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Accueil du site > Actualités > Société > Y a-t-il de l’ognon à l’Académie française ?

Y a-t-il de l’ognon à l’Académie française ?

 Pourquoi cet acharnement académico-médiatico-élitiste sur des évolutions naturelles de la langue ? L'Académie a beau jeu de s'appuyer sur l'usage. Est-ce pour que nous nous mêlions de nos ognons ?

 Étymologie du nom ognon : XIIe siècle, unniun  ; XIIIe siècle, oingnun  ; XIVe siècle, oignon. Issu du latin populaire unio « unité », puis « oignon », que l’on rattache à unus « un, un seul », parce que cette plante n’a qu’un tubercule.

 L'Académie française hésite de longue date sur cette graphie :
Ac. 1718-1762 : oignon ; 1798 : ognon ; 1835, 1878 : oignon, ognon ; 1935 : oignon.

 On trouve la graphie ognon dans les rectifications de l'orthographe de 1990 sous l'indication : Des rectifications proposées par l’Académie en 1975 sont reprises, et sont complétées par quelques rectifications de même type.
 Dans son nouveau dictionnaire, elle indique "Peut s'écrire ognon, selon les rectifications orthographiques de 1990." mais cette entrée est refusée dans le moteur de recherche.

 Lu dans la présentation du dictionnaire de l'Académie française :

 Comme on le sait, un ensemble de « rectifications orthographiques » proposées par le Conseil supérieur de la langue française ont été approuvées par l’Académie française et publiées en décembre 1990 dans les « Documents administratifs » du Journal officiel. Ces rectifications ont pour but de résoudre les problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de faciliter l’apprentissage du français. Elles n’ont pas une valeur d’obligation mais plutôt de recommandations, les deux orthographes, dites « ancienne » et « nouvelle », étant admises et non fautives.
 Dans la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie, ces orthographes « rectifiées » sont intégrées à des stades divers :

  • certaines le sont directement, c’est-à-dire que la graphie « moderne » est la seule indiquée en entrée principale, comme pour mémento (accent), photoélectrique (soudure des mots composés), match (des matchs, pluriel régulier), etc. ;
  • certaines font l’objet d’une variante graphique, en première ou en seconde position, comme pour évènement ou événement, moto-cross ou motocross, etc. ;
  • certaines, enfin, et conformément au choix de l’Académie, ne sont pas intégrées au Dictionnaire, mais font alors l’objet d’une indication, matérialisée par le symbole ◊, qui indique qu’une graphie « recommandée » existe pour ce mot, mais n’a pas été retenue dans le Dictionnaire. C’est le cas de près de 1 000 mots, comme oignon (la graphie recommandée, ognon, n’étant pas rentrée dans l’usage), tous les accents circonflexes sur i et u (brûler, abîme), des séries comme persifler, etc.

 Pourquoi ces distinctions ? Faut-il y voir la volonté de confisquer la langue du peuple ?

 La prononciation régulière a subsisté dans nombre de mots du type besogne/besogner, grogne/grogner, rogne/rogner, etc. Dans la famille de poing, seul l'argot pognon conserve la graphie et la prononciation -ogn- [ɔ ɳ]. Littré signale pour empoigner la prononciation en [wa] mais comme peu usitée, et Barbeau-Rodhe 1930 la considère comme moins bonne. Mais dès Philippe Martinon Comment on prononce le français (1913), pages 48-50, la prononciation [wa] prend de l'importance au détriment de l'ancienne prononciation correcte qui reste cependant celle du peuple : ,,Le peuple dit, fort justement, 'pogne" [pɔ ɳ], "empogne" [ɑ ̃pɔ ɳe], mais ceci passe, déjà, pour familier, ainsi que "la foire d'empogne" [ɑ ̃pɔ ɳ], ces mots étant d'ailleurs, plutôt, d'usage populaire. Quant à poignet, poignée, poignard, qui sont d'usage littéraire aussi bien que populaire et plus encore poignant qui est plutôt littéraire, on peut dire que leur prononciation est, définitivement, altérée. ,,La prononciation en [wa] écrite -oi- s'explique par l'influence graphique du i conservé, par analogie avec éloignement sous l'influence de loin, témoigner sous celle de témoin, soigner sous celle de soin, joignant sous celle de joindre, poigne, poignard, empoigner (et ses dérivés) sous celle de poing. Seul oignon se prononce toujours [ɔ ɳ ɔ ̃] malgré la présence de l'i, ce qui vient de l'emploi très populaire de ce mot. Philippe Martinon souhaitait donc ognon comme rognon. Pour poignet, poignée, poignard, il estimait que, le malencontreux i n'ayant pas été ôté à temps, il convient de se rallier à la prononciation en [wa], celle en [ɔ ɳ] étant tout à fait surannée, au moins dans l'usage des personnes instruites. Pierre Fouché, dans le Traité de prononciation française en 1959, page 39, note qu'il y a encore hésitation pour encoignure et moignon, mais que [ɔ ɳ] est plus fréquente dans encoignure et [wa] dans moignon.

 Quelle est la véritable raison de cet acharnement à refuser des évolutions naturelles qui ne gênent que les accapareurs de médias, les adversaires de la liberté de s'exprimer ? Suggérons à cette Académie de l'ognon et aux médias la formule d'adoubement : Oignons ces défenseurs d'une langue élitiste.

https://www.cnrtl.fr/definition/empoigner

http://academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rectifications.pdf

https://www.dictionnaire-academie.fr/


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22 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 1er juillet 2019 09:32

    Bonjour, Gilles

    Un article qui va réjouir les membres de la secte des « Adorateurs de l’oignon » s’il en reste encore depuis l’émergence de cette croyance en 1929. Ont-ils d’ailleurs eu une descendance ? Eux qui, ayant pris conscience que l’oignon ne s’épanouissait que la tige coupée, choisirent  dit-on de se trancher les attributs. Réponse peut-être dans ce fil...


    • Fergus Fergus 1er juillet 2019 09:36

      Cela dit, votre combat tient de la guerre picrocholine. Car entre nous, que l’on orthographie le mot ognon ou oignon n’a strictement pas d’importance. D’autant moins que l’on sait qu’au fil du temps, nombre de substantifs de la langue française ont changé d’orthographe à différentes reprises.

      L’important dans l’oignon n’est pas son orthographe, mais son goût : rien de tel qu’une bonne soupe gratinée. Un régal dont on pète de joie rien qu’à son évocation !


    • Gilles COLIN 1er juillet 2019 10:24

      @Fergus
      Entièrement d’accord avec vous.
      Mais n’est-ce pas l’Académie qui a fait de ce mot son emblème ? 
      Pourquoi le citer dans la présentation du dictionnaire si ce n’est pour surfer sur les innombrables avis de sachants qui se gaussent de cette possibilité de réécrire ce mot d’une façon populaire ?


    • Gilles COLIN 1er juillet 2019 10:27

      @Fergus
      Cette bonne soupe gratinée ne serait-elle pas une ognonnée ?


    • Prudence Prudence 1er juillet 2019 13:01

      @Fergus
      La « soupe des Halles de Paris » : avec tant de pain qu’elle devient un plat consistant. Comme en 1960, quand la vie existait encore, quand Paris était la beauté même, avec ses façades lézardées dont certaines portaient la poussière et les pigments de deux siècles. On croyait y voir celles et ceux qui nous avaient précédés, nous parlant. Alors, nous n’étions jamais seuls, même si nous nous promenions, solitaires. Aujourd’hui règne le désert, y compris dans l’âme.


    • Fergus Fergus 1er juillet 2019 13:51

      Bonjour, Prudence

      J’ai connu ces soupes gratinées des Halles dégustées sur de snappes à carreaux rouges dans ma jeunesse, et c’était un vrai plaisir.

      « Paris était la beauté même, avec ses façades lézardées dont certaines portaient la poussière et les pigments de deux siècles »

      Je ne partage pas cet avis. C’est en l’occurence la nostalgie de notre jeunesse qui nous fait parler ainsi. Car dans les faits, entre les maisons délabrées, et parfois tenues par des étais de bois pour ne pas s’effondrer, et les immeubles tellement crasseux qu’on n’en voyait pas les détails (à l’image de ces mascarons du Marais que beaucoup de Parisiens ont découvert grâce à la loi Malraux), le fait est que la ville est plus belle aujourd’hui. Mais le fait également qu’elle a perdu une grande partie de son âme populaire.


    • vesjem vesjem 1er juillet 2019 17:07

      @Prudence
      en effet, dans toutes les villes moyennes, la mode des urbanistes est à l’aménagement (à grands frais pour les bourses des contribuables) de places immenses et presque désertes, où 3 pelés circulent en même temps, en tous temps et en toute heure ;
      le« vivre ensemble »tant revendiqué par les bien pensants, dans toute sa froideur et son anonymat


    • Emin Bernar Emin Bernar 1er juillet 2019 12:41

      Certains usages me révoltent : du coup, sauf que ,ça le fait ...Les médias diffusent ces expressions qu’on entend partout !


      • Prudence Prudence 1er juillet 2019 12:53

        L’élitisme intellectuel, c’est quand on se pose des questions alors que cela n’a pas lieu d’être.

        On écrit « oignon » et on prononce « ognon », c’est l’usage, précisément, d’écrire et de prononcer ainsi.C’est l’usage, parce qu’on l’a appris ainsi et parce que la majorité des gens, pas trop stupides, font ainsi, et que cela ne fait de mal à personne. Il faut être un universitaire désoeuvré à la recherche d’une thèse ou d’un article (le salaire des universitaires n’augmentent pas s’ils ne publient pas, voici expliqué le secret de la quantité de bullshit universitaire) pour se poser des questions à ce sujet.

        Honte aux académichiens qui ne gardent plus la langue, et ne semblent avoir comme raison de vivre 1) que de la défigurer, et 2) de détruire la notion même de règle et le sens du mot « usage ».

        A ces deux idées, il faut les voir frétiller et remuer la queue.

        Mais vous ne connaissez peut-être pas d’académichien-ne ? Moi si, hélas, j’en connais deux et jusqu’à leur sinistre vie privée, véritable cauchemar.

        C’est pourquoi je suis pour la suppression de l’Académie française, institution parfaitement nuisible aujourd’hui. La tartufferie élitiste a assez duré, ainsi que la destruction de la langue française à cause de la trahison de celle qui devait la servir fidèlement.

        A qui sait voir, la destruction de la langue « à la truelle » à coup de « raison » et d’« esprit critique » devenu fou (désoeuvré, errant, à l’errance et dans l’erreur) est ici manifeste.


        • HELIOS HELIOS 1er juillet 2019 15:42

          ... si l’école commençait par apprendre aux enfants à prononcer correctement les mots, peut être que leur adaptation « populaire » serait inutile.

          ... soignons les symptômes plutôt que la maladie, pfff....


          • vesjem vesjem 1er juillet 2019 16:59

            j’ai lu dans un bouquin de cuisine de 1850 , oignon écrit « onion »


            • mursili mursili 2 juillet 2019 11:14

              @vesjem

              C’était un livre de cuisine anglaise, probablement. Cela dit, pourquoi ne pas écrire « onion », en effet.

              L’onion fait la force !


            • Xenozoid 1er juillet 2019 17:01

              c’est vrai que si l’oagnon,est dans le pied ça fait mal


              • Xenozoid 1er juillet 2019 17:04

                @Xenozoid

                rectif,bon pour moi

                C’est vrai, que si l’oagnon est a pied, ça fait mal


              • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er juillet 2019 21:01

                Se le faire carrer dans l’ognon fera peut-être moins mal que de se le faire carrer dans l’oignon avec une syllabe turgescente en moins .


                • dr.jambon-beurre dr.jambon-beurre 2 juillet 2019 03:34

                  Je force toujours le trait en disant « oi-gnon » ou « lo-yer », parfois je ne fais pas les liaisons comme « lé-enfants » au lieu de « lé-z-enfants ». C’est pas cher et ça fait rire les gens.

                  Sérieusement, notre langue est vraiment malléable et on peut la tordre pour s’en amuser, profitons en. Devos, Desproges mais où sont vos successeurs ?


                  • ETTORE ETTORE 2 juillet 2019 12:29

                    Avec lequel pleurerions nous le moins ?

                    l’ognon ?

                    ou

                    l’oignon ?

                    Faut me le dire, car une nouvelle page de communication identitaire du produit, s’ouvre désormais à nous.


                    • Parrhesia Parrhesia 5 juillet 2019 11:52

                      >>> Quelle est la véritable raison de cet acharnement à refuser des évolutions naturelles… <<<

                      Une raison de réticence, c’est peut-être déjà le simple constat que la longue fronçaise est de plus en plus malmenée et de plus en plus vite !

                      Si cela continue, l’importance de son évolution sera bientôt moins importante entre la date de la naissance de François Villon et ce jourd’hui qu’entre la date de mise en vente d’un « smartphaune » et sa date « d’aubsaulescence praugrammée » !

                      Et ceci sans que les « professionnels » intéressés soient corrigés…

                      Mais peut-être n’est-ce tout simplement qu’une évolution politiquement « caurect » !!!


                      • Parrhesia Parrhesia 5 juillet 2019 12:05

                        @Parrhesia
                        Merci de lire : "l’importance de son évolution sera bientôt moindre…

                        I am so sorry !!!


                      • Gilles COLIN 5 juillet 2019 14:51

                        Mais quels sont les critères permettant de classer les évolutions de la langue française dans les améliorations ou les régressions ?


                        • Parrhesia Parrhesia 5 juillet 2019 17:06

                          Gilles COLIN
                          A mon humble avis, l’un des premiers critères correspond à la nécessité de constance dans la clarté de l’expression .
                          La suppression de l’accent circonflexe, pour ne citer que cet exemple, ne va pas dans ce sens !
                          Il en résulte, dans le langage parlé, que l’on nous annonce que les cyclistes gravissent la « cotte » du Tourmalet ( « côte » prononcée « cotte ») ou que baissent les « côtes » de la bourse (« cotes » prononcée Côtes).
                          Et ce genre de déviation du langage parlé induit une augmentation des fautes dans le l’expression écrite…
                          Si à cela s’ajoute la comparaison entre les résultats de la méthode globale de lecture qui nous a été imposée au détriment de ceux obtenus traditionnellement par notre vieux b+a = ba, on peut douter de la compétence, ou de l’honnêteté intellectuelle, ou des deux, chez certains partisans du modernisme.
                           Et ne parlons pas, dans un autre domaine, de la tentative pour relativiser l’importance des dates dans l’étude de l’histoire ; tentative dont les résultats vont dans le même sens destructeur de notre culture.


                        • Gilles COLIN 5 juillet 2019 17:54

                           Je partage votre avis sur la nécessité de constance dans la clarté de l’expression tout en observant que celle-ci nécessite nombre de néologismes pour lesquels je déplore un manque de réactivité de la part de celles et ceux qui se contentent ou se gargarisent de mots anglais assaisonnés à la française.

                          Précisons que la suppression de l’accent circonflexe, selon les rectifications orthographiques de 1990, ne concerne « que » la majorité des mots avec î et û, ce qui n’induit pas de changement phonétique. Il est conservé sur â, ê, ô, où il correspond généralement à la prononciation.

                          Plus généralement, ces rectifications qui n’étaient souvent qu’un rappel de décisions antérieures ne s’attaquent pas à la prononciation sinon pour mettre en harmonie la graphie avec celle-ci.

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