Qu’est-ce que les « droits opposables » ?
C’est une notion nouvelle qui vient d’apparaître dans la politique, et en particulier dans les nouveaux droits sociaux, que Nicolas Sakozy vient de proposer dans le cadre de sa campagne pour les présidentielles. C’est sans doute aussi une notion que les juristes connaissaient bien mais que le grand public comme moi-même découvrons à cette occasion. De quoi s’agit-il donc ?
Un droit opposable est un droit que l’Etat accorde à ses administrés mais qui, au lieu de ne jamais rentrer dans les faits comme c’est malheureusement le cas souvent, peut être, après une durée définie de non-exécution, réclamé en Justice par ledit administré. L’Etat ou les collectivités locales seront alors tenues de s’exécuter ou, je suppose, pourront être condamnés à des compensations financières lourdes pour cette non-exécution.
Essayons d’entrer un peu plus dans la pratique. Nicolas Sarkozy a proposé de rendre opposable le droit à l’hébergement, celui à la garde des enfants, celui à la prise en charge de la dépendance et surtout celui au logement. Tous droits qui existent déjà, mais qui demeurent souvent des voeux pieux, faute de budgets nécessaires à les mettre en place et parfois de la mauvaise volonté affichée de l’Etat lui-même, des régions ou des maires de villes.
Toutes celles ou ceux qui ont besoin d’une place en crèche savent que leur nombre est très limité, qu’il faut s’inscire longtemps par avance et que très souvent les horaires d’ouverture ne correspondront pas à leurs obligations. Ceux qui ont des parents dépendants connaissent aussi les difficultés pour leur trouver une place dans une maison de retraite médicalisée.
L’autre sujet encore plus sérieux est celui du droit au logement, et en particulier au logement social. Pour l’instant, les communes ont l’obligation d’enregistrer les demandes de logement sociaux, mais le délai d’attribution de ces logements n’est pas borné dans le temps et peut atteindre la dizaine d’années dans le cas de Paris. Les communes ont également une obligation d’atteindre une certaine mixité sociale en construisant justement un certain pourcentage de logements sociaux, ce que, dans une très grande majorité des cas, elles ne font pas.
Avec l’opposabilité de ce droit au bout de cinq ou dix ans, la collectivité locale qui n’aura pas fait le nécessaire pour pouvoir respecter les engagements de l’Etat dans ce domaine pourra être attaquée en Justice et condamnée automatiquement. Cela ne va pas créer de logements sociaux du jour au lendemain, mais cela va forcer lesdites collectivités à mettre en place des plans à long terme de construction de logements sociaux, de construction de crèches, de construction de maisons pour personnes âgées dépendantes, etc. Sinon il faudra indemniser lourdement l’administré à qui la collectivité concernée n’aura pas fourni la prestation à laquelle il avait droit.
En d’autres termes, il faudra passer des promesses aux actes, de droits fictifs à des droits réels. Redoutable perspective pour nos hommes politiques qui devront assumer leurs promesses électorales ou leurs lois démagogiques. Car la difficulté, qui ne va pas changer par le changement de statut de ces droits, sera toujours de trouver les moyens financiers des idéaux de justice et de fraternité que l’on s’est donnés.
Cette proposition était une suggestion du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, reprise par le candidat UMP et saluée par nombre d’associations à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. Elle existe déjà (pour le logement) dans d’autres pays comme l’Angleterre et l’Ecosse.
Cette différence entre idéaux et réalité, entre promesses électorales et actes, que l’institution de cette notion d’opposabilité va faire apparaître, est connue de tous électeurs, hommes politiques et surtout ayants droit. Elle provient de la différence entre le manque de moyens des Etats impécunieux et les ressources que nécessitent la mise en place d’idées forcément généreuses mais dont on n’envisage pas l’ampleur au moment où on les institue, comme le RMI, la couverture médicale généralisée, ou l’ aide pour l’autonomie. Le risque de la mise en place de cette notion d’opposabilité est que nos hommes politiques, soit en fixent la mise en place à très long terme, soit deviennent moins idéalistes dans leurs discours... Ce qui serait quand même un pas en avant, dans les deux cas.
A suivre pendant la campagne des présidentielles...
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