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Vincent Peillon nous rend sa copie

En direct de mon centre de loisir ...

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Commentaire d'un invisible de base

Monsieur le Ministre, j'ai reçu un peu tard votre belle copie et comme c'est la coutume dans notre maison, je m'empresse de corriger votre devoir avec la célérité qui sied à notre profession. Avant d'aborder le contenu, attardons-nous sur la forme. Votre rédaction a mis bien du temps à arriver jusqu'à ma modeste boîte à courriels. Les arcanes de la hiérarchie sont ainsi faites que ce que vous écrivîtes le 6 décembre ne me parvint que le 12 du même mois. Autre petit détail, cette fameuse date tamponnée en haut de votre missive me choque tout autant qu'elle démontre le mépris dans lequel vous me tenez. J'eusse apprécié qu'elle fût écrite de votre propre main !

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Quant à votre trace manuscrite finale, elle ne dissipe pas la mauvaise impression initiale. Votre écriture est négligée, votre adverbe final bâclé, comme si vous en aviez déjà assez de perdre votre temps pour des êtres si subalternes. Enfin, pire que tout, vous qui représentez censément la plus noble institution de notre nation, vous ignorez l'usage de la majuscule classique. J'en suis désolé …

Laissons-là ces remarques liminaires et examinons le lexique que vous employez ou validez de votre signature. Les mots ont leur importance dans l'enseignement bien plus qu'en politique où il semble qu'ils perdent de plus en plus de leur valeur. Ne soyez donc pas surpris de mes réactions, elles s'inscrivent dans un souci de précision qui a depuis longtemps déserté la langue des hauts fonctionnaires.

Je vous fais grâce de ce « majeure » (étape majeure) qui ne me paraît pas judicieux quand on évoque nos chers petits. Il eut été plus élégant de lui préférer « décisive » ou « déterminante » ou encore « fondamentale » mais hélas ces adjectifs échappent à la triste réalité de votre action à venir. C'est votre « refondation » qui dès la seconde ligne m'irrite et m'exaspère. D'abord il sent le réchauffé avec ce préfixe qui ne me dit rien qui vaille et il complète un mot qui fleure bon le génie civil ou la maçonnerie. Notre école mérite bien mieux que ce terme exécrable !

Puis la colère devient indignation quand vous vous adressez directement à nous dans une formule qui se veut agréable. Ainsi nous faisons vivre l'école et vous allez jusqu'au bout de votre déplorable sentiment en usant du verbe « animer ». L'école, Monsieur le Ministre, n'est pas un gentil club de loisirs, ce n'est pas une aimable plaisanterie qu'il faudrait refonder de quelques retouches plaisantes, d'un peu de couleur et de beaucoup de poudre de perlimpinpin.

Alors, quand vous vous permettez d'écrire en gras que l'école « traverse une crise de sens » , vous démontrez à l'évidence cette affirmation. Pire, vous nous comparez à une armée en bataille puisque nous nous serions « mobilisés pour réussir la première rentrée du changement », formule lamentable qui sous-entend que sous le précédent gouvernement, nous ne faisions plus notre travail. Sachez que nous travaillons d'abord pour les enfants et leurs familles et que nous avons conservé nos devoirs de désobéissance quand les directives de votre prédécesseur étaient iniques, ce que nous ne manquerons pas de faire pour les vôtres également.

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Je m'aperçois qu'à ce rythme, le commentaire serait bien plus long que votre joli message. Je ne vais pas pouvoir relever toutes les maladresses qui fleurissent dans ce merveilleux exemple de xylolalie. Je découvre ainsi sous votre dictée que vous allez créer « le métier d'avenir professeur », ce qui m'interroge sur ce que nous pouvions faire jusqu'à votre avènement.

Puis vous sombrez dans le verbiage le plus détestable de votre corporation. Quand je lis que vous avez « construit un consensus, autour d'un diagnostic et de priorités restituées » je comprends que la vacuité est encore la maîtresse des débats. Cette seule formule réduit à néant les quelques espoirs illusoires que je pouvais attendre d'un changement revendiqué.

Que dire alors du verbe mis en évidence dans un chapitre écrit en gras : « sanctuarise » ? Ça sent le formol et la mort, c'est pédant et maladroit, c'est totalement déplacé pour une institution qui devrait être un lieu de vie et de sourire, de couleur et de valeurs. Vous me désespérez monsieur le Ministre.

Puis, vous déroulez les actions concrètes. Il faut vous reconnaître que votre langue est plus à l'aise dans cet exerce. Les mots ne me choquent pas à l'exception notoire de ce terrifiant « parcours sécurisé » que vous évoquez pour la formation professionnelle. Il est possible de considérer que ce n'est qu'une simple maladresse pour exprimer une idée pleine de bonnes intentions.

Vous remettez le couvert en gras dans le chapitre suivant. « Refondation pédagogique », ces deux mots ne peuvent raisonnablement faire bon ménage. La pédagogie est une science vivante, un savoir qui ne suppose pas nécessairement de changer sans cesse. Il y a des techniques ancestrales qui demeurent efficaces, d'autres qui ne sont plus applicables. La vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain. Contentez-vous de donner une véritable culture pédagogique et laissez donc les enseignants agir en fonction de la réalité d'un terrain si mouvant.

Oublions ce socle commun qui creuse le sillon de la médiocrité. La cause est perdue, vous avez entériné ce tour de prestidigitation qui transforme l'enseignement en un mille-feuille indigeste et mensonger. Vous parlez du respect de ce métier et vous le transformez en un petit travail de secrétariat où nous devons coûte que coûte et en dépit de la vérité, remplir des cases. Quand les hauts fonctionnaires prennent le pouvoir, on en arrive à des aberrations de la sorte !

Arrêtons-nous si vous le voulez bien sur la morale que vous désirez remettre à l'ordre du jour. L'école, contrairement à ce que vous écrivez, n'est pas un sanctuaire. Que vaut la morale dans la classe quand toute la société est fondée sur des valeurs diamétralement opposées. Vos collègues de la politique ne montrent jamais l'exemple, les entreprises et la télévision non plus. Face à la loi de la jungle qui sévit désormais dans une société mondialisée, nous sommes bien désarmés pour changer le monde. Ne nous ridiculisez pas !

Je vous fait grâce de votre Conseil National d'évaluation. Nous qui sommes si attachés à ce que fut le Conseil National de la Résistance, nous aimerions que cette appellation demeure à jamais attachée à cette magnifique institution et que nulle farce ne porte ce nom.

Puis la lassitude m'a gagné. Le style n'est pas à la hauteur de l'enjeu, les mots sonnent creux, ils sont purement techniques. Où se trouvent les souffles de Jules Ferry ou de Jean Zay ? L'école vaut bien plus que ce langage creux, ces bonnes intentions sans lendemain. C'est autre chose qu'il nous faut.

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Hélas, vous finissez par dévoiler notre véritable mission. Elle est terrible, c'est un aveu d'impuissance, c'est un retour en arrière terrible, c'est l'effacement du siècle des lumières. Vous attendez que l'école « forme des jeunes adultes qui pourront s'insérer sur le marché du travail ». Effroyable asservissement de l'école au monde de l'entreprise. Vous pouvez bien citer ensuite le plaisir de l'apprentissage, le développement personnel, la citoyenneté, vous oubliez la culture et la pensée, le développement personnel et la capacité à maîtriser la langue sous toutes ses formes. Vous êtes au service d'une conception opérationnelle de l'école.

Je vous prie de constater à quel point, Monsieur le Ministre, j'ai intégré la véritable teneur de votre considération distinguée. La mienne ne sera que de pure forme. Le métier que j'ai choisi il y a bien longtemps sombre dans verbiage qui n'augure d'aucun changement réel. J'en suis profondément navré.

Hussardnoirement vôtre.

 


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16 réactions à cet article    


  • jef88 jef88 14 décembre 2012 13:01

    Contentez-vous de donner une véritable culture pédagogique

    Je pense que c’est la la véritable pierre d’achoppement !
    Des bac+5 ou +10 ne servent a rien s’il n’y a pas la volonté et la méthode pour transmettre ....

    Xylolalie ! génial //// Surtoit pour un ancien travailleur du bois .


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 20:35

      jef88


      Nous nous contentons désormais de maintenir une relative paix sociale

      Nos cmasses sont en fusion ou en confusion. Ce matin j’ai du virer manu militari deux voyoux qui ont fait intrusion au collège, qui ont fait peur aux surveillants. Ils ont reculés devant moi mais après, comment donner une culture pédagogique.

      L’école va boen plus que mal et le ministre ratiocine !

    • Rensk Rensk 14 décembre 2012 16:34

      Concernant le début de votre article... j’y vois ici un très « élégant » bras d’honneur, bien plus élégant que ceux faits par les humoristes de France et d’ailleurs (quand-même pas une exception la France)...


      • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 20:37

        Rensk


        Un subjonctif servi en guise d’indicatif pour montrer à quel point tout n’est qu’illusion et mensonge !

        Qui l’a remarqué ?

      • Brontau 14 décembre 2012 17:52

         C’est avec un profond regret, cher ami Nabum, que Je viens de prendre connaissance, suite à un excellent résumé de texte préparé à Mon Attention par un Dévoué Collaborateur, de votre insolente et incompréhensible missive.

         J’avais envisagé (où pouvais-Je bien avoir la tête ?) pour récompenser vos bons, loyaux et longs Etats de Service, une prestigieuse récompense, bien à la hauteur de vos mérites et de ma profonde Magnanimité.

         J’espère que vous comprendrez que la Dignité de ma Fonction, seule, M’empêche de vous dire où vous pouvez vous accrocher Les Palmes Académiques que J’avais un instant -très bref- pensé vous décerner.

         Pour le Ministre et par Délégation…. Un proche et anonyme collaborateur. M.B


        • Rensk Rensk 14 décembre 2012 19:55

          Y a pas de bras d’honneur, juste « la rogne »... vous faites quoi dans votre vie ??? Ne me dite pas policier svp car sinon vous risquez sérieusement de « foutre en l’air » notre société...


        • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 20:40

          Brontau


          Monsieur le Ministre

          Il y a plus de 15 ans déjà qu’un de vos subaterne m’a décerné cette pauvre récompense que je me suis empressé de refuser.

          Depuis je suis particulièrement fier de ne jamais faire état de cette farce et c’est seulement pour répondre à votre provocation que je peux vous assurer de mon refus de participer à vos grimaces !

        • volt volt 14 décembre 2012 18:28

          ce « B » est encore très enfantin et bien possessif, 

          on en retrouve une trace en fin de signature ; 
          l’adolescence comme le parcours scolaire semblent avoir été problématiques.
          le trait du « V » qui monte nous raconte une grande (sur-)estime de soi ; 
          mais toutes ces croix qui surchargent la signature du monsieur 
          semblent rendre conte de toute une crucifixion, barricadée.
          il est donc peu de chance que par accident nous nous payions l’écoute de Vincent :
          se barrant lui-même trois ou quatre fois, 
          la pire scène à boum imaginable ne saurait l’atteindre.

          • Rensk Rensk 14 décembre 2012 20:01

            Drôle le droit que vous vous prenez pour interpréter les signatures de gens...

            Voici une réalité ; si vous mangez des orange « Navelinas » et conduisez... vous risquez d’avoir des problèmes vu la réaction des outils (certifiés) mesurant l’alcoolémie...


          • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 20:42

            volt


            La formule adverbiale est un sommet d’indifférence et d’enfantillage

            Il est indigne de la fonction. Pauvre PS, incapable de sortir une figure exemplaire pour prendre ce poste au plus grand de la tempête !

          • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 20:43

            Rensk


            Sachez monsieur qu’un ministre de l’éducation doit au moins songer à soigner son écriture.

          • volt volt 14 décembre 2012 20:46

            il serait interdit de s’amuser à l’envi de ces quelques gribouillis misérables dans une lettre où le bois se donne pour si peu vert ?... la science vous dirait que notre ministre en son découpage syllabique est très intelligent et très organisé, qu’il sait aller au plus pressé ; mais... qui vous dit que c’est une science ? (nulle inquiétude cependant, je me tords déjà de culpabilité).


          • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2012 21:00

            volt


            Rassurez-vous, vous êtes pardonné !

            Qui pratique la dérision à sa place ici.

          • katakakito 14 décembre 2012 22:05

            Une copie ? Non , un torchon, même une serpillère.


            • C'est Nabum C’est Nabum 15 décembre 2012 06:31

              katakakito


              Usons d’un peu d’élégance pour lui signifier la même chose

              Pour important qu’il se croit, l’homme a rendu une copie d’une insigne médiocrité.

            • C'est Nabum C’est Nabum 16 décembre 2012 09:19

              Alain Colignon


              Au quotidien et de manire permanente je suis en Résistance.
              Il parrait que je suis insupportable parce que j’ai des prinicpes, des exigences, des valeurs que je défends même si la cause est perdue face à l’indifférence des moutons qui aiment être tondus.
              On laisse pénétrer l’anglais dans toutes les circonsatances de notre vie, on abandonne le bien parlé, on renonce à exiger l’honnèteté et l’intégrité pour nos représentants, on accepte la vulgarité des radios et des télévisions, on subit sans rien dire la fiscalité routière et le racket qui s’y rattache.
              Tous ? NOn ! Des êtres se lèvent, des petits villages gaulois se forment ici et là, des poches de refus de la médiocrité et du renoncement.

              Nous sommes en guerre contre les représentants de commerce d’un système qui souhaite l’abrutissement des masses pour les maintenir dans une forme de dépendance absurde à l’argent.

              Chaque fois que je peux, j’agis, je dénonce, j’écris et je dis des contes pour éclairer les esprits. TOut cela gratuitement car c’est une œuvre de combat.

              Voilà mon ami, je veux leur clouer le bec tout autant que vous ...

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