• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Physiologie de l’effort : structures, fonctions, et adaptations (...)

Physiologie de l’effort : structures, fonctions, et adaptations circulaires

Il est assez rare de voir dans la littérature consacrée à la physiologie de l’effort, les aspects distinctifs de structures et de fonctions, impliqués dans le fonctionnement des êtres vivants. Cependant, ils sont essentiels pour comprendre les adaptations physiologiques liées à l’exercice physique et à l’effort. Cet article sera donc consacré à la description et l’étude de :

  • Ce qu’est une structure
  • Ce qu’est une fonction
  • Les liens entre les deux
  • Le principe de circularité ou causalités circulaires dans les adaptations

Bien souvent, on essaie de comprendre les systèmes, y compris les êtres vivants (qui sont aussi des systèmes) en raisonnant par causalité linéaire, autrement dit, en pensant qu’une cause produit un effet, laissant de côté les liaisons, les interactions, les bouclages ou boucles de rétroaction. Or, dans un organisme vivant, les dynamiques ne peuvent être étudiées et comprises selon l’angle de la linéarité. Les dynamiques s’organisent à travers des boucles de rétroaction, où les effets bouclent sur les causes et les facteurs.

Il faut rappeler que l’être vivant est un système complexe, devant être étudié, non par approche analytique uniquement, mais aussi par approche systémique, dans une vision globale tenant compte des systèmes englobants.

QU’EST-CE QUE LA CIRCULARITÉ ?

Les êtres humains « fonctionnent » quasi exclusivement sur des boucles de rétroaction négatives, celles qui visent l’équilibre ou la stabilité. Les boucles positives (l’amplification) , qui peuvent s’installer dans des conditions particulières (tels que coup de chaleur, franchissement du seuil anaérobie) ne peuvent être que temporaires, car elles conduiraient à la mort. Il existe une multitude de boucles de rétroaction négatives, qui s’expriment par exemple dans les fonctions de régulation suivantes :

  • Régulation de la température, de l’hydratation
  • Régulation de la glycémie, des triglycérides, du cholestérol
  • Régulation du PH, de la quantité d’enzymes, de l’hémoglobine
  • Régulation du calcium dans les os
  • Régulation de production hormonale
  • Maintien de la posture, etc.

Lorsqu’un phénomène A influence un phénomène B, et que ce phénomène B influence a son tour le phénomène A, on dit qu’on a affaire à une causalité circulaire (boucle). On ne peut « couper » ou ignorer une boucle dans l’étude d’un phénomène au risque d’aboutir à un résultat faux.

Une des caractéristiques distinctives du êtres vivants réside donc dans cette nature circulaire de leurs organisations, qui participe au maintien des structures et à leurs des évolutions. A la différence d’autres systèmes (non vivants), les organismes sont dotés d’une forme d’organisation, dont l’activité contribue à son propre maintien. Autrement dit, le système global produit des effets résultants de son activité et par circularité, ces effets maintiennent le système qui les cause. Prenons un exemple :

Les contractions du cœur sont l’un des effets de l’organisation de l’être humain (structurelle et fonctionnelle, le cœur doit être nourri et dépend d’autres fonctions) et à leur tour ces contractions en permettant la circulation du sang à travers le corps (apport de nombreux éléments), contribuent au maintien de l’organisation globale. L’organisme tout entier permet le maintien en vie de chaque cellule, et chaque cellule en exécutant son programme, contribue au maintien en vie de l’organisme tout entier. En raison de cette circularité causale, il est souvent formulé que les êtres sont ce qu’ils font.

Comment les structures et les fonctions évoluent ? Est-ce que c’est la structure qui « fait » ou conditionne la fonction ou bien est-ce la fonction qui « fait » la structure ? En fait, la question telle que je la pose n’a de sens que si on l’interprète en termes d’évolution, d’adaptation, ou de progression. Si rien n’était modifiable structurellement dans un organisme, on pourrait dire que c’est la structure qui « fait », ou qui conditionne la fonction, comme dans le cas d’une voiture, où la fonction (le fait de rouler) ne modifie en rien la structure. Encore que … le fait de faire rouler une voiture provoque une usure sur la structure. Mais si on raisonne en terme d’évolution, eh bien, on revient à ce que je viens de développer : l’un fait l’autre et l’autre fait l’un ; « A influence B et B influence A ».

A cette propriété fondamentale de circularité observable chez les êtres, s’ajoutent d’autres propriétés spécifiques, telles que l’auto-détermination, l’auto-organisation, l’auto-réparation, la finalité du maintien de la structure, qui font qu’il est difficile de développer des théories en lesvlaissant de côté.

QU’EST-CE QUE LA STRUCTURE (Et les éléments de structure) ?

La structure d’un système pris au sens large représente la manière dont ses composants sont organisés et reliés entre eux, dans un tout cohérent. L’organisme peut se décrire globalement à travers :

  • Les frontières (peau, membranes)
  • Les sous-systèmes (systèmes cardio-vasculaire, respiratoire, nerveux, digestif, …)
  • Les éléments ou composants (os, organes, muscles, fibres, tissus, cellules, …)
  • Les surfaces d’échanges (alvéoles, membranes)
  • Les réseaux de communication (réseau nerveux, réseau sanguin, réseau lymphatique)
  • Les réservoirs de stockage (glycogène dans les muscles et le foie, les lipides dans les tissus adipeux et les muscles)
  • Les régulateurs de flux (valves, muscles lisses)
  • L’information structure (ADN)
  • L’information circulante (hormones, …)

Les éléments de l’organisme sont reliés, ou séparés entre eux de différentes façons, entre autres par :

  • Les réseaux de communication nerveux (afférents, efférents)
  • Les réseaux de communication circulants (sanguin, lymphatique)
  • Les tissus (tendons qui relient os et muscles, tissus conjonctifs)
  • Le système osseux
  • Les membranes (plèvre)

A cela s’ajoutent des micros composants, dont certains sont en mouvement, circulant dans des réseaux.

  • Les globules rouges (transporteurs de l’oxygène et du CO2 dans le sang)
  • Les mitochondries (caractéristiques : nombre / densité, volume, surface d’échange, débit ATP)
  • Les enzymes
  • La myoglobine (transporteurs O2 dans le muscle)
  • Les hormones (messagers)
  • Autres transporteurs (protéines LDL, HDL), Etc.

De ces structures découlent des caractéristiques telles que : volume, surface, poids, densité, débit, quantité. Pour exemples :

  • le volume du cœur, et du ventricule gauche,
  • la surface d'échange des alvéoles pulmonaires,
  • la surface d’échange des capillaires proches des fibres musculaires,
  • le volume du plasma,
  • le volume et la masse musculaire.

QU’EST-CE QU’UNE FONCTION ?

Les fonctions peuvent se définir par les processus qui vont produire des effets (mouvement, déplacement), ou créer des produits en sortie (substrats énergétiques, eau, CO2, lactates, pyruvate, ions H+), en faisant intervenir de l’énergie, des flux, des stocks, des transformations, avec des éléments d’entrées tels que : glucose, glycogène, acides gras, acides aminés, O2, etc.,. Voici quelques exemples de fonctions mises en œuvre dans un organisme et certaines plus particulièrement actives à l’effort :

  • Échange (ventilation avec alvéoles, diffusion O2 capillaires)
  • Transformation (transformation d’énergie par néoglucogenèse)
  • Transport (O2 fixé par hémoglobine, CO2, lipides dans la circulation sanguine, O2 fixé par myoglobine, …)
  • Production (ATP, hormones, hémoglobine, …)
  • Elimination (déchets toxiques, lactates, CO2, …)
  • Régulation (voir plus haut)
  • Oxydation / réduction (Cycle de Krebs, glycolyse, …)
  • Excitation (potentiels d’action et Influx nerveux)
  • Stockage (lipides dans tissus adipeux, glycogène dans le foie et muscles)
  • Pompage (cœur, pompes des ions calcium dans le relâchement musculaire), Etc.

COMMENT UNE STRUCTURE PEUT ÊTRE MODIFIÉE ?

La structure d’un organisme peut être modifiée dans les situations suivantes :

  1. L’action
  2. L’inaction ou l’immobilisation (conduit à l’atrophie)
  3. La blessure non réparable
  4. L’usure des tissus (vieillissement)
  5. La chirurgie

Comment résoudre le problème de la poule et l’œuf dans la relation structure / fonction. Comment une structure pourrait-elle progresser dans le sens de l’efficacité, autrement qu’en la faisant fonctionner ? C'est la fonction (par l’action) qui modifie la structure et la structure en retour va modifier la fonction, dans un parallélisme d’évolution. C'est la circularité qui fait son œuvre, et de là découle que la fonction agit sur la structure et la structure agit sur la fonction, dans des interactions complexes qui répondent au principe évoqué, principe ou propriété caractéristique du vivant. Pour être encore plus précis, on peut dire que ce sont les processus, les structures, les flux, les stocks qui font les fonctions, et les fonctions à travers l'action qui modifient les processus, les structures, les stocks et les flux.

EXEMPLE D’ADAPTATION DANS L’EFFORT : LES MITOCHONDRIES

Dans l’effort aérobie, une des clés de la performance réside dans la production de molécules ATP qui servent à la contraction des muscles. Voyons comment cette production peut être améliorée par un changement structurel. Ce sont les mitochondries, petites usines qui se situent au sein des fibres musculaires, qui produisent cette énergie nécessaire à la contraction. Comment augmenter cette production d’énergie pour développer davantage de puissance en mode aérobie ? Cela peut se réaliser par les adaptations suivantes :

  1. Augmentation du nombre de fibres oxydatives (fibres dites de type 1 et type 2a intermédiaires), qui majoritairement produisent l’énergie par la voie aérobie.
  2. Augmentation du nombre de mitochondries pour chacune des fibres
  3. Augmentation du volume des mitochondries (plus grande surface d’échange)
  4. Augmentation de la puissance des mitochondries (enzymes)

Prenons une analogie, celle de la production industrielle. Le nombre de produits fabriqués dépendra :

  1. Du nombre d’usines implantées sur un territoire (le nombre de fibres)
  2. De la taille des usines avec pour chacune sa quantité de machines (nombre de mitochondries par fibre).
  3. De la taille des machines, par exemple plusieurs voies de sorties parallèles (volume des mitochondries)
  4. De la puissance de chaque machine, caractérisant le nombre de pièces produites par unité de temps (puissance des mitochondries, débit de production des molécules ATP)

Il faut noter que l’évolution de la quantité de mitochondries s’accompagne de nombreuses autres adaptations, notamment les fonctions d’approvisionnement en oxygène et de la quantité de myoglobine. La production d’énergie dans le muscle est une longue chaîne qui doit être la plus « harmonieuse » possible, sans maillon faible. Aucune structure ou fonction ne peut s’adapter seule sans le concours d’un ensemble englobant.

CIRCULARITE STRUCTURE / FONCTION AU SEIN DU MUSCLE

La structure orientée aérobie évolue avec les séances d’entraînement longues à des intensités modérées (mitochondries, capillaires, structures de stockage, diamètre des fibres, plasticité, proportion des types de fibres, etc.). Quelles répercussions sur les fonctions ? Elles sont assez nombreuses sans qu’on s’en aperçoive toujours :

  • Fonction production ATP anaérobie (réduction production lactates, acidité, et processus retardé).
  • Fonction production ATP aérobie (Changement dans la répartition des fonctions de lipolyse / glycolyse donc des substrats utilisés lipides / glucides)
  • Fonction d’élimination (meilleur recyclage des lactates)
  • Fonction d’échanges (amélioration du prélèvement d’O2)
  • Fonction contraction/mouvement/relâchement : force, fréquence de pédalant, diminution des résistances des tissus conjonctifs (plasticité), Etc…

Le fait que ces fonctions aient évolué au fil des entraînements, permet au sportif de repenser ses séances, en durée et en intensité, ce qui provoquera de nouvelles adaptations structurelles grâce à des contraintes plus fortes. Et donc, on boucle ! Mais la boucle contrairement à mon texte qui est séquentiel se fait en parallèle, sachant cependant qu’on observe des discontinuités, autres propriétés des êtres (mais là c’est encore un autre sujet !)

CIRCULARITÉ ENTRE SYSTÈMES FONCTIONNELS

La circularité peut s’exercer à différents niveaux dans l’organisme, le niveau le plus intéressant pour la performance étant celui des systèmes fonctionnels. Les 4 formes d’adaptation évoquées plus haut, concourant à une plus grande production d’ATP, vont dépendre du niveau d’effort consenti, et de la durée des séances d’entraînement. Il y a toujours des théories contradictoires concernant les formules les mieux ciblées pour faire évoluer ces petits organites producteurs, en nombre, en volume et en efficacité. Cependant, il est largement admis que ce sont les séances longues à allure modérée (supérieures à 2h concernant le cyclisme) qui permettent d’augmenter la « qualité » du moteur aérobie (diminution de la production de lactates, de CO2, d’acidité, ou de « déchets » divers,), ainsi que sa puissance (augmentation du VO2max). Mais la puissance des mitochondries sera en outre améliorée par un travail en puissance (compris entre 85% et 100% du VO2max) et/ou avec des séances de type fractionné. Ces mêmes séances améliorent la fonction cardiaque, notamment le débit maximal, ainsi que le VO2max grâce à des conditions d’approvisionnement en oxygène améliorées.

Dans ce schéma, et avec pour base l’idée centrale que j’ai développée, il est assez tentant d’en déduire une application pratique pour la progression des performances dans l’effort, en théorisant qu’il y a un intérêt à alterner, dans une logique de boucle, les séances longues (entrainement en endurance) et les séances plus courtes orientées vers un travail de puissance et/ou de fractionné, chacune participant à l’amélioration de l’autre. Je limiterais l’intérêt de cette méthode à des épreuves de durée comprises entre 20 minutes et 2 heures, là où on se trouve à la croisée des chemins entre le travail en endurance (on trouve également le mot capacité dans les échelles d’effort type ESIE) et le travail en puissance.

L’idée maîtresse est que les séances longues d’entraînement en endurance vont faire progresser plus particulièrement la structure musculaire (mais aussi le cœur et plus généralement la fonction cardio-vasculaire ), et que les séances en puissance et/ou en fractionné vont faire progresser plus particulièrement la fonction cardiaque (mais aussi certaines structures musculaires), ce qui fournira en retour un nouveau potentiel d’adaptation pour les muscles par une meilleur capacité d’approvisionnement en oxygène. Il est cependant conseillé dans la « littérature » que le travail en puissance représente une part faible de l’ensemble de la charge (inférieure à 20%).

Chaque fonction ou système fonctionnel participe à la progression de l’autre. Je pense également que ce type d’entraînement accélère la progression. Il faut préciser que les adaptations concernant le recyclage des lactates et les systèmes tampon, permettent au moteur aérobie « d’aller plus loin » et de ne pas être bloqué trop tôt dans la montée en puissance à cause d’une trop forte acidité provoquant un rétro contrôle bloquant la glycolyse anaérobie (protection du corps qui ne supporte pas un PH trop faible).

CONCLUSION

J’ai voulu apporter un éclairage différent sur les phénomènes d’adaptation en physiologie de l’effort, en m’appuyant sur une des propriétés majeures qui caractérise les organismes vivants, la circularité. Cette propriété me paraît pouvoir être un objet d’étude intéressant dans un cadre d’élaboration de schémas d’entraînement plus efficaces dans la progressivité des performances.

Alain Desert


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (5 votes)




Réagissez à l'article

5 réactions à cet article    


  • Decouz 9 mai 2017 14:45

    Il y a aussi la surcompensation, c’est à dire la progression qui se fait en phase de repos ou de moindre effort, il ne faut pas constamment ni travailler au maximum, ni travailler un seul type d’effort quel que soit le sport pratiqué, mais aussi introduire des séances où l’effort fourni sera moindre que la capacité réelle, et des périodes de repos total, ces périodes de moindre effort et de repos participent à la progression ; même si la tendance spontanée est de chercher à toujours faire plus, ce n’est pas le plus efficace.


    • alain-desert alain-desert 9 mai 2017 19:43

      @Decouz

      Oui je suis d’accord sur tout. La variété dans l’entraînement me paraît très importante. Je l’ai expérimentée (vélo) et j’ai observé de bons résultats.

    • UnLorrain 10 mai 2017 10:33

      Interessant article merci.

      Je suis adepte de l exercice physique depuis plus de trente ans,jamais ceder a la tentation d acquis facile..

      Une question,remarque..constat meme. Pour l auteur,excusez que je sois brouillon a cet instant mais voila...

      Avez vous remarquez comme moi, que nous ne sommes pas vasculariser de la meme maniere du cote gauche et droit du corps,valable pour tous les hommes et femmes ? ( sur planche anatomique,vascularisation,on voit bien un cote bleu et l autre rouge ) le cote le plus oxygener profite avant l autre de l oxygene, il y a pour effet selon moi,une croissance musculaire superieur du cote rouge( muscle plus oxygener) Pour preuve de mon hypothese,regardons chez les bodybulders,passes de preference, il est possible de voir chez certains,une legere,infime dissymetrie (bras et moindrement,jambes...mieux sculpter de l un par rapport a l autre,alors que chez ces professionnels,la symetrie.est ardemment rechercher)

      Billet doublement plaisant,je sens chez l auteur une totale indifference aux milles et un moyens de tricher pour acquerir facilement.


      • alain-desert alain-desert 11 mai 2017 14:51

        @UnLorrain
        Merci ! Non la circulation se fait en mode parallèle, comme l’électricité. Je ne vois pas de raison évidente pour qu’une asymétrie s’installe à part des déformations structurelles comme les articulations qui peuvent obliger les muscles à travailler autrement



      • quid damned quid damned 10 mai 2017 10:39

        Bonjour l’auteur,

        je n’ai pas le temps de lire votre article pour le moment, 

        mais je vois que vous abordez le sujet des mitochondries et comme je n’ai pas lu je ne sais si ce que je propose dans ce lien est évoqué. 

        Peut-être si ce n’est pas le cas pourra-t-il vous intéressé.

        Salutations.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité