Un collectif s’attaque à la gestion du « Sydeme »
Une enquête vient d'être ouverte sur la gestion des déchets ménagers par le "Sydeme". Comment en est-on arrivé là ? Depuis plus d'un an, l'ADPB (Actions et Défense du Pays Boulageois) a entrepris des investigations poussées. En collaboration avec un collectif de 8 associations de Moselle Est, aidé par « Anticor », association anti-corruption, dérives et irrégularités sont pointées du doigt.
Créé en 1998, le SYndicat des DÉchets ménagers de Moselle Est (Sydeme) est une collectivité locale publique ou régie qui gère les ordures ménagères de 385 000 habitants répartis sur 10 communautés de communes. Dès 2009, la Cour Régionale des Comptes de Lorraine (CRC) pointe une dette grandissante jusqu'à atteindre 80M€ en 2015. « Les contribuables paieront », décide le préfet d'alors. Résultat : la CCPB (communauté de communes du Pays boulageois) passe à la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères) augmentée de 50 à 400% et envoie 2 000 manifestants dans les rues de Boulay. Suite à ces événements, l'ADPB (Actions et Défense du Pays Boulageois) voit le jour en décembre 2016. A sa tête, Jean-Marie Le Braz, retraité actif, touche à tout autodidacte pour qui l'association, bien que chronophage, est devenue un véritable sacerdoce.
Après sa 2ème A.G, quel est le bilan pour l'ADPB ?
J-M Le Braz :« La majorité des 370 adhérents dont 200 nouveaux a plus de 60 ans. Les 30-50 ans ne se sentent pas concernés : ils ne prennent pas conscience du coût énorme du traitement des ordures et n'ont aucune notion de ce qu'ils paient.Il faut ajouter 350 abonnés à notre « Liste », 5 600 visiteurs pour le site de l'association et la vidéo sur le Sydeme vue 6 500 fois avec des pointes à 200/jour. Après avoir gagné une 1ère bataille pour réinstaurer la REOM (redevance d'enlèvement des ordures ménagères), l'association s'attaque depuis plus d'un an à la dette du Sydeme. Le bureau de l'ADPB,10 personnes ultra-dynamiques et motivées, a entamé un véritable travail de fourmi, en collaboration étroite avec l'ADQV (Association de Défense pour la Qualité de la Vie au pays de Bitche), pour dénoncer, documents officiels à l'appui ,la mauvaise gestion du Sydeme. Ce n'est pas aux habitants de payer.Il faut de la transparence à tous les niveaux. On multiplie les courriers aux autorités et aux 298 maires des 10 communautés de communes dépendant du Sydeme. En vain. ».
Qu'ont donné ces 15 mois d'investigation ?
JMLB : « La découverte d'une nébuleuse de sociétés gravitant autour du Sydeme, ayant des liens opaques et créées par Serge Starck, son président qui cumule 14 casquettes de dirigeant, liste provisoire. Ainsi, « Sydeme Développement », « Spiral Trans SAS » ou « Méthavos SAS ». Mais, est-ce le rôle d'un syndicat mixte de créer des sociétés privées avec l'argent des contribuables ? Quant à « Méthavalor », elle a mis en place à Morsbach (près de Forbach) un centre de valorisation par la méthanisation. Coût : 42M€ pour une capacité annoncée de 40 000t/an. Seules 22 000 sont traitées:tout simplement parce que les ordures ménagères ne peuvent pas être méthanisées car trop disparates. « Méthavos » annonce pouvoir construire le même type d'usine, identique à celle vendue à Thoiry, pour 12M€. Où sont passés les 30M€ de différence ?Je ne parle pas des marchés publics passés par le Sydeme à Legras et Lingenheld, sociétés privées actionnaires des filiales du syndicat. Et ce n'est pas fini ! »
Cette enquête est-elle une reconnaissance du travail accompli par l'ADPB ?
JMLB : « C'est un début, le chemin est encore long.Ensemble, on est plus forts et « Anticor » représente une force nationale. Les élus vont-ils enfin prendre leurs responsabilités ? Le comité syndical, 55 personnes et 8 vice-présidents, est pour le Sydeme ce qu'est le conseil municipal pour une commune. L'une de ses missions est de voter le budget et décider des investissements.Ne serait-il qu'une chambre d'enregistrement ? Résultats pour la partie émergé de l'iceberg : 964 000€ de dettes à rembourser à Suez, 12M€ de déficit en 2015, 6 M€ d'investissement en 2017 et un nouveau rapport accablant de la CRC sur la gestion du Sydeme. Pourquoi celle-ci, qui constate des faits délictueux, ne va-t-elle pas en justice ?Quant au budget, tout le monde nous a traités de « menteurs » jusqu'à ce que le tribunal administratif de Strasbourg retoque celui de 2016 et confirme notre constat de budget insincère. Responsables mais pas coupables, vont certainement plaider les élus ou faire, comme d'habitude, du chantage à l'emploi. Il faut tout remettre à plat. »
POUR INFORMATION : www.adpb.pro et www.adqv.net
Pour compléter :
« ANTICOR » ET LE « SYDEME ».
La condamnation du patron de Radio France, Mathieu Gallet, la relance de l'affaire Richard Ferrand, le marché des radars ou Bygmalion, autant de victoires engrangées par l'association « Anticor ». Elle est devenue un acteur, parfois contesté, de la justice financière : elle reçoit de nombreuses alertes dénonçant des comportements d'élus contraires à l'éthique. A côté d'affaires nationales très médiatiques, Anticor agit tout aussi efficacement au niveau local, ainsi avec le Sydeme.
Signalement au procureur.
A l'initiative de l'ADQV et de l'ADPB, 8 collectifs et associations de Moselle Est ont déposé un dossier concernant la gestion du Sydeme auprès d'Edith Talarczyk, la référente Anticor en Moselle depuis 2012. Le bureau juridique de l'association, constitué d'une quarantaine de personnes, des juristes, magistrats et spécialistes des finances, ont validé le dossier des « lanceurs d'alerte » mosellans. Le 5 décembre 2017, un signalement a été fait au procureur de Sarreguemines pour suspicion de favoritisme, détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts. Une enquête sur la gestion des deniers publics par le Sydeme vient d'être ouverte par le SRPJ de Strasbourg.
« Anticor » bouscule la justice financière.
Tout comme « Transparency International » ou « Sherpa », « Anticor » , créée en 2002, est une association anti-corruption : 130 000€ de budget, une trentaine d'adhérents en Moselle sur les 2 000 répartis dans 63 départements couverts par 81 référents. 1 300 alertes reçues en 2017 : elle se bat « contre la corruption et pour l'éthique en politique » et a obtenu l'agrément du ministère de la Justice pour agir en justice.Le rôle d'Edith Talarczyk, ancienne élue de Terville (57) de 1995 à 2010, est d'être le relais avec le bureau national et de faire le lien, depuis 2015, entre les référents départementaux. « Anticor est le gardien de la vertu politique. On demande aux élus d'être transparents et d'avoir une gestion claire, c'est indispensable. Le citoyen veut savoir où passe son argent. On n'est pas des justiciers. Nous rapportons les faits, c'est au procureur d'agir et de faire le travail. », explique-t-elle.
Un travail extraordinaire.
« L'ADQV et l'ADPB ont fait un travail extraordinaire d'investigation. Ils connaissent le dossier sur le bout des doigts. Travailler avec des gens comme ça est très motivant. Sans structure juridique derrière, c'est impossible ; heureusement qu'Anticor est là, les gens peuvent compter sur l'association. », conclut Edith, admirative de la somme de travail entreprise depuis des mois.
Jean-Marie Mathé
- Jean-Marie Le Braz
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