• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Société > Un syndrome effrayant : l’« effet du témoin »

Un syndrome effrayant : l’« effet du témoin »

Dans le silence de la nuit retentit soudain un cri, suivi de déchirants appels à l’aide. Dans la rue, au pied des habitations, une jeune femme est violemment agressée par un homme. Malgré ses cris, personne, parmi les nombreux témoins, ne lui vient en aide, personne n’appelle les secours. La victime meurt un peu plus tard, après avoir été violée et poignardée d’une douzaine de coups de couteau. Une histoire effroyable, et pourtant véridique...

Quoi de plus terrible que ces visages d’hommes et de femmes réveillés dans leur sommeil au plus profond de la nuit new yorkaise ? Des visages qui, dans la pénombre protectrice des chambres, s’encadrent dans les fenêtres et observent ce qui se passe en bas de chez eux, dans l’allée chichement éclairée par les réverbères. Les visages d’hommes et de femmes ordinaires qui entendent les cris de la jeune femme, et pour certains voient la victime, jetée au sol et déjà poignardée à trois reprises par l’homme penché sur elle. Sortant de sa sidération mutique, un homme interpelle l’agresseur depuis son domicile et lui ordonne de « laisser cette femme tranquille ». Surpris, le prédateur s’éloigne malgré la frustration de n’avoir pu libérer totalement ses pulsions destructrices.

L’homme ne va pas bien loin : devant l’absence de réactions des habitants de cette résidence paisible, il revient à la charge alors que la jeune femme, grièvement blessée et déjà très affaiblie, tente, mètre après mètre et au prix d’efforts inouïs, d’atteindre son domicile, en espérant encore l’aide d’un riverain ou l’arrivée d’une patrouille de police. Le supplice recommence. De nouveaux hurlements brisent le silence nocturne. En vain. L’agresseur viole sa victime et lui porte encore plusieurs coups de couteau. La jeune femme, laissée agonisante sur le trottoir meurt sur le macadam, après 30 minutes de calvaire, dans les bras d’une femme, enfin sortie de son appartement. Victime d’un tueur psychopathe. Victime également de la terrible passivité des témoins : ses propres voisins !

Kitty Genovese avait 28 ans. En ce 13 mars 1964, elle revenait, à 3 h 20 du matin, du bar où elle travaillait, lorsqu’elle a trouvé sur son chemin Winston Moseley, à quelques dizaines de mètres de son domicile. Cette sordide tragédie s’est déroulée au cœur du Queens, dans la tranquille résidence de Kew Gardens. Comme on peut l’imaginer, les conditions dans lesquelles est survenu le meurtre de cette jeune femme ont fait grand bruit dans la ville et suscité dans la population un sentiment mêlé d’effroi, de honte et de révolte. Le paroxysme a été atteint le 27 mars lorsque le journaliste Martin Gansberg a, dans les colonnes du New York Times, pointé en gros titre un doigt accusateur sur les témoins passifs de cette mise à mort : « Thirty-Eight Who Saw Murder Didn't Call the Police » (38 ont vu le meurtrier, aucun n’a appelé la police).

 

Une responsabilité diluée

Cette affaire criminelle est, au fil du temps, devenue emblématique de la passivité des témoins confrontés en groupe à un acte de violence. Elle a eu deux conséquences :

La première a été la création par l’entreprise AT&T, à la demande des autorités américaines, d’un numéro d’appel d’urgence unique : le désormais célèbre 911 qui permet d’alerter les secours. Ce numéro a été mis en service en février 1968 dans l’Alabama avant d’être progressivement étendu à l’ensemble des États-Unis, puis du Canada.

La seconde, plus complexe, a été la mise en œuvre par des chercheurs en psychologie sociale d’une étude portant sur les mécanismes ayant conduit les témoins du meurtre de Kitty Genovese à rester passifs malgré le drame qui se nouait sous leurs fenêtres. À la base de ces travaux, deux questions qui ont hanté de nombreux New Yorkais longtemps après cet abominable drame : 1) Pourquoi, exception faite d'une voisine après le départ du meurtrier, aucun des témoins n’a porté secours à la victime ? 2) Pourquoi, à défaut de porter soi-même secours à la victime, personne n’a alerté la police durant toute la durée de l'agression ?

Dès 1968, les chercheurs américains John Darley et Bibb Latané ont, dans un rapport désormais considéré comme un document de référence, décrit les raisons pour lesquelles des témoins restent passifs lorsqu’ils sont confrontés à des évènements porteurs de violence : agression, accident, catastrophe. En l’occurrence, les deux chercheurs ont, en s’appuyant sur de très nombreuses expérimentations conduites en laboratoire sur la base de protocoles rigoureux, démontré ceci : plus le nombre de témoins d’un évènement traumatique ou dérangeant est élevé, plus la responsabilité individuelle d’assistance à la personne en danger est faible.

Autrement dit, plus il y a de témoins, plus la responsabilité est diluée, chacun escomptant inconsciemment qu’un autre va intervenir pour porter assistance à la victime, ou qu’un autre va alerter la police ou les pompiers. Or, plus la responsabilité est diluée, plus la probabilité est élevée que personne ne se porte au secours de la victime, que personne n’appelle les secours, au risque de précipiter une issue tragique dans les cas les plus graves.

C’est très exactement ce qui s’est passé dans le cas de Kitty Genovese. Darley et Latané ont nommé ce syndrome de non-assistance le « Bystander effect » (ou Bystander apathy), ce que leurs homologues français ont traduit par « Effet du témoin » (ou Effet spectateur).

Pour illustrer ce syndrome, d’autres cas sont régulièrement mis en lumière dans les médias. Parmi eux, un accident qui, survenu dans la ville chinoise de Foshan le 13 octobre 2011, a entraîné la mort d’une petite fille de 2 ans : Wang Yue. Une effroyable vidéo de télésurveillance existe. Elle montre cette petite fille renversée, puis écrasée par la roue avant droite d’une camionnette dont le conducteur – au téléphone avec sa petite amie ! – s’arrête avant de repartir presqu’aussitôt en écrasant une 2e fois la petite fille avec la roue arrière droite. Suit le défilé de l’horreur : des automobilistes, des cyclistes, des piétons passent à côté du petit corps agonisant sur la chaussée sans s’en préoccuper ; un conducteur va même jusqu’à rouler sur les jambes de la gamine !

Au total, 18 personnes appartenant au genre dit « humain » défilent durant 6 minutes sans tenter de secourir la petite fille, sans même arrêter la circulation dans ce quartier d’activité commerciale aux airs de Sentier. La 19e personne, une vieille dame compatissante, ramène enfin le corps inanimé sur le trottoir en attendant les secours. Wang Yue ne pourra être sauvée : elle mourra quelques jours plus tard, victime de ses graves blessures et d’une commotion ayant entraîné très vite un état de mort cérébrale.

 

Est-ce ainsi que les femmes meurent ?

Ce drame monstrueux n’a toutefois pas de véritable rapport avec l’« effet du témoin ». On a là affaire à une sordide illustration de l’indifférence face au malheur d’autrui : aucun des témoins successifs n’a effectivement pu, à la vue de cette petite fille gisant grièvement blessée sur la chaussée, se sentir menacé par un dangereux agresseur armé, et aucun n’a pu arguer d’une peur panique de l’environnement nocturne pour justifier son inaction. Point commun avec le cas de Kitty Genovese : les témoins ont été passifs. Mais l’effet de groupe est absent dans l’affaire Wang Yue, comme le montre la vidéo avec un réalisme glaçant : les témoins indignes se succèdent en effet sur le lieu de l’accident sans être confrontés ensemble à l’horreur de la scène. Les écœurantes conditions de la mort de la fillette chinoise et celles du martyre de Kitty Genovese n’en sont pas moins emblématiques de ce que peut être le comportement de nos semblables, mais elles ne relèvent pas complètement des mêmes mécanismes de psychologie sociale.

Beaucoup plus pertinente est la référence aux affaires qui, sans atteindre le niveau d’horreur du cas de Kitty Genovese, défraient régulièrement la chronique médiatique : les récurrentes agressions commises dans les transports en commun publics sans que quiconque, parmi les voyageurs présents, intervienne pour secourir la victime. Ces affaires-là relèvent indiscutablement de l’« effet du témoin », et cela sous sa forme la plus triviale dans sa banalité.

Pour en revenir à Kitty Genovese, deux excellents romans – ô combien dérangeants ! – ont décrit le calvaire enduré par la jeune new yorkaise : Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, du Français Didier Decoin, et De bons voisins (Acts of Violence), de l’Américain Ryan David Jahn. Mais si le premier de ces romans s’efforce – en conservant l’identité des protagonistes – de transcrire le plus fidèlement possible les évènements du 13 mars 1964, le second, plus décalé par rapport aux faits, n’en fait pas moins preuve d’un effrayant réalisme dans sa manière implacable de mettre en lumière la passivité des témoins. Au final, les deux livres posent implicitement à chacun des lecteurs cette terrible question : « Qu’auriez-vous fait si vous aviez vous-même été confronté comme témoin à une agression aussi violente ? »

À cet égard, le constat mis en évidence par Darley et Latané est clair : en observant qu’il y a de nombreux témoins d’un même évènement dramatique, chaque témoin pris individuellement se persuade qu’au moins l’un des autres témoins a d’ores et déjà appelé les secours. C’est en effet possible, voire probable, mais ce n’est pas certain, comme l’ont démontré les deux chercheurs. Et c’est ainsi que, chacun tenant le même raisonnement, une victime en grand danger peut n’être pas secourue, au risque de payer de sa vie ce consensus tacite de passivité spectatrice. De cela, il importe que chacun d’entre nous soit conscient : qui sait si, dans un mois, dans un an, dans dix ans, nous ne serons pas confrontés à une situation de ce type ? Mieux vaut alors avoir les bons réflexes.

À noter, pour terminer, que le nombre des témoins passifs du meurtre de Kitty Genovese a été contesté par quelques sources : y en a-t-il eu réellement 38, comme l’a affirmé le New York Times après avoir enquêté sur les lieux du meurtre à Kew Gardens ? 38, comme l’ont relayé depuis cette époque la presque totalité des médias qui ont consacré des articles à cette affaire criminelle ou des dossiers sur l’« effet du témoin » ? Ou bien une douzaine, comme l’ont prétendu des policiers ? En réalité, peu importe : le fait est que des personnes ont bel et bien entendu les cris déchirants de la victime, et pour certaines vu ou entrevu l’agresseur, sans que quiconque agisse alors qu’il était encore temps de sauver la victime. 38 ou 12 : la vérité divisée par trois est-elle moins terrifiante ?

 

Le roman de Didier Decoin a été porté au cinéma, dans une version assez largement transposée et tournée au Havre, par le réalisateur belge Lucas Belvaux sous le titre 38 témoins.

 

Autres articles en rapport avec des œuvres littéraires :

Écosse : au temps des orphelins déportés

Les passagers de la foudre

Les fous de Sula Sgeir

 

 


Moyenne des avis sur cet article :  4.05/5   (21 votes)




Réagissez à l'article

60 réactions à cet article    


  • gruni gruni 14 septembre 2015 08:40

    Bonjour Fergus


    Pour répondre à ta question, " la vérité divisée par trois est-elle moins terrifiante ?
    La réponse est bien sûr non. Mais comme dans ton article précédent sur les héros du Thalys, personne ne sait vraiment quelle sera sa réaction dans cette situation. Pourtant décrocher son téléphone pour faire le 17 ne demande pas beaucoup de courage. Alors l’effet du témoin j’y crois volontier. Mais il y a aussi d’autres raisons malheureusement. Comme l’égoïsme. Ce qui se passe en bas de l’immeuble ne me regarde pas.

    Merci pour ce très bon article

    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 09:00

      Bonjour, gruni

      « Pourtant décrocher son téléphone pour faire le 17 ne demande pas beaucoup de courage."

      Non, en effet. J’ai d’ailleurs moi-même appelé les flics une nuit à Rennes où, sous mes fenêtres, deux jeunes très alcoolisés se livraient à une violente altercation verbale alors que l’un des deux menaçait l’autre d’un long couteau de cuisine. Les flics sont par chance arrivés très vite et ont neutralisé les deux jeunes.

      « Ce qui se passe en bas de l’immeuble ne me regarde pas."

      C’est hélas très souvent vrai. Mais cela peut également valoir pour... l’intérieur de l’immeuble. A cet égard, j’ai vécu une expérience aussi instructive qu’écœurante avec la tentative de suicide de l’une de mes voisines au temps où j’habitais à Paris. J’ai raconté cela dans un article de 2008 intitulé Amalia.



    • Philippe Stephan Christian Deschamps 14 septembre 2015 11:49

      @gruni
      Il faut d’autres choses pour intervenir physiquement dans une scène violente qui demande une intervention immédiate.
      Être soit même violent ou capable de se mettre en état de colère ou de fureur
      c’est plus facile avec de l’alcool (qui est un désinhibiteur).
      Ou pratiquer un sport de combat suffisamment efficace pour régler le problème par
      immobilisation ,KO ou blessures incapacitantes, bien mesurer la dangerosité de la situation,et avoir un haut niveau de pratique du cran et du sang froid .
      Avoir été un ancien « professionnels » (voyous etc) du combat de rue et savoir improviser.
      être armé soit même.
       la localisation des faits est importante,proximité pour déclencher les secoures.
      Faire des photos est aussi une option,mais prévoir la sortie de secoure si cela se retourne contre vous. 


    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 12:59

      Bonjour, Alex

      J’étais sur le point de descendre, muni d’un pied de biche, lorsque mon épouse, restée à la fenêtre, m’a indiqué que le véhicule de patrouille venait d’arriver. 


    • gruni gruni 15 septembre 2015 07:44

      @Christian Deschamps


      Sans doute, tout le monde n’est pas apte ou n’a pas les moyens sous la main pour intervenir.
      Mais sur 12 ou 30 témoins, combien avaient le téléphone. Alors bien sûr l’effet du témoin existe, mais pas que. C’était là le sens de mon propos. D’ailleurs la loi nous oblige une intervention, d’une manière où une autre. 

    • Fergus Fergus 15 septembre 2015 08:58

      Bonjour, gruni

      Tu as raison, entre l’intervention personnelle contre l’agresseur et l’inaction totale, il existe de nombreuses possibilités d’agir, que ce soit en téléphonant pour appeler des secours ou par tout autre moyen (notamment bruit) capable d’ameuter le voisinage et d’effaroucher l’agresseur.


    • ZenZoe ZenZoe 14 septembre 2015 10:32

      Bonjour Fergus,
      Très inquiétant en effet. La peur du couteau et du procès, bien réels évidemment, n’expliquent pas tout. Pour preuve l’exemple de cette petite fille renversée, dont le sauvetage ne posait de danger à personne.
      La même histoire est arrivée il y a des années à un petit garçon, renversé à la sortie de l’école, et qui est resté 2 heures sans que personne ne réagisse. Interrogés plus tard, les témoins ont déclaré qu’ils étaient en retard, qu’ils risquaient de se faire taper sur les doigts par leur chef, qu’ils ne pensaient pas que le bambin était blessé, qu’ils pensaient que quelqu’un d’autre avait appelé les secours, etc. etc. De bien pauvres arguments.
      Personnellement, je suis certaine de ne pas être assez courageuse pour voler au secours d’une victime en cas d’agression, j’aurais bien trop peur, mais je suis certaine que je tenterais au moins d’appeler les secours.


      • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:09

        Bonjour, ZenZoe

        « les témoins ont déclaré qu’ils étaient en retard, qu’ils risquaient de se faire taper sur les doigts par leur chef, qu’ils ne pensaient pas que le bambin était blessé, qu’ils pensaient que quelqu’un d’autre avait appelé les secours, etc »

        Entre les mauvaises raisons des uns et le phénomène de dilution de la responsabilité qui conduit à ne pas appeler soi-même les secours, votre témoignage montre qu’aujourd’hui encore un travail pédagogique reste nécessaire.

        « je suis certaine de ne pas être assez courageuse pour voler au secours d’une victime en cas d’agression, j’aurais bien trop peur, mais je suis certaine que je tenterais au moins d’appeler les secours. »

        Je pense que peu de gens peuvent affirmer sans risque de s’illusionner être capables d’intervenir en cas d’agression violente par une personne armée, mais appeler les secours est à la portée de chacun (sauf été de sidération paralysante), surtout avec la généralisation des téléphones portables qui permettent d’envoyer discrètement des SMS. 


      • izarn izarn 14 septembre 2015 10:54

        Dans un société totalitaire et policière, les malfrats font la loi, car les gens ont peur de se défendre. Se défendre contre l’état policier, qui leur interdit tout moyen de défense : Interdiction d’armes, de cutter en plastique, de manifester, etc, etc...

        Quand l’état policier disparait, les malfrats, les mafieux prennent le pouvoir sur les moutons.

        Un délinquand le devient quand il a compris que les braves gens ne se défendent pas.
        Le plus curieux c’est qu’aux USA, le port d’arme est autorisé.
        Bien entendu, devant des criminels pareil, Clint Eastwood aurait flingué. C’est le bon coté des USA.




        • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:14

          Bonjour, izarn

          Désolé de ne pas vous suivre. Etre armé ne peut en aucun cas être la solution car des armes mises entre n’importe quelles mains, notamment de personnes émotives ou manquant de discernement, peuvent-être à l’origine de graves dérapages. Dès lors, au problème de la délinquance vient s’ajouter le risque de bavure.


        • Lisa SION 2 Lisa SION 2 14 septembre 2015 10:55

          Bonjour Fergus,
          A la question « Qu’auriez-vous fait si vous aviez vous-même été confronté comme témoin à une agression aussi violente ? » ouvrir ma fenêtre et engueuler l’agresseur...
          Mais nous sommes à NY et appeler la police n’est pas une bonne idée pour ceux qui suivent les programmes d’enquêtes policières en lisant détective...tous suspects éventuels !
          Le contexte new-yorkais est tellement vicié que plus personne ne réagit quand il voit en vrai ce qu’il suit en direct sur sa lucarne interne peut être ?
          La solution : conserver chez soi quelques pétards de fête nationale, il n’y a rien de mieux pour affoler les chiens.
          Effarant en effet.


          • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:21

            Bonjour, Lisa SION 2

            « Le contexte new-yorkais est tellement vicié que plus personne ne réagit quand il voit en vrai ce qu’il suit en direct sur sa lucarne interne peut être ? »

            A l’époque de l’affaire Genovese, la télévision n’était pas encore présente dans tous les foyers. La cause ne peut donc être cherchée là, dans une confusion entre le réel et la fiction. Plus significatif est le fait qu’il n’existait pas de délit de non-assistance à personne en danger, et je ne sais d’ailleurs pas s’il a été introduit dans le droit américain.

            L’usage de pétards est sans doute une excellente idée, le bruit étant l’un des meilleurs moyens de mettre des agresseurs en fuite, ne serait-ce qu’en raison de voir débarquer une patrouille de flics.


          • krapom.deviantart.com krapom.deviantart.com 14 septembre 2015 10:58

            Rien de mieux qu’une affaire vieille de plus de 50 ans pour parler d’aujourd’hui. 

            Il n’y a donc aucun exemple récent pour illustrer le sujet ? Dans ce cas, à quoi bon s’alarmer ?

            • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:24

              Bonjour, krapom.deviantart.com

              Certes, il a existé depuis de nombreuses affaires qui sont venues illustrer la réalité de l’« effet du témoin ». Mais le cas emblématique de Kitty Genovese est resté dans l’histoire de la psychologie sociale comme l’affaire fondatrice de l’étude de ce syndrome, et c’est pourquoi j’ai choisi cet angle pour traiter le sujet.


            • krapom.deviantart.com krapom.deviantart.com 14 septembre 2015 13:14

              @Fergus
              C’est dommage, surtout pour tous ceux qui n’approchent pas de l’âge de la retraite et se foutent totalement de Kitty. Quand je pense à cette expérience qui a été menée en Suède il y a quelques mois, la simulation du viol d’une femme en public - et tout le monde poursuivait son petit bonhomme de chemin - je me dis que quelque part tu rates une grande partie du public.


            • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:29

              @ krapom.deviantart.com

              C’est possible. Par chance, je n’ai pas d’objectif d’audience. smiley


            • juluch juluch 14 septembre 2015 11:07

              Un sujet assez grave Fergus.


              Art 73 du Code Procédure Civile, le droit d’appréhension ; art 122-5 et suivant pour la légitime défense.

              Il m’est arrivé d’être témoin et d’intervenir sur un vol de sac à main sur une vieille dame il y a quelques années..... J’avais d’ailleurs passé une partie de ma soirée au commissariat pour les CR.

              L’étude que vous relatez est exacte et flagrante, plus il y a des témoins plus chacun va croire que l’autre a déjà appelé les secours.

              Un bon article comme en voit rarement ces temps ci sur agora, merci à vous.


              • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:30

                Bonjour, juluch

                Merci pour votre commentaire.

                « J’avais d’ailleurs passé une partie de ma soirée au commissariat pour les CR. »

                Il arrive malheureusement que la crainte de « perdre du temps » en procédures judiciaires soit un motif de non-assistance. Des témoins passifs l’ont reconnu dans certaines affaires.


              • juluch juluch 14 septembre 2015 11:48

                @Fergus

                J’ai perdu 2 heures.....d’ailleurs j’ai finis en discutions avec le major de garde qui a pris ma déposition, on avait des connaissances militaires en commun.............comme quoi....

              • Fergus Fergus 14 septembre 2015 12:07

                @ juluch

                Deux heures qui, en réalité, ne sont pas perdues, avec ou sans pôles d’intérêt communs avec le personnel de gendarmerie ou de police. smiley

                Pas perdues, ne serait-ce que parce qu’il s’agit en l’occurrence - et au risque d’être pompeux - de « faire son devoir de citoyen et d’être humain ».


              • juluch juluch 14 septembre 2015 19:18

                @Fergus

                c’est vrais....

              • foufouille foufouille 14 septembre 2015 11:07

                vu les séries télé et l’époque, le viol était considéré comme de la faute de la « femelle ».
                mais c’est les USA, le silencieux est légal : un bon coup de 9mm en AC danq le cul ça calme.


                • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:40

                  Bonjour, foufouille

                  Comme je l’ai indiqué plus haut, les séries télé étaient rarement suivies, la télévision étant encore absente de nombreux foyers à l’époque de Kitty Genovese.

                  Quant au regard sur le viol, il a en effet beaucoup évolué dans le bon sens, y compris aux Etats-Unis. A noter que dans cette affaire, le viol n’a pas été le principal motif de l’agression, le tueur ayant fait preuve d’une volonté de destruction qui l’a conduit dès le début à porter plusieurs coups de couteau à sa victime.

                  Pour ce qui est de l’action d’un témoin justicier, on peut en effet regretter que cela n’ait pas eu lieu si l’on donne la parole uniquement à son émotion. Mais c’est avec sa raison qu’il faut aborder la question de la possession d’armes létales. Or, comme je l’ai écrit plus haut, plus le nombre d’armes en libre circulation est élevé, plus grand est le risque que les porteurs de ces armes s’en servent en des circonstances pas forcément justifiées. Il y a donc là un risque accru pour la société, mais aussi pour les possesseurs de ces armes.


                • bakerstreet bakerstreet 14 septembre 2015 11:09

                  « Les gens sont de vrais rats »Entend on souvent. 

                  Les rats, ces altruistes toujours prêts à secourir un ...
                  http://bit.ly/1UOMCO4 ....Encore une fois la science et l’observation nous montre qu’en dehors du fait que les clichés, et nos peurs ont la vie dure, les animaux qu’on pense les plus détestables ont parfois plus de compassion et d’empathie, et de sens du sacrifice que nous.....Plus d’âme et de cœur tout simplement !....Plus de couilles pour parler virile, une notion un peu con et qui se ramollit parfois à toute allure quand le danger arrive. 
                  A 80 ans, ma mère avait fait les fait divers de ouest france en se jetant sur un pitt bull, qui s’acharnait sur son pauvre caniche. Elle l’avait mordu sauvagement à l’oreille et lui avait fait lâché prise, puis prendre la fuite, le tout sans une égratignure. 
                  Le pitt bull est depuis suivi par un thérapeute....

                  Que peut on faire dans une situation de violence ? Difficile de mettre cela en statistiques. La réalité est que l’on est bien mal préparé à intervenir, car la violence, pour beaucoup est occultée, et reste dans l’irréalité des séries TV. Bravo encore à ces gars qui sont intervenus dans le train dernièrement. Rien de mieux que ce genre d’exemple médiatique pour faire écho, car souvent il s’en faut d’un rien, d’une seconde, d’une hésitation pour intervenir ou non. Et nous sommes tous des êtres grégaires, fonctionnant par imitation. En dehors des grandes études qui peuvent aussi nous dédouaner en nous excusant moutonniers, pavloviens, il n’y a rien de mieux à dire que c’est la conscience de soi et des autres qui se joue là.

                  • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:53

                    Bonjour, bakerstreet

                    Merci pour ce lien très intéressant.

                    « les animaux qu’on pense les plus détestables ont parfois plus de compassion et d’empathie, et de sens du sacrifice que nous... »

                    En fait, je pense que cet altruisme est surtout lié à un instinct de survie collectif qui amène les membres d’une communauté animale à se montrer solidaires, quitte à mettre chaque individu en grand danger de payer de sa vie cette solidarité.

                    Un grand et sincère bravo à votre mère : personnellement, je regarderais à deux fois avant de m’en prendre à un pitbull. Il est vrai que je n’ai pas de chien à protéger. En fait, tout est là : dans le réflexe de protection d’un membre de sa famille ou de sa proche communauté, et le caniche en faisait partie sur le plan affectif.

                    D’accord avec vous : le poids de la télé est terrible dans la diffusion de l’irresponsabilité, du fait de la confusion qu’elle engendre entre le réel et la fiction.

                    « Bravo encore à ces gars qui sont intervenus dans le train dernièrement. »

                    Entièrement d’accord. Cela dit, il convient de souligner qu’ils étaient directement concernés car victimes désignées du terroriste, sans possibilité de fuite dans un espace confiné. C’est donc un réflexe de survie qui les amenés à agir. Mais leur mérite n’en est pas moins grand car ils ont su surmonter l’état de sidération qui guettait les voyageurs du Thalys. 


                  • bakerstreet bakerstreet 14 septembre 2015 12:08

                    @Fergus

                    Je pense tout simplement ma mère n’a pas regardé deux fois, et à peine une ; c’est simplement sa colère et son amour qui l’a guidé, de façon qu’on pourrait dire totalement irrationnelle. « Je ne sais pas comment j’ai pu faire ça ! » dira t’elle.... Une chose identique à cette force qui poussent les mères à défendre leur nichée, et à se sacrifier, en dépit du « bon sens » et malgré des prédateurs bien plus forts. N’en déplaise à ces théoriciens et théoriciennes infatués disant que l’amour maternel était une création culturelle.
                    Il suffit dans tout mouvement d’un type qui retourne l’opinion, ou potentialise les énergies, Dommage qu’il n’y en a pas eut dans les avions des twin towers...On ne blâmera personne. Qu’un événement positif comme celui du train est très positif, montre comme dans n’importe quelle lutte qu’on peut inverser la vapeur, ne pas être objet.C’est un peu la même dynamique de reprise de confiance qui permet aux femmes battues de relever la tête, à partir du moment où un jour elle se dira « ça suffit »....Se réplier ne pas agir est lourd de conséquences pour les victimes, mais aussi pour les témoins, leur propre estime d’eux mêmes. 

                  • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:10

                    @ bakerstreet

                    « Il suffit dans tout mouvement d’un type qui retourne l’opinion »

                    Exact. Et vous soulignez là un point très important.

                    A cet égard, les travaux effectués sur l’« effet du témoin » par les spécialistes en psychologie sociale ont montré qu’une victime ayant affaire à un groupe de témoins passifs n’a pas intérêt à solliciter l’aide du groupe, mais à cibler l’un des témoins pour le conjurer de lui venir en aide. Les études sont en effet formelles : la personne désignée perd aussitôt son statut de témoin passif parmi d’autres témoins passifs et collectivement déresponsabilisés pour se sentir personnellement responsabilisée, et dans la plupart des cas, poussée à intervenir. Ce faisant, son intervention désinhibe le groupe et cette personne reçoit des soutiens.

                    Ce phénomène est particulièrement fascinant !


                  • leypanou 14 septembre 2015 11:16

                    « Malgré ses cris, personne, parmi les nombreux témoins, ne lui vient en aide, personne n’appelle les secours.  » : voilà ce qui arrive quand l’individualisme est poussé à son paroxysme (il faut aussi voir combien de temps on risque de passer au commissariat si on se porte témoin et cela doit refroidir plus d’un), avec cette idée : j’en ai assez avec mes propres problèmes, pourquoi faut-il aussi que je m’occupe des problèmes des autres ?

                    Et la société etats-unienne est un exemple à cet égard : il ne faut pas s’en étonner.


                    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 11:55

                      Bonjour, leypanou

                      Entièrement d’accord avec les différents aspects de ce commentaire.

                      L’individualisme qui caractérise de plus en plus notre société est sans doute à l’origine de beaucoup de dérives politiques et sociales, et du pain béni pour ceux qui tirent les ficelles !


                    • bakerstreet bakerstreet 14 septembre 2015 15:01

                      @leypanou


                      Sans compter la banalisation de ’l’incident« ou de »l’incivilité", comme on rebaptise parfois de graves passages à l’acte. 
                      Je ne doute pas que les services de police soient submergés, mais la banalisation et l’absence totale de suivi, dans certaines affaires, font que certains finissent par se lasser de porter plainte. Multiples pressions, comme des élus, pour que leur ville garde une bonne image, faisant preuve de lâcheté et de connivence avec le pire. 

                    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 16:50

                      @ bakerstreet

                      « la banalisation et l’absence totale de suivi, dans certaines affaires, font que certains finissent par se lasser de porter plainte. »

                      Sans aucun doute. Ajoutons à cela le fait que de nombreuses plaintes ne sont pas reçues comme telles, en bonne et due forme, mais consignées sur des main-courantes qui, comme par hasard, ne sont pas comptabilisées dans les statistiques des plaintes.


                    • erichon erichon 14 septembre 2015 12:06

                      Et Comment analyser notre comportement face à se qui se passe actuellement ?
                      Nous sommes pourtant tous témoins , à travers média interposés , de centaines de Kitty Genovese et de Wang Yue. Nous savons .... Et combien d’entre nous lève un petit doigt ?


                      • Fergus Fergus 14 septembre 2015 12:11

                        Bonjour, erichon

                        On est là sur une toute autre échelle, et les solutions à trouver sont évidemment de nature politique.

                        Mais vous avez raison de souligner en filigrane qu’il nous appartient à tous de faire pression sur les responsables politiques pour qu’ils agissent enfin, non seulement pour solutionner collectivement au niveau européen la question de l’accueil des migrants, mais aussi pour éradiquer les causes géopolitiques de ces déplacements de population.


                      • erichon erichon 14 septembre 2015 14:04

                        @Fergus

                        Bonjour Fergus Je me posais juste la question du mécanisme psychologique qui nous amène à cette indifférence.
                        Peut être un mélange des 2 cas que vous citiez et probablement :
                        1) le fait que ces informations nous parviennent des médias, elles sont donc ressenties comme virtuelles
                        2) Endurcissement des esprits du à l’afflux d’images quasi quotidien de l’horreur du monde.
                        3) La douleur ne se transmet pas , ne se vit pas , par l’intermédiaire d’un écran.
                        Et certainement encore beaucoup d’autres raisons.

                        Quant aux solutions à apporter . On a pas besoin d’hommes politiques pour filer ne serait ce qu’un euro à un pauvre type qui crève la dalle dans la rue.


                      • Fergus Fergus 14 septembre 2015 16:55

                        @ erichon

                        Beaucoup de vrai dans ce que vous dites.

                        Pour ce qui est de la pièce donnée à un SDF, c’est en effet à la portée de quasiment tout le monde, mais il faut bien reconnaître qu’au delà de la bonne conscience que ce geste peut nous donner, cela n’apporte pas une once de solution aux problème de ces personnes à la rue


                      • Radix Radix 14 septembre 2015 12:15

                        Bonjour Fergus

                        Bon article.
                        Tu parles de l’effet de sidération, il existe aussi mais il ne dure pas et je pense qu’il peut fonctionner dans les deux sens.
                        Un agresseur qui est habitué à ne voir personne réagir au cours de ses agressions peut-être déstabilisé si une personne intervient, c’est peut-être une chose qui a joué en faveur des américains du Thalys, ce qui n’enlève rien à leur courage car il leur en a fallu beaucoup.

                        Radix


                        • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:21

                          Bonjour, Radix

                          L’effet de sidération sur les témoins n’est évidemment pas de même nature que celui que peut ressentir une victime*. Et il suffit sans doute d’un élément déclencheur, même ténu, pour que cet état cesse et que les témoins retrouvent un minimum de lucidité.

                          Tu écris « Un agresseur qui est habitué à ne voir personne réagir au cours de ses agressions peut-être déstabilisé si une personne intervient", et je suis d’accord. Cela a effectivement sans doute joué en faveur des intervenants du Thalys, et cela d’autant plus que le terroriste n’était probablement pas préparé psychologiquement à voir des personnes prêtes à affronter le canon d’une kalachnikov.

                          * J’ai eu à connaître aux Assises un cas de sidération de victime particulièrement impressionnant. Je l’ai décrit dans un article de 2009 intitulé Violée, humiliée... Détruite !


                        • Philippe Stephan Christian Deschamps 14 septembre 2015 12:46

                          Un jour en me promenant avec mon père en voiture je remarquai,dépassant du dessous de mon siège un gros fer à cheval tout rouillé,intrigué je lui posait la question quant à la présence de cet objet un peu insolite dans un véhicule automobile.
                          Il me répondit le plus naturellement du monde.
                          C’est pour mettre dans la gueule de celui qui voudrait n’emmerder... !
                          voyant ma mine réprobatrice il ajouta .
                          _ça porte bonheur.... !. smiley 
                          .
                          les anciens du batiment ils sont marrant ,mais faut pas les faire chier...
                          qu’il repose en paix...


                          • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:24

                            Bonjour, Christian Deschamps

                            Une anecdote que doivent partager, sous des formes différentes, nombre de nos compatriotes.

                            Personnellement, c’est un pied de biche (j’y fais allusion dans un autre commentaire) dont je dispose à la maison. Au cas où...


                          • elpepe elpepe 14 septembre 2015 13:17

                            une fois j ai vu un mec commencer a taper sur une femme en pleine rue et journee
                            etant pieton et sur le meme trotoir il m etait facile d interpeller l homme,
                            la femme m a insulte de tous les noms d oiseau car j avais interrompu les preliminaires de leur coit,

                            finalement en bon chretien, je suis reparti en encourageant l homme a taper plus fort, dans l amour il ne faut pas de retenu
                             smiley


                            • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:27

                              Bonjour, elpepe

                              Eh oui, il peut y avoir des confusions smiley

                              Mais les préliminaires au couteau ont quand même quelque chose de douteux !


                            • lejules lejules 14 septembre 2015 13:40
                              @FERGUS
                              je me suis posé la question de savoir si les choses ne se passait pas de même 
                              en politique. permettez moi de parodier une partie de votre texte pour me faire comprendre

                              - Autrement dit, 
                              plus il y a de citoyens, plus la responsabilité est diluée, chacun escomptant inconsciemment qu’un autre va intervenir pour porter assistance à la démocratie, ou qu’un autre va alerter la justice ou les pouvoirs publique. Or, plus la responsabilité est diluée, plus la probabilité est élevée que personne ne se porte au secours de la victime, que personne n’appelle les secours, au risque de précipiter une issue tragique dans les cas les plus graves

                              • Fergus Fergus 14 septembre 2015 13:55

                                Bonjour, lejules

                                C’est bien observé. Car il en va dans la vie politique comme dans la société : nous crevons à petit feu de l’individualisme exacerbé qui s’est étendu progressivement dans toutes les couches de l’activité humaine.

                                Il serait grand temps de réagir !


                              • Nycolas 14 septembre 2015 14:24

                                Cela me rappelle plusieurs anecdotes personnelles qui datent pour la plupart de l’époque où, plus jeune, je travaillais comme animateur en centre social dans une « cité », et où je devais prendre le bus plusieurs heures chaque jour. J’y ai subi ou été témoin de diverses altercations et agressions, et j’ai toujours été le seul à me manifester...

                                Ayant grandi en cité moi-même, cela m’a donné une certaine habitude de l’ambiance de violence, et donc une aisance relative par rapport à ces situations. Cela n’empêche pas que j’ai été moi-même agressé, trois fois, dans des bus, sans que personne ne vienne à mon aide. En revanche j’ai ouvert ma gueule deux fois lorsque ça a été pour quelqu’un d’autre, et cela a suffi à stopper l’évènement car les agresseurs, souvent en groupe, se retrouvent surpris si quelqu’un ose bouger. Il faut savoir que je ne suis ni grand, ni costaud, et que j’ai un problème physiologique (surrénales) qui me rend particulièrement vulnérable au stress. Je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel, j’ai du me faire traiter pour syndrome post-traumatique, et changer de travail (en fait, arrêter de travailler), suite à ces expériences, et à cause de mon problème.

                                L’anecdote la plus illustrative est la suivante.

                                J’étais dans la rue avec un ami, lui aussi issu de cité, lorsqu’un chauffeur de bus s’est fait menacer par un passager mécontent et colérique, qui était resté sur le trottoir parce que le chauffeur ne l’avait pas vu. Il a alors commencé à cogner sur le bus, puis à menacer physiquement le chauffeur.

                                Dans la rue, tout le monde avait l’air de s’en foutre royalement. Bien averti des dérapages qui peuvent survenir dans ces cas-là, je me suis arrêté, pas sûr de vouloir me faire frapper en intervenant, mais voulant au moins surveiller ce qui se passait pour appeler des secours le cas échéant. Heureusement, la scène n’est pas allée plus loin, mais de nombreux chauffeurs de bus sont régulièrement agressés, dans ma ville.

                                Mais mon ami, lui, faussement insouciant, alors qu’il avait bien vu la scène comme moi (ça se passait juste à côté de nous à moins de 10 mètres et il aurait fallu être sourd pour ignorer les vociférations du passager), a simplement passé son chemin, et trouvé tout un tas de fausses excuses lorsque je lui ai fait remarquer sa lâcheté de faire semblant de n’avoir rien vu « Bah, ça arrive tout le temps » était son argument le plus percutant. Banalisation de la violence comme excuse pour la laisser se multiplier.

                                Je comprends que l’on puisse perdre ses moyens lorsqu’on est face à des situations violentes. Je comprends d’autant plus si on n’y est pas accoutumé, si on est âgé, faible, malade, si on est une femme, etc. Mais il y a un minimum. Personnellement je ne pourrais pas me regarder dans une glace si je ne faisais pas au moins le minimum, au moins appeler la police, au moins voir ce qu’on peut faire sans se mettre en danger. On ne demande pas aux gens d’aller au casse-pipe, se faire poignarder, s’ajouter à la liste de victimes de l’agresseur. Je connais (indirectement, le mari d’une vieille veuve que j’ai rencontré) quelqu’un qui est mort ainsi en voulant stopper de sa personne un braquage dans un supermarché). Mais simplement de ne pas se rendre complice de l’agression en n’ayant rien fait, alors qu’on pouvait, au moins, faire le 17... ou le 15, ou le 18.

                                Maintenant, je saisis bien toutes les raisons psychologiques de l’inaction. Mais ces raisons en sont de mauvaises, ce sont des prétextes. Tout le monde peut faire, rien qu’un petit peu, sans se mettre en danger. Un appel à la police est anonyme, par exemple, et aujourd’hui (ce qui n’était pas le cas à l’époque de mes mésaventures, dans les années 90, mais il y avait des cabines téléphoniques un peu partout) tout le monde ou presque a un portable sur soi. Cela devrait garantir des appels rapides en cas d’agressions, or cela reste à prouver.


                                • Fergus Fergus 14 septembre 2015 17:06

                                  Bonjour, Nycolas

                                  Merci pour ce témoignage très complet et qui porte un regard lucide, à la fois sur ces incivilités qui peuvent très vite dégénérer en agressions. et sur l’attitude de témoins « spectateurs ».

                                  « ces raisons en sont de mauvaises », écrivez-vous à propos des justificatifs de l’inaction, et vous avez raison : il y a souvent quelque chose à faire, ne serait-ce, pour en revenir à une agression particulièrement violente, que prévenir la police le plus vite possible ou, à défaut, mettre à hurler un poste de radio à la fenêtre ouverte pour ameuter le voisinage et mettre l’agresseur en situation d’insécurité pour lui-même.


                                • bakerstreet bakerstreet 14 septembre 2015 18:11

                                  @Nycolas

                                  Bravo pour votre attitude et votre analyse. Mettons nous dans la tête d’une petite frappe qui réussi son coup, ne rencontrons aucun obstacle. Il va bien sûr recommencer, et sur un mode sans doute encore plus violent, plus extrème, jusqu’au moment où il trouvera les limites, si toutefois il les trouve....Ainsi, tout se tient dans un rapport de cause à effet, et l’agression que vous subissez est à même en lien avec ce qui s’est passé avant. Ayant travaillé en psychiatrie toute ma vie, j’ai eu affaire plus d’une fois à la violence. Je ne suis pas non plus un gros gabarit, mais je pense avoir réussi plus d’une fois à dégoupillé certaines bombes.
                                  Pas en montrant les muscles que je n’ai guère, mais en restant calme, déterminé, dans la mesure du possible, tachant de ne pas reculer, en parlant, pour expliciter. Reste que cette attitude fonctionnait d’autant qu’elle était partagée avec mes collègues, pas beaucoup souvent, deux trois personnes. on ne fonctionnait pas à plus, et des femmes, dont la présence est salvatrice et tout aussi précieuse que celle des hommes, et parfois bien davantage, car elle ramène l’homme à son animalité, par effet miroir. C’est très déconcertant pour certains.
                                  Pas une garantie, mais quand même quelques recettes apprises ! Bien des animaux nous montrent eux aussi que seul ils ne peuvent rien faire à un prédateurs, mais que l’union, une fois de plus, et la détermination du groupe font la force, et amène les autres à changer de paradigme par la suite. 

                                • Nycolas 14 septembre 2015 21:21

                                  @bakerstreet

                                  Le problème est que ces fameux instincts conduisent les gens qui prennent le bus à se sentir seul contre plusieurs. Les petits caïds agissent souvent en groupe et montent dans des bus où les gens se rendent individuellement chez eux ou à leur travail. Or le lien social s’étant perdu, et la solidarité avec, les gens ne se sentent plus reliés entre eux.

                                  Une des fois où j’ai gueulé dans le bus, les petits fouteurs de merde étaient pas moins de onze (j’ai recompté mentalement en tenant compte des places qu’ils occupaient : les 5 sièges du fond et 3 autres paires de sièges), et comptaient donc sur le nombre pour intimider la foule, car le bus était entièrement plein. Ils s’en sont pris à une fille qui était assise à côté de moi, et à moi (ils croyaient que j’étais une fille car je portais les cheveux longs et leur tournait le dos). Je me suis simplement mis en colère, leur ai intimé de me respecter car moi je les respecte, et ai répliqué à leurs vannes. Ils se sont aussitôt calmés. Ils ont blagué un peu à haute voix pour gérer leur honte de s’écraser contre un inconnu qui les avait pris au dépourvu, mais n’ont plus rien fait jusqu’à la fin du voyage.

                                  Par contre j’ai eu droit à des représailles plusieurs jours plus tard, mais là aussi j’ai su gérer sans problème. Je comprends que ce ne soit pas à la portée de tout le monde, car je ne suis pas moi-même à l’aise là-dedans, je n’aime pas la bagarre ni la violence, et étais alors plutôt timide et introverti. Mais si j’y arrive alors c’est possible, d’autant que j’ai accompli cela sans jamais trouver aucun soutien. Je suis fier d’avoir montré aux gens qu’on peut agir face à ces incivilités, et que c’est leur passivité qui les favorise, comme vous le dites. D’un autre côté je me suis mis en danger à cause de leur passivité, mais si personne ne commence à montrer l’exemple, alors tout est foutu, et c’est bien souvent à cause de ça qu’on en arrive là.

                                  Dans le même ordre d’idée, dans un ancien appartement, un soir, je suis témoin d’une effraction dans l’hôtel qui était en face de chez moi... Ils ont cassé la porte vitrée de l’entrée à deux, et à grand bruit, il devait être 23 heures, et personne ne s’est montré à la fenêtre... sauf moi ? ... J’ai bien évidemment appelé la police. C’est à croire que les gens ne se sentent concernés que si ça leur arrive à eux, et qu’ils font tout pour que ça finisse par arriver.


                                • zygzornifle zygzornifle 14 septembre 2015 14:50

                                  n’en parlez surtout pas a Jéhovah ......


                                  • leypanou 14 septembre 2015 15:57

                                    @zygzornifle
                                    mais à son Témoin.


                                  • Fergus Fergus 14 septembre 2015 17:09

                                    Bonjour, zygzornifle

                                    Jéhovah ? N’est-ce pas ce personnage mythique et totalement impuissant qui résume à lui seul l’attitude des trois singes : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ?


                                  • lejules lejules 14 septembre 2015 20:16

                                    @Fergus
                                    pour les 3 singes 

                                    le 1er dis tout ce qu’il voit et n’entend rien
                                    le 2eme vois tout et entend tout mais ne dis rien
                                    le 3eme repete tous ce qu ’il entend mais n’a rien vu

                                  • Fergus Fergus 14 septembre 2015 20:40

                                     @ lejules

                                    Exact. Mais, à voir l’état du monde, Jéhovah est décidément comme je l’ai caricaturé.

                                    Bonne soirée.


                                  • alinea alinea 14 septembre 2015 21:01

                                    Je suis très étonnée de cette histoire de « responsabilité diluée », pas d’une manière générale, mais dans ce cas particulier ; j’imagine les gens, la nuit, peut-être les fenêtres ne se sont-elles pas éclairées, je vois plutôt les gens seuls face à une scène qui les fascine, donc qui les pétrifie.
                                    La responsabilité diluée, oui, dans des manquements dont les conséquences sont catastrophiques : je pensais que tu l’avais fait, je croyais que c’était à lui de le faire,etc.
                                    Mais bon, je ne sais pas mais ça ne me convainc pas.
                                    Tant qu’on n’a pas vécu ça, on a du mal à imaginer ce que l’on aurait fait ; pour ma part, je suis sûre que je n’aurais pas pensé à appeler les flics, mais je crois bien que j’aurais mis des lumières partout, que j’aurais ouvert la fenêtre et que j’aurais crié ou fait du raffut, pour casser la fascination justement.
                                    Et j’imagine bien que quarante fenêtres qui s’ouvrent, des lumières, du tapage, aurait sorti le gus de sa folie meurtrière. Là aussi « mais bon », on ne sait pas !
                                    Ça me paraît différent des passants qui ne veulent rien voir, et fuient et je suis bien sûre que personne ne pense à rien, ou plus tard : quelqu’un a bien dû faire quelque chose !
                                    Nous vivons dans une société protégée au maximum où l’on nous apprend pas à faire face à la violence, à l’imprévu ; cela relève du cerveau primaire, si la réaction n’est pas immédiate, comme réflexe, si la pensée s’immisce, alors, c’est foutu ; on raisonne, on calcule... mais quand c’est la peur qui gouverne, oui, on est mal ; et c’est le cas !


                                    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 22:46

                                      Bonsoir, alinea

                                      « j’imagine bien que quarante fenêtres qui s’ouvrent, des lumières, du tapage, aurait sorti le gus de sa folie meurtrière. »

                                      Sans aucun doute. Et d’ailleurs, il a suffi qu’un homme l’interpelle pour qu’il s« éloigne. Mais il est revenu parce que le calme était retombé sur la résidence. Kitty Genovese est morte parce que personne n’a appelé les flics, mais aussi parce que personne n’a eu cette idée de faire beaucoup de lumière et beaucoup de bruit, ce qui aurait eu pour conséquence de faire fuir définitivement l’agresseur.

                                       »Nous vivons dans une société protégée au maximum où l’on nous apprend pas à faire face à la violence« 

                                      Tel n’était pas le cas dans le Queens en 1964. Certes, ce n’était ni Harlem ni le Bronx, mais les New Yorkais connaissaient la violence de la rue.

                                      Tu écris »pour ma part, je suis sûre que je n’aurais pas pensé à appeler les flics", et cela m’étonne. Pourquoi en est-tu sûre ? Personnellement, c’est mon premier réflexe, et je l’ai déjà, comme raconté dans un autre commentaire. Mais il est vrai que j’avais été étonné d’entendre dire par les flics que j’étais le premier à demander du secours alors que deux types braillaient en s’invectivant sous les fenêtres d’au moins une douzaine d’appartements, l’un menaçant l’autre d’un couteau de cuisine.

                                      Le premier à appeler, et peut-être le seul. J’ai trouvé cela stupéfiant ! Et c’est en me remémorant cette histoire que j’ai eu l’idée décrire cet article.


                                    • alinea alinea 14 septembre 2015 22:58

                                      @Fergus
                                      je n’ai pas l’habitude ni le réflexe de demander de l’aide ! Quand je suis en panne à datche, ça m’est arrivé deux fois, je n’ai pas pensé à appeler mon assurance ; pourtant je suis assurée pour mon rapatriement et celui de la bagnole !! Pourquoi, je ne sais pas, ça remonte à très très loin en fait !!
                                      En revanche faire du bruit, réveiller tout le monde, oui, sans doute parce que la certitude que descendre affronter le danger est débile, la connaissance intime de sa propre force, est devenue sûrement aussi rapide qu’un réflexe !


                                    • Fergus Fergus 14 septembre 2015 23:10

                                      @ alinea

                                      « la connaissance intime de sa propre force, est devenue sûrement aussi rapide qu’un réflexe ! »

                                      Voilà qui est sage : il est en effet inutile d’ajouter des victimes aux victimes !

                                      Cela dit, « faire du bruit, réveiller tout le monde » me semble une excellente manière d’intervenir utilement.

                                      Bonne nuit.


                                    • ddacoudre ddacoudre 15 septembre 2015 13:50

                                      bonjour fergus
                                      un comportement civique qui s’apprend, et qui n’est pas inné si la victime n’appartient pas au groupe, et encore des observations démontre que même dans ces cas l’on se trouve devant un comportement culturel.
                                      donc la question est quel est l’enseignement que l’on reçois pour ne pas avoir un réflexe de solidarité.
                                      Et je crois que tu peux élargir cela aux comportements générique qui fait que dans la difficulté très peu de gens se montrent solidaire. cela dépasse le seul effet témoin dont face à un risque ou des ennui inhérent à l’intervention l’on préfère imaginer qu’un autre est intervenu. il m’est arrivé d’intervenir face a des situations critiques ou accidentelles et effectivement quand d’autres avaient fait la démarche, je demandais seulement si mon aide était utile.
                                      socialement combien de salariés ont perdu leur emploi face a l’indifférence ou la peur.
                                      les cas que tu cites touchent notre émotionnel, et tu as pris par excellence un viol et une enfant dans le droit fil d’événement qui sont plus traumatisant que d’autre et qui sont la prédilection des pouvoirs pour manipuler les masses (attention je ne dis pas que tu fais cela) et curieusement Quand d’autres sont agressés, par des actes criminels où par les relations humaines dans le travail ou le quotidien nous avons ce comportement plus ou moins implicite avec toujours de bonne raisons. ceci et plus complexe que la seule explication de l’effet témoin et touche au contrôle interne des individus qu’ils remplacent de plus en plus par un contrôle externe police, lois, secours n tout genre qui leur évite d’avoir à intervenir directement.
                                      l’obligation de porter secours date d’une loi sous la période vichyssoise, c’est donc récent et au usa( à vérifier) je crois qu’il n’y a pas d’obligation et qu’il doit exister une recommandation et également une protection de ceux qui interviennent.

                                      cordialement..


                                      • Fergus Fergus 15 septembre 2015 14:07

                                        Salut, ddacoudre

                                        En réalité, lorsque j’ai décidé d’écrire sur le sujet, je n’ai pas choisi les cas évoqués : ils se sont imposés d’eux-mêmes. Le premier parce que l’affaire Kitty Genovese a été le déclencheur des études de psychologie sociale conduites sur les comportements de non-assistance. Le second, pour remettre en cause l’amalgame trop souvent fait entre ces deux affaires. Cela dit, je reconnais qu’il y a trop souvent une volonté de manipulation dans l’usage, à d’évidentes fins de propagande, d’images ou de récits particulièrement choquants. Ce n’était évidemment pas mon cas.

                                        Tu as parfaitement raison de souligner que l’appartenance à un groupe ou une communauté favorise les comportements solidaires. Mais autant ces derniers semblaient naturels naguère, autant il faut en effet passer désormais par une forme d’enseignement pour ancrer les réflexes dans les esprits, tant l’individualisme a pris le pouvoir. C’est un gros problème pour la société car cela veut dire que les fondamentaux éducatifs ont assez largement disparu.

                                        Bonne journée !


                                      • Luniterre Luniterre 15 septembre 2015 18:09

                                        Victime d’un accident, il y a plusieurs décennies, à Tunis, les passants se sont groupés, non seulement pour nous secourir, mais aussi pour empêcher le règlement « amiable » entre le fautif, un haut fonctionnaire local, et la police, notoirement corrompue. Et pourtant, c’était sous une dictature bureaucratique.

                                        En fait de théorie « psy » alambiquée, est ce que l’équation du problème n’est pas tout simplement la densité aléatoire de cons au mètre carré, à l’instant T ? Il se trouve qu’elle est trop souvent assez élevée... L’« american way of life », répandu maintenant jusqu’en Chine et ailleurs (en Tunisie aujourd’hui ?), est un facteur aggravant.


                                        • Fergus Fergus 15 septembre 2015 23:33

                                          Bonsoir, Luniterre

                                          Désolé de vous répondre si tard. J’étais parti à Rennes pour un concert.

                                          « la densité aléatoire de cons au mètre carré, à l’instant T ? »

                                          On peut voir cela de cette manière, mais les nombreux tests conduits dans le cadre des études de psychologie sociale montrent grosso modo les mêmes constantes. Mais il est probable que l’on puisse observer des comportements différents dans des lieux différents, du fait de la culture locale. Sur ce plan-là, des mégalopoles ne sont sans doute pas de bons exemple de comportement solidaire.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité