Les Ressources humaines

Creusons la question pour entrer dans la carrière.
Ainsi donc, comme me le suggère mon ami Cailloute, les individus auraient besoin, pour traverser la rue, d’un directeur des ressources humaines afin d’entreprendre et bien se comporter au sein d’un collectif visant à remplir un projet commun. Je suis émerveillé de ce vocable digne de la révolution industrielle. Fort heureusement ma vie de fonctionnaire de l’éducation nationale a su me préserver de pareille confrontation.
Non seulement l’humain est, d’après ce terme abject, vécu comme une matière première qu’il convient d’exploiter (je ne vois pas d’autre verbe plus opportun) mais encore, il appartient à un dresseur grassement payé, de veiller scrupuleusement à la pleine et totale rentabilité du minerai en question. J’en suis abasourdi. C’est d’ailleurs sans doute pourquoi, quand la veine est tarie, quand le filon a mauvaise mine qu’il convient de fermer le chantier et de pousser une foule de travailleurs devenus des rebuts hors de ladite carrière.
À examiner la chose sous cet aspect on comprend mieux les charrettes de licenciement, les drames du chômage et la désolation des bassins d’emploi abandonnés. La direction ne dirige pas, elle se contente de montrer la voie à suivre pour obtenir toujours plus de rentabilité au seul profit d’actionnaires qui ne se salissent jamais les mains, y compris quand il s’agit de se faire plus impitoyables, cupides et inhumains.
Le directeur n’a d’ailleurs lui aussi aucun cas de conscience puisque le salarié n’est pas un humain mais une ressource qui, à l’instar de la planète, s’épuise. On prend, on exploite, on jette en abandonnant. Que ce soit les océans de détritus dans l’océan ou les vagues immenses de licenciements, c’est du pareil au même, après eux le déluge et si possible sans eux.
Naturellement tout cela se fonde sur un système qui, d’après nos merveilleux économistes si humains, se fonde sur la liberté d’entreprendre, liberté qui du reste n’est accordé qu’à ceux qui sont du bon côté de la cognée. Les autres, les plus humbles, les plus nombreux sont coincés entre le marteau et l’enclume, écrasés, humiliés, méprisés, laminés…
Tout cela en tenant un discours parfaitement rationnel sur les lois d’un marché qui met en avant les sociétés les plus performantes, leur permet de grandir et de s’épanouir. Si ce programme peut éventuellement s’appliquer, il oublie tout bonnement les acteurs de ce prodige, les acteurs véritables de la réussite ; les travailleurs. Ceux-là et ceux-là seulement sont mis en concurrence afin de réduire les coûts, de baisser leurs salaires, d’augmenter les cadences, de délocaliser la production pour trouver de nouveaux pions, toujours moins bien traités.
Les directeurs des ressources humaines vont bien, merci pour eux. Ils se lavent les mains des immondes saloperies qu’ils ne cessent de mener au nom du pragmatisme, de la rentabilité, du profit et des impératifs incontournables d’une gestion purement économique. Ils ont depuis belle lurette intégré que les humains ne sont que des pions, des variables d’ajustement, une denrée fongible. La bourse monte, l’argent produit de l’argent dans la négation absolue des individus laissés sur le bord de la route.
C’est cette merveilleuse société qui sert de modèle à notre président si humain. Il plaint sincèrement l’odieux sort réservé à Carlos, son ami, il se moque magnifiquement de tous ces pauvres bougres qui coûtent un pognon de dingue pour tenter de joindre les deux bouts. Mais quel est donc le chasseur de tête qui nous a mis dans les pattes ce freluquet qui se fait foutriquet, cette graine de tyran qui fait tirer sur la foule par son directeur des secousses humaines, un certain Castaner, dit le père la castagne !
Comme pour l’entreprise, quand les règles du jeu sont faussées, quand l’humanité est exclue du processus, quand l’individu n’existe plus, les ressources s’épuisent et finissent pas entraîner une colère immense qui deviendra révolte, rébellion, sédition en dépit d’une police, bras séculier impitoyable qui obéit aux ordres sans état d’âme.
Inhumainement leur.
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