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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Décalage économique et culturel

Décalage économique et culturel

Les lecteurs d’e-books, ou e-readers, jusqu’à présent trop onéreux, sont désormais produits en masse en Chine, ce qui devrait avoir pour conséquence dans un avenir que l’on espère proche une démocratisation des prix en Europe. La manière de percevoir les contenus textuels numériques pourrait s’en voir modifiée.

Il est bien établi de nos jours que demander de l’argent en échange de l’autorisation d’accéder à un contenu textuel, n’est pas une pratique courante sur le net. En tout cas, c’est un modèle économique très largement minoritaire par rapport aux sites et aux blogs où on accède "gratuitement" (entre guillemets car les frais d’hébergement et d’équipement entrent en ligne de compte) au texte et à l’information. Il s’agit là de ce qu’on pourrait appeler un fait culturel. Cet idéal du tout gratuit a conduit dans les dernières années de nombreux auteurs à proposer des textes, nouvelles et parfois romans dans leur intégralité, gratuitement. Il peut s’agir d’un choix tout à fait respectable et raisonné, reposant sur l’élaboration d’une œuvre en ligne avec le concours et les suggestions des Internautes. Il peut s’agir d’offrir à ses proches son travail littéraire.

J’ai moi-même fait l’expérience de mettre en disponibilité gratuite, durant une période d’un an, un recueil de nouvelles de science-fiction. A l’exception d’un site dédié à la lecture en ligne du nom d’In Libro Veritas, où le recueil a été pas mal lu, j’ai pu constater que le nombre de téléchargements gratuits n’était supérieur aux ventes physiques que dans un rapport de 60/40, et donc ne boostait pas la notoriété du livre autant que je l’aurais cru initialement. En faisant cette expérience, j’avais conscience de participer à cet idéal finalement assez fallacieux du tout gratuit, ce qui me mettait mal à l’aise. C’est peut-être une mentalité d’arrière-garde, mais j’ai toujours pensé qu’offrir des objets - fut-ce des objets intellectuels - à n’importe quel passant en dépréciait la valeur. Dans mon esprit, la masse d’œuvres gratuites présentes sur le Net, leur profusion a tendance à faire germer l’idée inconsciente que les textes poussent dans les champs qui bordent les autoroutes de l’information aussi naturellement que le blé dans nos campagnes.

Le problème, c’est que même pour faire pousser du blé, il faut de la main-d’œuvre. Il y a là un décalage entre la gratuité des œuvres et le travail qu’elles occasionnent. Un décalage culturel.

La même tendance à la gratuité existait déjà pour les morceaux de musique en téléchargement... à une différence notable près : avec l’arrivée des lecteurs MP3, les artistes ont commencé à avoir la possibilité de requalifier leur musique. Un morceau ne servait plus uniquement de décoration auditive à un site, mais pouvait faire office de produit d’appel pour tout un album qui viendrait occuper les mémoires des lecteurs MP3. Evidemment, la musique demeurant numérique, le piratage reste très tentant. Mais les chiffres (+16 % de vente de morceaux téléchargés en 2007) prouvent qu’une économie numérique de la musique est possible. La grande leçon, c’est qu’il aura fallu que des objets technologiques (les lecteurs MP3) naissent pour qu’un contenu immatériel dévalorisé regagne de la valeur.

Quel rapport avec le livre ? Eh bien cela tient en un mot, l’électrophorétique. L’électrophorétique, c’est la technologie de l’encre numérique qui rend possible la fabrication de lecteurs d’e-book (on peut aussi dire e-reader ou livrel) à des résolutions au moins aussi bonnes que les imprimés papier. Dans le numéro d’automne de la revue Médias, on nous annonce une baisse possible des prix des lecteurs d’e-books pour la fin d’année. On se situerait alors entre 150 et 300 euros pour un lecteur d’e-book capable de lire du .doc, du PDF ou du PRC (une technologie propriétaire inventée par Mobipocket). Toujours selon Médias, en Chine, la production de masse des fameux e-readers a déjà commencé. Quatre-vingt pour cent des éditeurs y proposent leur catalogue en version numérique. Le gouvernement chinois souhaite remplacer tous les manuels scolaires par des supports numériques à partir de 2012, pour des raisons à la fois économiques et environnementales.

En Europe, à Dresde, non seulement la société Plastic Logic a investi 96 millions d’euros dans la construction d’une usine, mais elle propose déjà un nouveau modèle d’e-reader grand format. Et en France, le prêt de lecteurs d’e-book a déjà commencé dans les bibliothèques.

On est donc à l’aube d’une nouvelle révolution, qui devrait réduire encore plus drastiquement le nombre de journaux et revues papier, et augmenter le volume de leur version numérique. En contrepartie, on peut penser qu’il apparaîtra plus logique aux gens de payer pour quelque chose qui va approvisionner leur lecteur d’e-book, que pour l’accès à un simple site sur Internet. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, il existe déjà des formules d’abonnement à des journaux téléchargés à distance sur le Kindle, un lecteur d’e-book.

Michaël Dahan, co-fondateur du Bookeen rencontré au salon du livre de Paris 2008, se plaignait de l’absence de contenu numérique (moins de 10 000 livres français sont accessibles actuellement dans leur version e-book) pour ses e-readers. Un véritable paradoxe à l’heure d’Internet... Eh bien la bonne nouvelle, c’est qu’à l’image d’initiatives tels Babelpocket (librairie en ligne de vente d’e-books de Science-Fiction, Fantasy et Fantastique sans DRM), les auteurs ont désormais la possibilité de se regrouper et de proposer du contenu. Et de se faire, enfin, directement rétribuer pour ce qu’ils écrivent...


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8 réactions à cet article    


  • antitall antitall 4 octobre 2008 15:01

    LA VIDÉO À VOIR ABSOLUMENT POUR COMPRENDRE L’ARNAQUE DU SIÈCLE ET LES ARMES POUR METTRE FIN À L’ESCROQUERIE,.....
    http://video.google.fr/videosearch?q=L%27Argent+Dette+de+Paul+Grignon&hl=fr&emb=0&aq=-1&oq=#


    • Asp Explorer Asp Explorer 4 octobre 2008 16:20

      L’e-book n’a aucun avenir, et déjà un lourd passé d’échecs piteux. J’en parlais justement il y a peu sur mon merveilleux blog.


      • Emmanuel Guillot Emmanuel Guillot 4 octobre 2008 18:00

        Petite rectification par rapport à la phrase : "En france, le prêt d’e-book a déjà commencé dans les bibliothèques". L’information n’est pas exacte, il fallait lire : "une expérimentation de prêt de lecteurs d’e-book s’est déjà mise en place à la bibliothèque universitaire d’Angers "

        @asp explorer : intéressant, ton article sur ton blog, mais comparer les lecteurs d’e-book aux dirigeables ou même aux visiophones ne me paraîtra pertinent que lorsque les prix des lecteurs d’e-book auront diminué, ou bien quand on s’apercevra que la technologie restera toujours trop onéreuse, ce dont je doute. En effet, si les prix des lecteurs d’e-book diminuent, disons à 60 euros pièce et qu’ils ne se vendent pas, on pourra parler d’échec. Pas avant. 

        Pour l’instant, je connais des personnes qui possèdent un lecteur d’e-book, mais ils ne sont pas représentatifs de la population : ce sont soit des professionnels de l’écriture, soit des blogueurs très portés sur la technologie. En effet, le lecteur d’e-book, ou liseuse électronique, est encore trop cher. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas une fatalité. La seconde bonne nouvelle, c’est que les lecteurs d’e-book, comme l’ont fait les lecteurs de MP3, vont rendre le livre moins cher. C’est pourquoi, à mon avis, ils ont de l’avenir. Leur avenir n’est peut-être pas une autoroute comme les lecteurs de MP3, c’est peut-être une route plus étroite et sinueuse, car les gens mettront du temps à prendre conscience de la richesse textuelle d’Internet, de l’avantage de pouvoir communiquer à un collègue de manière quasi-instantanée un livre libre de droits que l’on a aimé, ou bien simplement le texte d’un blog, de l’énorme gain en confort de lecture que représentent les lecteurs d’e-book par rapport à la lecture sur écran d’ordinateur, des gains sur les frais médicaux dûs à des scolioses pour les enfants surchargés de livres, etc.

        Ce qui est encore incertain, c’est quel format de lecteur d’e-book va l’emporter. Qui va créer le prochain I-Pod ou I-Phone dans ce domaine ? Est-ce que la technologie de l’encre électronique va être transposable très rapidement sur ordinateur, rendant obsolète le lecteur d’e-book en lui-même - mais évidemment pas la lecture sur écran ? Que tous ceux qui dénigrent les lecteurs d’e-book réfléchissent à ceci : combien de temps passent-ils par jour devant leur écran d’ordinateur à lire du texte ?

        En conclusion, je dirais que le lecteur d’e-book deviendra indispensable s’il est pratique, confortable et qu’il fait gagner du temps et de l’argent à ceux qui l’utilisent. Pour l’instant, seules trois de ces conditions sont réunies, ce qui est insuffisant. Mais les choses évoluent.


        • Marc Bruxman 4 octobre 2008 19:43

          Merci pour votre article. Effectivement la Chine a commencé la production de masse et veut se débarasser au plus vite du papier. Pourquoi ? Pour des raisons écologiques ! Si le milliard 200 millions de chinois doit être éduqué convenablement (ce qui est leur but) il va falloir abattre tellement d’arbres pour les manuels scolaires que ce sera une catastrophe écologique. Avantage pour les dinosaures : Les chinois ont de quoi absorber leur propre production pour quelques temps. Inconvénient : Le volume va être tel que les prix vont chuter à la vitesse de l’éclair. 

          Il est vrai également que les investissements consentis tous pays confondus dans cette technologie eInk sont colossaux et que les promesses de revenus suivent. Imaginez ce qui se passera si Amazon peut se débarasser de sa chaine logistique et n’envoyer que des fichiers numériques ! ! !

          Maintenant ne reste plus effectivement qu’à attendre le killer reader tel l’ipod ou l’iphone. Les géants comme Apple attendent les réactions des "early adopters" avant de lancer un produit. Or, les réactions concernant les derniéres tablettes sont plutot positives. Ne reste donc plus qu’à standardiser et corriger quelques défauts (essentiellements liés aux logiciels) pour que ce marché décolle réelement. 

          Les éditeurs actuellement freine des quatre fers comme les maisons de disques l’ont fait jadis avec des arguments de vieux grabataires. Mais ils ont intérêts à se bouger le cul car si ils ne remplissent pas ce vide c’est le piratage qui remplira les lecteurs. Bref tout va encore changer et ca va encore être amusant. 



          • Radix Radix 5 octobre 2008 13:07

            Bonjour

            Un livre papier est mille fois plus écologique qu’un Ebook !

            Le bois est une énergie renouvelable, pas les plastiques qui servent à la fabrication de ce "machin".

            En France la forêt landaise est exploitée et soigneusement gérées pour la fabrication de la pâte à papier, celà coûte cher mais c’est rentable. Si l’on y fait une coupe on replante derrière et le bénéfice est qu’il n’y a pratiquement pas d’incendies.

            Trouvez d’autres arguments pour promouvoir ce bidule car celui-ci est bidon !

            Radix


          • Emmanuel Guillot Emmanuel Guillot 5 octobre 2008 22:34

            @radix : "un livre papier est mille fois plus écologique qu’un e-book ! Le bois est une énergie renouvelable, pas les plastiques qui servent à la fabrication de ce "machin". "

            Pour pouvoir affirmer ceci d’une manière définitive, il faudrait savoir en moyenne combien de papier va faire économiser un e-book. Par ailleurs, le papier n’est pas le plus polluant dans un livre : c’est bien l’encre qui est l’élément le plus polluant.

            Enfin, ce qui est applicable en France, la gestion des forêts et la replantation, ne doit pas être forcément applicable, en tout cas pas dans les mêmes conditions, en Chine. La densité de population y étant incomparablement plus élevée qu’en France, l’impact de la production de livres papier doit être beaucoup plus difficile à compenser par des replantations. Il paraît donc logique que le gouvernement chinois se soit lancé dans la production d’e-paper de masse.
            Par ailleurs, jusqu’à présent, aucun pays ne s’est lancé dans la production d’e-paper à grande échelle. Pour qu’un marché qui n’a pas été préalablement duement sondé et étudié soit exploité à ce point, il faut à mon avis qu’il y ait urgence économique ou écologique, voire les deux.

            @Dominique : concernant "l’industrie qui a envie de s’en mettre plein les poches" avec les lecteurs d’e-book, il me semble qu’en France, sur ce terrain on avance au mieux à reculons. Moi, ce que je trouve dommage, c’est que quand j’achète un livre papier, je rémunère seulement à 40% au grand maximum le binôme éditeur/auteur, qui représentent à mes yeux la création littéraire. Le reste part vers des intermédiaires comme le libraire/ la grande surface, le diffuseur ou le distributeur. Et pour dire le fond de ma pensée, je trouve dommage qu’en 2008, l’auteur en soit encore réduit à 10% en moyenne de droits d’auteur.

            Je ne dis pas que l’e-book va remplacer le livre papier, simplement qu’il peut fournir une alternative intéressante, que ce soit pour l’amoureux inconditionnel d’un auteur finlandais qui va acheter l’e-book en version originale bien avant qu’il ne soit traduit en France, ou l’étudiant aux fins de mois difficiles qui va acheter par ce biais un roman moins cher qu’il ne l’aurait payé en version papier, tout en rémunérant beaucoup mieux les créatifs sans lesquels l’oeuvre n’aurait pu voir le jour.



          • Halman Halman 5 octobre 2008 10:37

            Excellent article.

            Le livre électronique est l’avenir du livre, tout comme le cd rom a été un autre média faisant exploser la vente de musique, il ne sera pas la mort des livres papiers comme certains esprits poussiéreux le croient.

            A quoi bon attendre l’ebook physique, comme le Cybook, alors qu’on peut parfaitement lire les livres électroniques sur pda ou sur pc en différents formats, doc, rtf, ereader, pdf, prc. http:/

            http://www.ereader.com pour les pda.

            http://www.Pitbook.com

            http://www.Ebooksgratuits.com

            http://www.bookenstock.com/livres.php

            http://gallica.bnf.fr/Classique/Classique_Garnier.htm

            http://abu.cnam.fr/

            http://un2sg4.unige.ch/athena/html/francaut.html

            http://athena.bibliopolis.fr:7900/

            http://gallica.bnf.fr/

            http://gallica.bnf.fr/classique/

            http://www.amiens.iufm.fr/mail_art/textes/default.htm

            http://www.lafontaine.net/nouveau-site/index.php

            http://www.le-chateau.ilias.com/

            http://etext.lib.virginia.edu/fr-on.html

            http://palissy.humana.univ-nantes.fr/CETE/CETE.html

            http://www.miscellanees.com/

            http://www.idlivre.com/

            http://www.embarquement.net

            http://www.cytale.fr

            Sur Relay.fr vous pouvez télécharger des mensuels scientifiques, sportifs ou autres et les lire sur votre pc avec une excellente qualité, sans attendre les epaper, elink et autres papiers électroniques dont je doute de la praticabilité ailleurs que dans un salon ou dans un bureau. Au contraire de tuer le livre papier, ils ne font que donner encore plus envie de lire.

            Et Terre des Hommes de St Ex, que ce soit sur du papier ou en kilo octets dans un pda, c’est toujours Terre des Hommes de St Ex, le contenu et le sens n’en sont absolument pas changés.


            • Dominique LIN Dominique LIN 5 octobre 2008 10:49

              Si l’apparition des lecteurs numériques respecte les droits d’auteurs, la diffusion des œuvres et ne nuit en rien à la création littéraire, on ne peut qu’aller dans ce sens, à l’exception près, c’est que c’est une fois de plus déplacer une industrie vers la Chine au détriment de l’économie européenne.

              En ce qui concerne les formats de lecteurs, sont-ils stabilisés ? N’est-ce pas là encore un combat de multinationales pour emporter un marché mondial juteux.
              Nous avons déjà connu cela de nombreuses fois.
              Fin des années 90 pour les périphériques de stockages informatiques (lecteurs syquets, Zip, CD, MCD, ...)
              la télé haute définition, les GPS, DVD, ...

              Je suis totalement opposé à la mise à disposition gratuite de quelque œuvre que ce soit.
              Lorsque vous mettez vos tripes sur le papier pendant des mois, il est juste de recevoir une rétribution.
              Le tout gratuit est un leurre, une batardisation de la création, une manifestation supplémentaire de notre société de consommation qui pousse à faire croire que l’acquisition libre est un droit, l’appropriation une obligation sans retour.
              J’entends sans arrêts des arguments tels que : c’est mon droit, c’est ma liberté !
              Liberté de merde, excusez-moi le mot, mais au nom de quel droit n’importe qui pourrait s’approprier le labeur d’un autre, drôle de société, notion bizarre du mot respect.

              Tant qu’il y aura des livres pour les toucher, les sentir, tourner les pages, il y aura le bonheur de lire.
              Un petit détail : a-t-on validé les effets secondaires de passer des heures devant un écran ? Pour le lecteur assidu, n’y a-t-il pas un risque ?
              Ce n’est pas parce qu’une industrie a envie de s’en mettre plein les poches qu’il faut la suivre aveuglément.

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