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Accueil du site > Tribune Libre > Avez-vous vu Vénus ?

Avez-vous vu Vénus ?

Crépuscule, tel est le titre de ce poème de Victor Hugo, extrait des Contemplations : et c'est bien un paysage de crépuscule que décrit le poète... On perçoit cette thématique à travers certains termes : "L'étang mystérieux, les branches... noires, l'ombre, la nuit tombe, un toit noir, l'étoile aux cieux, l'ange du soir, ses ailes obscures".

Le crépuscule est, d'après l'étymologie même du mot, "la petite obscurité", un diminutif latin de l'adjectif "creper" qui signifie "sombre"... C'est le moment où le soir tombe, où les formes s'estompent peu à peu... C'est, aussi, le symbole de la vie qui s'achève, et c'est ce symbole que développe Victor Hugo, tout au long du poème.
 
"L'étang mystérieux" évoqué, au début du texte, devient, ainsi, "un suaire aux blanches moires", superbe image même de la mort qui guette chacun d'entre nous... Cet étang est personnifié, puisqu'il "frissonne". Ces frissons suggèrent bien le froid, la peur, l'angoisse de ce paysage imprégné de mort.
 
Et pourtant, dans ce paysage sombre qui semble voué à la mort, on perçoit, dès la première strophe, la lumière de Vénus, à la fois astre du soir et déesse de l'amour.
Des questions sont posées et animent le texte : "Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ? Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ? "
 
Qui parle ainsi ? On a l'impression d'une nature vivante et vibrante... Une ambiance de fête surgit, à travers les questions ou certains détails : "Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ; L'herbe s'éveille et parle aux sépulcres dormants." On entrevoit une communication entre le monde des morts et celui des vivants...
 
La nature, symbole de vie s'exprime à travers un simple "brin d'herbe". Et cette nature invite des couples qui passent, à l'amour, de manière pressante, grâce à de nombreux impératifs : "Aimez, vous qui vivez ! Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ; Soyez heureux... Vivez ! faites envie."
 
Les exclamations soulignent une forme d'enthousiasme : face à la mort qui menace, il ne faut pas laisser passer le temps et en profiter pour "aimer".
 
Cette invitation très épicurienne s'oppose au tableau sombre qui est peint au début du poème...
 
Le texte fait de contrastes traduit bien une sorte d'urgence : face à cette obscurité qui nous menace, il faut vivre intensément.
"Les mortes" s'opposent aux "belles" d'autrefois... "le ver luisant" surgit dans "l'ombre." Dieu fait "tressaillir" le "tombeau"...

Des sensations sont mises en jeu : visuelle, auditive, tactile : une étoile apparaît, associée à la lumière, on perçoit le bruit du "pas lourd" du "faucheur", la nuit qui arrive donne aussi une impression de "fraîcheur."
 
Cette évocation très sensuelle vient compléter l'invitation à l'amour qui réapparaît dans la dernière strophe : "Aimez-vous !"
Associée au mois "où les fraises sont mûres", cette invitation prend tout son sens face au temps qui passe, qui fait mûrir les fruits...
 
Le vent, quant à lui, devient un "ange rêveur" qui "Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures, Les prières des morts, aux baisers des vivants".
 
Voilà l'ultime opposition du poème qui réunit le monde des morts à celui des vivants : c'est comme si cet ange surgi du ciel voulait transmettre la nécessité urgente de vivre en montrant aux êtres humains cette association inéluctable de la vie et de la mort... Aimer devient une façon de communier avec le monde des morts, un moyen de les retrouver, de leur rendre hommage.
 
Voilà un magnifique poème bâti sur des contrastes, où la nature vibre, semble lancer des messages aux humains que nous sommes.
 
Elle parle, pose des questions, montre toute la beauté du monde, grâce à des effets de sonorités... fricatives et sifflantes dans ces deux vers, par exemple : "Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ? Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?" Certaines répétitions soulignent le lyrisme, un élan, une volonté de mettre en évidence tous les spectacles de la nature qui sont aussi une occasion d'aimer, de vivre en symbiose avec le monde qui nous entoure.
 
Dans ce poème, la nature entière semble vivante, l'amour est présenté comme une loi universelle, et divine... On perçoit comme une sorte d'animisme présent dans tout le texte. La beauté de cette poésie, dans les personnifications, les images traduit et retranscrit la splendeur du monde : les moires de l'étang, l'étoile de Vénus devenue "fleur de lumière."...
 
On est sensible à une forme de panthéisme exprimé par le poète : tout semble divin dans la nature évoquée, on entrevoit aussi une sorte de communication entre les vivants et les morts, eux qui semblent nous inciter à vivre intensément, à aimer le monde...
 
Le poème :
 
 
L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires,
Frissonne ; au fond du bois la clairière apparaît ;
Les arbres sont profonds et les branches sont noires ;
Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ?
 
Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?
Vous qui passez dans l’ombre, êtes-vous des amants ?
Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ;
L’herbe s’éveille et parle aux sépulcres dormants.
 
Que dit-il, le brin d’herbe ? et que répond la tombe ?
Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs.
Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ;
Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.
 
Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! faites envie,
Ô couples qui passez sous le vert coudrier.
Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,
On emporta d’amour, on l’emploie à prier.
 
Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.
Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.
Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.
 
La forme d’un toit noir dessine une chaumière ;
On entend dans les prés le pas lourd du faucheur ;
L’étoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumière,
Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.
 
Aimez-vous ! c’est le mois où les fraises sont mûres.
L’ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants.
 

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/article-avez-vous-vu-venus-123955814.html

 

Vidéo :

 

Photo : rosemar


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22 réactions à cet article    


  • JC_Lavau JC_Lavau 20 mai 2017 17:47

    Pour voir Saturne, joyau du ciel, en moment c’est vers 2 h. Assez basse hélas, détails brouillés par la turbulence.

    Grand spectacle en début de soirée sur Jupiter et satellites. Le grandissement x94 fait bien l’affaire.
    Sur Saturne il fait petit, mais passer aux oculaires plus courts que 8 mm n’apporte pas plus de détails : la turbulence d’une part, d’autre part sur les oculaires de 5,2 mm et a fortiori de 3,8 mm, la M.A.P. se fait sur un quart de huitième de poil de cul de fourmi ; mon porte-oculaire à crémaillère ne fournit pas la finesse de pas nécessaire.

    • troletbuse troletbuse 20 mai 2017 18:07

      Oui. J’ai même vu plusieurs monts  smiley


      • JC_Lavau JC_Lavau 20 mai 2017 18:38

        @troletbuse. Une escalade généralement agréable.


      • aimable 20 mai 2017 23:04

        @troletbuse
        Rosemar les a certainement observés smiley


      • troletbuse troletbuse 20 mai 2017 18:10

        Pour ceux qui veulent regarder. C’est seulement le matin

        http://www.stelvision.com/carte-ciel/


        • Francis, agnotologue JL 20 mai 2017 18:55

          @troletbuse
           

           Comment ça, seulement le matin ? Votre carte du ciel porte la mention : 20 mai 2017 à 20H TU ?

        • troletbuse troletbuse 20 mai 2017 23:29

          @JL
          A droite tu peux choisir l’heure 22h00-2h00-4h00 6h00- Venus apparaît à l’Est entre 4 et 6h00 du matin à moins qu tu n’empruntes le télescope du rigolo Sarcastelle  smiley.
          De toute façon Vénus est visible à l’oeil nu comme le mont


        • troletbuse troletbuse 20 mai 2017 23:33

          @JL
          Seul le cercle en bleu très foncé est visible. On peut également changer le lieu d’observation


        • Francis, agnotologue JL 21 mai 2017 07:57

          @troletbuse
           

           merci pour la réponse, je n’avais pas fait attention..
           
           Et merci pour le lien, je m’en servirai.
           
          ps. La première fois que j’ai eu un truc comme ça entre les mains c’était il y a très longtemps
           



        • rosemar rosemar 21 mai 2017 21:33

          @troletbuse

          Merci pour cette carte du ciel... c’est le moment d’observer les étoiles.

        • rosemar rosemar 21 mai 2017 21:35

          @troletbuse

          Merci pour le lien et cette carte du ciel...

        • troletbuse troletbuse 21 mai 2017 23:07

          @rosemar
          Mais bon dieu, que faîtes-vous ?. Aujourd’hui, on peut trouver beaucoup de choses sur internet. Il suffit de taper quelques mots parfois sur Google. Naturellement, il ne faut pas aller voir « le monde » ou « libé » ou autres merdias de désinformation. Suffit d’avoir le réflexe et ne pas passer sa journée sur AV.  smiley


        • troletbuse troletbuse 21 mai 2017 23:27

          @troletbuse
          On peut ouvrir une autre fenêtre en même temps. Malheureusement, par cette fenêtre, je ne vois pas de voisine nue avec son mont de Vénus  smiley


        • JC_Lavau JC_Lavau 22 mai 2017 12:13

          @troletbuse. D’autant que la droite Delta, c’est celle qui est en blanc foncé.


        • Bernie 2 Bernie 2 20 mai 2017 18:49

          À défaut de Vénus, le captain sensible se contentera de voir votre lune.


          • JC_Lavau JC_Lavau 20 mai 2017 18:55

            @Bernie 2. Cf. Frédéric Dard :

            « Comment trouves-tu mes fesses ? » demanda langoureusement Angela.
            « Très facilement. D’autant qu’elles sont extrêmement volumineuses. ».
            ...

          • Bernie 2 Bernie 2 20 mai 2017 19:05

            @JC_Lavau

            Excellent !!! Je m’en reservirai si l’occasion se présente.


          • Christian Labrune Christian Labrune 21 mai 2017 22:54

            Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
            Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.

            @Rosemar
            Quel sale cochon, ce Hugo ! J’ai recopié deux lignes qui font frémir d’horreur. La deuxième est un atroce vers de mirliton, comme il s’en trouve beaucoup chez ce faiseur qui paraît croire qu’il suffit d’avoir douze syllabes pour faire un véritable alexandrin. J’ai failli assommer des dizaines d’élèves parce qu’ils avaient été victimes de ces sortes de croyances imbéciles. Et dire que ce truand littéraire est désormais au Panthéon ! Qu’on l’en tire donc au plus vite, et qu’on le jette aux cagnards !


            • rosemar rosemar 21 mai 2017 22:58

              @Christian Labrune

              Vous n’aimez pas ce poème ? un appel à la vie, au bonheur...

            • JC_Lavau JC_Lavau 22 mai 2017 12:07

              @Christian Labrune.

              Numérobis :
              « Que je suis, cher ami, heureux de vous revoir ! »
              Panoramix explique à Astérix et Obélix :
              « C’est un alexandrin ! ».

            • Christian Labrune Christian Labrune 22 mai 2017 15:09

              @rosemar
              Je ne comprends surtout pas ce que c’est qu’un tombeau qui « tressaille » dans ce vers prosaïque et boiteux. Vague allusion, peut-être, à la possibilité d’une résurrection ? Mais c’est qu’on n’y croit plus guère, déjà, et il aurait donc été préférable d’éviter ça. En tout cas, cette incongruité rappelle d’une manière qui n’est pas du tout à son avantage quelques vers admirables des Tragiques de d’Aubigné où on trouve la même idée, mais cette fois génialement formulée.
              D’Aubigné aurait envoyé deux baffes à un pareil apprenti, et il ne les aurait pas volées. Je recopie plus bas ce passage dont on trouve une réminiscence dans Baudelaire (Elévation) :
              "Et comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
               Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
               Avec une indicible et mâle volupté.
               Baudelaire est parfaitement l’égal de l’auteur des Tragiques. Hugo, non.
                      
              D’Aubigné :
              La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux
              Naissent des enterrés les visages nouveaux :
              Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places
              Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.
              Ici les fondements des châteaux rehaussés
              Par les ressuscitants promptement sont percés ;
              Ici un arbre sent des bras de sa racine
              Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ;
              Là l’eau trouble bouillonne, et puis s’éparpillant
              Sent en soi des cheveux et un chef s’éveillant.
              Comme un nageur venant du profond de son plonge,
              Tous sortent de la mort comme l’on sort d’un songe.


            • Christian Labrune Christian Labrune 22 mai 2017 22:46

              « Que je suis, cher ami, heureux de vous revoir ! »

              @JC_Lavau
              C’est un parfait alexandrin, en effet. Tout seul il ne fait pas un poème, mais un seul vers, quelquefois, peut suffire, comme dans « Chantre » de Guillaume Apollinaire, qui glorifie le plus sublime des instruments de musique. Je le recopie entièrement :

              Et l’unique cordeau des trompettes marines

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