Charlotte Valandrey et la mémoire cellulaire face à la science
Le livre de Charlotte Valandrey connaît un succès public malgré un silence relatif des médias. Pour une fois, le témoignage d’une célébrité laisse perplexe en suscitant une intense curiosité mais aussi en lançant une esquisse de débat plus scientifique sur une éventuelle théorie de la mémoire cellulaire. Charlotte a subi une greffe du cœur il y a plusieurs années et depuis, se trouve face à d’étranges sentiments liés à la mémoire de situations qu’elle n’a pas vécues mais qui seraient en fait liée à la biographie de la donneuse. Parmi ces sentiments, il y a une sorte de conte de fée avec une relation de foudre avec le mari de la donneuse décédée ainsi que d’autres réminiscence étrange comme lors d’un voyage en Inde avec des images précises d’un lieu décrit par l’actrice alors qu’elle ne l’a jamais visité.
Face à ces phénomènes assez singuliers, la curiosité scientifique se doit de proposer une explication. L’hypothèse qui vient en premier à l’esprit, c’est la possibilité d’une mémoire cellulaire ou plutôt, d’une mémoire organique qui serait encodée par les cellules cardiaques du cœur greffé. Si ce n’est pas le cas, alors il faut supposer quelques coïncidences existentielles accompagnée d’une imagination débordante dont ferait preuve l’intéressée. Pour l’instant, la communauté médicale rejette en bloc cette théorie sans pour autant l’avoir examinée. Visiblement, la greffe d’une nouvelle théorie fait l’objet d’un puissant rejet par les défenses rationnelle d’une médecine qui sans doute pèche par un excès de scientisme et réductionnisme et qui ne connaît pas forcément le vivant, son domaine étant l’observation des pathologies et leur traitement par des thérapies mécanistes ayant fait leurs preuves. A ce contexte épistémologique, on peut ajouter un volet de nature morale. Le suivi des greffes fait l’objet de multiples attentions car il semble occasionner des troubles psychiques nécessitant un suivi médical. On comprend alors que l’éventualité d’une mémoire cellulaire jetterait un peu plus de trouble parmi les greffés et donc, le corps médical préfèrerait ne pas entendre parler de cette hypothèse. Pourtant, s’il y a bien un phénomène de mémoire corporelle, alors c’est toute la conception du vivant qui risque de basculer. Je vous propose de prendre connaissance du cadrage scientifique issu de mes recherches.
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Premier point, la nouvelle conception de la vie, développée longuement dans Le sacre du vivant (en attente d’un éditeur), où il est notamment question d’une substance vivante possédant deux facultés universelles, la technique et la cognition. On peut alors comprendre le fait qu’il existe plus de mémoire qu’on ne le pense, et qu’elle se situe là où on ne l’attend pas. Encore faut-il saisir les processus et la nature des dispositifs du vivant.
Second point, le modèle ondulatoire et les centres organisateurs. Cette conception a été développée dans un long article paru en 1991 (Revue internationale de systémique). Les processus de la vie sont décrits comme des propagations d’éléments matériels et de signaux divers. Potentiel d’action, neuromédiateurs, transductions cellulaires par exemple. Deux types d’ondes sont impliqués, actualisation, depuis le centre vers l’interface et la potentialisation, vers les centres organisateurs. Les ondes de potentialisation sont notamment impliquées dans la mémoire.
Troisième point, la conception surdistribuée de l’information et la mémoire. Cette hypothèse est une variante du paradigme holographique. L’information est surdistribuée et la partie du système contient des informations spécifiques à son comportement mais aussi des données plus globales sur le système dans son ensemble. C’est de cette manière que chaque partie peut concourir à servir dynamiquement le tout. Et elle le fait en emmagasinant une masse considérable de données acquises par son expérience dans le tout et l’ensemble des processus de propagation des signaux. Chaque partie est donc un système perceptif qui perçoit, avec une certaine acuité, le fonctionnement de l’ensemble.
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Et maintenant, comment comprendre qu’un cœur greffé puisse avoir emmagasiné une mémoire « biographique » ? Le cœur, comme d’autres organes, se place comme un élément réceptif du corps, sensible aux émotions, aux compositions hormonales qui sont des vecteurs physiologiques mais aussi d’humeur. Un sentiment amoureux, une émotion esthétique, la perception d’un paysage, tout cela constitue des éléments perceptifs que seul, le cerveau sait traiter, interpréter, métaboliser. Enfin, cerveau ou esprit, peu importe, mais il est question de conscience, de subjectivité, d’existence au sens psychanalytique et philosophique. Il faut alors comprendre comment des données cognitives de type existentiel peuvent se propager et s’emmagasiner dans des organes. Et là, il faut de l’audace conceptuelle autant qu’une bonne connaissance des mécanismes cellulaires. Une expérience riche en émotions s’inscrit dans la mémoire cérébrale, c’est une évidence. Ensuite, il faut envisager un processus informationnel permettant à cette expérience d’être transmise et encodée dans un organe du corps distinct du cerveau. Je vais oser une métaphore. Un enregistrement sonore peut être codé sur un morceau de vinyle, sur une bande magnétique ou bien sur un disque numérique. La mémoire est la même, mais le support est différent. On pourrait imaginer les cellules cardiaques comme un réseau cellulaire pouvant emmagasiner des données existentielles mais sous une forme réduite. Ou alors une double mémoire. D’un côté la biographie et de l’autre, des informations émotionnelles qui seraient indexées ensembles sous une forme spéciale.
On le comprend aisément, cette histoire de mémoire organique (plutôt que cellulaire) s’explique dans un cadre scientifique considérablement élargi. Avec comme principe la mémoire holographique. Alors avec quels mécanismes, je serais malhonnête si je vous répondais. Disons que la question est ouverte et d’ailleurs, la science ne sait pas comment la mémoire existe et se trouve encodée par des mécanismes « biophysiques ». S’agissant de la mémoire humaine ou animale, la science sait quels sont les mécanismes permettant à la mémoire de se remémorer. Ces mécanismes sont cérébraux. Pour le reste, tout est ouvert. L’anthropologie est loin d’avoir élucidé les fondamentaux et les subtilités ontophysiques, génétiques, biologiques, du vivant et de l’expérience. Je conclus en certifiant que cette mémoire organique (cellulaire) est un phénomène méritant d’être pris avec sérieux, même si la surdité du corps médical voudrait éteindre toute investigation. Sachez une chose, c’est que ces médecins sont des techniciens de la thérapie doués, autant que des ignorants de la vie.
La vérité est au bout du tunnel. Encore faut-il parcourir de tunnel menant à la connaissance universelle. L’esprit est au bout du chemin. L’esprit doit cependant ouvrir le chemin. Et trouver sur ce chemin toutes les éventualités, y compris que le récit de Charlotte soit sorti de son imagination fertile car porté par une existence en détresse. Mais n'ayons aucun préjugé, si ce phénomène est avéré, il s'est produit chez d'autres greffés.
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