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Réforme ferroviaire : les raisons d’une grève

Une réforme ferroviaire de très grande ampleur est en préparation. Après les assises du ferroviaire au 2ème semestre 2012, le rapport Bianco paru en avril 2013 a fait un certain nombre de recommandations, pour une loi qui serait votée au 2ème semestre 2013 et une mise en œuvre effective au 1er janvier 2015.

Opposés aux principes énoncés par le rapport Bianco comme avant lui par les assises du ferroviaires, les cheminots ont répondu nombreux à l’appel à la grève unitaire de l’ensemble des syndicats de la SNCF ( 9% de grévistes selon la CGT, 33% selon la direction de la SNCF).

Retour sur les raisons d’un conflit social qui ne fait que commencer :

Les ratés de la réforme de 1997.

SNCFRFFF.jpgDepuis la réforme de 1997, les voies ferrées et la dette attenante (coût de la création des LGVs principalement) sont la propriété de RFF.

Mais les personnels concernés n’ont pas été transférés et sont toujours à la SNCF, au sein de la Branche Infrastructure (maintenance du réseau) et de la Direction de la Circulation Ferroviaire (exploitation du réseau).

RFF délègue à la SNCF, moyennant une convention révisée chaque année, la maintenance du réseau à la SNCF.

Les nombreux ratés de cette situation, où deux établissements publics ont pour client / fournisseur quasi exclusif un autre établissement public, et où chacun est prié par le même actionnaire de faire des bénéfices - sur le dos de l’autre par conséquent - ont été pointés tant par les syndicats que par l’Etat ou que par les directions des deux établissements ; notamment à l’occasion des assises du ferroviaire. Le rapport Bianco confirme cette analyse.

La dette a été sortie des comptes de la SNCF, ce qui lui a redonné une réelle marge de manœuvre financière (prêt de 400 millions d’euros de bénéfice en 2012) et de nouvelles capacités d’investissement. A l’inverse, RFF croule sous les dettes, qui s’accroissent de prêt de 2 milliards d’euros par an ; principalement en raison du service de la dette existante et des besoins de nouveaux investissements dû à la création de nouvelles lignes LGVs.

Le système tel qu’il est n’est effectivement reconnu viable par personne, ni l’état, ni la direction, ni les syndicats.

La restructuration prévue par le rapport Bianco.

La réforme prévoit de regrouper RFF et les branches de la SNCF qui ont la gestion délégué par RFF de l’infrastructure : la Direction de la Circulation Ferroviaire (exploitation du réseau) et l’Infrastructure (maintenance du réseau) au sein d’un nouvel établissement public appelé pour l’heure GIU pour Gestionnaire de l’Infrastructure Unifié.

Le rapprochement de RFF, la DCF et l’Infra est une bonne chose, souhaité par tous. Mais pour les cheminots, pas au prix d’un éloignement de la Branche Infra et de la DCF du reste de la SNCF.

Le rapport Bianco prévoit en effet la création d’un EPIC « Transporteur » au côté de l’EPIC « GIU » qui reprendrait les autres branches de la SNCF (Proximité, Voyageurs, Géodis-Fret et Gare &Connexion). Au dessus des deux EPIC « filles », il prévoit un EPIC mère qui assurerait la cohésion stratégique, financière et sociale de l’ensemble.

Si le projet n’est aujourd’hui pas défini dans les détails, il suscite plusieurs inquiétudes et interrogation, voire refus catégorique de la part des cheminots et leurs syndicats :

Il faut noter tout d’abord que le nom « SNCF » n’apparaît nulle part dans le projet. La SNCF actuelle serait-elle le « Transporteur » ou l’ « EPIC mère » ? La question n’est certes que symbolique, mais compte tout de même.

La sortie de l’Infra et de la DCF de la SNCF est vécue comme une étape supplémentaire et majeure du morcellement déjà en court au sein de la SNCF. Aujourd’hui, les différentes activités Voyageurs ( TGVs et Intercités), Proximités ( TER et Transilien), Géodis (Fret) sont de plus en plus séparées. Un guichetier Voyageur ne peut plus vendre de billets TER, et on peut simultanément manquer de conducteurs RER et avoir un surplus de conducteurs Teoz. Des trains ne partiront pas, tandis que des conducteurs resteront au foyer… Sortir officiellement deux branches de la SNCF est une étape de plus dans cette direction que les cheminots dénoncent depuis longtemps. A titre d’exemple, dans de petites gares de province, on peut être à la fois guichetier – chef de gare – aiguilleur. Que deviendront-ils si leurs missions appartiennent à deux établissements différents ?

Le devenir des filiales de la SNCF n’est pas évoqué dans la réforme. Il ne s’agit pas d’une question anecdotique. La SNCF possède 657 filiales. Parmi elle, Geodis est une des principales entreprises de logistique en Europe et notamment de transport fret par camion ; Keolis est une des principales entreprises privées de transport voyageur opérant car, bus, métro et tramway. Cela concerne plus de 100 000 salariés du secteur privé, au-delà des seuls cheminots.

La question de la dette n’est pas résolue. Si le rapport Bianco espère des économies dues aux synergies nouvelles du regroupement RFF, DCF, Infra, elles ne suffiront pas à combler les 30 milliards d’euros de dettes de RFF, qui resteront vraisemblablement au nouveau GIU.

Mais surtout, alors que l’ouverture à la concurrence du trafic voyageur doit être total à l’horizon de 2019, la réforme sépare d’un côté ce qui ne peut pas être soumis à la concurrence (l’infrastructure) de ce qui sera totalement soumis à la conséquence (le Transporteur), faisant perdre à l’opérateur historique SNCF toute son expertise et ses compétences particulières d’entreprise intégrant simultanément l’infrastructure et le matériel roulant. La concurrence ne pouvait rêver plus beau cadeau !

La remise en cause des accords d’entreprise

Le rapport Bianco préconise la création d’un cadre social harmonisé à toute la branche ferroviaire (SNCF, Entreprise Ferroviaire privées). Les cheminots garderaient le statut SNCF, mais l’accord concernant le temps de travail, travail de nuit, astreinte etc… serait remis en cause.

Un décret-socle serait proposé par l’état, puis serait négocié entre les partenaires sociaux une convention collective nationale applicable à toutes les entreprises ferroviaires (fret, voyageurs, infrastructures) puis des accords d’entreprise.

On imagine aisément que pour les directions tant de la SNCF que des entreprises privés, cette harmonisation sociale se fasse par le bas, et que si les cheminots risquent d’y perdre beaucoup, les salariés du privés n’y gagneront vraisemblablement pas grand-chose …

Les propositions de la CGT Cheminots.

La CGT Cheminot a développé un contre projet appelé « la voie du service public ».

  • Transformation de la dette de RFF en dette publique. Cette dette est issue de la création des LGV, un investissement national qu’il appartient à l’état de financer.
  • Intégration de RFF au sein de la SNCF, avec une séparation comptable des activités pour respecter les normes européennes. C’est peu ou prou le modèle allemand où le gestionnaire du réseau DB Netz est une filiale de la Deutch Bahn. La commission européenne a perdu le procès intenté à l’Allemagne contre ce modèle.
  • L’accord d’entreprise SNCF (le RH 77 en jargon interne) comme socle commun de l’accord de branche des travailleurs du ferroviaire.
  • La création d’établissement multi-activités à l’inverse des séparations actuelles pour mutualiser au maximum les moyens et les savoir faire de la SNCF.

Article initialement paru sur le blog de Pingouin094


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10 réactions à cet article    


  • chapoutier 2 juillet 2013 10:39

    la population à besoin d’un véritable service public ferroviaire .
    le service public est antinomique avec la recherche de profit et de rentabilité.

    certain ont la mémoire courte, mais il était une fois une ’’SNCF’’ qui fonctionnait parfaitement avec des trains à l’heure, les gares n’étaient pas désign ni les uniformes, mais il y avait un vrai sens du service au citoyen et la circulation des trains n’étaient pas bloqué par les feuilles mortes en automnes sur les voies, ni par des feux de végétations sur les talus en été, car il y avait du personnel d’entretien contrairement à maintenant car ces personnels d’entretien ont été transformé en agent d’accueil.

    alors oui au véritable service public de qualité et non aux entreprises cotées ( bientot ???) au cac40


    • bnosec bnosec 2 juillet 2013 13:06

      Les cheminots ont pourri le système de l’intérieur à force de grèves et de j’en fous le moins possible. Ceux qui ont eu l’occasion de les voir au travail ne peuvent qu’approuver. Allez dans un dépot SNCF et admirez le « travail »...
      Alors oui certains sont pleins de bonnes volonté, mais si peu...


      • Pere Plexe Pere Plexe 2 juillet 2013 15:28

        Mais alors pourquoi AUCUNE autre société de transport ferroviaire n’a prit sa place ?

        Surtout dans le fret,marché « ouvert » depuis des années.
        La réalité est que le ferroviaire à été déliberement sacrifié aux lobbys de la route par Bruxelles.

      • bnosec bnosec 4 juillet 2013 08:19

        La SNCF perd chaque année un peu plus de parts de marchés sur le fret...


      •  C BARRATIER C BARRATIER 2 juillet 2013 17:21

        Si on ne sait pas faire ou plus faire, pourquoi ne pas tout vendre à quelqu’un qui sait faire et qui le fait, les allemands par exemple ? A quoi sert l’Europe si on ne peut pas se donner la main ?
        Quel intérêt pour le voyageur à avoir des trains français, du déficit français ? Le train français a perdu le fret, ne sachant pas faire ou ne réussissant pas à faire. J’ai l’impression de me trouver devant un panier de crabes qui gigote sans produire.
        Le TGV par contre va bien....Il faudrait garder ce savoir faire et réduire la SNCF au TGV...ce qui n’est pas si mal !


        • Pere Plexe Pere Plexe 2 juillet 2013 17:37

          Le fret ferroviaire,dans les conditions imposées par l’UE est forcement non rentable.

          SNCF DB Véolia ou tout autres cela ne change rien à l’affaire.
          Pour le TGV sa « rentabilité » est une question d’écriture ( entre autre l’amortissement des infrastructures spécifiques).
          Reste que c’est le dernier succès ferroviaire.
          Succès qui à 30 ans et ne serait plus possible aujourd’hui avec une entreprise qui gère les voies et une autre les trains.

        • taktak 2 juillet 2013 19:24

          Article intéressant. Merci de ces explications qui sont nécessaires.

          Je ne comprend pas pourquoi cet article s’échine à éviter l’origine de cette réforme - et de la précédente qui a vu la création de RFF : l’UE capitaliste qui par ses directives capitalistes force à la mise en cause des entreprises publiques assurant les services publics pour permettre une libéralisation et une mise en concurrence qui vise à l’institution de monopole privés.

          La privatisation et le morcellement des services publics de transports (aussi bien dans le domaine du chemin de fer que dans celui de l’infrastructure routières), de télécommunication (poste et télécoms), de l’énergie (EDF-GDF) tout cela nous y sommes contraints par notre appartenance à cette UE capitaliste.

          Alors je sais que les directions du FdG et de la CGT, membres respectivement du Parti de la Gauche européenne et de la Confédération Européenne des Syndicats refusent de mettre en cause la construction européenne. Et pour cause, l’appartenance à ces structures financées en partie par l’UE suppose de défendre la construction européenne....
          Mais il est plus que temps d’adopter une position offensive de défense des intérets des travailleurs ce qui suppose de nous sortir de ce carcan qu’est l’UE capitaliste.
          Dénoncer ce projet en particulier (identique à tout les autres du même accabi que je viens de citer) sans dénoncer l’UE, c’est comme se plaindre du coup de couteau que l’on reçoit sans mettre en cause le criminel qui le porte.

          Camarades du FdG, il est plus que temps d’adopter la seule position sérieuse, efficace et offensive qui vaille pour défendre la classe des travailleurs : sortie de l’UE et de l’Euro par la gauche, sortie de l’Otan pour la sortie du capitalisme. C’est bien ce que défend le PRCF.


          • Pingouin094 Pingouin094 3 juillet 2013 16:39

            Je ne m’échine pas à éviter l’origine de la réforme. Je ne fais que l’évoquer pour plusieurs raisons :

            1°] La réforme actuelle n’est que très partiellement en lien avec le récent vote du 4ème paquet ferroviaire. Elle est surtout en lien avec les « ratés » de la réforme de 1997 que j’explicite, réforme effectivement dû au 1er paquet ferroviaire. Mais ça remonte à 20 ans, je ne fais pas un court d’histoire et pré-suppose que les lecteurs sont à peu prêt au courrant que depuis 20 ans, le ferroviaire est ouvert à la concurrence, mais pas forcemment au courrant de certains détails que j’explicite.
            2°] L’article a essentiellement pour but d’analyser les conséquences de la réforme proposée. Je ne l’écris pas en tant que militant du FdG, mais en tant que cheminot, travaillant dans la branche Infrastructure et donc impacté au 1er chef, tant par les ratés actuels que par la réforme.
            J’ai voulu ouvrir en évoquant les propositions de la CGT. Ensuite, en tant que syndicat, la CGT fait des contre-proposition dans le cadre légal, l’UE. Il ne lui appartient que peu - en tant que syndicat - de remettre en cause ce cadre légal, même si chacun sait que la CGT y est opposé.

            Enfin, le FdG remet en cause l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, comme de l’ensemble des services publics, et remet en cause l’UE dans ce cadre. Pour plus de détail, lire l’article de mon blog : « Réformer l’UE, Nous, on peut ! » 


          • escartefigue 4 juillet 2013 08:33

            La SNCF est elle un nouveau parti politique ? 


            L’ auteur , communiste , parlant du FDG  en filigrane de ce papier pourrait 
            le laisser penser . 

            Une entreprise , n’ importe laquelle ne doit  pas  confondre  politique avec 
            rentabilité et toutes ces choses qui font tourner une boîte ayant pour but 
            de gagner de l’ argent . 



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