Perquisition de la DGSI chez Yannick Rousselet, de Greenpeace : ça sent le dérapage très incontrôlé
Nouvel effet pervers d’un état d’urgence prolongé ?, influence de l’irascibilité d’X-Mines aux abois face à la déconfiture prochaine d’EDF ?, disjonctage d’un premier ministre hypersensible sur la question du nucléaire quand l’impuissance le guette sur NDDL ?, vieilles rancœurs des services secrets remontant à la surface ?, un mélange d’un peu tout ça ?, nul n’est en mesure à l’heure actuelle d’établir un diagnostique précis, mais cette histoire risque de faire beaucoup de bruit. La chose semble assurée si l’on se fie à la réaction de Yannick Rousselet, vieux militant et cadre de Greenpeace qui en a pourtant vu des vertes et des pas mûres depuis les piratages informatiques (de l’ordinateur de Yannick Jadot) jusqu’à l’attentat du Rainbow Wairrior : « Quarante ans que je suis dans la maison et je n’ai jamais vu ça. », et plus encore si l’on donne du crédit aux affirmations de Me Faro, avocat de Greenpeace : « nous avons l’impression qu’ils n’ont rien de précis à lui reprocher. Cela ressemble à un poker menteur : ils essaieraient de trouver, dans le matériel perquisitionné, de quoi remplir un dossier encore vide » (Reporterre).
Le déroulé des évènements
Mardi 13 décembre à 8 h du matin Yannick Rousselet subit, à son domicile, la perquisition d’agents de la DGSI qui embarquent tout son matériel informatique, « y compris des disques durs étiquetés photo de famille. Nous l’avons très mal pris, c’est une violation de notre vie privée ».
« #Greenpeace - Ordinateurs, téléphones, clés USB, SD, la #DGSI m'a tout pris. Prétexte : "secret défense". #nucléaire et transparence incompatible » twittera-t-il six jours plus tard. Et sans réaction jusqu’alors de Greenpeace. Apparemment la situation est soit explosive, soit particulièrement déconcertante.
Ce n’est donc que trois jours après le coup de téléphone de la DGSI le vendredi 16, toujours à son domicile, afin d’obtenir des mots de passe, appel au cours duquel il en apprendra un peu plus sur les motifs de la perquisition, et bien après la fin de l’action de Greenpeace devant le siège d’EDF du 14 au 16, que Yannick Rousselet, et Greenpeace, vont réagir publiquement. Soit donc le lundi 19 décembre.
Pour le moment si une partie de la presse, mais seulement régionale, relate les faits, la presse nationale est muette et la presse spécialisée prend son temps. Ce n’est que deux jours plus tard que Reporterre par exemple expose plus largement l’affaire. Tout ça ressemble à ce point fortement à une grenade dégoupillée qu’il vaut mieux être prudent...
Le silence initial de Greenpeace démontre que l’ONG est manifestement sur ses gardes. L’attaque apparaitrait-elle incompréhensible ? Du coté du Réseau Sortir du nucléaire l’indifférence est apparemment totale. Par quasi-autisme désormais chronique ou du fait de sa pusillanimité habituelle. Seul un administrateur du Réseau, Guillaume Blavette, s’est fendu d’une réaction intitulée « Société nucléaire, société policière », non pas sur le site du Réseau mais dans son blog, sur Médiapart.
Quel est donc le contexte de cette perquisition accusatrice, et extrêmement inquiétante si effectivement elle est sans fondement ?
Bref retour en arrière : Le mercredi 14, soit le lendemain de la perquisition dont Greenpeace a forcément été mise au courant par son chargé de campagnes, l’ONG entame, malgré tout, son action spectaculaire de trois jours devant le siège d’EDF : blocage de la porte d’accès à l’immeuble et affichage d’une banderole sur la façade, suivis de projection d’un slogan toujours sur la façade. Manifestement la courageuse ONG ne s’est pas laissée intimider !
Mais la DGSI était-elle informée de cette action et agissait-elle de manière préventive et menaçante, ou s’agit-il d’une coïncidence ? Car enfin si Greenpeace a pu réaliser son action sans être entravée par la Police, c’est bien que celle-ci était ignorante des faits. A moins que la DGSI n’ait pas voulu dévoilé l’existence d’un informateur ou d’une écoute des locaux, et ait tablé sur l’intimidation ? Dans ce cas ce serait une nouvelle fois raté (un précédent ratage concernant le survol des centrales par des drones).
Ou bien la DGSI a-t-elle agi par irritabilité et rancœur, à la faveur de l’irascibilité connue du nouveau Premier ministre sur la question du nucléaire ?
Yannick Rousselet l’a récemment rappelé à Capital, « sur ce sujet [Bernard Cazeneuve] est intransigeant. C’est le seul qui le fait sortir de ses gonds ».
Or - nouvelle coïncidence ? - le même Rousselet, visionnaire mais très agaçant militant antinucléaire aux yeux d'une DGSI vouée à l’obscurité, a récemment eu le droit dans la presse à deux portraits élogieux à quatre jours d’intervalle. L’un intitulé « Yannick Rousselet, l’irréductible antinucléaire » dans le JDD du 6 décembre, et le second dans Ouest-France : « Nucléaire en Normandie : Yannick Rousselet lutte depuis des décennies ».
Comme si d'agacement ainsi il n'y en avait pas suffisamment, pour une fois qu’un des leurs accédait à une notoriété en voyant une de ses photographies sélectionnée en finale du concours du musée d’histoire naturelle de Londres, il a fallu que des membres de Greenpeace aient l’indélicatesse de protester, et demandent sa disqualification sous prétexte que son auteur, reconverti à sa retraite à la photographie animalière, n’était autre qu’Alain Mafart, condamné à 10 ans de prison pour l'homicide d'un photographe de Greenpeace en 1985 dans l’affaire du Rainbow Wairrior.
Mais tout cela aurait-il suffi pour qu’à la faveur de l’état d’urgence le sang de la DGSI et de notre Premier ministre ne fasse qu’un tour ? L’avenir nous le dira peut-être si des journalistes parviennent à dénouer l’écheveau des motivations de la grande muette, dont on peut imaginer la frustration qui fut déjà la sienne dans la tentative de résolution du mystère des survols de sites nucléaires par des drones à l’automne 2014, et probablement à cause de nucléaristes chevronnés qui lui indiquèrent une mauvaise piste en accusant sans preuve Greenpeace d'en être à l'origine.
Mais en attendant, si vous avez des actions chez EDF, vendez !, car ça va dévisser.
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