Un Américain a tué un homme à Manhattan. Est-ce un terroriste ?
La semaine dernière, un homme blanc de 28 ans, James Jackson, s'était rendu de Baltimore à New York pour tuer autant d'hommes noirs que possible. Il portait sur lui deux couteaux et une épée dont la lame mesurait 45 cm. En arrivant à New York, il s’était installé dans un hôtel près de Times Square. Puis il avait commencé sa chasse.
Selon les autorités, Jackson avait traqué plusieurs victimes potentielles avant de se concentrer sur Timothy Caughman, un homme de 66 ans qui marchait dans la Neuvième Avenue. Vers 20h15, le 20 mars, Jackson l’avait repéré et lui avait enfoncé son épée dans le corps, sans autre formalité.... Caughman s’était traîné jusqu’à un poste de police voisin. L'hôpital de Bellevue où il avait été amené avait constaté son décès.
Jackson aurait dit aux policiers auxquels il s’est rendu après la publication de photos de vidéosurveillance qui montraient son visage qu'il « en voulait à aux hommes noirs qui fréquentent des femmes blanches", qu'il avait tué Caughman pour se défouler sur d'autres hommes noirs, et que son but était d’en tuer le plus possible.
Il avait choisi New York pour pour focaliser l'attention des médias auxquels il proposait de publier le manifeste qu’il avait écrit pour populariser ses convictions.
L'attention portée à ce crime monstrueux est restée discrète et n’a pas franchi les frontières. Le New York Post a tenté d’atténuer la responsabilité du « suspect présumé innocent » en indiquant que Caughman avait fait autrefois l’objet d’une arrestation, comme si ce fait avait un rapport avec le meurtre. De son côté, le New York Times avait décrit Caughman comme étant un sans-abri, ce qui était faux. Le crime de Jackson sera sans doute considéré comme une énigme, fruit d'une âme torturée plutôt que le résultat de la diffusion d’idéologies nocives. Or il s’agissait d’un acte politiquement motivé accompli pour afficher une conception du monde, en utilisant les médias et en rédigeant un manifeste, l’objectif étant d’envoyer un message de terreur à la population noire.
On peut penser que la réaction des journaux et des hommes politiques (restés étrangement muets) aurait été différente si James Jackson avait été un musulman tuant d'autres Américains. Les réactions à l'attaque de Westminster à Londres ou à celle d’Orly la semaine dernière en donnent une idée : peu de gens ont entendu parler de James Jackson, mais les médias ont diffusé en boucle les images de Khalid Masood et de Ziyed Ben Belgacem. Les dirigeants du monde entier ont rapidement condamné l'acte de Masood, et Donald Trump a envoyé ses condoléances à la famille de Kurt Cochran, un Américain tué tragiquement à l'attaque de Westminster. Le candidat au suicide d’Orly était shooté au cannabis et à l’alcool, il n’était ni croyant ni pratiquant,mais l’événement a justifié la prolongation de l’état d’urgence.
Ces comparaisons n’ont pas pour but de justifier quoi que ce soit, mais d’attirer l'attention sur la façon dont la violence est traitée par les médias selon les circonstances. Les états partenaires de l’OTAN semblent avoir un point commun et considérer que la violence est le fait de gens venus d’ailleurs, qui nous en veulent, alors que l’on sait que les immigrants commettent beaucoup moins de crimes que les autochtones.
L'administration Trump a récemment mis en place une limitation à l'entrée dans le pays, en la justifiant par un besoin urgent de sécurité nationale. Maintenant, si on ne vient pas d'un pays figurant sur la liste des pays « amis » (la plupart des pays européens), se rendre aux États-Unis deviendra presque impossible. Les consulats doivent demander aux postulants leurs antécédents de voyages, leurs adresses et leur historique de travail au cours des 15 dernières années, et les candidats doivent fournir tous les numéros de téléphone, adresses e-mail et médias sociaux lors de la demande.
Greg Chen, de l'American Immigration Lawyers Association, a déclaré au New York Times : « Il est hautement improbable que les fonctionnaires puissent obtenir des informations qui démontrent qu’une personne est une menace pour la sécurité nationale dans un bref processus d'entrevue. »
Le dépistage aura une incidence sur tous les pays qui ne sont pas dispensés de visa mais il est destiné aux candidats originaires d'Iran, de Syrie, du Yémen, de la Somalie, du Soudan et de la Libye. Les musulmans sont présumés être avant tout des « terroristes », mais maintenant, c’est à eux de prouver le contraire dans un système qui ne leur donne aucune occasion de le faire. Il ne s’agit de rien d’autre qu’une « interdiction musulmane » non pas par la loi, mais par la bureaucratie.
Plus récemment, nous avons appris que les États-Unis ont peut-être tué jusqu'à 200 civils lors de frappes aériennes sur Mossoul ces derniers jours. Ce carnage fait suite à d'autres attentats qui ont probablement tué des dizaines de civils en Syrie. Les officiers irakiens se plaignent que les règles d'engagement des États-Unis ont été sensiblement assouplies depuis que Trump a pris ses fonctions, ce qui a augmenté le nombre de morts civiles.
Trump veut montrer qu'il travaille dur pour protéger ses concitoyens et assurer la sécurité dans son pays. Mais en ignorant certaines formes de violence à motivation politique, notamment par les « suprématistes blancs », et en lançant des soupçons généralisés sur les musulmans et les immigrants, lui et les autres dirigeants occidentaux ne combattent pas comme ils le prétendent la violence politique dans notre société : ils l'exploitent et l'encouragent.
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