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« Panique au ministère »... Selon une étude IPSOS / DRS, pour 41% des français, les mères sont « plus jeunes » que leurs filles

« Panique au ministère » est une comédie de boulevard déjantée sur fond de politique mettant en scène une femme, austère chef de cabinet, jouée par Natacha Amal, aux prises avec sa mère, exubérante sexagénaire, Amanda Lear (photo) prête à ouvrir un bar gay en face du ministère de sa fille. Si la fille va se libérer au cours de la pièce, ce jeu de rôle n’est pas sans rappeler l’émergence de cette génération de seniors parfois détonants, et confrontés à des enfants quadra plus classiques qu’eux. Alors, comment sont vécues ces « grands-mères » toniques par les familles et dans la population française ? Réponses avec le sociologue Eric Donfu qui a dirigé une étude récente démontrant que, pour 41% des français, la grand-mère était plus jeune que sa propre fille !...

« Panique au ministère » : Si cette comédie rencontre un bon écho, c’est bien sûr grâce à son texte, au talent de ses interprètes et de son metteur en scène, mais c’est aussi parce que le sujet qu’elle aborde est profondément contemporain. Une mère plus tonique et épanouie que sa propre fille, et qui en devient presque la honte, c’est du vécu. « Ma mère m’épuise » titrait le magazine Elle récemment. Et c’est vrai que la proximité quasi-fusionnelle mère-fille peut provoquer des réactions contrastées chez les jeunes femmes. Généralement, la naissance d’un enfant permet de remettre certaines pendules à l’heure. Mais le spectre de la belle-mère omniprésente, aux réflexes captateurs, ne fait pas que le sujet de bonnes blagues. Car pour une mère, autant un garçon devient homme en se mettant en couple et en devenant père, autant une fille reste fille toute sa vie pour elle. Pour une fille, la mère n’est pas qu’un miroir, elle garde un pouvoir sur elle. Une proximité qui se renforce par les incertitudes des unions, qui renforcent les solidarités et les filiations féminines, comme une réassurance en cas de séparation du couple. Mais le sujet de ce papier n’est pas les relations mères-filles, que j’ai étudié par ailleurs et que j’évoque notamment dans Oh mamie boom[i] avec le néologisme mèroir, composé de mère, de couloir, de mémoire, d’espoir et de mouroir. Mais, comme dans la pièce de théâtre, sont-elles insupportables, ces mères, grands-mères toniques et jeunes ? C’est ce que nous avons étudié, et les résultats ne sont pas forcément ceux auxquels nous nous attendions.

La nouvelle génération « tonique » des grands-parents

Nous sommes en effet à l’heure d’un passage de relais entre les grands-parents des années 80, celles et ceux qui sont nés après la guerre de 14, et les nouveaux grands-parents, enfants du baby-boom, nés après la guerre de 40. Il d’agit de ces « baby boomers » qui, dans l’imaginaire collectif, ne veulent pas vieillir. On les remarque de plus en plus. Sur le plan démographique, il s’agit déjà d’une catégorie qui existe de plus en plus, sous l’effet de l’allongement de la vie en bonne santé, de 30 ans en un siècle et de 15 ans depuis 1950. Mais ils s’imposent aussi par l’état d’esprit qu’ils expriment, fidèles à leur liberté et leurs talents d’innovateurs, présents dans la société et pivots dans la famille. Alors, trop encombrants, ces seniors ? On pouvait penser que le bonheur affiché de ces enfants de 68 agacerait… Et bien c’est peut-être le cas dans tel ou tel cas particulier, mais pour la majorité des Français, c’est non en ce qui concerne les grands-mères, en tous cas ! C’est la surprise que nous avons eu dans un sondage national réalisé à l’occasion de la dernière fête des grands-mères le 1er mars dernier. En effet, selon cette enquête, [ii]une très grande majorité 82,8 % des français - déclarent que les grands-mères d’aujourd’hui doivent être toniques et prendre plus de temps pour elles-mêmes, loin devant le fait de se rendre disponible pour la famille (59%) (1) Déjà complices et proches de leurs petits enfants, ces femmes peuvent donc s’émanciper sans réserve ni complexe !

Pour 41% des Français, la grand-mère est plus jeune, mentalement, que sa propre fille…

C’est un vrai mamie boom qui s’affirme. Et les grands-pères profitent de l’investissement de la grand-mère pour se délaisser de leurs habits d’autorité et se révéler de vrais compagnons de jeux pour leurs petits enfants comblés. A tout âge, et quel que soit le milieu social, c’est désormais leur vitalité qui représente le premier patrimoine familial. Au point que, dans ce même sondage, nous avons relevé un autre chiffre révélateur : 41% des français pense que la grand-mère est souvent plus jeune d’esprit que leur fille-mère ! D’ailleurs, près de 40% des grands-mères déclarent porter fréquemment des jeans… Elles voyagent, surfent sur Internet, lisent et font du sport, bref, elles vivent pleinement.

Ne pas tomber dans le jeunisme

Alors, oui, il serait facile – et dangereux - de tomber dans le jeunisme. On sait que le fait d’accepter son âge est déterminant dans le « bien vieillir. Mais aujourd’hui, être vieux, c’est être en dépendance. Alors, libérés des contraintes qui pèsent sur les jeunes actifs, ces seniors deviennent la force optimiste d’une société morose. Dans une famille ou coexistent trois, voire quatre générations, ils abordent la grand-parentalité sans complexes et sur mesure. Ils sont aussi soucieux de saisir l’occasion pour faire passer des messages à des parents qui sont aussi des enfants qu’ils n’ont souvent pas vu grandir. Ils se préparent à devenir des grands-parents libérés, prêt même à réinvestir le rôle que leurs propres parents ont déjà débarrassé des attributs péjoratifs et désuets.

Ils abordent cette nouvelle page de leur vie avec une situation, une forme et un dynamisme qu’aucune génération n’a connu auparavant. Et n’hésite plus à lever des derniers tabous, comme le fait de s’opposer à l’éducation de leurs enfants, ou de privilégier une relation avec un petit enfant plus qu’un autre, au titre de la primauté du lien et de la parole sur la norme. Cette norme d’autorité et ces rôles prédéfinis que leur génération à déconstruit et que les jeunes parents redécouvrent parfois…

La famille change, le lien remplace la norme.

C’est la famille elle-même qui change. La parole se libère, et chacun veut être lui-même tout en étant avec les autres. Les enfants sont plus autonomes, mais aussi, pour les quadras notamment, plus « classiques » et plus directs. On « dénaturalise » l’aide à ses proches. Elle n’est plus automatique et désormais, le lien compte davantage que la norme. Dans le même élan, tout en recherchant à se faire « enrôler » par leurs enfants-parents pour des gardes et des services, les grands-parents fixent désormais des limites à l’aide quotidienne. Une limite qui vise en réalité à la qualification de leur rôle. Ils préfèrent une complicité choisie avec un petit enfant de 2 ans au baby sitting d’un nouveau né.. Les conséquences se confondent avec le bénéfice. Car la vitalité et la jeunesse de ses parents est aussi un sujet de fierté. Et les seniors peuvent désormais choisir d’être des grands-parents gâteaux ou indignes, pompiers ou créatifs, au choix. Même s’il n’y a plus de rôle prédéfini, mais ils ne sont plus passifs, mais actifs. Plus d’icônes, mais des acteurs.

Acteurs de leur vie, les grands-parents sont libres de choisir leurs styles

Disons plutôt qu’ils sont acteurs de leurs vies, et qu’ils n’hésitent plus à « remonter sur la balançoire » après 60 ans. Il n’y a plus d’incompatibilités entre le fait de vivre, de réaliser ses rêves, voire de refaire sa vie et le fait de se rendre disponible pour sa famille, et particulièrement pour ses petits enfants. Ils sont acteurs de leurs vies comme de la vie de famille.

Il y a une grande diversité de grands-parents. Certains sont corvéables et malléables, d’autres moins, et certains pas du tout. Mais votre question souligne à juste titre le fait qu’ils ne sont plus à la périphérie, mais bien au centre de la vie de famille, notamment depuis le passage de la famille nucléaire (deux parents et leurs enfants) à la famille élargie (plusieurs générations, différents mariages). Les filiations féminines se renforcent aussi dans cette perspective. Car une jeune femme qui se marie ne sait pas si elle sera toujours avec le même homme, mais sait qu’elle aura toujours la même mère… Qui peut être mise à contribution en cas de rupture.

Leur vitalité est devenue un nouveau patrimoine familial.

Leur vitalité est devenue un nouveau patrimoine. Avoir des grands-parents toniques est une source de fierté pour la famille, et ce, au-delà de 100 ans ! Et puis, l’arrivée d’un enfant clarifie les relations mères filles comme les relations pères fils. L’amour qui va aux parents et vient des parents circule et est reçu par les enfants-parents. Mais attention, soumis à une forte pression au travail et au quotidien, les jeunes couples peuvent, dans s’en rendre forcément compte, se révéler parfois d’une sévérité mal comprise avec leurs enfants, il est vrai, parfois insupportables. C’est ce qui explique la cote des jeunes grands-parents babyboomers chez ces petits enfants. A eux aussi de trouver la bonne distance avec leurs enfants-parents, et de ne pas les étouffer. Mais que les parents se rassurent, la proximité qu’ils développent avec les petits enfants est une chance pour leur épanouissement.

Et puis, le bon sens l’emporte en disant qu’ils et elles ont le droit de souffler après une vie bien remplie. Et n’oublions pas, en cette période de crise, l’aide matérielle qu’ils apportent toujours à leurs enfants et à leurs petits enfants, et parfois même, à leurs propres parents vieillissants.

 

Eric Donfu


[i] Eric Donfu, Oh mamie boom, éditions Jacob-Duvernet, Paris, 2007

[ii] Etude et sondage IPSOS / DRS déjà cité.


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4 réactions à cet article    


  • sirius sirius 25 mars 2009 18:03

    MMMMMMMMMMMMMMMMMMMMMM MERCI MON COEUR § POUFFFFFFFFFFFFF


    • Eric Donfu Eric Donfu 25 mars 2009 20:53


      " « Vivre c’est vieillir, rien de plus », constatait Simone de Beauvoir… Une expérience naturelle, inéluctable, pour peu qu’on attende le temps qu’il faut, et partagée par toute l’humanité, si elle a la chance d’atteindre un certain âge. Le vieillissement n’est pas la vieillesse, ni la maladie, et chacun le pratique désormais durant une bonne partie de sa vie, en moyenne entre le tiers et la moitié" débute un article de "La Croix" du 12 février consacré à la question " Ce que vieillir veut dire"
      http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2365414&rubId=25551

      Voilà une belle introduction pour le salon des séniors qui s’ouvre demain porte de Versailles à Paris, non ?
      http://www.salondesseniors.com/


      • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 26 mars 2009 14:14

        C’est du Guitry a la sauce d’aujourd’hui, donc avec une touche feministe. Mon pere avait vraiment raison... Cela dit, il est clair que le jeunisme fait maintenant bien vieux jeu. Voyez l’age des commentateurs un peu marrants sur ce site... et qui va lire ce texte, saux ceux qui se souviennent que "boulevard" n’a pas toujours voulu dire peripherique ? Avec la crise qui est la, l’education qu’on leur donne et le gouvernement qu’on s’est donne, je ne crois pas que la generation qui s’en vient sera plus drole que celle qui vient d’arriver. Nos enfants seront de doux poete, dans le sens de Jacqes Brel... ;/-)

        PJCA





        • plancherDesVaches 26 mars 2009 15:46

          En effet.
          Ca ne me dérange pas d’être grand-père. Mais coucher avec une grand-mère !!!! Vous imaginez... ????
          Sinon, il est inutile de vouloir la déchéance d’une femme, le temps s’en charge pour vous.
          Et, toujours active sur mon BLOG, comme tous les bons profiteurs d’agora qui font de la pub comme ce site, mon annonce est toujours valable : "échange une femme de 40 ans contre deux femmes de vingt.
          www.blogdecons.fricblog.com
          (garanti avec pub smiley )

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