Le pouvoir linguistique pour tous !
Voici là un linguiste qui argumente et entre dans le vif du sujet avec force et beaucoup de talents.
Ce débat sur l’accès à la maîtrise de la langue, Agoravox devrait le mener et la sortie de ce livre est une occasion à saisir.
Etant plutôt partisan de l’école moderne, j’ai été conquis par cet auteur et pense de plus en plus qu’il n’y a pas d’antinome entre les adeptes de la pédagogie active et des personnalités comme Bentolila que certains ont rangé bien vite dans le camp des « rétros »
Alain Bentolila, professeur de linguistique ne plaide pas pour « une servile obéissance à une norme immuable ».
Il ne prône pas un élitisme étriqué qui se contenterait de l’existence d’une minorité éclairée et surtout il n’adopte pas une vision passéiste .
Il établit un diagnostic rigoureux et malheureusement réaliste de la situation actuelle.
Faut-il saluer l’existence d’un langage codé, limité, de plus en plus pratiqué par des jeunes utilisant un nombre très limité de mots ?
N’est-il pas nécessaire, voire indispensable que chaque enfant puisse disposer d’un champ lexical riche et varié et des outils grammaticaux et orthographiques ?
La responsabilité des adultes est entière. Ouvrir largement les portes à tous les enfants de notre pays, de ceux venus d’ailleurs, et d’enfants de milieux défavorisés c’est transformer l’école afin qu’elle arrête de laisser des enfants vivoter pendant quelques années dans un collège où ils ne tireront aucun profit de leurs études.
Il ne s’agit pas, bien évidemment de les déscolariser...Il s’agit de leur donner les moyens d’acquérir les savoirs indispensables afin qu’il réussisse pleinement leur entrée dans la vie adulte.
L’auteur ne remet pas en cause certaines représentations sans reconstruire et notamment en ce qui concerne la petite enfance .
A l’entrée au CP, les enfants au vocabulaire le plus pauvre connaissent à peu près 500 mots alors que les enfants les mieux pourvus disposent de près de 2500 mots.
L’acquisition d’un vocabulaire riche et précis est indispensable pour la maîtrise de la langue orale et écrite. Il y a là et l’auteur le montre, matière pour les enseignants à agir avec les parents.
« Prenez donc le temps d’organiser régulièrement des leçons de mots qui permettront une réflexion à la fois ludique et sérieuse sur le sens et la forme des mots et qui déboucheront sur la constitution d’un trésor commun des mots de l’école et de la maison. »
Dans son livre, Alain Bentolila en vient à critiquer la francophonie, qui serait le lit de l’analphabétisme .
Lorsque dans un pays on impose dans les écoles l’étude d’une langue qui n’est pas parlée à la maison et dans l’ environnement proche- le français-on installe une ou plusieurs barrières infranchissables.
on arrive ainsi à brutaliser le petit Sénégalais ou le petit créolophone ou l’enfant Marocain qui s’il est barbérophone est dans l’obligation de franchir une triple barrière : l’arabe dialectical, l’arabe classique puis le français !
Avant d’enseigner le français, il faut veiller à ce que la langue maternelle soit maîtrisée.
L’auteur s’adresse directement aux enseignants et aux parents d’élèves .
C’est ainsi qu’il explique comment donner à l’enfant « l’appétit du mot nouveau ».
Il n’élude aucune question essentielle comme celle de la violence dans certaines écoles et ses hypothèses de transformation sont, à mon avis, très pertinentes, comme celle qui consiste à proposer que dans les cités, les écoles ne soient pas barricadées mais ouvertes à la vie et aux parents...
L’école deviendrait ainsi « un lieu de culture et de formation ouvert à tous. »
Jean-François Chalot
pour lire un texte de l’auteur, reprenant une partie de son argumentation
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