour un emploi garanti, même si la rémunération n’a rien de motivant. Avec l’appui d’un patron, il suffit de passer un concours. Ce qui évite les centaines de lettres de candidature dans le privé, tout en offrant bien souvent la possibilité de rester dans la ville où on a effectué ses études. Bien pratique quand le conjoint travaille et fort plaisant de garder ses amis et ses habitudes. Bien évidemment, il existe d’autres situations, comme les post-doc partis à l’étranger. Certains restent sur place, car fort bien payés et satisfaits des conditions de travail. Les autres reviennent au pays. Les plus chanceux parviennent à être recrutés à la fac ou dans un organisme comme le CNRS, d’autres trouvent un emploi dans le privé et le reste finit diversement, dans l’enseignement secondaire, dans des jobs divers ; les plus malchanceux se retrouvent au RMI.

Il y a l’image d’Epinal, la réalité quotidienne et professionnelle de la recherche et puis ce que beaucoup ignorent, l’essence même de la science ; autrement dit, comment cela se fait-ce qu’on trouve ? Car la science produit des millions de découvertes scientifiques, certaines plus importantes que d’autres qui ne sont que mises à jour de petits détails formels observés dans les mondes physiques, moléculaires ou vivants. Mais toute découverte a son importance et s’insère dans la grande encyclopédie de la Nature. A partir d’une modeste expérience personnelle, je vais tenter d’exposer l’un des deux ingrédients sans lesquels il n’est pas de découverte. L’un est connu, c’est l’expérience. D’ailleurs, visionnez les reportages télévisés, vous verrez dans 9 cas sur 10 un laborantin avec une pipette, remplissant un tube à essai, sortant une boîte de pétri de derrière la hotte aspirante ou déversant des gouttelettes sur une plaque d’électrophorèse. Parfois, c’est un rotavapor qu’on nous montre.

Comment, vous ne connaissez pas le rotavapor ! Je vous explique, c’est une sorte d’évaporateur perfectionné. Une fiole remplie d’un liquide qui tourne, plongée dans un bain-marie, alors qu’une pompe aspirante permet de concentrer une solution, voire d’extraire la totalité du solvant qui de l’état gazeux, passe à l’état liquide au contact du serpentin dans lequel circule de l’eau froide. Je me souviens, étant élève ingénieur, que mon maître de stage s’apprêtait à accueillir une équipe de la télé locale. Sur un ton amusé, il me montra un rotavapor puis me dit « les équipes de télé, elles filment ce qui bouge ». Du coup il prend la fiole, met de l’eau puis une substance violette, branche la machine. L’équipe vient filmer le labo, réalisant quelques entretiens au passage. Le lendemain, je regarde le reportage. Bingo, je reconnais le rotavap’ (c’est comme ça qu’on prononce, quand on est de la paillasse). Plan séquence fixe de 30 secondes, avec en bande son le commentaire du journaliste sur une équipe de recherche en biochimie de l’Ecole des Mines. Trente ans plus tard, les caméramen continuent à filmer les mêmes choses et le public n’est pas plus instruit sur une science dont le principal ingrédient n’est pas l’expérience mais ce qui se passe dans la tête du chercheur.

Rotavap

Interrogez un chercheur confirmé, il vous dira que son temps de chercheur se partage en deux activités principales, la paillasse et la biblio. Je passe sur le temps administratif, les congrès, l’enseignement et sur les réunions dont l’ordre du jour peut être une réunion de laboratoire, mais pas nécessairement. La paillasse, c’est la manipulation. Le chercheur fait des expériences, en y consacrant d’autant plus que temps qu’il a le moins d’expérience. Un directeur d’institut n’a plus touché une éprouvette depuis dix ans. Un chef d’équipe vient voir ses subordonnés qui manipulent ou alors confie le protocole à ses techniciens et regarde les diagrammes obtenus. Un chercheur confirmé forme des doctorants et des post-doc à différentes techniques qu’il continue à utiliser, mais pas trop, car il espère que le doctorant devienne vite autonome pour réaliser les expériences à sa place. Passons maintenant à la « biblio ». Sous ce diminutif se cache une activité essentielle du chercheur. Celui-ci doit en effet suivre tout ce qui est publié dans son domaine pour prendre connaissance des avancées et déployer sa propre stratégie qui dépend largement du champ empirique et formel où il se situe. Si le boulanger fabrique des baguettes, le chercheur écrit des articles et tente de les publier dans les meilleures revues dont le comité éditorial dirige le manuscrit vers deux ou trois examinateurs spécialistes du domaine. En bon english francisé, on les appelle les referees, prononcer référi. Ce sont ces articles qui permettent de juger son travail.

On l’aura compris, le travail bibliographique a toute son importance et plus il est étendu, plus il offre le champ d’investigation pour élaborer des hypothèses. Il est même indispensable pour faire le point régulier sur un sujet. Il existe d’ailleurs des journaux dévolus à des revues qui, en général, sont rédigées par des scientifiques confirmés. Doctorant, je n’ai pas économisé mon ardeur, passant une partie de mon temps à compulser des tonnes de littérature scientifique, n’hésitant pas à commander à la documentaliste des dizaines de copies d’articles accessibles dans les bibliothèques de France et de Navarre. Bien m’en a pris puisque dans une obscure revue japonaise, je dénichai un article portant sur la génération de radicaux libres par une molécule présentant des déterminations moléculaires parentes de l’anticancéreux dont j’étudiais le mécanisme. De là germa dans mon cerveau ce qu’on appelle une hypothèse. Le reste fut une affaire d’expérience. Il fallut montrer qu’en présence de fer et d’un chélate, mon anticancéreux pouvait générer des radicaux libres. Passer commande des réactifs, mettre dans un tube, passer au spectromètre RPE. Faire les témoins. Au début ça foira, mais ne pas se décourager. C’était juste que la molécule destinée à repérer les radicaux interférait avec l’ensemble. Et donc, un simple changement de réactif. Affaire pliée, article rédigé. Avec l’accord de mon directeur, nous avons tenté la fameuse revue Nature. Pas de chance. Mais l’article fut accepté dans une bonne revue et j’avais fait une découverte scientifique, un nouveau mécanisme d’action d’autant plus intéressant que les cellules tumorales sont censées utiliser le fer pour répliquer leur ADN et donc se révéler plus fragiles face à une molécule qui, fixée sur l’ADN, peut interférer avec son fonctionnement. Mais sans une intense recherche de documents couvrant des domaines bien plus larges que celui où l’on travaille, cette découverte n’aurait pas été possible. Il faut apprendre à faire fonctionner son cerveau en moteur de recherche intelligent et sélectif, capable de capter des pertinences non évidentes.

Si je pouvais passer beaucoup de temps à faire de la biblio, c’est grâce à un patron compréhensif avec lequel pourtant je ne me suis pas entendu. Peu importe, mais dans d’autres laboratoires, qu’en est-il des doctorants ? J’ai eu vent de deux situations exemplaires. L’une rapportée par une jeune doctorante qui, ayant fait un stage d’un mois dans un laboratoire de Nice, dirigé alors, c’était il y a vingt ans, par une grosse pointure nobélisable en médecine, me confiait que les doctorants se devaient de consacrer l’intégralité des cinq jours de la semaine à faire de la paillasse et que ceux qui le souhaitaient, feraient leur biblio le samedi. Autre cas de figure, rapporté par un confrère chercheur. Un laboratoire à Strasbourg, dirigé aussi par un nobélisable. Des tas de post-doc dont la tâche est de venir le matin, prendre leur feuille de route, faire l’expérience, rendre les résultats et ainsi de suite. Et pas question de se plaindre. Un jour, l’un d’eux osa contester cette manière de faire. Son chef de paillasse lui affirma sans équivoque que s’il n’était pas satisfait, il pouvait partir et que sa place serait occupée la semaine suivante. Eh oui, travailler chez ce grand ponte était très demandé.

Ces anecdotes ont permis je l’espère, de pendre conscience du côté cérébral, intellectuel et abstrait de la science avec ses deux volets, expérience et théorie. Aucune situation ne ressemble à une autre. La plupart des patrons ne sont pas opposés à ce que le doctorant fasse de la biblio, mais aucun ne l’encourage vraiment, excepté pour répondre à un usage routinier. Parmi les thésards, la plupart ont leur petites fiches dans des petits casiers, juste le minimum pour couvrir leur sujet et si nécessaire, participer à la rédaction de la publication ou présenter leur travail ; d’autres, plus rares, dévorent les publications, attaquent la feuille au surligneur, puis classent leurs documents dans des chemises cartonnées. Ce qui évite de perdre du temps à recopier les fiches. Et comme leur cerveau est bien architecturé, ils peuvent retrouver une publication dans l’instant, allant la chercher dans la bonne chemise. Lorsque j’ai quitté Toulouse, j’ai dû léguer au laboratoire un millier de photocopies d’articles disposés dans des dizaines de chemises.

En règle générale, on peut penser que l’activité intellectuelle, bien que les patrons et autres mandarins la pratiquent par nécessité, n’est pas encouragée chez les doctorants. Ceux-ci sont souvent pris pour des OS de la recherche. Dans le contexte actuel, au vu de la situation de l’emploi et des places de chercheurs, les doctorants sont obligés de consacrer l’essentiel de leur vie à la paillasse, pour avoir l’assentiment de leur directeur, avec à la clé des publications en nombre conséquent dans des bonnes revues et un possible recrutement grâce au dossier ; et surtout aux appuis liés aux connivences du milieu, ainsi qu’à la notoriété du laboratoire, avec les efforts diplomatiques du patron qui a su convaincre les autorités supérieures de créer un poste de maître de conférence, ou de flécher un profil de chargé de recherche au CNRS. A ce compte-là, le potentiel créatif de la recherche française n’est pas assuré. Ce n’est pas en recrutant des stakhanovistes de la paillasse qu’on renforce le potentiel créatif des institutions. Doit-on accuser les patrons de se foutre de l’avenir à moyen terme de la recherche, de négliger l’héritage, n’étant préoccupés que de leur carrière et, ce faisant, recrutant les doctorants les moins créatifs, les moins imaginatifs, les plus dociles et laborieux, car cela constitue de la main-d’œuvre efficace et, de surcroît, des collaborateurs fidèles qui n’iront pas essaimer ailleurs une équipe car au vu de leurs capacités intellectuelles limitées, ils sont souvent incapables de mobilité et d’autonomie ? Un valet ne quitte pas son maître, il serait vite perdu dans la complexité du monde.

Enfin, ne jetons pas l’anathème sur les chercheurs. Les administrateurs ont aussi leur part de responsabilité dans l’immobilisme et la sclérose de cette activité. Le manque de souplesse dans la gestion des hommes se fait également sentir. La médiocrité relative du recrutement est également liée au déficit de moyens en ingénieurs et en personnels techniques. Parmi les doctorants recrutés pour la recherche, seulement un sur cinq possède les capacités de découvreur. Le système devrait permettre des aiguillages dans les carrières, augmenter le nombre de personnels techniques, les déployer dans les labos dirigés par d’authentiques visionnaires au lieu de satisfaire moyennement la totalité des labos, miser sur des disciplines non productives, la biologie théorique, les interfaces, fluidifier les notations, reconnaître les pratiques transversales, créer des postes de trouveurs, pour ceux dont le cerveau est facétieux, inventif, mais inapte lorsqu’il s’agit de rester des heures à répéter les expériences. C’est un crime que de condamner des jeunes chercheurs prêts pour la théorie et les hypothèses, à effectuer des heures de corvée à la paillasse. Quand on leur décerne l’âge de l’autonomie pour diriger une équipe, ils sont devenus presque gâteux !


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16 réactions à cet article    


  • thirqual 18 septembre 2007 12:12

    Cet article est sérieusement à nuancer selon les disciplines. Dans le labo de géochimie où je travaille en ce moment, il n’y a pas un chercheur (y compris le chef d’équipe) qui ne manipule pas, la plupart des procédures demandant ajustement, réflexion à priori et posteriori au moindre changement, et j’en passe. Dans les géosciences, souvent le temps de travail de terrain n’est pas négligeable du tout (genre passer 2 mois sur un bateau dans l’Arctique pour draguer des caillasses, ou aller poser des sismomètres en Somalie). Et là ce sont autant les jeunes que les vieux qui partent.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 18 septembre 2007 12:18

      Remarque tout à fait pertinente. Mais le lecteur aura compris que j’évoque surtout la vie à la paillasse, ce qui concerne donc une partie de la physique, la chimie et surtout la biologie. Votre domaine est assez différent, comme peut l’être l’éthologie, avec des études de terrain près des animaux.


    • Christophe Christophe 18 septembre 2007 12:48

      @L’auteur,

      Ayant travaillé six ans au CERT-ONERA à Toulouse (que vous connaissez peut-être ?), je ne connais que bien peu la paillasse ! Certes mon sujet sur l’interprétation des langues dans un contexte réglementaire ne se prétait pas énormément aux expériences mais plutôt à la biblio (80 à 100 ouvrages/an) dans l’ensemble des sciences composantes des sciences cognitives. La plus grosses production en soit était plutôt sur des états de l’art.

      Comme quoi, le domaine d’activité est prépondérant !


      • Bernard Dugué Bernard Dugué 18 septembre 2007 12:58

        Chaque discipline a ses spécificités. Et paillasse ou pas paillasse, la question de la créativité se pose, en biologie comme en mathématiques ou en socio. Les extrêmes, je connais, puisque j’ai écrit ma thèse de philo sans fréquenter ni paillasse, ni labo, ayant fait connaissance (de visu) avec mon directeur de thèse le jour de la soutenance. Ce fut assez troublant comme expérience


      • houchmandzadeh 18 septembre 2007 13:31

        Comme l’on dit les autres commentateurs, les cultures et les habitudes dépendent fortement de la discipline et du labo. Nous (en physique) avons tendance à essayer d’obliger les thésard à lire la biblio pour avoir une vision un peu plus large de ce qu’ils sont en train de faire. La discipline est plus ancrée en fin de thèse quand le chercheur commence à prendre forme qu’en début.

        Merci pour l’article et votre témoignage.


        • brieli67 18 septembre 2007 19:52

          Quelle joie quand le chercheur découvre et qu’enfin des résultats tombent.... Quelle peine quand le chercheur lit et comprend que d’autres te copient et ont beaucoup plus de moyens...

          Si tu as le malheur de mettre en doute des théories ou des techniques même avec des preuves de « pallaisse » à l’appui ; on te vole tout fort l’honneur. Sous le Prétexte ; mon petit gars on travaille en équipe.... Le pauvre bougre en DEA comme le Directeur d’une Unité de l’Iserm:ensemble ! Et on te fout à la porte... aussi bien en public qu’en privé.

          Car Seul le vieux chercheur trouve.... souvent le soir sur tes protocoles ou dans les tiroirs de ton bureau.

          Faut être bon fouilleur pour gagner. Il s’impose comment le chef ? Il est au courrant avant toi des nouveautés ... tu lui signales un article dans le dernier Nature ; il est capable de te la confisquer cette revue pendant 3 semaines Sinon il claque un fric fou du labo dans les livres de reviews qu’il emmene chez lui et toujours tu sera étonné" par sa bibliographie... Et puis il y a le téléphone arabe entre ses semblables...

          Le plus grave dans ce monde c’est la « pyramide » du pouvoir. Comment devenir et rester le mâle dominant. Deux stratégies toutes simples l’étranger avant c’était l« arabe » de service qui crapahutait du matin au soir même lors du Ramadan. Normal apres sa Thèse il sera enseignant-chercheur-universitaire dans son pays. A moins d’etre du Lichtenstein ou Luxemburgeois tu resteras valet d"un big chef. L’autre stratégie est la féminisation à outrance. Elles pondent leur gosse et reste at home ;mais font de la bibliographie... Second salaire sans ambition ; pin-up des réceptions et autres sauteries. Alors que toi jeune mâle tu veux en faire ton métier et nourrir ta famille.

          Que de créativité et d’énergies de perdues ! Il faut que jeunesse se fâne....

          ps question Os de labos.Les universités anglaises recrutent à tour de bras vident les campus européens et indiens de ses meilleurs éléments en baffouant les lois du travail et de la Secsoc.


          • Marc Bruxman 18 septembre 2007 20:16

            Juste une remarque... Le fait d’être OS ou futur découvreur dépend BEAUCOUP de son responsable de Thèse. Quand on a de la chance on tombe bien et la thèse est alors un tremplein, et parfois on tombe mal.

            Il faut aussi bien noter que faire une thèse pour un grand nom n’a pas que des avantages. Certes publier avec quelqu’un de connu pourra garantir une parution dans une revue potentiellement inaccessible. Mais parfois le monsieur connu sera tellement occupé qu’il n’aura pas le temps de bien gérer le doctorant.

            Et souvent c’est aussi une question de pot. Etre en contact avec le bon sujet au bon moment c’est souvent la garantie d’une carrière brillante. Et ca personne ne peut le prédire car le bon sujet d’une année c’est souvent un sujet dans lequel personne ne voulait chercher l’année d’avant. Et comme dans tout phénoméne de mode, il est beaucoup plus facile de se faire un nom au début !


            • Bernard Dugué Bernard Dugué 18 septembre 2007 20:22

              Comme dit Machiavel, en matière de pouvoir, mais c’est transposable à d’autres situations, il y a les qualités personnelles et la fortune. Bien évidemment, et les jeunes de fac le savent, le choix du labo est déterminant. J’ai connu un type qui est entré à 25 au CNRS, parce qu’il était dans un labo avec un sujet au top et s’est retrouvé cosignataires de 14 publis. Il n’était ni plus ni moins doué que la moyenne

              Quant à cette idée de gérer le doctorant, elle est équivoque, il y a la gestion intelletcuelle et là, je préfère que le doctorant se gère, c’est un signe d’autonomie et une promesse de créativité, ensuite, il y a la gestion de carrière. L’idéal, c’est que les bons patrons puissent pousser en avant les thésards qui ont de vraies capacités à avancer et innover.


            • mat 19 septembre 2007 23:21

              Votre vision du doctorant est quand même, très réductrice ! Je travaille dans un labo de physique et je ne vois pas du tout les choses comme ça. La manip en elle même est une difficulté, et on ne largue pas le thésard sur un truc pointu comme ça ! La manip, elle s’apprivoise ! Impossible de dire « tu fais ça je veux les resultats demain ». Si la manip donne quelquechose, c’est déjà gagné en fait ! Votre hypothèse sous-entend un dépouillage statistique de données, nécessitant de repéter un protocole. Est ce ça que vous appelez « la paillasse » ? Ca ne marche pas comme ça ici.

              Concernant la biblio, chacun fait des recherches et on se donne les bons articles qu’on a repéré. La difficulté concerne davantage l’accès aux revues, vu le prix des dites revues.

              Sinon, n’êtes vous pas un peu dur avec le « recrutement médiocre » ?


              • jean-charles 20 septembre 2007 08:55

                bonjour,

                je me permettrais de réagir à deux niveaux en précisant que je suis chargé de recherche à l’INSERM, que j’ai été recruté en 2001 et que je suis responsable d’une équipe. Ma première étudiante en thèse va d’ailleurs soutenir aujourd’hui. Je précise ces points pour reconnaître une part de subjectivité dans mes propos.

                Tout d’abord au niveau du recrutement, il est nécessaire de distinguer les organismes de recherche (EPST) et les universités. Les modalités de recrutement ne sont pas du tout équivalentes. Par exemple, intégrer l’INSERM actuellement représente une réelle difficulté puisque seul 10% des candidats obtiendront un poste après un concours national. Une censure existe de plus en amont du dépôt de dossier puisque généralement seuls les dossiers les plus compétitifs seront présentés. De façon plus qu’implicite, il est nécessaire d’avoir fait au moins un stage post-doctoral à l’étranger (voir deux) avant de pouvoir candidater. La sélection est donc sévère et parler d’un recrutement médiocre est à mon avis, plus lié à une méconnaissance des critères actuels de recrutement au sein des EPSTs. Concernant les universités, c’est par contre beaucoup plus hétérogène et en effet, copinage, mandarinat et passe-droit de tout ordre sont encore malheureusement d’actualité. Le concours étant local, toutes les dérives sont à envisager.

                Concernant la façon dont est décrit le travail dans un laboratoire et plus particulièrement en biologie, je suis assez dubitatif. La façon de faire de la recherche a fortement évolué depuis de nombreuses années et la culture du résultat est rentrée de plein pied dans un monde qui avait probablement tendance à s’autojustifier de l’importance de son travail. C’est peut-être ce basculement de ‘mœurs’ qui peut déplaire. Je ne dis pas que cela est bien ou mal, il s’agit juste d’un constat. Le travail s’organise alors en mission, intégrée dans des projets généralement ambitieux et pluridisciplinaires. Pour un étudiant en thèse, toute la difficulté est de trouver une mission qui soit valorisante intellectuellement tout n’étant pas trop risquée en terme de productions scientifiques pour ne pas hypothéquer son avenir professionnel. Comme cela a été fort justement dit dans une autre post, la chance n’est pas le moindre des acteurs d’une thèse. Au delà de cette organisation de travail inhérente aux budgets mis en jeu et à la complexité des travaux, il existe une problématique de managment et d’interactions des différents acteurs. C’est ma foi comme partout ailleurs et la qualité humaine des personnes sera prépondérante.

                En conclusion étudiant en thèse... Ouvriers spécialisés de la recherche... non chercheur en devenir qui se professionnalise dans un contexte de plus en plus compétitif et régi par une logique de production. Que ce soit bien ou mal... c’est un autre débat....


                • faxtronic faxtronic 20 septembre 2007 18:12

                  La chance certes, mais chacun a la possibilité de trouver sa voie en these, si le directeur de these sait a la fois donné la liberté de creer et la contrainte de la recherche en mission.

                  Le principal souci pour un doctorant, est de trouver sa voie, de creer sa propre recherche et donc these.

                  C’est con a dire, mais un chercheur va vers l’inconnu et le flou. Tout le travail initiatique d’une these, c’est d’apprendre a tenir la barre dans une mer agitée et inconnu, vers une amerique hypothetique. Colomb eut ete un bon doctorant, avoir l’intuition par l’examen des cartes et les recits des marins de l’existance d’une voie dans la mer, et de decouvrir l’amerique au lieu de la Chine.

                  Voila Voila


                • faxtronic faxtronic 20 septembre 2007 18:06

                  Salut

                  Moi aussi je suis chercheur, mais en sciences appliqués. En fait mon boulot est de rendre les choses impossibles possibles. Donc moitié paillasse, et 15% biblio (internet et papier) et le reste de management entre les equipes, car je doit toucher une tripotée de specialité (biologie, chimie des polymeres, electronique, optique, textile, electronique, microelectronique, art).

                  Biographie assz peu finalement, mais en fait beaucoup plus que le reste du groupe, car je connais beaucoup sur le sujet. Mais la biblio m’emmerde royalement,et puis de toute facon je suis un decouvreur. je fais et je suis tetu, et imaginatif. Donc je decouvre. Pour ce qui est des connaissances, je sais bien m’entourer, et garder de bonne relations avec les specialistes.

                  Voila mon experience de chercheur.


                  • Gnetum Gnetum 20 septembre 2007 21:37

                    Je ne sais pas quand l’auteur a passé sa thèse mais je ne trouve son témoignage fort peu représentatif du monde de la recherche que je cotoie quotidiennement (en Biologie, Génétique).

                    Il y a de quoi hurler quand on lis la phrase suivante : « les jeunes chercheurs, il faut reconnaître que s’ils ont choisi ce métier, c’est plus par commodité que par vocation. »

                    C’est sûr que c’est fichtrement commode que de devoir enchainer les mentions pour avoir une place au soleil dans un bon DEA (M2R maintenant), que d’obtenir de haute lutte une bourse de thèse, que de cravacher pendant la thèse pour sortir un maximum de publis, construire un réseau de collaborateurs à l’international, puis partir à l’étranger 2 ou 3 ans en moyenne, en revenant quand on peut pour passer des concours ou il y a facilement 50 candidats par poste. Avec le recul je me dis justement qu’il faut être bien motivé pour s’engager dans une voie où le taux de réussite est si faible.

                    Il y a de quoi hurler que je lis que pour l’auteur : « Avec l’appui d’un patron, il suffit de passer un concours. Ce qui évite les centaines de lettres de candidature dans le privé, tout en offrant bien souvent la possibilité de rester dans la ville où on a effectué ses études. »

                    Pour rentrer au CNRS en CR2, il faut maintenant 12-15 publis au minimum (et il faut faire chauffer les IF), dans les autres EPSTs ce n’est guère mieux, et même les postes de maîtres de conférence sont maintenant brigués par des candidats ayant enchainé postdocs et publications.

                    Si j’ai bien compris le ton acide de l’article, l’auteur n’a pas réussi à s’insérer dans le milieu de la recherche française - je trouve un peu mesquin qu’il mette pour autant en doute la valeur des doctorants (et des jeunes chercheurs) qui ont eu bien du mérite en s’engageant et en perseverant dans cette voie.


                    • Gnetum Gnetum 21 septembre 2007 07:19

                      Mea culpa.

                      Le M2R (Master 2 recherche) correspond à l’ancien DEA (Diplôme d’études approfondies) ; ce sont des formations à Bac+5 que l’on intègre par sélection sur dossier après un Master 1 (ancienne maîtrise) ou une école d’ingénieur.

                      Un EPST est un Etablissement public à caractère scientifique et technologique (sont inclus le CNRS, l’INSERM, l’INRA, l’IRD etc ...). Pour plus de détails :

                      http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/organism/index.htm

                      CR2 veut dire chargé de recherche deuxième classe. Cela correspond à un poste de chercheur débutant dans un EPST. Il faut savoir que le salaire de base d’un CR2 tourne autour de 1600-1800 euros net (à ramener aux 8 ans d’études, et aux années de postdoc ...)

                      IF est l’abbréviation d’« Impact Factor ». C’est un indice qui estime à quelle point un journal scientifique à comité de lecture est régulièrement cité par d’autres journaux scientifiques. Basiquement, plus cette indice est haut, plus la revue est cotée (ex. Cell, Nature, Science etc ...) ... et plus il est difficile de publier dedans.


                    • elnino-88 elnino-88 27 septembre 2007 19:59

                      site interdit par nos medias A voir,a lire,a comprendre


                      • non666 non666 28 septembre 2007 09:14

                        Les problèmes que vous soulevez sont a remettre dans un cadre plus général.

                        Après avoir mis les ouvriers en concurrence avec les pays a bas cout, c’est juste le tour des professions des sciences et des techniques.

                        Les salaires s’effondrent dans tous les domaines ou une grande formation scientifique et techniques sont nécessaires. Du cout les « meilleurs » , ou ceux qui sont sur des techniques utilisables ailleurs s’y rendent.

                        On remarque cela dans toutes les prestations de service et en particulier dans l’informatique. Les chimistes, physiciens nucleaires y sont legions. Il faut dire que pour ces derniers, une fois leur CV envoyé aux deux seuls recruteurs nationaux important (EDF , AREVA) les solutions de repli sont minces.

                        Les seules professions qui echappent a ceci sont les professions qui sont très proche du contrôle financier : Commercials, Controle de Gestion , RH...

                        Pour tous les autres, le cerveau est infiniment moins cher en Inde ou un Chine.

                        Si on rajoute a ceci les contraintes d’environnement spécifiques de la recherche française (lien avec Une éducation nationale qui ne brille pas par ses critères d’efficacité ) , manque de moyen d’un État en plein effondrement , Refus des « grands projets » générateur de recherche appliquée au nom de la libre concurrence imposée par bruxelles, on comprends mieux que ce que vous décrivez n’est pas simplement conjoncturel.

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