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Accueil du site > Actualités > Société > Requiem pour Seventies

Requiem pour Seventies

"When I was younger, too much younger than today

I never needed anybody's help in any way.

But now these days are gone, I'm not self assured

Now I find, I've changed my mind, I've open up the doors"

              (Lennon/Mac Cartney)

Les filles de 1952 ont 60 ans ! Ce n’est pas, cette fois, la voix gravissime de Vincent Delerm qui nous le chante, mais ça pourrait être celle de son papa s’il n’était pas très occupé à nous écrire que la première gorgée de bière est un plaisir minuscule qui n’a pas de prix ou que, comme l’anti-scribe de Melville, il « préfèrerait ne pas ». Si tant est que la nostalgie des seventies perdues est toujours ce qu’elle était, les enfants du baby-boom se réveillent cette année avec une sacrée gueule de bois de nouveaux sexagénaires !

Comment, pourquoi, mais où est donc Ornicar, toutes les conjonctions de coordination du monde n’y pourront rien changer, enfin c’était hier et aujourd’hui c’est demain, ces lendemains qui déchantent et qu’ils n’auraient même pas osé se projeter en solitaire sur l’écran noir de leurs pires cauchemars point encore climatisés.

Hier, on occupait la Sorbonne, les Clark’s aux pieds et le drapeau rouge haut levé dans la main droite, hier, on faisait tourner sur nos Teppaz les vinyls grésillant des pires mélodies du moment, affalés en bandes désorganisées sur d’improbables moquettes orange en sirotant nos Cocas au goulot de la dive bouteille– et c’est sûrement la seule chose qui perdure au XXIème siècle !

Les bouillants révolutionnaires aux longues boucles brunes et à la barbe obligatoire ont viré subrepticement aux papys gâteaux sinon gâteux, les babas cool sont devenus des bobos chics qui promènent leurs cavaliers King Charles sur les trottoirs du 9ème et leurs désillusions même pas avouées dans les meetings de Mélenchon, les anciens de la Gauche Prolétarienne et de la Fédération Anarchistes votent socialiste sans aucune vergogne ou s’égarent dans les petits chemins qui sentent la noisette de l’écologie même pas triomphante, oui Dany le rouge qui avez pris un grand coup de vert en plus du gris ! Et cela, quand ces ex- héros chevelus ne sont pas déjà remisés dans des hospices (and love), presque chauves et chaussant leurs optic 2000 pour déchiffrer les paroles des ballades de Gérard Lenorman, que de petites infirmières pleines de grâce et de bonnes intentions larvées veulent absolument leur faire reprendre en chœur… Grandeur et décadence, quand tu nous tiens !

Hier, Xenakis nous émerveillait de son polytope de Cluny, vertiges flashant de musique lumineuse et de visions magiques électro-accoustiques à l’angle des Boulevards Saint-Michel et Saint-Germain ; les jeunes filles en fleur de Mai, tresses relevées sur leur pâle beauté, se la jouaient flouté version David Hamilton ; au cinéma de la Huchette, Godard anticipait les dérives ubiquitaires de la publicité de masse, dont il savait deux ou trois choses ; Le Café de la Gare jouait bizarrement le prix de ses places à la roulette et improvisait du burlesque décoiffant, c’était moche, c’était sale, c’était dans le vent ; la culturelle révolution du grand timonier inspirait les chinoises parisiennes qui se prenaient toutes pour Anne Wiazemski, tandis que, côté Art et Essai, le landau fou de Potemkine n’en finissait pas de dévaler les marches du symbole et du grand escalier d’Odessa ; à la gare d’Orsay pas encore musée, Madeleine Renaud campait une Maud indigne et intrépide qui émoustillait les jeunes gens suicidaires ; On lisait, en vrac, Barthes, Lacan, Perec, Duras, et les ulmards conquérants ignoraient encore qu’Althusser finirait emprisonné dans les griffes de la psychiatrie impuissante.

Hou là là, arrêtons le délire, on dirait du Frédéric Mitterrand pur jus !

Quoi qu’il en soit, ite missa est… Et bien voilà, c’est fini, la fête est finie, vous pouvez descendre le leur dire, comme murmurait Franz de Galais au grand Pierrot de la Fête Etrange de sa voix brisée d’enfant trop gâté. Et point fut besoin du coup de pouce menaçant de Sarko pour liquider l’héritage de 68, ça s’est fait tout seul, en suivant son cours - et les pavés comme un boomerang sont revenus dans la tronche de leurs inconscients discoboles.

Que dire, que faire, qu’ajouter ? Que l’espérance de vie court aujourd’hui sur ses nonante ans, qu’il reste donc pas mal de jours et de très longs mois aux calendriers des Postes à venir… Que la crise délétère peut, pourquoi pas, s’ouvrir sur la clairière ensoleillée de cette décroissance solidaire qu’on appelait de tous nos vœux utopistes…Que demain est un autre jour, et qu’on y pensera à ce moment-là, n’est-ce-pas Scarlett O’Hara… Que la descendance n’est pas en reste et sera parfaitement compétente pour continuer à faire rien que des bêtises, c’est quand même une idée encourageante…Que tout est dans tout et réciproquement, que Monseigneur l’astre solaire continue de briller – enfin pas aujourd’hui mais c’est un simple accident de parcours – et qu’il faut mieux raconter n’importe quoi plutôt que s’apitoyer sur son même pas triste sort…

Le monde est gris, le monde est bleu, psalmodiait quelqu’un qui n’a pas notre chance… Nous sommes venus, nous avons vu et bu et fumé et rêvé et chanté, nous avons vécu… What else, vous reprendrez bien un peu de café ???


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7 réactions à cet article    


  • Georges Yang 23 mai 2012 09:26

    Comme un naze dans la ville ! Hélas


    • Georges Yang 23 mai 2012 09:31

      http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ensemble-tout-etait-possible-38382

      Les utopies vieillissent mal, elles n’en sont pas moins nécessaires


      • Caroline Courson Caroline Courson 23 mai 2012 09:59

        Je viens de lire votre article sur Mai 68 qui est passionnant, et semble avoir suscité beaucoup de débats !


        Je manque de temps pour le continuer...

         Mais aucune idéologie dans mon article à moi, aucun jugement, juste quelques souvenirs précis,quelques faits (même pas d’arme !), et un petit clin d’oeil à une époque définitivement envolée - je n’ose pas écrire perdue !

        That’s all, folk...

      • bakerstreet bakerstreet 23 mai 2012 11:03

        Mais non, rock and roll is never died !
        Suffi de respirer un peu de patchouli, de mettre Dylan sur la platine.
        De monter dans une deudeuche
        En machant un Hollywood chewing gum !


        • Caroline Courson Caroline Courson 23 mai 2012 22:27

           smiley !!!! Always alive...


        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 23 mai 2012 11:27

          Et pendant que ces étudiants révolutionnaires accédaient aux pouvoirs , le prolo , lui ,se désespérait de ces billes en cour .


          • egos 12 juin 2012 10:53

            L’introduction plante avec élégance le décor de la scène , elle fut à la mesure de l’orgueil blessé d’une nation se représentant cultivée autant qu’ insoumise.

            Dcd revendiquait l’ascendant libertaire qu’exprimait la jeunesse anglo-saxonne à travers sa musique : « nous écoutions les Stones , ils nous influençaient. »
            (Jagger évacua le sujet quelques décennies plus tard, sur le mode laconique teinté de cynisme par ces quelques mots : la jeunesse est l’époque de la révolte.)

            « Yesterday dont matter if it’s gone »

            Un de leur standard, Street Figthing Man, récupéré par les émeutiers de Detroit dont ils firent leur hymne en 67, fut interdit de diffusion par les autorités us, s’ensuivirent la révolte étudiante de Berlin qui gagnât tout le pays, puis début 68 l’Italie.

            Le pays qui pourtant egorga un jeune reine, corseté de grisaille et de bigoterie contrainte, se devait de laver l’outrage, tel fut le cas.

            L’information circulait pourtant, du moins par ceux qui séjournèrent à Londres à cette époque , ville ou les sens se grisaient dans la même liesse licencieuse que rapporta le poète dont la stèle , sise à portée de voix du Théâtre de la Ville et du Chatelet perpétue la légende.
            Les embruns de la nuit, les tavernes et de la boisson associée Beefeaters y affranchissaient les coeurs et les corps des barrières de la condition socile pour ne pas dire d’âge et de genre, rendant encore plus saisissant le contraste de la réglementation Parisienne et de ses sergent Ville, et que dire des tracas rencontrés lors de son séjour dans le Valois.

            La puissance évocatrice du Summer of Love Californien de 67 (certains se plaisent à lui donner le visage de Michelle Philips, ce fameux cliché ou remontant un sentier que l’on devine dominer la baie, la beauté ineffable de ses traits parait éclose de l’aube) ne fut pas non plus san influence.

            « catch your deams before they slip away »

            Le gap fut comblé d’un trait, par quelques révoltés et nombre d’images, Béjart et le Living Theater à Avignon en 68, ce ne fut par rien, la place St Michel bloquée par plusieurs rangées de CRS (l’Odéon, plus haut, devait être occupé) la tension et l’atmosphère électriques de la situation.

            Le marché aux fleurs de l’Ile de La Cité, son romantisme, l’air léger du Boulevard St Michel, les bancs du jardin du Luxembourg sous la tenture de quelques saules.

            Tenteriez vous de réveiller les démons qui sommeillent ?
            Peine perdue , ne demeurent dans ces lieux, que les fantômes d’une époque défunte.
            C’est mieux ainsi, n’est pas !

            Un seule vie, celle là,
            N’est pas largement suffisant ?



            nb : le Polytope (2 ?) Xenakis, Abbaye de Cluny, envoutant

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