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Accueil du site > Actualités > Société > Très respectueusement, NON, Monsieur Canivet

Très respectueusement, NON, Monsieur Canivet

La campagne présidentielle se poursuit avec un discret silence sur les problèmes institutionnels de la justice. Pour François Bayrou ou Ségolène Royal, il semble s’agir avant tout d’une question de moyens. Nicolas Sarkozy en reste surtout aux aspects répressifs... Dans l’ensemble, la prétendue « petite réforme » en cours semble décevoir, et le résultat final pourrait s’avérer encore moins favorable pour les actions des justiciables. Sur cette « réforme », concrétisée récemment par une loi organique sur la magistrature et une loi sur la procédure pénale, aucun candidat ne s’exprime vraiment. Les citoyens seraient-ils exclus du véritable débat ? On peut éprouver une certaine inquiétude à la lecture d’un discours du 3 février du premier président de la Cour de cassation, nommé jeudi dernier au Conseil constitutionnel et pour qui « dans le combat (...) rien ne remplace le débat citoyen ni l’engagement politique » , mais « aux juges, il revient de construire (...) un Etat de droit ». Même si elle a été émise à propos de l’abolition de la peine de mort, une telle appréciation peut très respectueusement choquer les citoyens qui pensent que la construction d’un Etat de droit revient au peuple et à ses représentants élus.

L’absence, à ce jour, d’un réel débat sur la justice dans la campagne présidentielle semble être une évidence difficile à nier mais tout aussi difficile à expliquer. Elle peut même inquiéter, si on pense au « Pacte pour la Justice » proposé, directement aux candidats à l’élection présidentielle, par l’Union Syndicale des Magistrats demandant notamment « une pause dans les réformes ». L’avenir institutionnel de la justice serait-il traité dans des cercles restreints, loin de la portée de la grande majorité de la population ?

Ce n’est pas une inquiétude isolée. Lundi, sur Agoravox, des articles d’Isabelle Debergue et de Carlo Revelli abordaient deux signes de l’affaiblissement progressif des apparences d’impartialité institutionnelle et des moyens du contrôle citoyen : les nominations au Conseil constitutionnel et le vote électronique. Un internaute a écrit dans les commentaires : « Dans les deux cas, à terme, les citoyens n’ont qu’à la fermer. Des superingénieurs qui savent tout leur diront : "Taisez-vous, vous ne comprenez rien au vote électronique, au traitement des données...". Des superjuristes qui savent tout nous disent déjà : "Taisez-vous, vous ne comprenez rien au droit, aux institutions..." ». Un tableau dont, malheureusement, on perçoit au quotidien de plus en plus de manifestations.

C’est dans ce contexte qu’à la fin de son discours prononcé au 3ème Congrès mondial contre la peine de mort le 3 février dernier, Guy Canivet a déclaré :

« Dans l’avancée des civilisations, dans le progrès des démocraties, les juges ont, comme les politiques, un rôle actif à jouer.

Bien évidemment, dans le combat pour l’abolition, rien ne remplace le débat citoyen ni l’engagement politique. L’exemple français de 1981 en est l’éclatante illustration.

Mais aux juges, il revient de construire, dans la communauté des nations, un Etat de droit d’où la peine de mort est par principe et à jamais exclue. »

(fin de citation)

Le problème réside dans cette séparation des rôles : aux citoyens, les mobilisations et l’engagement politique ; aux juges, la construction de l’Etat de droit. Un partage que les premiers peuvent difficilement accepter, si on considère que le pouvoir exécutif et législatif émane du peuple souverain et que, de ce fait, il appartient aux citoyens en tant que collectivité nationale et à leurs représentants élus de définir et construire l’Etat de droit. Aux fonctionnaires doit normalement revenir l’organisation pratique et l’exécution des tâches de cet Etat défini et construit par les citoyens et par leurs élus. Quant aux « experts », ils sont censés aider le peuple mais en aucun cas se substituer à lui sur le plan de la souveraineté nationale.

C’est peut-être que les actuelles structures de l’Etat français se prêtent à trop de malentendus. A commencer par le rôle multiple et multiforme du Conseil d’Etat, qui : a) fournit des conseillers de ministres et des dirigeants de grandes administrations ; b) conseille le gouvernement dans l’élaboration de lois et décrets ; c) juge les litiges du gouvernement et des administrations. Trois rôles qu’il serait sans doute salutaire de séparer sur le plan institutionnel et des carrières, comme l’ont déjà proposé les articles d’Isabelle Debergue des 13 septembre et 19 février. Mais n’y a-t-il pas également un problème politique grave lorsque, sans être particulièrement contré par les parlementaires, le Garde des sceaux laisse entendre devant l’Assemblée nationale et le Sénat que la réforme de la justice doit être l’affaire des « professionnels » ? Une telle conception, poussée à ses conséquences ultimes, reviendrait à assigner aux citoyens un rôle d’exécutants pour lequel ils n’auraient même pas besoin d’une éducation autre que l’enseignement utilitaire destiné à « trouver un emploi » le plus rapidement possible.

D’autre part, les discours de la campagne présidentielle, faute de proposer des moyens d’empêcher vraiment les délocalisations, pointent de plus en plus vers une politique de développement d’activités industrielles et technologiques hautement qualifiées. Dans ce cas, il serait urgent d’impartir à l’ensemble de la population un enseignement du plus haut niveau possible. Mais peut-on vraiment apprendre les sciences et les technologies modernes, sans recevoir en même temps une formation culturelle et philosophique globale, ouvrant également la voie à un total exercice de la citoyenneté ? Mon article du 23 juin proposait d’éliminer le chômage par la généralisation d’un haut niveau d’instruction, sur la base de deux points essentiels :

« - Au lieu de fomenter le chômage pour entretenir la machine à dumping social, supprimons-le entièrement par la généralisation d’un enseignement obligatoire de haut niveau. Fournissons aux jeunes une culture pluridisciplinaire conséquente, au lieu de les jeter dans le marché du travail dans le seul but malthusien de « chasser des vieux de cinquante ans ».

- Garantissons à tous les citoyens un réel accès permanent au savoir et à l’éducation, leur permettant de concourir directement à la gestion effective du pays. Supprimons la filière ENA et remplaçons-la par une voie de recrutement citoyenne dans l’accès aux instances dirigeantes de l’administration. Transformons les administrations elles-mêmes, les tribunaux dont elles dépendent, le Conseil d’Etat... dans le sens d’une plus grande ouverture à la majorité des citoyens et d’une participation directe de ces derniers. »

(fin de citation)

Il me semble que ces propositions restent toujours d’actualité.


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28 réactions à cet article    


  • Dominique Dutilloy Dominique Dutilloy 27 février 2007 11:12

    Mais, ne conviendrait-il pas de :

    - changer la justice de fond en comble, en rendant incompatible la nommination d’un haut magistrat au Conseil Constitutionnnel ?

    - changer la justice de fond en comble, en obligeant celle-ci à faire la preuve de la culpabilité ou de l’innocence d’une personne mise en examen, alors, que c’est le contraire actuellement ?

    - changer la justice de fond en comble, en mettant, à la tête du Ministère de la Justice, un homme issu des métiers de la Magistrature, faisant partie de la société civile, et, surtout, doté d’un droit de réserve ?

    Par ailleurs, empêcher les délocalisations : oui ! Mais, comme au Danemark, il conviendrait de lutter en mettant en avant le savoir faire français dans bien des domaines comme la recherche, l’aéronautique, la médecine, les industries et la gastronomie...


    • Vincent (---.---.218.96) 27 février 2007 12:08

      « changer la justice de fond en comble, en rendant incompatible la nomination d’un haut magistrat au Conseil Constitutionnnel »

      Tout à fait d’accord, et je pense que c’est aussi l’avis de l’auteur de l’article, à lire l’ensemble de ce qu’il a écrit :

      http://www.agoravox.fr/auteur.php3?id_auteur=6710

      La même idée ressort très explicitement des articles d’Isabelle Debergue que cite l’auteur.


    • Vincent (---.---.218.96) 27 février 2007 12:14

      « Par ailleurs, empêcher les délocalisations : oui ! Mais, comme au Danemark, il conviendrait de lutter en mettant en avant le savoir faire français dans bien des domaines comme la recherche, l’aéronautique, la médecine, les industries et la gastronomie... »

      Sur ce point, on évite d’aborder le « petit détail » de la délocalisation de la recherche et la technologie. Le problème réside dans la fuite des capitaux, qu’il faudrait avoir le courage d’interdire. Voir aussi cet autre article de l’auteur : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=19287 . C’est justement ce qu’aucun candidat n’a l’intention de faire.


    • Art (---.---.14.196) 27 février 2007 12:27

      Pour ce qui est de la fuite des capitaux, le premier problème est l’Union européenne qui comprend actuellement des pays avec de très bas salaires et standards sociaux. Personne ne propose la moindre mesure à ce nuveau, même pas José Bové.

      Pour le reste, si on va se retrouver de plus en plus sans travail, il est à craindre que, contrairement à toutes les promesses électorales, on prenne également des coups sur le plan de l’éducation.

      Les discours de campagne électorale n’engagent que ceux qui les croient. La réalité est qu’on est déjà traités comme des ignares devant le rester.


    • (---.---.78.240) 28 février 2007 22:52

      « changer la justice de fond en comble, en rendant incompatible la nommination d’un haut magistrat au Conseil Constitutionnnel ? »

      Même les rapporteurs adjoints du Conseil Constitutionnel sont des membres du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes... Alors, on en est vraiment très loin :

      http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/20041104.htm

      http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2005/20051013.htm

      http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/20061026.htm


    • Marie Pierre (---.---.217.51) 27 février 2007 11:51

      « Supprimons la filière ENA » : hier matin, sur France Inter, Ségolène Royal s’est vantée d’être la seule diplômée, dénigrant par cette phrase lapidaire ses adversaires. Pour elle, le seul diplôme valable, c’est celui de l’ENA.


      • Vincent (---.---.218.96) 27 février 2007 12:17

        Au juste, quel « savoir » enseigne l’ENA ? Quelqu’un peut-il nous l’expliquer ? Barella a mis en cause les connaissances de Ségolène Royal en matière de droit, alors qu’elle a été juge administrative avant de devenir avocat. Voir cet autre article de l’auteur : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=18423


      • Art (---.---.14.196) 27 février 2007 12:29

        « Au juste, quel »savoir« enseigne l’ENA ? »

        L’ENA n’est pas là pour transmettre des connaissances très poussées, mais pour propager le pensée unique et la politique unique. Elle forme les exécutants du pouvoir des financiers et des multinationales.


      • Art (---.---.14.196) 27 février 2007 12:33

        La question que soulève l’article est celle de l’exercice effectif de la souveraineté populaire. Mais les « élites » sont-elles prêtes à donner au peuple les moyens d’exercer cette souveraineté ?

        Si nous restons passifs, nous n’obtiendrons rien.


        • Gthi (---.---.156.183) 27 février 2007 12:43

          En tout cas, ce silence politique et médiatique sur les « choses sérieuses » qui se passent en ce moment au niveau des lois sur la Justice a de quoi inquiéter les citoyens que nous sommes.


        • (---.---.76.231) 27 février 2007 13:41

          Il paraît évident qu’il s’agit d’un univers auquel les citoyens ne sont guère invités...


        • Senatus populusque (Courouve) Courouve 27 février 2007 14:26

          Il serait utile d’introduire un enseignement de droit au lycée, mais les syndicats l’accepteront-ils ?

          Par ailleurs, tout nouvel inscrit sur les listes électorales devrait recevoir un exemplaire de la Constitution.


        • (---.---.78.240) 28 février 2007 22:54

          « Il serait utile d’introduire un enseignement de droit au lycée »

          Il faudrait beaucoup plus que cela. A quoi sert de fabriquer des chômeurs incultes, en plongeants dans le marché du travail des jeunes qui ont à peine fait des études ?


        • Anne (---.---.39.193) 27 février 2007 14:21

          Depuis la période Juppé, voir même avant, on adopte sans cesse des lois qui rendent le fonctionnement des institutions, et de la Justice en particulier, de plus en plus expéditif. Avec ce qui peut apparaître aux citoyens comme un risque croissant de décisions bâclées.

          De façon générale, les corporations de magistrats et d’autres fonctionnaires « de haut niveau » ont soutenu ces mesures au nom de l’engorgement des tribunaux, de la charge de travail des administrations... Mais quand a-t-on demandé l’avis des citoyens, des justiciables, des administrés... ?


          • Alex (---.---.100.169) 27 février 2007 16:39

            Quels sont les critères d’apparence d’impartialité des institutions françaises ?

            Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’Etat jusqu’en octobre dernier et nommé au Conseil Constitutionnel en même temps que Guy Canivet, a été président du Siècle en 2005 après avoir souvent fréquenté ce cercle. Lire :

            http://www.strategies.fr/archives/1365/136504901/management_14_le_pouvoir_a _la_table_du_siecle.html

            MANAGEMENT

            STRATÉGIES 1365 du 14/04/2005 (page 49)

            Réseaux

            14-Le pouvoir à la table du Siècle

            Ultrasélectif, le Siècle rassemble la quintessence du pouvoir politique, économique et médiatique. La discrétion de ses membres est à la hauteur de son influence.

            Un mercredi par mois, place de la Concorde à Paris, la fine fleur de la communication et des médias pénètre discrètement dans les salons de l’Automobile club de France. Ce n’est pas l’amour des voitures qui rassemble Maurice Lévy (Publicis), Alain de Pouzilhac (Havas), Serge July (Libération) ou Patrick Poivre d’Arvor (TF1), mais un dîner en compagnie de Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn, Thierry Breton, Claude Bébéar ou Nicole Notat. Tous sont membres du Siècle, le plus prestigieux des cercles de décideurs hexagonaux.

            (...)

            Mais n’entre pas qui veut. La sélection est rude. « On ne choisit pas le Siècle, c’est lui qui vous choisit ! », souligne Étienne Lacour. Présidé en 2005 par Renaud Denoix de Saint-Marc, vice-président du Conseil d’État, le conseil d’administration compte une quinzaine de personnalités comme Denis Jeambar (L’Express), Anne-Marie Couderc (Hachette Filipacchi Médias), Marc Tessier (France Télévisions) et même Nicole Notat (Vigeo). Triées sur le volet, les recrues gardent le statut d’invités pendant au moins un an avant de devenir membres. David Pujadas (France 2), Emmanuel Chain, Édouard de Rothschild ou Jean-François Copé ont, depuis peu, décroché le sésame.

            (...)


            • silex (---.---.45.195) 27 février 2007 17:04

              (message de San Francisco)c’est quoi l’ENA ? une agence matrimoniale ?


              • Guy (---.---.101.79) 27 février 2007 17:45

                L’ENA est l’Ecole Nationale d’Administration créée par De Gaulle en 1945 avec un gouvernement d’union nationale. Elle se présente actuellement comme une « école européenne de gouvernance » avec pour vocation de « former les décideurs publics de demain ». Voir :

                http://www.ena.fr

                L’essentiel de l’actuelle nomenklatura politique, administrative et gestionnaire française est passé par cete Ecole.


              • Guy (---.---.101.79) 27 février 2007 18:04

                Les articles de la presse conventionnelle faisant suite à la nomination de Guy Canivet au Conseil Constitutionnel sont lamentables.

                Aucune analyse critique de la pensée juridique et institutionnelle de ce magistrat. On nous apprend qu’il s’est beaucoup impliqué dans des tâches de gestion, qu’il incite les présidents de juridiction à devenir des gestionnaires... mais rien, par exemple, sur le rôle qu’il a pu jouer dans l’adoption des lois et décrets concernant la Justice depuis sa nomination à la tête de la Cour de cassation en 1999. Des dispositions qui, en phase avec l’évolution de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ont tendu systématiquement à rendre la justice de plus en plus expéditive et sommaire. Voir, à ce sujet, le site : http://www.geocities.com/justiciable_fr .

                Il est intéressant de lire ce texte de Guy Canivet :

                http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/bu lletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2003_1615/n o_576_1658/

                La procédure d’admission des pourvois en cassation

                Bilan d’un semestre d’application de l’article L. 131-6 du Code de l’organisation judiciaire

                par M. Guy Canivet

                Premier président de la Cour de cassation

                (...)

                I - L’instauration d’une procédure de sélection des pourvois en cassation

                Il est donc indispensable que, comme de nombreuses Cours suprêmes des grands systèmes de droit étrangers et, pour les chambres civiles, conformément à une tradition seulement interrompue depuis 1947, la Cour de cassation revienne à un examen préalable des pourvois dont elle est saisie.

                L’expérience a parfaitement montré que si ce mécanisme de régulation de l’accès à la Cour de cassation fait défaut, c’est-à-dire si l’ouverture de la voie de recours pourtant extraordinaire qu’est le pourvoi en cassation est incontrôlé et oblige dans tous les cas, quelle que soit la valeur de la critique, à une décision motivée selon la technique lourde du pourvoi, les moyens humains et matériels de la Cour doivent être multipliés à l’infini pour faire face à un flux de recours en constante augmentation, cette croissance continue des effectifs provoquant une modification de la nature de la Cour et de graves conséquences sur l’unité et la cohérence de la jurisprudence.

                C’est ce qui s’est passé au cours des cinquante dernières années. A une augmentation continue du nombre des affaires, on a, généralement - avec retard et de manière insuffisante -, répondu par des créations de chambres et un ajustement du nombre des magistrats du siège, conseillers ou conseillers référendaires. Une telle augmentation conduisant elle-même à une multiplication des formations de jugements, à une croissance considérable des décisions, donc à un risque de divergences ou d’insécurité de la jurisprudence, elles-mêmes sources de pourvois, d’aggravation des retards et d’allongement des délais de jugement. Ce phénomène cumulatif a, selon André Tunc, fait de la Cour de cassation une institution en crise (Archives de philosophie du droit, Tome 30, la jurisprudence, Sirey 1985, p. 157). Il fallait donc briser le cercle vicieux.

                (...)

                II - Lignes générales et conformité de la procédure d’admission aux principes généraux

                Ainsi, restaurant une procédure d’examen préalable pratiquée depuis la création du tribunal de cassation, en 1790, jusqu’à la suppression de la chambre des requêtes, en 1947, la loi organique n2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, a, par son article 27, modifié l’article L. 131-6 du Code de l’organisation judiciaire selon lequel, désormais, la formation de trois magistrats de chaque chambre de la Cour, « après le dépôt des mémoires », « déclare non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ».

                Cette disposition, analogue à celle par laquelle la loi du 31 décembre 1987 avait institué devant le Conseil d’Etat une procédure préalable d’admission des pourvois en cassation (art. L 822-1 du Code de la justice administrative), permet à la Cour de cassation, en écartant les nombreux pourvois irrecevables ou voués à un échec certain, de se consacrer plus efficacement à sa mission normative et disciplinaire.

                La conformité de ce dispositif aux standards de procédure imposés par la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas discutable. La Cour de Strasbourg a en effet jugé, aux termes de plusieurs arrêts, que « l’article 6 de la Convention n’interdit pas aux États contractants d’édicter des réglementations régissant l’accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice ». La Cour de Strasbourg ajoute : « La réglementation relative à la saisie d’une juridiction de recours vise assurément à une bonne administration de la justice » (Cour européenne des droits de l’homme, troisième section, 9 mars 1999, Aff. S.A. Immeuble groupe Kosser c/ France, requête n° 38748/97 ; Commission européenne des droits de l’homme, 25 février 1997, aff. X... et autres c/ France, requête n° 26561/95 et les décisions citées).

                Par ailleurs, le fait que cette disposition ait été introduite dans une loi organique, par conséquent obligatoirement soumise au contrôle de constitutionnalité, l’affranchit de tout grief à cet égard dès lors que par sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil constitutionnel n’a pas déclaré cette partie du texte contraire à la Constitution.

                (...)

                Le point essentiel est que la décision de non-admission est dispensée de motivation. En elle-même, cette absence de motivation n’est pas contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. On sait que saisie d’un recours par lequel le requérant se plaignait de ce que le Conseil d’Etat s’était borné à reprendre succinctement le contenu du moyen de cassation et à le rejeter en énonçant seulement qu’il n’était pas de nature à permettre l’admission de la requête, la Cour européenne (9 mars 1999, Société Immeuble Groupe Kosser c/ France, précité) a, pour rejeter le grief comme mal fondé, rappelé sa jurisprudence selon laquelle l’article 6 de la Convention n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction supérieure, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès.

                En vertu de l’article 28 de la loi organique, la nouvelle procédure a pris effet le 1er janvier 2002. Compte tenu de la règle selon laquelle les dispositions de procédure sont, en droit transitoire, d’ application immédiate aux instances en cours, elle est applicable, à défaut de dispositions contraires de la loi, aux pourvois formés antérieurement à cette date.

                (...)

                V - Bilan statistique

                Par souci de transparence, il a semblé souhaitable de rendre public un bilan provisoire de la procédure d’admission, telle qu’elle a été pratiquée, depuis sa création, durant le premier semestre de l’année. Ces données sont relatives si on considère qu’il fallu trois mois pour que la procédure d’ admission libère totalement ses effets.

                En matière civile - Dans les chambres civiles, pour le premier semestre de l’année 2002, sur un total de 9448 arrêts, ont été rendues 2626 décisions de non-admission, soit un pourcentage de 28 %.

                Ce pourcentage semestriel est de 31 % pour la première chambre (38 % au mois de juin), 39 % pour la deuxième chambre (38 % au mois de juin), 10 % pour la troisième chambre (14 % au mois de juin), 19 % pour la chambre commerciale (30 % au mois de juin) et 33 % pour la chambre sociale (38 % au mois de juin).

                Ainsi qu’il a été relevé, les affaires désormais orientées en non-admission sont essentiellement celles qui, dépourvues de complexité, étaient autrefois jugées en formations dites restreintes, à trois magistrats (L 131-6 du nouveau Code de procédure civile). En effet au cours de l’année 2001, la Cour avait jugé 28 % des affaires en formation ordinaire et 72 % en formation restreinte tandis que pour le premier semestre de l’année 2002, la répartition est de 23 % pour les formations ordinaires et 77 % pour les formations restreintes, en ce compris les 28 % de non-admission.

                Dans 10 % des cas, des affaires faisant l’objet d’une proposition initiale de non-admission ont été réorientées pour être jugées par un arrêt motivé.

                (...)


                • Ginette (---.---.190.178) 27 février 2007 18:50

                  Cette phrase est très significative d’une approche largement partagée par les corporations de la magistrature et que Clément a encore adoptée ces derniers mois :

                  « ... si l’ouverture de la voie de recours pourtant extraordinaire qu’est le pourvoi en cassation est incontrôlé et oblige dans tous les cas, quelle que soit la valeur de la critique, à une décision motivée selon la technique lourde du pourvoi, les moyens humains et matériels de la Cour doivent être multipliés à l’infini pour faire face à un flux de recours en constante augmentation, cette croissance continue des effectifs provoquant une modification de la nature de la Cour et de graves conséquences sur l’unité et la cohérence de la jurisprudence. »

                  Autrement dit, ce n’est pas aux magistrats de s’adapter à une augmentation du nombre des contentieux, mais aux citoyens de ne pas se plaindre autant. Dès lors que l’augmentation du nombre de recours est un phénomène social lié à l’évolution du système économique et politique, ces recours sont par définition mal fondés ou abusifs.

                  Car, que signifie le concept de « décision motivée selon la technique lourde du pourvoi » ? Soit une décision est motivée, soit elle ne l’est pas. En l’occurrence, Canivet explique que le refus d’admission des pourvois en cassation n’a pas à être motivé.

                  Mais, si le pourvoi a été sérieusement examiné, il est censé avoir fait l’objet d’un rapport du rapporteur et de conclusions de l’avocat général. Dans ce cas, qu’est-ce qui empêche les juges d’exposer les motifs du refus d’admission ? Soit les motifs de ce refus sont sérieux et bien identifiés, soit ils ne le sont pas. S’ils le sont, qu’est-ce qui empêche de les écrire ?


                • MrMz (---.---.100.163) 28 février 2007 17:12

                  Qu’on le veuille ou non, l’absence de motivation est une source d’opacité et affaiblit le contrôle citoyen que rend possible la publicité des jugements motivés. Comment savoir, à défaut, si le droit est vraiment égal pour tous dans la pratique ?


                • perlin (---.---.166.167) 4 mars 2007 04:16

                  « Soit les motifs de ce refus sont sérieux et bien identifiés, soit ils ne le sont pas. S’ils le sont, qu’est-ce qui empêche de les écrire ? »

                  Je ne suis pas expert en cette matière, mais n’y a-t-il pas un risque de créer une jurisprudence par défaut, si les refus d’admission sont motivés ? Cette jursiprudence serait en déséquilibre avec celle que nous connaissons déjà puisqu’elle résulterait précisément de l’absence d’un procès, sa valeur ne serait donc pas indiscutable... Mais, bon, je n’y connais pas grand’chose. smiley


                • perlin (---.---.166.167) 4 mars 2007 04:35

                  Article remarquable par son audace et son acuité. Depuis le temps que les lois se font et s’appliquent dans le dos des citoyens, on apprécie un tel point de vue qui remet en ligne le sens du mot « démocratie ». Les magistrats ne sont que des techniciens du droit au service des citoyens et dans ce contexte, je n’apprécie pas la réformette que l’affaire d’Outreau est en train d’accoucher et dans laquelle, les juges s’en sortent un peu trop bien.

                  Dans un autre registre, je n’apprécie pas non plus qu’on nous impose en loucédé une inscription de l’abolition de la peine de mort dans la constitution pour en rendre tout retour en arrière impossible. D’une part on se leurre car la constitution n’est pas irréversible, d’autre part on n’élit pas nos représentants pour qu’ils prennent des décisions à la place de nos enfants.

                  Pour reprendre ce que dit l’internaute que vous citez, il ne faut pas que l’état de droit se transforme en une dictature de droit. Mais comment faire pour que le technocratie qui règne en maître suprême dans le droit, cesse de nous écraser ? smiley


                • XZ2007 (---.---.98.86) 28 février 2007 08:16

                  Tout à fait d’accord : ce n’est pas au juges, mais au peuple par la voie de ses représentants élus, de construire l’Etat de droit.

                  S’il s’agit, par exemple, des Code de l’organisation judiciaire, des procédures civile et pénale, de la justice administrative... c’est au Parlement que revient d’en élaborer la partie législative, et au gouvenement, la partie réglementaire.

                  Mais ces derniers temps, on a vu le gouvernement demander des rapports et des avis à des juges et pas à des parlementaires. Il a ensuite opposé ces rapports et avis à des rapports et avis de parlementaires, comme le rapport de la commission d’enquête sur Outreau. C’est une dérive très dangereuse.


                  • MrMz (---.---.100.163) 28 février 2007 17:09

                    En efftet, c’était même choquant de voir un gouvernement UMP s’opposer à des parlementaires UMP sur la base de rapports de magistrats.


                  • Al-S (---.---.36.125) 28 février 2007 18:09

                    Il paraît également urile de souligner que l’idée d’après laquelle ce serait aux « élites » de construire l’Etat de droit est très largement favorisée par une osmose institutionnelle générale qui va très loin.

                    Par exemple, au niveau du Conseil Constitutionnel, les Français ne savent pas, en général, que les rapporteurs sont extérieurs à la formation de jugement du Conseil. La dernière nomination collective de plusieurs rapporteurs adjoints, en octobre dernier, a désigné cinq maîtres de requêtes du Conseil d’Etat et cinq conseillers référendaires à la Cour des comptes :

                    http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/20061026.htm

                    Décision du 26 octobre 2006

                    portant nomination des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel

                    LE PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

                    Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ;

                    Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 36, alinéa 2 ;

                    En application de la délibération du Conseil constitutionnel en date du 26 octobre 2006,

                    D É C I D E :

                    Article premier.- Sont nommés rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 2006-octobre 2007 : Messieurs Didier CHAUVAUX et Terry OLSON, Madame Emmanuelle PRADA BORDENAVE, Monsieur François SENERS et Madame Isabelle de SILVA, maîtres des requêtes au Conseil d’Etat, ainsi que Monsieur Marc FOSSEUX, Mesdames Catherine MAYENOBE, Catherine PÉRIN et Monique SALIOU-GLOUX, Monsieur Thierry VUGHT, conseillers référendaires à la Cour des comptes.

                    Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

                    Fait à Paris, le 26 octobre 2006

                    Pierre MAZEAUD


                    • Eccoli qua (---.---.157.253) 1er mars 2007 19:20

                      Isabelle Debergue et De ço qui calt ? avaient bien raison de signaler que rien n’était joué. Le Conseil constitutionnel vient d’invalider :

                      http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007551/2007551dc.htm

                      les articles 14, 21, 24 et 34 de la loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats. Ce sont les articles suivants, sauf méprise de ma part :

                      http://ameli.senat.fr/publication_pl/2006-2007/248.html

                      Article 14

                      L’article 43 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifié :

                      1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

                      « Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, commise dans le cadre d’une instance close par une décision de justice devenue définitive. » ;

                      2° Au début du dernier alinéa, le mot : « Cette » est remplacé par le mot : « La ».

                      Article 21

                      Après l’article 48 de la même ordonnance, il est inséré un article 48-2 ainsi rédigé :

                      « Art. 48-2. - Toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, que le comportement d’un magistrat est susceptible de constituer une faute disciplinaire peut saisir directement le Médiateur de la République d’une réclamation.

                      « Pour l’examen de cette réclamation, le Médiateur de la République est assisté d’une commission ainsi composée :

                      « 1° Deux personnalités qualifiées n’appartenant pas à l’ordre judiciaire, désignées respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat ;

                      « 2° Une personnalité qualifiée désignée par le Médiateur de la République ;

                      « 3° Une personnalité qualifiée n’appartenant pas à l’ordre judiciaire, désignée conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près la Cour de cassation.

                      « Les membres de la commission sont nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable.

                      « En cas de vacance d’un siège pour quelque cause que ce soit, il est pourvu à la désignation, dans les conditions prévues au présent article, d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Son mandat peut être renouvelé s’il a occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

                      « La commission est présidée par le Médiateur de la République.

                      « Le Médiateur de la République peut solliciter tous éléments d’information utiles des premiers présidents de cours d’appel et des procureurs généraux près lesdites cours, ou des présidents des tribunaux supérieurs d’appel et des procureurs de la République près lesdits tribunaux.

                      « Il ne peut porter une quelconque appréciation sur les actes juridictionnels des magistrats.

                      « Lorsque la réclamation n’a pas donné lieu à une saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le chef de cour d’appel ou de tribunal supérieur d’appel intéressé, le Médiateur de la République la transmet au garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins de saisine du Conseil supérieur de la magistrature, s’il estime qu’elle est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Il avise l’auteur de la réclamation et tout magistrat visé par celle-ci de la suite qu’il lui a réservée.

                      « Copie des pièces transmises par le Médiateur de la République au ministre de la justice est adressée à tout magistrat visé.

                      « Le ministre de la justice demande une enquête aux services compétents. Des poursuites disciplinaires peuvent être engagées par le ministre de la justice dans les conditions prévues à l’article 50-1 et au premier alinéa de l’article 63. Le ministre de la justice avise le Médiateur de la République des résultats de l’enquête et des suites qu’il lui a réservées.

                      « Lorsque le ministre de la justice décide de ne pas engager de poursuites disciplinaires, il en informe le Médiateur de la République par une décision motivée. Celui-ci peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel. »

                      Article 24

                      L’article 38-1 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :

                      « À l’expiration de cette période, s’il n’a pas reçu une autre affectation, le procureur général est nommé de droit, dans les formes prévues à l’article 38, à un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation. Il en est de même dans le cas où il est déchargé de cette fonction avant l’expiration de cette période. Cette nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif organique de la Cour de cassation. Ce surnombre est résorbé à la première vacance utile dans cette juridiction. »

                      Article 34

                      Le second alinéa de l’article 38-1 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 précitée est applicable aux procureurs généraux nommés antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique.


                      • Eccoli qua (---.---.157.253) 1er mars 2007 19:41

                        http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007551/2007551dc.htm

                        Décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007

                        Loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats

                        Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 février 2007, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative au recrutement, à la formation et à la discipline des magistrats ;

                        LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

                        Vu la Constitution ;

                        Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

                        Vu l’ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État ;

                        Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

                        Vu la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République ;

                        Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

                        Le rapporteur ayant été entendu ;

                        1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel comporte trente-six articles regroupés en trois chapitres ; qu’elle a été adoptée sur le fondement du troisième alinéa de l’article 64 de la Constitution et du dernier alinéa de ses articles 65 et 68-2, dans le respect des règles de procédure fixées par son article 46 ; qu’elle modifie l’ordonnance du 22 décembre 1958 et les lois organiques des 23 novembre 1993 et 5 février 1994 susvisées ;

                        - SUR LE CHAPITRE IER :

                        2. Considérant que le chapitre premier de la loi organique, intitulé : « Dispositions relatives à la formation et au recrutement des magistrats », comporte les articles 1 à 13 ; qu’il n’appelle pas de remarque de constitutionnalité ;

                        - SUR LE CHAPITRE II :

                        3. Considérant que le chapitre II de la loi organique, intitulé : « Dispositions relatives à la discipline », comporte les articles 14 à 22 ; qu’il est relatif, en son article 14, à la définition de la faute disciplinaire et, en son article 21, à l’examen des réclamations portant sur le comportement d’un magistrat ;

                        . En ce qui concerne les normes applicables :

                        4. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

                        5. Considérant qu’aux termes de l’article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. - Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. - Une loi organique porte statut des magistrats. - Les magistrats du siège sont inamovibles » ;

                        . En ce qui concerne la définition de la faute disciplinaire :

                        6. Considérant que l’article 14 de la présente loi modifie l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée qui définit la faute disciplinaire comme « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité » ; que le 1° de cet article 14 précise que « constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, commise dans le cadre d’une instance close par une décision de justice devenue définitive » ;

                        7. Considérant que l’indépendance de l’autorité judiciaire, garantie par l’article 64 de la Constitution, et le principe de la séparation des pouvoirs, proclamé par l’article 16 de la Déclaration de 1789, n’interdisent pas au législateur organique d’étendre la responsabilité disciplinaire des magistrats à leur activité juridictionnelle en prévoyant qu’une violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties puisse engager une telle responsabilité ; que, toutefois, ces mêmes principes font obstacle à l’engagement de poursuites disciplinaires lorsque cette violation n’a pas été préalablement constatée par une décision de justice devenue définitive ;

                        8. Considérant, dès lors, qu’il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution les dispositions du 1° de l’article 14 de la loi organique ; qu’il en va de même des dispositions de coordination prévues par son 2°, qui en sont inséparables ;

                        . En ce qui concerne l’examen des réclamations portant sur le comportement d’un magistrat :

                        9. Considérant que l’article 21 de la loi organique insère dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée un nouvel article 48-2 relatif à l’examen des réclamations des justiciables portant sur le comportement d’un magistrat ; que cet article 48-2 dispose que toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’un tel comportement est susceptible de constituer une faute disciplinaire, peut saisir directement le Médiateur de la République d’une réclamation ; qu’il prévoit que, pour l’examen de cette réclamation, le Médiateur est assisté d’une commission qu’il préside et qui est composée de cinq autres personnes dont quatre au moins n’appartiennent pas à l’ordre judiciaire ;

                        10. Considérant que l’article 16 de la Déclaration de 1789 et l’article 64 de la Constitution garantissent l’indépendance des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu’aucune autorité administrative ;

                        11. Considérant que, si le législateur organique a précisé que le Médiateur ne pouvait porter une appréciation sur les actes juridictionnels, le nouvel article 48-2 lui donne néanmoins le droit de « solliciter tous éléments d’information utiles » auprès des premiers présidents de cours d’appel et des procureurs généraux près lesdites cours, ou des présidents des tribunaux supérieurs d’appel et des procureurs de la République près lesdits tribunaux ; qu’il prévoit que, lorsqu’il estime que les faits en cause sont de nature à recevoir une qualification disciplinaire, le Médiateur transmet la réclamation « au garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins de saisine du Conseil supérieur de la magistrature » ; que le garde des sceaux doit, dans tous les cas, demander une enquête aux services compétents ; que, s’il n’est pas tenu d’engager des poursuites disciplinaires, il doit, lorsqu’il ne le fait pas, en informer le Médiateur par une décision motivée ; que le Médiateur peut alors « établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel » ; qu’en reconnaissant au Médiateur l’ensemble de ces prérogatives, le législateur organique a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire ;

                        12. Considérant qu’il s’ensuit qu’il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution l’article 21 de la loi organique ;

                        13. Considérant, en revanche, que les autres dispositions de son chapitre II n’appellent pas de remarque de constitutionnalité ;

                        - SUR LE CHAPITRE III :

                        14. Considérant que le chapitre III, intitulé : « Dispositions diverses et transitoires », comporte les articles 23 à 36 ;

                        15. Considérant que l’article 24 de la loi organique complète l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, qui dispose que : « Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de procureur général près une même cour d’appel », par un second alinéa ainsi rédigé : « A l’expiration de cette période, s’il n’a pas reçu une autre affectation, le procureur général est nommé de droit, dans les formes prévues à l’article 38, à un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation. Il en est de même dans le cas où il est déchargé de cette fonction avant l’expiration de cette période. Cette nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif organique de la Cour de cassation. Ce surnombre est résorbé à la première vacance utile dans cette juridiction » ; que l’article 34 rend applicables ces dispositions aux procureurs généraux nommés antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique ;

                        16. Considérant qu’aux termes du septième alinéa de l’article 65 de la Constitution : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis pour les nominations concernant les magistrats du parquet, à l’exception des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des Ministres » ; qu’aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 28 novembre 1958 susvisée : « ... il est pourvu en conseil des ministres : - aux emplois de procureur général près la Cour de cassation, de procureur général près la Cour des comptes, de procureur général près une cour d’appel... » ; qu’en vertu de l’article 38 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, les décrets portant nomination aux emplois hors hiérarchie du parquet, parmi lesquels figurent ceux d’avocat général à la Cour de cassation, sont pris par le Président de la République après avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ;

                        17. Considérant que l’article 24 de la loi organique prévoit que, dans certaines conditions, les procureurs généraux près des cours d’appel sont nommés « de droit » avocats généraux à la Cour de cassation ; que, toutefois, il serait procédé à ces nominations non par décret en Conseil des ministres, mais « dans les formes prévues à l’article 38 » de l’ordonnance du 22 décembre 1958, c’est-à-dire par décret simple du Président de la République ;

                        18. Considérant que le septième alinéa de l’article 65 de la Constitution impose, dans ces conditions, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature ; que, si la loi organique examinée, en renvoyant à l’article 38 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, prévoit bien un avis du Conseil supérieur de la magistrature, cet avis serait privé d’effet utile dès lors que la nomination serait de droit ;

                        19. Considérant qu’il s’ensuit que l’article 24 de la loi organique ainsi que son article 34, qui en est inséparable, sont contraires à la Constitution ;

                        20. Considérant que les autres dispositions du chapitre III de la loi organique n’appellent pas de remarque de constitutionnalité ;

                        21. Considérant qu’ont un caractère organique, par elles-mêmes ou du fait de leur inséparabilité de dispositions organiques, toutes les dispositions de la présente loi,

                        D É C I D E :

                        Article premier.- Les articles 14, 21, 24 et 34 de la loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats sont déclarés contraires à la Constitution.

                        Article 2.- Les autres dispositions de la même loi ne sont pas contraires à la Constitution.

                        Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

                        Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er mars 2007, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.


                      • (---.---.117.1) 6 mars 2007 15:03

                        Pourriez-vous jeter un oeil à la vidéo des enfants du magistrat Roche sur www.lvo.info (c’est la 2ème en partant du bas) ? Non seulement c’est édifiant mais en plus cela peut vous donner des idées ...

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