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Accueil du site > Actualités > Société > Une personne âgée sur le trottoir, c’est une bibliothèque (...)

Une personne âgée sur le trottoir, c’est une bibliothèque qu’on assassine

Ne pas aider les personnes âgées, au moment où la pénibilité de la vie est la plus grande, c’est vider de son sens toute sa vie.

Laisser sans soin, sans logement, sans nourriture, une personne âgée, c’est une insulte à l’humanité. Ne rien dire, c’est accepter non seulement qu’autrui soit détruit, mais que soi-même, qui inexorablement un jour en sera, tombe.

C’est accepter que demain, le sens de sa propre vie soit niée.

Car quel est le sens de la construction de soi, si l’on sait qu’au bout du chemin, on trouvera certes la mort, mais que ce parcourt sera devenu un calvaire, du fait non seulement de soi, un corps qui peine, mais aussi de la société qui rejette loin ses vieux ?

Une société de la performance à tout prix, et qui finit, comme dans « l’âge de cristal », par détruire ceux qui sont trop usés pour créer du profit. Comment concevoir l’avenir serein dans une telle société ? Car l’avenir, c’est du temps qui passe, et un jour, le vieillissement qui intervient.

Comparé aux chênes, aux séquoias, la vie humaine est courte, bien courte. Mais ceux qui prennent les décisions de supprimer les aides, d’augmenter sans cesse l’âge d’un repos non seulement mérité, mais indispensable à la survie, soit sont encore jeunes, soit possèdent des fortunes qui leur évitera de subir le sort commun, soit sont des sots.

Une civilisation qui oublie les anciens n’en est plus une.

Non seulement cette civilisation, devenue congloméra d’humains, nie la solidarité avec autrui, mais plus grave, elle invite chacun à se voiler la face, à ne pas se projeter dans le futur, et nier ce qui constitue le plus profond de soi, la solidarité avec le devenir de soi.

Ce conglomérat d’humain finit par rejeter la solidarité à soi-même. Et les moyens de propagande nous invitent à vivre au jour le jour sans questionnement, avec une vitalité à corps perdu qui puise dans la consommation à tout prix.

Non seulement le fort n’aide pas le faible, mais essaye par tous les moyens de l’affaiblir, et pire encore, l’homme fort n’est pas non plus solidaire de son futur lorsqu’il sera devenu faible. L’égoïsme est non seulement spatial, mais temporel. Que peut-on attendre d’un tel être ?

Il n’est pas étonnant que nous soyons l’époque de toutes les addictions. Devant l’avenir obscur qui attend chacun d’entre nous, comment ne pas sombrer dans l’oubli à tout prix du temps, et la quête sans fin de ce qui nous provoque le plaisir ? Tout en sachant que cette quête finira dans le néant.

Ce conglomérat d’individus qui nie l’aide donnée à autrui, qui laisse les anciens sur le bord de la route, sans soin ni compassion, se complait dans l’activité fébrile qui l’occupe, afin de ne pas voir la cruauté de son propre sort. C’est comme si chacun s’était jeté, ou était jeté, de la fenêtre d’une immense tour, et s’occupait à parcourir les journaux tout en pensant « pour l’instant tout va bien ».

Certes, la vie est sans issue. Mais comment ne pas voir l’écart majeur entre la fin chez soi, entouré des siens, avec encore des moyens dignes pour les dernières étapes de la vie, et ce qui nous attend. Un monde sans pitié qui retirera tout aux vieux, et soit les laissera gémir dans la rue, soit les entassera dans des mouroirs insalubres au personnel agressif.

Et se n’est pas en privatisant la solidarité que le problème sera résolu. Ce n’est pas par un impôt temporel (journée dite de solidarité) ou fiscal, voire en imposant une assurance privée, que ce sera résolu. Ni en remplaçant la répartition par la capitalisation. Au contraire.

En privatisant les hôpitaux, la sécurité sociale, les fonds de pension, en dé-remboursant les médicaments, en augmentant l’âge de la retraite et diminuant les pension, le gouvernement amplifie le phénomène. Il rend systématiquement les personnes âgées plus fragiles et plus pauvres, alors que dans le même temps il fait des opérations de marketing, tout en culpabilisant les salariés qui sont eux-mêmes les futures victimes.

C’est un choix global de société, le retour à la civilisation et la solidarité, via une juste répartition des impôts, via l’accès à des soins qui devraient être gratuits, via la resocialisation des hôpitaux et structures d’accueil, via surtout une retraite choisie à la foi dans la durée de travail (notamment pour les travaux les plus pénibles) et le mode de départ (celui-ci peut être progressif). Via surtout l’arrêt de la propagande sourde comme quoi les pensions de retraite sont un obstacle au développement du pays, créent de la dette, diminuent la compétitivité du pays.

L’économie d’un pays ne peut pas être sauvée en faisant travailler les personnes âgées jusqu’à leur départ définitif de la vie. Elle peut au contraire être sauvée en faisant travailler les jeunes, en pleine possession de leurs moyens physiques et intellectuels, jeunes par ailleurs formés, et sereins sur un avenir à long terme qui ne finira pas par un désastre annoncé.

Car sinon comment croire en une société qui garantit l’effondrement social comme ultime perspective de l’être ?


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10 réactions à cet article    


  • ARMINIUS ARMINIUS 30 novembre 2011 09:58

    Humm, il faudrait un peu nuancer, vous parlez des personnes âgées pauvres, dont le sort n’est certes pas enviable mais quand-même bien meilleur qu’en ex URSS et qu’aux EU, pour ne citer que ceux là ! Ce qu’il faut absolument développer, étant donné le coût prohibitif des maisons de retraite c’est le maintien au domicile, avec auxiliaires de ménage et de santé Il y a là des gisements d’emploi à exploiter...tout cela avec contrôle bien sûr car beaucoup de corps de métier exploitent aussi la crédulité de nos ainés, sans parler des politiques qui les maintiennent en état de crainte pour les orienter à « bien » voter...Bref du pain sur la planche pour des jeunes en mal d’emploi qui vivent, eux aussi, un véritable désastre !


    • Pierre-Marie Baty 30 novembre 2011 13:31

      Pardonnez-moi mais, pourrais-je savoir où vous êtes allé pêcher l’idée qu’en ex-URSS, le sort des personnes âgées n’était pas enviable ?

      Je suis profondément surpris par une telle affirmation. Il me semble, sans vouloir faire l’apologie ni la promotion de quelque système politique que ce soit, qu’il faut bien honnêtement reconnaître que c’était précisément le contraire !

      La meilleure pièce à conviction de ceci étant que les personnes âgées en Russie (qui ont donc connu l’époque soviétique), sont précisément celles qui votent massivement pour les partis d’obédience communiste - voir la base électorale du parti de Guennadi Ziouganov.

      Si vous voulez d’autres exemples, en Allemagne de l’Est, une grande majorité parmi les personnes ayant connu la RDA sont nostalgiques de son système politique (sondage Bild).

      Documentez-moi donc ?


    • ARMINIUS ARMINIUS 30 novembre 2011 17:51

      On ne doit pas avoir les mêmes sources d’information : la pauvreté des retraités russes m’a semblé plus qu’évidente avec des pensions peu ou pas revalorisées , des babouchkas vendant sur des marchés de misère leurs derniers bien dérisoires et un nombre incaculables d’alcooliques rongés par des ersatz de vodkas redoutables. Quant au regret du régime de l’occupation soviétique en RDA, il ne doit concerner que les ex-notables du parti. Pour conclure, le Bild est une feuille de choux type tabloïde qui ne peut en aucun cas servir de référence sérieuse en Allemagne ( pays que je connais et fréquente régulièrement depuis près de cinquante ans).


    • Pierre-Marie Baty 30 novembre 2011 21:14

      Vous êtes au courant, tout de même, que Gorbachev et Eltsine ont dirigé la Russie dont vous parlez ?

      La Perestroïka, dont il est inutile de critiquer le bien-fondé, provoqua un désordre complet de l’administration qui fut la cause principale des dysfonctionnements de cette époque - en sus, il va de soi, des dysfonctionnements inhérents de l’économie soviétique engagée dans le contexte mondial. Eltsine a, quant a lui, appliqué la « thérapie de choc » au système socialiste en taillant à la hache dans les programmes sociaux et en écrasant sans ménagement tous les repères idéologiques restants des générations âgées. Faut-il encore s’étonner de la situation des personnes âgées (alcoolisme, pauvreté) en Russie dans les années 1990-2000 ? Prétendre dès lors que la faute en incombe exclusivement au système socialiste, c’est non seulement y aller fort, mais faire insulte à l’intelligence des survivants de ce système qui ont majoritairement (je vous le rappelle) conservé leurs convictions.

      Quant à réfuter un sondage sous prétexte qu’il provient d’un tabloïd, je trouve l’argument un peu spécieux ; il eût fallu au moins en apporter un autre, de source irréprochable, qui dît le contraire - et vous aurez du mal à en trouver, l’Ostalgie étant une caractéristique des populations de l’ex-RDA qu’il serait malhonnête d’ignorer. L’argument d’autorité est très mauvais en rhétorique. Vous m’en voyez donc désolé mais je réfute votre réponse. smiley


    • jaja jaja 30 novembre 2011 09:59

      Très bon article qui ne se contente pas d’être « humain » mais sait voir quelles responsabilités portent « nos » dirigeants dans la misérable fin de vie qui attend les futurs vieux avec ces successions iniques de « réformes » des retraites....


      • Catherine Segurane Catherine Segurane 30 novembre 2011 10:30

        Très bon article. Malheureusement, les personnes âgées ont du souci à se faire : à la réforme des retraites, s’ajoute toute une propagande qui tend à les transformer en bouc émissaire. J’ai même lu un texte qui s’indignait de ce qu’on ait un patrimoine plus important après une vie de travail qu’en démarrant !


        • Constant danslayreur 30 novembre 2011 12:13

          Rappel salutaire merci.

          Ça va même au-delà des séniors même si effectivement leur fragilité est grande.

          Et si vous, vous soulignez surtout la responsabilité de vos dirigeants, je préfère m’en tenir à la mienne et à celle des ... mortels comme moi. Ailleurs je disais :... au besoin soyez « légitimement égoïste », oubliez les autres jusqu’aux voisins de palier, jusqu’à la collègue de bureau et ne vous occupez plus ex-clusi-ve-ment que des vôtres.

          ça remonte à quand la dernière fois que vous avez été voir votre mère et que vous avez tout fait pour apporter un peu de joie à son cœur ? 

          ça remonte à quand la dernière fois que vous aviez envie d’envoyer paître votre père et qu’en lieu et place de cela vous lui avez souri et avez fait en sorte de le valoriser ?

          ça remonte à quand la dernière fois que vous avez exprimé à votre moitié toute votre tendresse alors que vous aviez une envie pressante de lui dire « M... » et surtout « ta gu... » ?

          Avez-vous remarqué que votre cousin arrive à peine à joindre les deux bouts lui qui est trop fier pour demander de l’aide ? Savez-vous que votre tante a pleuré en silence hier, convaincue que personne sur terre ne se souciait encore de savoir si elle était en vie ou enterrée ?
          Pardon, vous dites ? Vous faites déjà tout ça et mille fois plus encore et qu’est-ce que je crois et que vous ne m’avez pas attendu pour... Ben écoutez, désolé d’avoir douté et simplement bravo ...


          • colza 30 novembre 2011 17:56

            Les personnes âgées ont du soucis à se faire et pas seulement de la part des politiques. Il suffit de lires les commentaires de beaucoup d’articles pour se rendre compte que les seniors sont souvent associés au paiement de retraites rendant le déficit insoutenable. Comme si ces retraités, après avoir travaillé pendant plus de 40 ans, n’avaient pas gagné le droit de vivre dignement et respectés.


            • Asp Explorer Asp Explorer 1er décembre 2011 07:37

              Oh, les pauvres petits vieux sur le trottoir... Oui, sauf que dans notre pays, statistiquement, ce sont plutôt les jeunes qui sont sur le trottoir, parce qu’ils ne peuvent pas payer les loyers débiles demandés pour loger dans des studettes infâmes de 15m2, détenus par des personnes âgées. Des jeunes qui sont donc victimes d’une mal-gouvernance et d’une répartition inique des richesses. Et contrairement aux quelques personnes âgées qui en sont aussi victimes, les jeunes ont au moins le mérite de n’être en rien responsables de cette crise, dans laquelle la France s’est engagée bien avant leur naissance.


              • Pie 3,14 4 décembre 2011 00:11

                Une bibliothèque sur le trottoir...c’est pire encore, à cause de l’humidité.

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