Tout cela a donc donné des idées aux grands argentiers des clubs européens et les derniers jours ont été particulièrement fructueux en annonces : Lyon a cassé sa tirelire (24M€, plus gros transfert de l’histoire du club) pour Lisandro Lopez le joueur de Porto, Barcelone prévoit un échange avec l’Inter de Milan, Eto’o contre Ibrahimovic et un petit chèque de 40M€, Emmanuel Adebayor part d’Arsenal pour rejoindre Manchester City pour 35M€…
Ce qui frappe tout d’abord ce sont les montants très importants dépensés, lors de ce mercato : la crise connaît pas semble-t-on nous dire, comme si le monde du football était déconnecté du reste de l’économie. En outre au-delà des transferts stricto sensu les salaires annoncés pour plusieurs joueurs, au-delà de 8M€ annuels nets, sont particulièrement élevés.
Le second aspect à noter est la tournure de plus en plus conflictuelle que semble prendre le marché des transferts ; il suffit de citer l’exemple de Ribéry, ou bien dans un contexte franco-français le cas Gignac qui souhaite partir de Toulouse à Lyon. Refus des joueurs d’assister à des entraînements, déclarations et contre déclarations, blessures fictives, c’est Dallas sur gazon. Dans tous ces cas les contrats signés par les joueurs semblent être des chiffons de papier qui n’ont pas d’autre objectif que d’être déchirés.
Tout cela dessine un paysage très étrange surtout dans le contexte macro-économique actuel. Rappelons par exemple que l’endettement des clubs anglais et espagnols est abyssal ; toute entreprise gérée de la même façon aurait fait faillite depuis longtemps. Les clubs anglais vivent sous la perfusion de BSkyB, le détenteur des droits de retransmission de la Premiere League et sont suspendus au bon vouloir de quelques oligarques tels Abramovich (Chelsea) et autres richissimes émirs tels le milliardaire Sulaiman Al-
Fahim (Manchester City). En Espagne la situation est tout simplement terrifiante avec un endettement de près de 3.5MM€ pour les 20 clubs de l’élite, dont plus de 550M€ pour le seul Real… Alors on peut compter sur la vente des maillots de C Ronaldo ou des porte-clefs
Benzema pour résoudre le problème mais cela ressemble à un vœu pieu.
Non, tout cela est caractéristique
d’une incroyable bulle : on dépense des sommes colossales en espérant que les revenus futurs et l’appréciation des actifs – les joueurs – permettront de rembourser les dettes. Tant que la confiance est là et que tout le monde joue le jeu ça se passe bien…
mais les bulles éclatent toujours car un moment un petit grain de sable vient gripper la machine. Dans le cas du football cela pourrait venir d’obligations financières plus contraignantes imposées aux clubs à l’image de ce qui existe en France via la
Direction Nationale du Contrôle de Gestion et dont l’UEFA semble vouloir s’inspirer ou de rentrées TV moins importantes. En effet étant donné le contexte d’effondrement des recettes publicitaires pour les chaînes de TV en clair, cela est loin d’être improbable. La difficulté qu’a eue la Ligue 1 à vendre les droits de la
coupe de la Ligue - baisse de 20% des droits - en est un exemple intéressant.
Cette bulle est évidemment alimentée par la cupidité des clubs, gérés parfois comme des fonds spéculatifs plus que des associations à but sportif (faut-il rappeler qu’en 2001 le Real, déjà lui, au bord du gouffre avait dû vendre ses installations sportives pour éponger sa
dette) et aussi, il faut le dire, par les joueurs et leur entourage. Les joueurs ont bien compris que ce contexte leur est favorable : ils peuvent doubler leur salaire d’un club à l’autre, toucher de très grosses indemnités de transfert, leurs agents peuvent gagner des millions d’euros sur une seule opération… Alors les contrats n’ont plus grande valeur… de même que les déclarations d’amour du maillot : tel joueur qui déclare qu’il ne quittera jamais son club peut affirmer le lendemain qu’il veut rejoindre un autre club « dont il rêve depuis son enfance » ; tel autre joueur « affirmera son attachement pour la vie » à un club qu’il sait qu’il va quitter (Kaka le 2 juin 2009 : "
Je le dis pour la dernière fois : je ne veux pas quitter Milan. Je préfère être discret actuellement de peur que mes propos soient mal interprétés". No comment). Et dans ce grand monopoly (repassez toujours par la case départ) les clubs ne sont pas en reste puisque le mot « intransférable » veut surtout dire « vous allez devoir payer très cher ».
Ce qui sans doute le plus triste ici c’est que ces grandes stars du foot sont les idoles de beaucoup de jeunes et que ces comportements mus par le seul appât du gain ne constituent pas vraiment une illustration « des valeurs du sport » auxquelles on aime tant faire référence, comme si on voulait se convaincre qu’elles existent encore. Mais le foot n’est-il pas devenu un spectacle avant d’être un sport ?
Pour l’instant le foot system continue donc de se doper aux bulles de champagne avant la bulle n’éclate ; tant que la fête continue il faut en profiter.